Chapitre 23.

Titre
Come si debbiano fuggire gli Adulatori Cap .XXIII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Par quelz moyens'on doibt éviter le venin des flatteurs et des adulateurs. Chapitre XXIII Comment c'est qu'on doit fuir les flateurs Chap. 23. Comme on doit fuir les flateurs. Chapitre XXIII. Comme l'on doibt fuir les flateurs. Chap. 23.



Segment 1
Non voglio lasciar' indrieto un capo importante et un' error' dal' quale e Principi con difficultà si defendono, se non son' prudentissimi o se non hanno buona elettione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veult pas oublier à discourir sur ce point qui est de grand importance et où les princes font de tresgrandz erreurs : desquelz à peine se peuvent ilz sauver s'ilz ne sont merveilleusement saiges et congnoissans à l'élection des hommes. Ie ne veux pas laisser ny oublier une grande faute, et matiere de consequence, de laquelle les Princes d'auiourd'huy ne se peuvent facilement exempter, s'ilz ne sont tressages, et bien avisez a sçavoir choisir les personnes, Ie ne veux point mettre en obly l'un des principaux vices, et erreurs, dont les Princes à peine se peuvent exempter, s'ilz ne sont bien sages, et discretz en leurs affaires : Ie ne veux pas laisser ny oublier une grande faute & matiere d'importance, de laquelle les Princes d'auiourd'huy ne se peuvent facilement exempter, s'ilz ne sont tres-sages & bien avisez à savoir choisir les personnes,



Segment 2
Et questo è quello delli adulatori, de li quali le carti son' piene, perche gli huomini si compiacciono tanto ne le cose lor' proprie, et in modo vi s'ingannano, che con difficultà si defendono da questa peste.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car les hommes se plaisent tant à eulx mesmes, et sont si tresaffectionnez à favoriser leurs choses propres, et en telle sorte y sont aveuglez, qu'à peine se peuvent ilz garder de ceste peste, entre autres les flateurs : de laquelle matiere les livres sont pleins d'exemples. Pource que les hommes se complaisent tant en leurs propres affaires, et se flatent de telle maniere, qu'a grand peine se sauvent ilz de cette peste qui est de prester l'oreille aux flateurs : desquelz les histoires se treuvent presque toutes empeschées, et remplies : parautant que les hommes se complaisent naturellement si fort en ce qui sort d'eux mesmes, et s'en abusent de telle façon, que difficilement se peuvent ilz preserver de ceste peste : entre autres les flateurs : de laquelle matiere les livres sont pleins d'exemples. Pource que les hommes se complaisent tant en leurs propres affaires & se flatent de telle maniere, qu'à grand peine se sauvent ilz de cette peste,



Segment 3
Et a volersene difender' si porta pericolo di non diventar' contennendo. Perche non c'è altro modo a guardarsi da le adulationi, se non che gli huomini intendino che non t'offendono a dirti il vero. Ma quando ciascuno può dirti il vero, ti manca la reverentia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et à s'en vouloir garder il y a danger que l'homme ne devienne vil et contemné. Car il n'y a aultre moyen de se garder des flateries, sinon de faire appertement congnoistre aux hommes qu'ilz n'offensent point le prince à luy dire la vérité, laquelle, si ung chascun peult librement luy déclairer, il deviendra incontinent commun ou vulgaire, et la révérence peu à peu s'admoindrira, en sorte que l'on ne tiendra plus compte de luy. de laquelle si on se veut defendre il en peut avenir un autre danger d'estre estime de peu de cœur. Car il n'y ha point meilleur moien de trancher la broche aux flateurs, sinon qu'on donne entendre aux personnes qu'ils ne feront point de desplaisir en disant la verite : Mais aussi quand un chascun peut dire la verite, l'honneur et reverence qu'on doit porter au Prince faut au besoin. et s'en voulant contregarder, le danger est, qu'ilz se facent mespriser. Car il n'y a autre remede contre les flateurs, si non faire entendre à un chacun, ne t'estre point chose malagreable, si librement l'on te dit la verité. Mais aussi permettant indifferemment, qu'un chacun la te die, tu fais tort à l'honneur, et reverence qui est deuë à ta maiesté. de laquelle si on se veut defendre il en peut avenir un autre danger d'estre estimé de peu de cueur : Car il n'y ha point meilleur moyen de trancher la broche aux flateurs, sinon qu'on donne entendre aux personnes qu'ils ne feront point de desplaisir en disant la verité : Mais aussi quand chacun peut dire la verité, l'honneur & reverence qu'on doit porter au Prince faut au besoin.



Segment 4
Pertanto un' Principe prudente deve tener' un' terzo modo, eleggendo nel' suo stato huomini savij, et solo a quelli deve dar' libero arbitrio a parlargli la verità, et di quelle cose sole che lui domanda et non d'altro, ma deve domandargli d'ogni cosa et udir' l'oppinioni loro, di poi deliberar' da se a suo modo;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy un prince prudent doibt user d'un tiers moyen et eslire en son estat hommes saiges et excellens, ausquelz seulement il doibve donner liberté de luy dire la verité, et des affaires qu'il leur demandera et non daultres. Mais il doibt estre ung grand demandeur, et s'enquérir de leurs advis sur toutes matières, et leurs opinions entendues, délibérer luy mesmes ce qu'il seroit de faire. Doncques un Prince prudent doit tenir un tiers moien, ayant pour son conseil des gens entenduz, ausquels, et non a d'autres, il donnera liberte de luy dire la verite de ce qu'ilz leur demandera seulement : aussi doit il interroguer de tout, et oüir leurs opinions, et puis conclurre la dessus a part soi a sa mode. Pourtant le prudent et vertueux Prince doit chercher une tierce voye, en tenant ordinairement aupres de luy quelque nombre de sages hommes, et de droite conscience, lesquelz auront seulz liberté, et puissance de luy dire franchement ce qui luy touchera, sans luy rien celer de la verité, et specialement des choses, sur quoy il demandera leur advis, et non d'autres : Dont le Prince prudent doibt tenir un tiers moyen, ayant pour son conseil des gens entenduz, ausquelz & non à d'autres, il donnera liberté de luy dire la verité de ce qu'il leur demandera seulement : aussi doibt-il interroger de tout & oüir leurs opinions & puis conclure là dessus a part soy à sa mode.



Segment 5
con questi consigli et con ciascun' di loro portarsi in modo che ognun' conosca che, quanto più liberamente si parlerà, tanto più gli sarà accetto. Fuori di quelli, non voler' udir' alcuno, andar' drieto a la cosa deliberata et esser' ostinato ne le deliberationi sue.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et avec ung chascun d'eulx se porter si familièrement, que daultant plus librement on parlera à luy, dautant on luy fera grand plaisir. Au demourant il ne fault qu'il donne audience à aucun aultre sur son gouvernement, ains qu'il suyve de ferme et obstiné propos les choses que par son conseil auroient esté délibérées et ordonées. aussi doit il interroguer de tout, et oüir leurs opinions, et puis conclurre la dessus a part soi a sa mode. Puis en ses conseils, et envers un chacun particulierement se porter en sorte, qu'il n'y ait celuy qu'il ne connoisse, que tant plus librement on parlera plus luy sera agreable : outre ceux la n'ouir autre personne, poursuyvre tousiours ce qu'il aura delibere, et estre entier en ces meures deliberations. et après en avoir entendu leur opinion, deliberer au reste à par soy sur l'election de leur conseil, se gouvernant de telle sorte en leur endroit, qu'un chacun d'eux congnoisse, que tant plus lon parle hardiment avecques luy sur quelque fait proposé, et meilleur il le treuve. Il defendra ne luy estre aucunement parlé, d'autres choses s'il ne leur entame premierement le propos. Au surplus se formalisera et obstinera pour l'execution de ce qu'il aura une fois resolu, et arresté. Puis en ses conseils, & envers un chacun particulierement se porter en sorte, qu'il n'y ait celuy qu'il ne connoisse, que tant plus librement on parlera plus luy sera agreable : outre ceux là n'ouïr autre personne, poursuivre tousiours ce qu'il aura deliberé & estre entier en ses meures deliberations.



Segment 6
Chi fa altrimenti, o precipita per li adulatori o si muta spesso per la variation' de pareri, di che nasce la poca estimation' sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Celluy qui faict aultrement ou il tumbe en ruyne par croyre trop aux flatteurs, ou change souvent de pensée et est variable en ses affaires, qui le faict mespriser et désestimer du monde. Qui faict autrement ou bien il est abatu par les flateurs, ou bien il est variable, pour la diversite des iugemens des hommes, d'ou vient le peu d'estime qu'on a de luy. Qui en fera autrement sera tout esbahy que les flateurs luy feront user le plus souvent de precipitation en ses affaires, ou bien pour la diversité des advis, changera à tous les coups d'entreprise : ce qui luy acquerra à la longue bien peu d'estime. Qui fait autrement, ou bien il est abbatu par les flateurs, ou bien il est variable, pour la diversité des iugemens des hommes, d'où vient le peu d'estime qu'on ha de luy.



Segment 7
Io voglio a questo proposito addurre un' essempio moderno. Pre Luca, huomo di Massimiliano presente Imperadore, parlando di sua maiestà disse come non si consigliava con persona et non faceva mai d'alcuna cosa a suo modo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour exemple de cecy, Messire Luc chappellain de Maximilien, présent empereur, parlant de sa majesté me disoit quelque foys qu'il ne se conseilloit jamais avec personne d'aucune chose qu'il voulsist faire et touteffois qu'il ne mettoit jamais en effect aucune délibération à sa fantasie. A ce propoz ie veux amener un exemple de nostre temps. Messire Luc l'un des gens de Maximilian Empereur d'a present parlant de sa maieste disoit, qu'elle ne se conseilloit a personne, et toutesfois ne faisoit rien eu sa fantasie, Ie veux a ce propos amener un exemple nouveau de Messire Pierre Luc serviteur de l'Empereur Maximilian, lequel parlant de son maistre, disoit qu'il ne se conseilloit à peronne, et que toutesfois il ne faisoit iamais rien de luymesmes. A ce propos ie veux amener un exemple de notre temps. Messire Luc l'un des gens de Maximilian Empereur à present regnant parlant de sa maiesté disoit, qu'elle ne se conseilloit à personne, toutefois ne faisoit rien de sa fantaisie,



Segment 8
Il che nasceva da tener' contrario termine al sopradetto, perche l' Imperador' è huomo segreto, non comunica li suoi secreti con persona, non ne piglia parer' ma come nel' mettergli àd efetto s'incominciano a conoscer' et scoprir', gl' incominciano ad esser' contradetti da coloro che gli ha d'intorno, et quello come facile se ne stoglie. Di qui nasce che quelle cose che fa l'un' giorno, distrugge l'altro, et che non s' intenda mai quel che vogli o disegni fare, et che sopra le sue deliberationi non si può fondare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ce qui provient à cause qu'il ne se gouverne point ainsy comme j'ay dict que doibt faire un prudent prince. Car l'empereur est homme secret et ne communicque ses secretz à homme du monde, ains aussy tost que ses fantasies commencent à estre congnues et descouvertes par ce qu'il les veult mettre en effect, ceulx qui sont à l'entour de luy contredisent à son opinion tellement que comme facile et humain ilz le font divertir de son propos. Dont pareillement il advient que ce qu'il bastit en ung jour, il destruict en l'autre, et l'on n'entend jamais ce qu'il entreprend de faire, et sur ces délibérations il est si variable que l'on ne peult y mectre aucun fondement. ce qui procede pource qu'il ne se gouverne autrement que nous n'avons declare pource que l'Empereur estoit un homme fort secret, ne communiquant ses opinions a personne, et ne prenant l'avis de nul : mais ainsi comme il les vouloit mettre en effect, on commençoit a les connoistre et decouvrir : lors ceux qu'il avoit a lentour de luy contredesoient, et luy comme trop doux s'en deportoit. De la venoit que ce qui faisoit un iour il le defaisoit l'autre, et qu'on ne pouvoit entendre ce qu'il avoit delibere de faire, et que l'on ne se pouvoit fonder sur son conseil. aussi doit il interroguer de tout, et oüir leurs opinions, et puis conclurre la dessus a part soi a sa mode. Ce qui procedoit de faire tout au contraire à ce que dessus, parce que cest Empereur estoit Prince fort secret, ne communicant de ses affaires à homme vivant, n'y n'en demandant aucun conseil : mais comme lon venoit a congnoistre sa phantaisie, lors qu'il la vouloit mettre à effet, ceux qu'il avoit aupres de luy prevoyans ses desseings commençoient à l'en dissuader, et divertir à l'appetit desquelz il se destournoit, et racoustroit le plus souvent ce qu'il avoit pourpensé. De là naissoit que l'entreprise d'un iour estoit rompue à l'autre, et que lon ne pouvoit iamais entendre de ses secrettes volontez : si bien qu'on ne sçavoit quelz fondemens prendre sur telles deliberations. ce qui procede de ce qu'il ne se gouverne autrement que nous n'avons declaré pource que l'Empereur estoit fort secret, ne communiquant ses opinions à personne & ne prenant l'avis de nul : mais ainsi comme il les vouloit mettre en effet, on commençoit à les connoistre & descouvrir : lors ceux qu'il avoit à l'entour de luy contredisoyent & luy comme trop doux s'en deportoit. De là venoit que ce qu'il faisoit un iour il le defaisoit l'autre, & qu'on ne pouoit entendre ce qu'il avoit deliberé de faire & que l'on ne se pouvoit fonder sur son conseil.



Segment 9
Un' Principe per tanto debbe consigliarsi sempre, ma quando lui vuole et non quando altri vuole: anzi debbe torre l'animo a ciascuno di consigliarlo d'alcuna cosa, se non gl'ene domanda; ma lui deve ben' esser' largo domandatore et di poi, circa le cose domandate, patiente auditor' del' vero, anzi intendendo che alcuno per qualche respetto non gl'ene dica, turbarsene.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy ung prince doibt demander conseil de tout, et faire ceste délibération quand il luy plaira, non pas au plaisir daultruy, ains fault qu'il oste la hardiesse à ung chascun de le conseiller d'aucune chose s'il ne le requiert, touttefoys, comme dict est, qu'il soit grand demandeur et patient auditeur de leurs opinions et qu'il se monstre couroussé contre ceulx qui auroient pæur ou honte de luy dire la vérité. Par tant un Prince se doit tousiours conseiller, et demander l'avis a plusieurs quand il luy semblera bon, et non pas au gre des autres, ains plustost il doit renvoier le conseil de celuy qui s'ingere de le conseiller s'il ne luy demande. Aussi doit il estre de son coste grand demandeur, et s'enquerir souvent, et de plusieurs, puis ouir paciemment la verite touchant ce qu'il interrogue, et s'il sçait que quelcun pour certain respect ne luy en dise pas ce qu'il en pense, s'en facher. Au moyen dequoy un seigneur se doit tousiours conseiller, mais c'est à son heure, et non à celle d'autruy : ains faut qu'il face et compose ses gens à ce point, de ne luy donner iamais conseil, s'il ne le demande. Aussi est il requis qu'il ne soit iamais chiche a le demander : et en demandant les advis, s'accommodera de patientement entendre la response, et remonstrance du vray, et trouver mauvais si quelqu'un dissimule la verité pour crainte, ou autre consideration qu'il aye. Partant un Prince se doit tousiours conseiller & demander l'avis à plusieurs quand il luy semblera bon nompas au gré des autres, ains plustost doit renvoier le conseil de celuy qui s'ingere de le conseiller s'il ne luy demande. Aussi doibt-il estre de son costé grand demandeur & s'enquerir souvent, & de plusieurs, puis ouïr paciemment la verité touchant ce qu'il interrogue, & qu'il sçait que quelqu'un pour certain respect ne luy en die pas ce qu'il en pense, s'en facher.



Segment 10
Et perche alcuni stimano che alcun' Principe, il quale da di se oppinione di prudente, sia così tenuto non per sua natura ma per li buoni consigli che lui ha d'intorno, senza dubbio s'ingannano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et acause que plusieurs hommes estiment qu'ung certain prince aujourdhuy vivant qui a réputation d'estre prudent soit ainsy estimé, non pas pour la bonté de sa nature, mais pour le bon conseil qu'il a entour luy, je veulx monstrer qu'en cela ilz s'abusent. Et d'autant qu'aucuns estiment qu'il y a des Princes lesquelz ont bruict d'estre sages, non pas qu'ilz soient telz de leur nature, mais par les bons cerveaux qu'ilz ont au tour d'eux, pour certain quilz se trompent bien fort : Et ceux qui estiment le Prince, lequel a le bruit de sage, estre plus reputé tel à l'occasion de son bon conseil, ou il croit, que de sa propre nature, s'abusent grandement. Et d'autant qu'aucuns estiment qu'il y a des Princes lesquelz ont bruit d'estre sages, non pas qu'ilz soyent telz de leur nature, mais par les bons cerveaux qu'ilz ont autour d'eux, pour certain qu'ilz se trompent bien fort :



Segment 11
Perche questa non falla mai et è regola generale che un' Principe, il quale non sia savio per se stesso, non può esser' consigliato bene, se già a sorte non si rimettesse in un' solo che al tutto lo governasse, che fussi huomo prudentissimo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car c'est une reigle générallement vraye qui n'a aucune exception : qu'ung prince qui de soy n'est saige et prudent ne peult estre bien conseillé. Si par fortune il ne trouvoit ung seul homme qui fust tresprudent et excellent en tout, auquel il se peult remettre et totallement se laisser gouverner par luy, car ceste regle ci generale ne faut iamais, qu'un Prince s'il n'est sage de soy mesmes ne sçauroit estre bien conseille, si d'avanture il ne se repose et remet entierement sur un seul qui le gouverne du tout, et que celuy la soit homme fort avise : Car cest une regle generale, qui ne souffre point d'exception que le Prince non sage de luy mesmes, ne peut estre bien conseillé : si de fortune il ne se remetoit du tout à quelque sçavant et experimenté personnage, qui eust l'administration totalle de ses affaires. car ceste regle cy generale ne faut iamais, qu'un Prince s'il n'est sage de soy-mesmes ne sauroit estre bien conseillé, si d'aventure il ne se repose & remet entierement sur un seul qui le gouverne du tout & que celuy là soit homme fort avisé :



Segment 12
In questo caso potrà bene esser' ben' governato, ma durerebbe poco perche quello governatore in breve tempo gli torrebbe lo stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
je ne diz pas qu'en ceste manière il ne peult estre bien conseillé et gouverné. Touttefois cela ne pourroit longuement durer : car ce gouverneur là en peu de temps le priveroit de son estat. en ce cas il pourroit estre bien conseille, mais il seroit de petite duree, pource que tel gouverneur en peu de temps le depouilleroit de ses estatz. En ce cas pourroit advenir qu'il seroit bien gouverné : mais ce n'est pas le plus expedient, parce qu'un tel gouverneur est volontiers en danger de luy tollir son estat. en ce cas il pourroit estre bien conseillé, mais il seroit de petite durée, pource que tel gouverneur en peu de temps le depouilleroit de ses estatz.



Segment 13
Ma consigliandosi con più d'uno, uno Principe che non sia savio non harà mai uniti consigli ne sapra per se stesso unirli; de i consiglieri ciascuno penserà alla proprietà sua, et egli non saprà ne corregger' ne conoscere; et non si possono trovare altrimenti, perche gli huomini sempre ti riusciranno tristi, se da una necessità non son' fatti buoni.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si ces conseillers estoient beaucoup et tous saiges pour leur part, le prince qui se conseilleroit à eulx, et qui de soy ne fust saige, ne seroit jamais bien conseillé. Car d'un costé iceulx ne s'accorderont jamais en leurs advis, et de l'autre le prince ne les pourra accorder et ne pourra sur cela se resouldre. Car chascun des conseillers pensera à son propre et taschera de mectre en avant les choses à luy prouffitables : car à la vérité il n'est possible d'en trouver qui soient bons en tout et par tout, ains de jour en jour ilz empirent, si par quelque nécessité extraordinaire ils ne s'amendent, et le prince ignorant ne les pourra ny corriger ny congnoistre. D'autre part s'il prent le conseil de plusieurs, iamais il ne les trouvera d'un mesme acord, et luy, s'il n'est de tresbon iugement, ne les pourra bien acorder : puis de ses conseillers un chacun pensera a son profit particulier, et luy ne les pourra corriger ny connoistre. Or n'en trouve lon point d'autres auiourd'hui, car les hommes decouvrent a la fin leur mechancete, si necessairement ilz ne sont contraints d'estre bons. Or si le Prince imprudent se conseille a plusieurs, faut qu'il face son compte d'avoir tousiours conseilz, et opinions discordantes, lesquelles de luy mesmes il ne pourroit reduire, ne reünir : et quant aux conseillers, ie vous laisse à penser, si chacun d'eux taschera à ses fins, et particulier profit : A quoy il ne sçauroit donner remede, ne les corriger, ne congnoistre. Et d'en trouver, qui soient autres, il n'est possible : parautant que tu feras en tous les hommes quelque preuve de mauvaistié, s'ilz ne sont pas une necessité contraintz d'estre bons et entiers. D'autre part s'il prent le conseil de plusieurs, iamais il ne les trouvera d'un mesme accord, & luy, s'il n'est de tres-bon iugement, ne les pourra bien accorder : puis de ses conseillers chacun pensera à son proufit particulier, & luy ne les pourra corriger ne connoistre. Or n'en trouve l'on point d'autres aujourd'huy, car les hommes decouvrent à la fin leur mechanceté, si necessairement ilz ne sont contraints d'estre bons.



Segment 14
Però si conchiude che li buoni consigli, da qualunche venghino, conviene naschino dalla prudentia del' Principe et non la prudentia del Principe da buoni consigli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je concludz que tous les bons conseilz, de quelque part qu'ilz procèdent, naissent de la prudence du prince, et que la prudence du prince ne procède aucunement des bons conseilz. Somme ie conclu que le bon conseil, soit de qui on voudra, vient de la prudence du Prince, et non pas au contraire le sage gouvernement d'un Prince du bon avis de ses gens. Parquoy ie concluray que le bon conseil, de quelque part qu'il vienne, faut qu'il procede de la prudence d'un Prince, et non point que la prudence du Prince naisse du bon conseil. Somme ie conclu que le bon conseil, soit de qui on voudra, vient de la prudence du Prince, & non pas au contraire le sage gouvernement d'un Prince du bon avis de ses gens.