Chapitre 14.

Titre
Quello che al' principe si appartenga circa la Militia Cap .XIIII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Du debvoir et office d'un prince touchant le faict de la guerre. Chapitre XIV L'office d'un Prince au faict de la guerre. Chap. 14. Comme il faut qu'un Prince se gouverne au fait et maniment de la guerre. Chapitre XIIII. De ce qui concerne le Prince touchant le fait de la guerre. Chap. 14.



Segment 1
Deve adunque un' Principe non haver' altro oggetto, ne altro pensiero, ne prender' cosa alcuna per sua arte, fuora della guerra et ordini et disciplina di essa, perche quella è sola arte che si aspetta a chi comanda, et è di tanta virtù che non solo mantiene quelli che son' nati Principi, ma molte volte fa gli huomini di privata fortuna salir' a quel' grado.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour raison de tout ce que dessus il est manifeste qu'ung prince ne doibt avoir aultre obiect, ny autre pensée ou fin, ni prendre aucune chose pour son art et possession que la guerre, et les ordres et dicipline dicelle. Car c'est proprement le mestier de celuy qui veult commander, lequel est de telle vertu et puissance, que non seulement il maintient en estat ceulx qui dès leur naissance sont princes, mais bien souvent faict monter à celle dignité ceulx qui sont de basse condition. Un Prince donc ne doit avoir autre but ne prendre autre matiere a cœur, que le faict de la guerre, et la discipline militaire. Car c'est la seule science qui touche ceux qui commandent, aiant si grand puissance que non pas seulement elle maintient ceux qui de race sont Princes, mais bien souvent de simple fortune les faict sauter a ce degre : Un Prince ne doit avoir autre obiet, ne pensement, ne s'appliquer à aucune vacation hors mis la guerre, et les regles, et discipline d'icelle : parautant que c'est la seulle science appartenant à celuy, qui commande : et est de telle vigueur, qu'elle ne maintient seulement en leur estat ceux, qui sont nez Princes, mais les fait aussi monter de qualité privée à ce souverain degré. Un Prince donc ne doit avoir autre but, ne prendre autre matiere à cueur, que le fait de la guerre & la discipline militaire. Car c'est la seule science qui appartient à ceux qui commandent, ayant si grand puissance que non seulement elle maintient ceux qui de race sont Princes, mais bien souvent de simple fortune les fait monter à ce degré :



Segment 2
Et per contrario si vede che, quando i Principi hanno pensato più a le delicateze che a l' armi, hanno perso lo stato loro, et la prima cagion' che ti fà perdere quello è il disprezar' questa arte, et la cagion' che te lo fà acquistar' è l' esser' professo di questa arte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et l'on veoit communément que si ung prince pense plus à ses plaisirs qu'aux armes, il pert en un instant son estat. Et la première cause de la perte, ne consiste sinon au desprisement de l'art de la guerre, comme aussy la cause des conquestes, est faire profession dicelle. au contraire on voit que quand les Princes se sont plus adonnez aux voluptez, qu'aux armes, ilz ont perdu leurs estatz. Or la principalle chose qui les peut faire perdre c'est ne tenir conte de ceste science, et la cause qui t'en fera gaigner d'autres, c'est d'en faire mestier. Et se voit au contraire, que quand les Princes se sont plus amusez à leurs delices, et voluptez qu'au fait des armes, ilz n'ont sceu longuement garder le leur. Car la premiere raison qui leur peut faire perdre, ou acquerir, est despriser cest art, ou en faire profession. au contraire on void que quand les Princes se sont plus adonnez aux voluptez qu'aux armes, ils ont perdu leurs estatz. Or la principale chose qui les peut faire perdre, c'est ne tenir conte de cette science, & la cause qui en fera gaigner d'autres, c'est d'en faire mestier.



Segment 3
Francesco Sforza, per esser' armato, diventò di privato Duca di Milano; e figli, per fuggir' le fatiche et disagi de l'armi, di Duchi diventorno privati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Francois Sforce pour raison qu'il estoit armé, d'homme privé se feict duc de Milan, et au contraire ses filz pour éviter les peines et fascheries de la guerre, de ducz sont devenuz pauvres et sans estat. François Sforce pour estre vaillant, de simple soldart, il devint Duc de Milan, et ses enfans pour eviter la fascherie et travail des armes de grans seigneurs et Ducz sont devenuz simples gentilz hommes. Francisque Sforze par la seulle suitte des armes, d'homme privé se feit Duc de Milan : Et ses enfans qui ont fuy le travail, et ennuy de la guerre, de ducs se sont rendus personnes privées. François Sforce par sa vaillance de simple soldat devint Duc de Milan, & ses enfans pour eviter la peine & travail des armes, de grans seigneurs & Ducz sont revenuz à simples gentilz-hommes.



Segment 4
Perche, intra l' altre cagioni di male che t'arreca l'esser' disarmato, ti fà contennendo. La qual' è una di quelle infamie delle quali il Principe si debba guardare come disotto si dirà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car oultre les aultres incommoditez et encombres que l'estre desarmé meine avec soy, cela rend homme vile et desprisé, qui est ung des plus grandz diffames, qu'ung Prince puisse encourir, et dont il se doibt bien garder comme cy après nous dirons. Car entre les autres maux qui aviennent pour n'estre pas aguerri, c'est un depris de la personne, ce qui est une des grandes infamies de laquelle un Prince se deveroit garder, comme ie diray par apres. Car entre les autres maux, et inconveniens, qui t'adviennent pour estre desaguerry, faut compter que tu te rens desprisable à un chacun, qui est une des choses, dont le Prince se doit plus soigneusement garder (comme nous dirons cy apres.) Aussi entre les autres maux qui aviennent pour n'estre pas aguerry, c'est un mépris de la personne, ce qui est une des grandes infamies de laquelle un Prince se devroit garder, comme ie diray cy aprez,



Segment 5
Perche da uno armato a un' disarmato non è proportion' alcuna, et la ragion' non vuole che chi è armato obedisca volentieri a chi è disarmato et che il disarmato stia securo intra i servitori armati. Perche, essendo ne l'uno sdegno et ne l'altro sospetto, non è possibile operino bene insieme.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car d'un armé à un desarmé il n'y a aucune proportion, et n'est raisonnable qu'ung homme desarmé obéisse de son bon gré à ung desarmé et qu'ung homme desarmé soit asseuré entre les serviteurs armez. Car il y a en l'un du desdaing, en l'autre de la souspeçon et de la crainte, tellement qu'il n'est possible qu'ilz se supportent l'un l'autre. D'autant que d'un homme qui est puissant et fort en armes a un qui ne l'est point il n'y a nulle comparaison. Et la raison ne veut pas qu'un bien arme obeisse a celuy qui est desarme, ny qu'un homme nud puisse estre seurement entre ses serviteurs armez. Car aiant d'un coste le dedain, et de l'autre le souspeçon, il n'est possible qu'ilz s'accordent ensemble. Parautant qu'il n'y a aucune comparaison du desaguerry a l'aguerry : la raison ne permettant point que le vaillant homme obeïsse volontiers à l'effeminé, ne que un Prince coyon vive en seureté entre subietz duitz a la guerre : consideré qu'ayant contemnement d'une part, et souspeçon de l'autre, il n'est possible qu'ilz façent rien de bon mesnage ensemble. d'autant que de l'homme puissant & preux aux armes à un qui ne l'est point, il n'y a nulle comparaison. Et la raison ne veut pas qu'un bien armé obeisse à celuy qui est desarmé, ny qu'un homme nu puisse estre surement entre ses serviteurs armez. Car ayant d'un costé le dedain, & de l'autre le souspeçon : il n'est possible qu'ils s'accordent ensemble.



Segment 6
Et però un' Principe che de la militia non s'intende, oltre a l' altre infelicità, come è detto, non può esser' stimato da suoi soldati ne fidarsi di loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour ceste cause ung prince qui ne s'entend du faict de guerre oultre les aultres malheurtez qui lui adviennent, ne peult estre honoré ny prisé ny fidèlement servy de ses souldardz. Pour ce un Prince qui ne s'entend point au faict de la guerre, outre les autres malheuretes que i'ay desia dictes, iamais ne sera fort estime de ses soldars, ny se pourra fier en eux. Et parainsi un Prince non entendu en matiere des armes, outre infinies autres malheuretez, ne peut estre estimé de ses gens, ne se fier aucunement en eux. Parquoy le Prince qui ne s'entend point au fait de la guerre, outre les autres inconveniens que i'ay desia ditz, iamais ne sera fort estimé de ses soldats ne se pourra fier en eux.



Segment 7
Non deve per tanto mai levar' il pensier' da questo esercitio della guerra; et nella pace vi si deve più esercitare che nella guerra, il che può far' in doi modi: l'uno con l'opere; l'altro con la mente.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il ne doibt jamais penser en autre chose qu'à l'exercice de guerre, mesme en temps de paix, il s'y doibt plus exerciter qu'à la guerre. Laquelle chose il peult faire en deux sortes, l'une par oeuvres l'aultre par exercice de l'entendement. Doncques il ne doit iamais oster sa fantasie de cet exercice de la guerre, et s'y doit plus exerciter en temps de pais, que nonpas durant la guerre mesmes. Ce qu'il peut faire en deux sortes, l'un avec l'effect, l'autre avec l'esprit. Au moyen dequoy il ne doit iamais divertir son entendement de ceste science, ains s'y exerciter presque plus en temps de paix, que de guerre : ce qui se peut faire en deux manieres, l'une, avec l'operation corporelle, et l'autre, par l'exercice de l'esprit. Donques il ne doibt iamais oster son intention de l'exercice de la guerre, & s'y doibt plus exerciter en temps de paix, que durant la guerre mesme. Ce qu'il peut faire en deux sortes, l'un avec effect, l'autre avec l'esperit.



Segment 8
Et quanto a l'opere, deve, oltre al' tener' bene ordinati et esercitati li suoi, star' sempre insù le caccie et mediante quelle assuefar' il corpo a disagi, et parte imparar' la naturà de siti et conoscer' come surgono i monti, come imboccon' le valli, come iacciano i piani, et intender' la natura de fiumi et delle paludi; et in questo porre grandissima cura.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quand aux oeuvres oultres les bons ordres et exercices, esquelz il doibt tenir ses gens occupez, il se doibt adonner aux chasses, et par tel exercice accoustumer son corps à endurer les malaises, et en partie aprendre la nature des pays, et congnoistre la haulteur, le saillir des montaignes, l'emboucher des vallées, l'estendue des pleines, et entendre la nature des fleuves et maraiz, et à la congnoissance de toutes ces choses user grande diligence. Quand est des œuvres, outre ce qu'il doit tenir ses gens en bonne discipline et exercice, faut qu'il soit tousiours a la chasse, et par ce moyen aguerrir son corps, et l'endurcir au peines, apprendre aussi la nature et l'assiete des lieux, et congnoistre comment s'eslevent les montaignes, comment les vallees pendent, comment les campaignes sont couchees, sçavoir la nature des rivieres et des marecages, et en cela mettre un grand soing. Or quant aux actions du corps est convenable, qu'outre ce qu'il tiendra ses ordonnances en bon ordre, et continuelle exercitation, il suyve tous les iours la chasse, et venerie : moyennant laquelle il s'endurcira au travail, et apprendra semblablement les situations des païs, pour congnoistre l'élevation des montagnes, l'embouchement des valées, l'estandue des plaines, la natures des fleuves, et marescages, dont il se enquerra par grande curiosité. Quant est des euvres, outre ce qu'il doibt tenir ses gens en bonne discipline, convient qu'il hante la chasse, & par ce moyen aguerrisse son corps & l'endurcisse à la peine, appregne aussi la nature & l'assiete des lieus, & à connoistre comme s'elevent les montaignes, comme les vallées pendent, comme les campaignes sont estendues, à savoir la nature des rivieres & des marecages, & en cela mettre un grand soing.



Segment 9
La qual' cognition' è utile in doi modi: prima, s'impara a conoscer' el suo paese et può meglio intender' le difese d' esso; di poi, mediante la cognitione et pratica di quelli siti, con facilità comprende un'altro sito che di nuovo gli sia necessario speculare, perche li poggi, le valli, et piani, et fiumi, et paludi che son', per modo di dire, in Toscana hanno con quelli de l' altre provincie certa similitudine, tal' che da la cognitione del' sito d'una provincia si puo facilmente venire alla cognitione de l'altre.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La science de ces choses est prouffitable en deux sortes : car premièrement l'on apprend à congnoistre son pays et à mieulx entendre les défenses et lieux fortz dicelluy, et en après par le moyen de telle congnoissance et pratique des situations, l'on peult aiseement comprendre la nature d'un aultre, sur lequel il faille penser. Pource que les coupletz des montaignes, les vallées, pleines, fleuves et maraiz qui sont par manière de parler en Toscane, ont avec ceulx des aultres pays une certaine ressemblance, tellement que par la congnoissance d'un pays, on peult facillement venir à la congnoissance d'ung autre. Ce qui est prouffitable en deux sortes : premierement on apprent a congnoistre son païs, & peut on mieux sçavoir comment il le faut deffendre. Par mesme moyen aiant bien la pratique de ce païsage, il comprendra facilement la situation d'un autre lieu qui luy sera quelque fois necessaire a considerer. Car les vallees, campaignes, et rivieres qui sont (prenez le cas) en la Tuscane, ont quelque ressemblance et certaine affinite avec celles des autres provinces, tellement que la congnoissance du proiet d'un païs faict grand bien a la prattique d'un autre. Et est ceste congnoissance profitable en deux sortes : car premierement lon vient a entendre par là les assiettes de son païs, et consequemment à mieux congnoistre par ou il faut defendre. Et ayant bien compris la situation d'une contrée, lon peut facillement apres concevoir celle de une autre, qu'on aura besoing de descouvrir. Les terres, valées, plaines, rivieres, et marestz de la Toscane ont une certaine resemblance et proportion, à ceux des autres provinces : tellement que la pratique, et intelligence de une region, donne plus aisée conception des autres. Ce qui est proufitable en deux sortes : premierement on apprend à connoistre son païs, & peut on mieux savoir comme il le faut defendre. Par mesme moyen ayant bien la pratique du païsage, il comprendra facilement la situation d'un autre lieu qui luy sera quelque fois necessaire à considerer. Car les vallées, campaignes & rivieres qui sont (prenez le cas) en la Tuscane, ont quelque ressemblance & certaine affinité avec celles des autres provinces, tellement que la connoissance du projet d'un païs fait grand bien à la pratique d'un autre.



Segment 10
Et quel' Principe che manca di questa peritia, manca de la prima parte che vuol' haver' un' Capitano. Perche questa insegna trovar' il nimico, pigliar' gli allogiamenti, condurr' gli eserciti, ordinare le giornate, campeggiar' le terre con tuo vantaggio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ung prince qui n'a ceste expérience des pays, est privé de la première vertu qui doibt avoir un capitaine. Laquelle luy enseigne trouver l'ennemy, prendre logis, conduyre les armées, ordonner une journée de bataille, assiéger les villes à son advantage. De maniere que si le Prince deffaut en ceste partie, il n'a pas la premiere et principale vertu que doit avoir un bon Capitaine. Car c'est elle qui enseigne a trouver l'ennemi, se camper et conduire un ost, arrenger les bataillons pour la iournee, prendre l'avantage au siege d'une ville. Et celuy qui sera defaillant de ce sçavoir, ha defaut de la plus importante astuce, qu'un Capitaine doive point avoir, parce qu'elle t'enseigne a trouver ton ennemy, assoir ton camp comme il faut, conduire les armées, ordonner les batailles, et assieger les villes a ton advantage. De maniere que si le Prince defaut en cette partie, il n'a pas la premiere & principale vertu que doit avoir un bon Capitaine. Car c'est elle qui enseigne à trouver l'ennemy, se camper, & conduire un ost, arrenger les bataillons pour la iournée, prendre l'avantage au siege d'une ville.



Segment 11
Philopomene Principe delli Achei, intra l'altre laudi che da li scrittori li son' date, è che ne' tempi de la pace non pensava mai se non a modi de la guerra, et quando era in campagna con gli amici, spesso si fermava et ragionava con quelli:
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Philopæmènes prince des Achées, comme les autheurs en le louant l'escripvent, en temps de paix ne pensoit jamais sinon aux tours de la guerre, et estant parmy les champs avec ses amyz s'arrestoit souvent et dévisoit avec eulx disant : Entre les louenges que les autheurs attribuent a Philopœmene Prince des Achees, cela estoit en luy que durant la paix il ne s'estudioit d'autre chose sinon qu'aux moyens pour mieux mener la guerre. Et quand il estoit aux champs avec ses amis il s'arrestoit souvent et devisoit avec eux de semblables propos : Entre les louanges que les historiographes ont attribuées à Philopoemenes prince des Achées, ilz disent qu'en saison de paix, tout son pensement n'estoit que au fait de la guerre : et quelquefois, en chevauchant par la campagne, accompagné de ses familiers il s'arrestoit le plus souvent tout court, et devisoit un long temps avecques eux en telz termes : Entre les loüenges que les auteurs attribuent à Philopemene Prince des Achées, il havoit en luy que durant la paix il ne s'estudioit à autre chose qu'aux moyens de bien mener la guerre. Et quand il estoit aux champs avec ses amis il s'arrestoit souvent & devisoit avec eux de semblables propos :



Segment 12
se gli nimici fusseno in quel' colle et noi ci trovassimo qui, col' nostro esercito, chi di noi harebbe vantaggio? come sicuramente si potrebbe ire a trovargli, servando gli ordini? Se noi volessimo ritirarci, come haremmo a fare? Se loro si ritirasserno, come haremmo a seguirli?
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
« Si nos ennemyz estoient sur celle montaigne, et nous icy avec nos armées, qui auroit du meilleur ? Comment les pourroit on assaillir en gardant l'ordonnance ? S'il nous falloit retirer, comment le fauldroit -il faire ? Et si noz ennemyz se retiroient, comment les fauldroit-il suyvre ? ». comme, si les ennemis estoient en ceste montaigne et nous nous trouvissions icy avec nostre camp qui auroit l'avantage, comme y pourroit on aller pour les trouver marchant en bataille ? si nous nous voulions retirer, comment deverions nous faire ? s'ilz se retiroient comment aurions nous a les suyvre ? Si les ennemis estioent campez sur ceste montagne, et que nous les trouvassions icy avec nostre armée, lesquelz de nous, et d'eux seroient les plus advantagez ? comme les pourrions nous aller ioindre gardans bien nos rancz ? Si nous voulions retirer comme faudroit il faire ? S'ilz se retiroient, comme les suyvrions nous ? comme si les ennemis estoient en cette montaigne & nous trouvissions icy avec notre camp qui auroit l'avantage, comme y pourroit on aller pour les trouver marchant en bataille ? si nous nous voulions retirer, comment devrions nous faire ? s'ils se retiroient comme aurions nous à les suivre ?



Segment 13
Et preponeva loro, andando, tutti i casi che in uno esercito possono occorrere, intendeva l' oppinion' loro, diceva la sua, corroboravala con le ragioni, tal' che per queste continue cogitationi non poteva mai, guidando li eserciti, nascer' accidente alcuno che egli non vi havessi el remedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et par telz deviz leur proposoit en cheminant tous les accidentz qui peuvent survenir à une armée, il entendoit leur opinion, il exposoit la sienne et par raisons la confermoit, tellement qu'en ayant continué longuement semblables pensées, il ne pouvoit estre surpris d'aucun accident en guydant son armée auquel il n'eust appareillé le remède. et leur proposoit au chemin tous les accidens qui peuvent advenir en un camp : il escoutoit leur opinions, il disoit la sienne, la confirmant par raisons : si bien que par ces continuelles disputes et pensees il ne luy pouvoit iamais, en guidant une armee, avenir quelque empeschement auquel il n'y trouvast remede. Et leur mettoit devant les yeux en chevauchant tous les occurrens, qui peuvent advenir à un exercite : demandoit leur opinion, et donnoit la sienne, avec allegation de ses raisons, si bien que par ceste continuelle cogitation, il ne luy pouvoit, en guydant une armée, survenir empeschement, auquel il ne fournist de prompt remede. & leur proposoit en chemin tous les accidens qui peuvent avenir en un camp : il escoutoit leurs opinions, il disoit la sienne, la confermant par raisons : si bien que par ces continuelles disputes & pensées, il ne luy pouoit iamais, en guidant une armée, avenir empeschement ou destourbier auquel il ne trouvast remede.



Segment 14
Ma quanto al' esercitio de la mente, deve il Principe legger' le historie et in quelle considerar' l' attioni de gli huomini eccellenti, veder' come si son' governati nelle guerre, esaminar' le cagioni de la vittoria et perdità loro, per poter' queste fuggir', quelle imitar'; et sopra tutto far' come ha fatto per lo adrieto qualche huomo eccellente che ha preso ad imitar' se alcuno è stato inanzi a lui lodato et glorioso et di quello ha tenuto sempre i gesti et attioni appresso di se: come si dice ch' Alessandro Magno imitava Achille; Cesare, Alessandro; Scipione, Cyro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quand à l'exercice de l'esprit le prince doibt lire beaucoup d'hystoires, et en icelles discourir sur les gestes des hommes excellentz, veoir comment il se sont gouvernez es guerres, et examiner les causes des victoires ou pertes, pour pouvoir fuyr les ungs et imiter les autres. Et sur toutes choses entreprendre de suyvre la vie de quelque homme excellent, qui ait esté en grande réputation et louenge par tout le monde, et en tenir sur soy les faictz et gestes : comme l'on dict qu'Alexandre le Grand ensuyvoit Achille, et César Alexandre, et Scypion Cyrus. Quant a l'exercice de l'esprit, un Prince doit lire les histoires, et la dessus considerer les actions des singuliers personnages, veoir comme ilz se sont gouvernez aux guerres, examiner les causes de leur victoire ou defaite, pour fuir les unes et suyvre les autres, et sur toutes choses il doit faire comme quelque excellent du temps passe qui se proposoit d'ensuivre quelque grand homme fort renomme devant luy, aiant tousiours sa vie et croniques aupres de luy, comme on dict qu'Alexandre le grand ensuyvoit Achille : Cæsar, Alexandre, Scipion, Cyre : Au regard de l'exercice spirituel, le Prince doit lire les histoires, et en icelles contempler les gestes des excellens hommes, voir comme ilz se sont conduitz au maniment des guerres, examiner les causes de leurs victoires et pertes, pour fuir l'un, et ensuyvre l'autre, et faire sur tout comme un grand et notable personnage a fait cy devant lequel s'est adonné a l'imitation grand. de celuy, qui luy a semblé avoir eu plus de gloire, et louange par le passé : se esvertuant le ressembler en tous ses gestes, et façons au plus pres, qu'il a peu, comme l'on dit qu'Alexandre imitoit Achilles, Cesar Alexandre, et Scipion Cyrus. Quant à l'exercice de l'esperit le Prince doibt lire les histoires, & sur icelles considerer les actions des singuliers personnages, veoir comme ils se sont gouvernez en guerre, examiner les causes de leur victoire ou defaitte, pour fuir les unes & suivre les autres, & sur toutes choses il doibt faire comme quelque excellent du temps passé qui se proposoit d'ensuivre aucun personnage de grand renom, ayant tousiours sa vie & cronique aupres de luy, comme on dit qu'Alexandre le grand ensuivoit Achille : Cæsar, Alexandre : Scipion, Cyre :



Segment 15
Et qualunche legge la vita di Cyro sopradetto scritta da Xenophonte, riconosce di poi ne la vita di Scipione quanto quella imitation' gli fù di gloria, et quanto ne la castità, affabilità, humanità, et liberalità. Scipion' si conformassi con quelle cose che di Cyro sono da Xenophonte scritte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quiconque lit la vie de Cyrus escripte par Xénophon, il recongnoit après facilement en la vie de Scipion combien celle imitation luy soit venue à gloire, et comment en chasteté, humanité, doulceur et libéralité Scipion se conformoit aux choses qui de Cyrus avoient esté par Xénophon escriptes. si bien que lui lira la vie de Cyre escripte de Xenophon recognoistra en lisant apres celle de Scipion combien cest exemple luy apporta d'honneur, et combien Scipion s'est essaie de ressembler a Cyre en chastete, debonnairete, preud'hommie, liberalite, pareillement aux autres choses que Xenophon a escript de luy. Et de fait qui lira la vie de Cyrus escritte par Xenophon, il recongnoistra combien Scipion accreut sa renommée par ceste imitation, et quelle conformité y a de sa continence, affabilité, humanité, et liberalité a celle que Xenophon recite de Cyrus. si bien que qui lira la vie de Cyre escritte par Xenophon, reconnoistra en lisant aprez celle de Scipion combien cet exemple luy apporta d'honneur, & combien Scipion s'est essayé de ressembler à Cyre en chasteté, debonnaireté, preud'hommie ; liberalité, pareillement és autres choses que Xenophon a escrittes de luy.



Segment 16
Questi simil' modi deve observare un' Principe savio; ne mai ne tempi pacifici star' ocioso, ma con industria farne capitale per potersene valere nel' adversità, accioche quando si muta la Fortuna lo truovi parato a resistere a li suoi colpi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Voylà les manières de faire que un prince sage doibt garder, et jamais en temps de paix ne demourer oysif, mais par son industrie en faire son principal, pour s'en pouvoir ayder es adversitez ; à celle fin que quand la fortune se change, il se trouve tout prest et garny de deffense pour résister à ses assaultz. Ceste mesme maniere doit garder un Prince sage et ne doit iamais en temps de paix estre oysif : mais faire sa principale profession de ces vertuz, pour s'en pouvoir aider en aversite, affin que quand la fortune tournera le doz elle le trouve prest a resister a sa furie. Un Prince vertueux doit avoir esgard en toutes ces choses icy, et n'estre iamais ocieux en temps de paix, ains mettre tout expres ces exercices au ranc des premiers et plus capitaux affaires, pour s'en pouvoir servir au besoing, a celle fin, quand la fortune se changera, elle le treuve prest a lyu resister. Cette mesme maniere doibt garder le Prince sage sans estre iamais en temps de paix oysif : ains faire sa principale profession de ces vertuz, pour s'en pouvoir ayder en adversité, afin que quand la fortune tournera le doz elle le trouve prest à resister à sa furie.