Chapitre 19.

Titre
Che e si debbe fuggire lo essere Disprezato et Odiato Cap .XIX.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Comment sur toutes choses l'on doibt fuir le desprisement et la malveillance des hommes. Chapitre XIX Qu'on se doit garder d'estre mesprisé ou hay Chap. 19. Comme l'on doit fuir d'estre mesprisé et haï. Chapitre XIX. Qu'on se doit de garder d'estre hay ou mesprisé. Chapitre 19.



Segment 1
Ma perche, circa le qualità di che di sopra si fà mentione, io ho parlato de le più importanti, l'altre voglio discorrer' brevemente sotto queste generalitati: ch' il Principe pensi, come disopra in parte è detto, di fuggir' quelle cose che lo faccino odioso o contennendo, et qualunche volta fuggirà questo, harà adempito le parti sue et non troverrà nel' altre infamie pericolo alcuno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Puys donc que j'ay discouru des plus importantes qualitez d'ung prince, selon ce que cy dessus j'avoye proposé ; pour estre plus brief je veulx passer toutes les aultres, qui sont en grand nombre, et les réduyre soubz une reigle généralle. C'est que le prince sur toutes choses se doibt garder de faire les oeuvres qui le rendent hay ou desprisé. Desquelles deux choses s'il se peult garentir et éviter la hayne et le desprisement du monde, il aura très bien faict son debvoir, et encore qu'il eust toutz les aultres vices, il ne tumbera aucunement en dangier de ruyner. Mais touchant les qualitez desquelles i'ay ci dessus faict mention, pource que ie n'ay parle que des plus apparentes, ie veux bien discourir aussi les autres brevement, soubz ceste generalite que le Prince doit penser, comme i'ay par devant dit, en partie de fuir ces choses qui le font tomber en haine ou en peu de conte. Et toutes et quantes fois qu'il ne faudra point en cest endroict il aura bien besongne, et ne se trouvera en danger des autres infamies. Puisque nous avons parlé des plus importantes qualitez, dont cy dessus est faite mention, nous deviserons briefvement des autres soubz ces termes generaux, que le Prince doit (selon que nous avons dit) fuir tout ce qui le peut rendre odieux, et mesprisable. Le faisant ainsi, il accomplira toutes ses parties, et trouvera moins de danger, et inconvenient au reste des autres vices. Mais touchant les qualitez desquelles i'ay cy dessus fait mention, pource que ie n'ay parlé que des plus apparentes, ie veux bien discourir aussi les autres brevement, soub ceste generalité : que le Prince doibt penser (comme i'ay pardevant dit) en partie de fuir les choses qui le font tomber en haine ou en mepris. Et toutes & quantes fois qu'il ne faillira point en cet endroit il aura bien besongné & ne se trouvera en danger des autres infamies.



Segment 2
Odioso lo fa sopra tutto (com'io dissi) l'esser' rapace et usurpatore de la roba et de le donne de sudditi, di che si deve abstenere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ce qu'il faict malvouloir ung homme est l'estre pillard, tyrant, usurpateur des biens et des femmes des subjectz, de quoy s'il se garde, comme il doibt faire, il évitera la malveillance diceulx. Sur toutes choses ce qui le faict plus hayr c'est de piller les biens, et prendre a force les femmes de ses subiectz, de quoy il se doit engarder. Vous avez oy cy devant rien ne le pouvoit faire haïr d'advantage, que le ravissement et usurpations des femmes, et biens de ses subietz : dequoy sus tout convient, qu'il s'abstienne. Sur toutes choses ce qui le faict plus hayr c'est de piller les biens & prendre a force les femmes de ses subietz : de quoy il doibt abstenir.



Segment 3
Et qualunche volta alla università de gli huomini non si toglie ne robba ne honore, vìvon' contenti: et solo s' ha a combatter' con l'ambition' di pochi, la quale in molti modi et con facilità si raffrena.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car quand communément l'on ne oste au peuples ny biens ny honneur, ilz vivent contens et l'on n'a à combattre sinon quelque peu d'hommes qui sont ambitieux et convoiteux de nouveaulté, qui se peuvent restraindre et abbaisser en plusieurs sortes. Car quand on n'oste point aux hommes en general ny biens ny honneur ilz vivent contens, et n'y a plus a faire qu'a combatre l'ambition de peu de gens, laquelle facilement et en plusieurs sortes on peut abattre. Car les hommes vivent communement assez contés, et paisibles, moyennant qu'on ne leur touche point à leur honneur, et chevance : seullement luy faudra resister à l'ambiiton de quelques uns de ses voisins, laquelle se peut aisément, et en plusieurs façons repoulser. Car quant on n'oste point aux hommes en general ne biens ny honneurs ilz vivent contens, & n'y a plus a faire qu'a combattre l'ambition de peu de gens, laquelle facilement & en plusieurs sortes on peut abbatre.



Segment 4
Contennendo lo fa esser' tenuto vario, leggere, effeminato, pusillanimo, inresoluto, da che un' Principe si deve guardar' come da un' scoglio, et ingegnarsi che nel' attioni sue si riconosca grandeza, animosità, gravità, forteza; et circa i maneggi privati de sudditi voler' che la sua sententia sia inrevocabile; et si mantenga in tale opinione che alcuno non pensi ne ad ingannarlo ne ad aggirarlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ce qui faict aussy l'homme vile et desprisé est l'estre estimé variable, légier, effeminé, lasche, irrésolu, timide et semblables, desquelles imperfections le prince doibt soigneusement se garder comme du feu, et tascher de se gouverner en sorte que tout le monde congnoisse grandeur et hardiesse en ses faictz, gravité et prudence en ses délibérations. Et touchant le particulier maniement et administration des subjectz, vouloir que sa sentence soit tousjours irrévocable, et estre si ferme et constant en son opinion, qu'aucun ne présume de le décepvoir ou destourner Mais d'estre estime variable, leger, effemine, de peu de courage, et sans resolution le fait depriser c'est ce qu'un Prince doit fuir comme un rocher en mer, et s'efforcer qu'en ces fais on y reconnoisse une certaine grandeur, magnanimite, gravite, force : et envers les plus gros qui n'auront point de subiectz vouloir sa sentence estre irrevocable et se maintenir en telle opinion que personne ne pense le tromper ny abuser. Or le Prince se fait mespriser quand il se monstre variable, leger, effeminé, pusilanime, et mal resolu : dont il se doit plus songneusement donner garde, que d'un rocher en mer, et tascher à ce, qu'on lise et recongnoisse en tous ses actes une certaine grandesse, magnanimité, gravité, et constance, voulant qu'en ce mesmement qui concerne les particuliers affaires de ses subietz, sa sentence soit un arrest irrevocable : et se maintienne en telle reputation, que l'on craigne s'addresser à luy pour le tromper, et circonvenir. Mais d'estre estimé variable, leger, effeminé, de peu de courage & sans resolution, le fait depriser : c'est ce qu'un Prince doibt fuir comme un escueil en mer, & s'efforcer qu'en ses faitz on y reconnoisse une certaine grandeur, magnanimité, gravité, force : & envers les plus gros qui n'auront point de sujetz vouloir sa sentence estre irrevocable & se maintenir en telle opinion que personne ne pense le tromper ny abuser.



Segment 5
Quel' Principe che dà di se questa opinione è riputato assai, et contro a chi è riputato assai con difficultà si congiura, et con difficultà è assaltato, pur'che s'intenda che sia eccellente et riverito da suoi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
tellement que s'il donne telle réputation de soy il sera prisé et loué grandement. Laquelle chose luy reviendra doublement à prouffict. Pource que les subjectz ne font pas aiseement aucune conjuration contre ung prince qui soit en bonne réputation, et daultrepart les estrangiers aussy craignent à luy rompre la guerre, et principallement s'ilz sçavent qu'il est excellent et honoré des siens. Le prince qui donnera ceste estime de sa personne s'aquerra grande reputation : et contre celuy qui est en grande reputation on ne se bande pas facilement, et ne l'assaut on pas si de leger, pour le moins si on congnoist qu'il soit excellent et redoute des siens. Le Prince, qui se fait estimer tel, ne peut faillir d'estre grandement redoubté : et l'estant à peine entreprendra lon coniuration contre luy, ny ne sera facillement heurté d'aucun, le congnoissant homme de main, reveré et obeï de son peuple. Le prince qui donnera cette estime de sa personne, s'aquerra grande reputation : & contre celuy qui est en telle reputation on ne se bande pas facilement, & ne l'assaut on pas de leger, pour le moins si on connoist qu'il soit excellent & redouté des siens.



Segment 6
Perche un' Principe deve haver' due paure: una drento per conto de sudditi, l'altra di fuori per conto de potenti esterni.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour laquelle chose encore plus clairement donner à entendre, je diz qu'il y a deux choses principalles dont les prince doibt avoir crainte et dont il se doibt soigneusement délivrer. Les subjectz de son estat, et les estrangiers puissans. Car un Prince doit avoir peur de deux costez, l'un au dedans a cause de ses subiectz, l'autre dehors, a raison des potentaz estranges, A ceste cause luy est necessaire faire craindre son nom en deux endroitz, l'un au dedans, pour le regard de ses subietz, et l'autre par le dehors, à l'occasion des potentatz estrangers : Car un Prince doibt avoir paour de deux costez, l'un au dedans à cause de ses sujetz, l'autre dehors, a raison des potentatz estrangers,



Segment 7
Da questa si defende con le buone armi et buoni amici: et sempre, se harà buone armi, harà buoni amici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De la peur qu'il peult avoir des estrangiers il en pourra estre garenty moyennant les bonnes armes et bons amyz, lesquelz s'entresuyvent de si près l'un l'aultre que quiconque a bonne discipline de guerre et gens pour mectre aux champs, conséquemment il aura tousjours bons amyz. desquelz il se defendra par force d'armes et de ses bons amis : et s'il est puissant en armes il aura tousiours bons amis : desquelz il se defendra moyennant ses bonnes armes, et bons amis confederez, qui ne luy faudront iamais, pourveu qu'il soit bien reiglé, et discipliné en ses propres forces. desquelz il se defendra par force d'armes & de ses bons amis : & s'il est puissant en armes il aura tousiours bons amis :



Segment 8
Et sempre staranno ferme le cose di drento, quando stien' ferme quelle di fuora, se già le non fussero perturbate de una congiura: et quando pur' quelle di fuora movessero, è gli sarà ordinato, et vissuto come io ho detto, sempre (quando non s'abbandoni) sosterrà ogni impeto, come dissi che fece Nabide Spartano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et les affaires du monde proceddent en telle sorte, que si le prince est asseuré des estrangiers, il le sera pareillement des subjectz : sinon qu'il se leva une conspiration contre luy. Et adjouxteray davantage que jafois qu'il y eust aucune esmeute de dehors contre luy, touteffoys s'il a du sang aux ongles, et est ordonné tant en son vivre qu'en son administration comme j'ay dict cy dessus, à se gouverner avec prudence sans s'abandonner de soy mesme, il survaincra tous les ennemyz et viendra au dessus de toutes ses entreprinses, comme feit Nabis Spartain, duquel j'ay adméné cy dessu l'exemple. et les affaires des subiectz seront asseurees, si celles des estrangers le sont, si d'avanture elles n'estoient troublees par quelque trahison : et quand bien les estrangers se voudroient remuer, s'il a ordonne son cas et vescu comme i'ay dit, il soustiendra tousiours (s'il ne s'abandonne luy mesmes) tout le heurt et alarme, comme l'on raconte que feit Nabide de Sparte. Et quand les choses du dehors se porteront bien, le dedans demeurera tousiours en bon estat, si quelque interieure conspiration ne les perturboit. Et ores que les affaires s'esmussent par les estrangers, mais qu'il se soit fortifié un coup, et gouverné comme i'ay dit, s'il veut tenir bon, il ne pourra estre enfonsé d'homme qui vienne ainsi que feit le Roy Nabis de Sparte. & les affaires des sujetz seront assurés, si ceux des estrangers le sont, si d'aventure ils n'estoient troublez par quelque trahison : & quand bien les estrangers se voudroyent remuer, s'il a ordonné son cas & vescu comme i'ay dit, il soustiendra tousiours (s'il ne s'abandonne luy-mesme) tout le heurt & alarme, comme l'on raconte que feit Nabide de Sparte.



Segment 9
Ma circa i sudditi, quando le cose di fuora non muovino, s'ha da temer' che non congiurino secretamente, del' che il Principe si assicura assai, fuggendo l'esser' odiato, et disprezato, et tenendosi il Popolo satisfatto di lui; il che è necessario conseguire, come di sopra si disse a lungo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quand à l'autre point, à sçavoir d'estre asseuré des subjectz qu'ilz ne feissent en temps paisible aucune conjuration, je diz que le prince ne peult mieulx s'asseurer de leur courage qu'en se monstrant tel qu'il ne soit ny malvoulu ny contemné ; et en contentant le peuple de ce qui est en luy dont par nécessité s'ensuyvra son asseurance. Mais quant a ses subiectz, si les affaires du dehors ne se remuent, il doit craindre qu'liz ne coniurent secretement : de quoy un Prince s'asseurera, s'il ne se faict point hayr ny mepriser, et si le peuple se tient content de luy tellement qu'il est force qu'il en advienne comme i'ay dict une fois plus amplement. Or advenant que les choses de dehors soient paisibles, le plus de son soucy sera de pourvoir, que ses subietz ne coniurent secrettement contre luy : à quoy il ne peut donner meilleur remede que ne se faisant point malvouloir, et mespriser des siens, les contentant par les moyens, que bien au long vous avez n'agueres peu entendre cy devant. Mais quant a ses sujetz, si les affaires de dehors ne se remuent, il doibt craindre qu'ilz ne coniurent secretement : de quoy un Prince s'assurera, s'il ne se fait point hayr ne mepriser & si le peuple se tient content de luy : tellement qu'il est force qu'il en avienne comme i'ay deduit une fois plus amplement.



Segment 10
Et uno de più potenti rimedij che habbia un' Principe contro le congiure, è non esser' odiato o diprezato da l'uniuersale: perche sempre chi congiura crede con la morte del' Principe satisfare al Popolo, ma, quando ei creda offenderlo, non piglia animo a prender' simil' partito,
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quant à ce que j'ay dict que l'un des plus vigoureux remèdes contre les conjurations est n'estre hay ny desprisé du commun, il n'y a rien plus certain. Car celluy qui conspire n'a autre intention que de contenter le peuple par la mort du prince, où s'il pensoit que sa mort luy deust estre déplaisante il n'auroit jamais la hardiesse d'entreprendre ung tel party, Or un des plus certains remedes qu'ait un Prince contre les coniurations, c'est de n'estre point hay ny meprise du populaire : pource que voluntiers celuy qui brasse la conspiration estime qu'il contentera le peuple par la mort du Prince, mais s'il pensoit l'offencer il n'auroit pas le courage de l'entreprendre. Car la haine, et desprisance du Prince sont les deux plus principaux motifz, qui facent point conspirer le Peuple : parce que le coniurateur estime bien fort gratifier la commune par la mort du seigneur malvoulu, et desprisé. Et ou il penseroit l'offenser, à peine en feroit il l'entreprise, Or un des plus certains remedes qu'ayt le Prince contre les coniurations, c'est de n'estre point hay ne meprisé du populaire : pource que voluntiers celuy qui brasse la conspiration estime qu'il contentera le peuple par la mort du Prince : mais s'il pensoit l'offencer il n'auroit pas le courage de l'entreprendre.



Segment 11
perche le difficultà che sono dalla parte de congiuranti sono infinite, per esperientia si vede molte essere state le congiure et poche haver' havuto buon' fine.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
à cause que ceulx qui conspirent ont de leur costé innumérables difficultez à survaincre. L'on a veu par expérience la preuve de cecy. Car des conjurations il y en a eu tant et plus, desquelles touteffoys bien peu ont eu leur yssue heureuse et correspondente à leur première intention. Car ceux qui pratiquent une trahison ont infinis empeschemens : qu'il ne soit ainsi nous voions par experience que de plusieurs coniurations qui se sont menees bien peu ont este mises a chef : pour les difficultez, infinies qui sont en la conduitte de telles menées. L'on voit par experience maintes coniurations avoir esté brassées, et bien peu estre parvenues à bonne fin : Car ceux qui pratiquent une trahison ont infinis empeschemens : que il ne soit ainsi nous voyons par experience que de plusieurs coniurations qui se sont menées bien peu ont esté mises à chef :



Segment 12
Perche chi congiura non può essere solo, ne può prender' compagnia se non di quelli che creda esser' mal'contenti: et subito che a un' mal' contento tu hai scoperto l'animo tuo, li dai materia a contentarsi, perche manifestandolo lui ne può sperar' ogni comodità; talmente che, veggendo il guadagno fermo da questa parte, et da l'altra veggendolo dubbio et pieno di pericolo, convien' bene o che sia raro amico o che sia al tutto ostinato inimico del' Principe ad osservarti la fede.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car celluy qui mect en avant la conspiration ne peult estre seul, et dautrepart ne peult prendre en sa compaignie sinon ceulx qu'il estime estre malcontentz comme luy. Or aussy tost que tu descouvre ton couraige à un homme qui est malcontent, tu luy donne occasion de se contenter. Car par la manifestation de ta conjuration il en peult espérer quelque grand bien, tellement que voyant d'un costé le gain asseuré, de l'autre ce que tu luy promect périlleux et non asseuré, il fault bien qu'il te soit cher amy, ou qu'il soit du tout ennemy obstiné du prince s'il te garde la foy. veu qu'un homme ne coniurera pas tout seul, quant est de s'acompagner, il ne sçauroit sinon de ceux qu'il croit estre malcontens, or soudain que vous avez decele vostre fantasie a un qui est malcontent, vous luy donnez occasion de se contenter, d'autant que s'il vous decouvre il gaignera ce qu'il luy plaira. De sorte que voiant le gain asseure de ce coste, de l'autre incertain et perilleux, il faut bien ou qu'il te soit ami singulier, ou ennemi obstine du Prince, pour te garder la foy. parautant que l'entrepreneur ne peut conduire son cas sans compagnon, lequel il ne sçauroit trouver, si ce n'est dans le party de ceux, qui sont malcontans comme luy : et ayant descouvert ton secret à l'un d'iceux, soudain il se resiouit, pour l'esperance du bien, qu'il en pretend avecques toy : tellement que voyant le gaing infaillible d'un costé, et la perilleuse entreprise de l'autre, il faut bien qu'il soit ton amy, ou ennemy mortel du Prince, pour te garder la foy iusques au bout. veu qu'un homme ne coniurera pas tout seul : quand est de s'acompagner, il ne sauroit sinon de ceux qu'il croit estre malcontens. Or soudain que vous avez decelé vostre fantasie a un qui est malcontent, vous luy donnez occasion de se contenter, d'autant que s'il vous decouvre il gaignera ce qu'il luy plaira. De sorte que voyant le gain assuré de ce costé, de l'autre incertain & perilleux, il faut bien ou qu'il te soit amy singulier ou ennemy obstiné du Prince, pour te garder la foy.



Segment 13
Et per ridur' la cosa in brevi termini, dico che da la parte del' congiurante non è se non paura, gelosia, sospetto di pena che lo sbigottisce; ma da la parte del' Principe è la maiestà del' Principato, le leggi, le difese de gli amici et de lo stato che lo defendono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour mettre ceste partie en briefz termes, du costé des trahistres, il n'y a que pæur, jalousie, crainte d'estre punyz, et plusieurs autres passions qui les estonnent, mais du costé du prince il y a la majesté de la principauté, les loix, les défenses des amyz et les suppostz de l'estat qui le deffendent Pour reduire donc la chose en peu de parolles, de la part de celuy qui coniure ce n'est que toute peur, soupeçon, crainte de la peine qui l'epouvente : mais pour le Prince vous avez la maieste de la Principaute, les lois, la deffence des amis, et de ses estatz, qui le gardent, Et reduisant ce propos en briefz termes : Ie dy qu'il n'y a que toute peur, ialouzie, defiance, et crainte de punition à l'endroit des coniurateurs, pour les estonner, et refroidir : ou les Princes ont devers eux la maiesté de leur couronne, les loix, le secours de leurs amis et archers de la garde : Pour reduire donc la chose en peu de parolles, de la part de celuy qui coniure ce n'est que toute paour, soupeçon, crainte de la peine qui l'epouvente : mais pour le Prince vous avez la maiesté de la Principauté, les loix, la defence des amys & de ses estatz, qui le gardent,



Segment 14
Talmente che, agiunto a tutte queste cose la benevolentia Popolare, è impossibil' che alcun' sia sì temerario che congiuri. Perche per l'ordinario, dove un' congiurante ha da temere innanzi a la essecutione del' male, in questo caso debbe temere ancor' da poi, havendo per nimìco il Popolo, seguito l' eccesso, ne potendo per questo sperar' refugio alcuno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
en telle sorte, que si l'on adjoinct à toutes ces choses la bienveillance du peuple, il est impossible qu'âme soit si oultrecuidé qu'il veuille entreprendre contre luy. Pource que par l'ordinaire là où le conspirant doibt avoir crainte d'estre surprins devant l'exécution de l'excès, en ce cas il doibt aussy craindre après, ayant par tel excès gaigné l'inimitié du peuple, envers lequel il ne peult avoir espérance d'estre secouru ny favory. tellement que cela ioint a la bienveillance du populaire, il est impossible qu'aucun soit si temeraire de coniurer. Car ordinairement si un qui conspire se doute de quelque infortune devant qu'il ait faict le coup, il le doit encore plus craindre, apres que le trouble est advenu, et qu'il a le peuple ennemi, ne pouvant par ce moyen trouver lieu de sauvegarde. à quoy si la benevolence populaire est adiointe, qui seroit l'homme tant temeraire, d'oser entreprendre ceste follie ? Car s'il est ainsi que par raison commune les coniurans doivent avoir frayeur des inconveniens qui adviennent avant l'execution du fait : en ce cas ilz auront encores plus à craindre, l'exces parachevé, s'attandans bien d'estre desavouez, et poursuivis du peuple, ou devoit estre leur refuge. tellement que cela ioint a la bienveillance du populaire, il est impossible qu'aucun soit si temeraire de coniurer. Car ordinairement si un qui conspire se doute de quelque infortune devant qu'il ayt fait le coup, il le doibt encore plus craindre apres que le trouble est avenu & qu'il a le peuple ennemy, ne pouvant par ce moyen trouver lieu de sauveté.



Segment 15
Di questa materia se ne potria dar' infiniti essempi, ma voglio solo esser' contento d' uno, seguito a la memoria de nostri padri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sur ceste matière l'on pourroit donner infinyz exemples, touteffoys je me contenteray d'en amener un seul, qui est advenu en la mémoire de noz pères. Sur ceste matiere ie pourrois alleguer infinis exemples, mais ie me veux contenter d'un seulement, qui advint du temps de noz peres. L'on pourroit fournir de mille exemples sur ce propos, mais ie m'en contenteray d'un seullement advenu de la souvenance de noz peres. Sur cette matiere ie pourroys alleguer infinis exemples, mais ici ie me veux contenter d'un seulement, qui avint du temps de noz peres.



Segment 16
Messer' Annibale Bentivogli, Avolo del' presente Messer' Annibale, che era Principe in Bologna, essendo da Canneschi, che gli congiurorno contro, amazato, ne rimanendo di lui altri che Messer' Giovanni, quale era in fasce, subito doppò tal' homicidio si levò il Popolo et amazò tutti i Canneschi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Messire Annibal Bentivole ayeul du présent Messir Annibal, qui estoit prince de Boulogne, ayant esté occyz par les Cannoys, gentilzhommes aussy de Boulogne, qui avoient conspiré contre luy, et ne demourant de luy autre qu'ung enfant au berceau, nommé Messire Jehan, soubdain après l'homicide par eux commis le peuple se leva et avec sa fureur naturelle meit à mort tous ceulx qui estoient de la lignée de Cannoys. Messire Annibal Bentivoille peregrand de messire Annibal qui est de present, estoit seigneur de Boulongne, et fut tue des Cannesques qui conspirerent contre luy, ne laissant aucun hoir de son corps que messire Iehan qui estoit au berceau : incontinent apres ce meurtre la commune s'emeut, et tua tous les Cannesques, Messire Annibal Bentivolle ayeul du seigneur Annibal Bentivolle present, qui fut Prince et seigneur de Bouloigne, ayant esté tué par les Cannesques ses parties adverses coniurateurs contre luy, et ne demeurant de sa race, que le seigneur Iean Bentivolle, lequel estoit encores au berceau : soudain apres sa mort la commune s'esleva, et saccagea entierement tous ceux de la faction coniurée. Annibal Bentivoille ayeul d'Annibal qui est de present estoit Seigneur de Boulongne, & fut occis par les Cannesques qui conspirerent contre luy, ne laissant aucun hoir de son corps que Iehan qui estoit au berceau : incontinent apres ce meurtre la commune s'emeut & tua tous les Cannesques,



Segment 17
Il che nacque da la benevolentia Popolare che la casa de Bentivogli haveva in quei tempi in Bologna, la qual' fù tanta che non vi restando alcuno che potessi, morto Annibale, regger' lo stato, et havendo inditio come in Firenze era un' nato de' Bentivogli, che si teneva fino al'hora figlio d' un' fabro, vennero i Bolognesi per quello in Firenze et li dettono il governo di quella Città qual' fù governata da lui fino a tanto che M. Giovanni pervenne in età conveniente al governo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laquelle vengeance ainsi furieusement executée, ne procéda d'ailleurs que de l'amitié que le peuple de Boulogne portoit en ce temps à la maison des Bentivoles. Laquelle estoit si grande, que pour n'avoir homme aucun de réputation qui peust pour la mort d'Annibal gouverner leur estat, après avoir esté informez que pour lors demouroit en Florence un homme sorty des Bentivoles lequel de tout temps estoit estimé filz d'un cardeur : les Boulognoys vindrent à Florence pour l'avoir et lui donnèrent le gouvernement de la ville. Laquelle se soubzmeit à son obéyssance et fust régie par luy jusques à ce que le petit messire Jehan fust d'eage pour prendre la charge de l'estat. ce qui procedoit de l'amitie des personnes que la maison des Bentivoilles s'estoit gaignee pour lors. Laquelle fut si grande que n'estant demoure personne qui peust apres la mort d'Annibal gouverner le peuple, mais aiant quelque advertissement qu'il y avoit en Florence un de la race des Bentivoilles, estime iusque a lors filz d'un mareschal, les Boulongnois envoierent le querir a Florence et luy donnerent le gouvernement de Boulongne : lequel il mania tant que Messire Iehan parvint en age pour estre Prince luy mesmes. Ce qui provint de l'amitié, que la maison des Bentivolles avoit en ce temps acquise à Bouloingne vers la commune : laquelle fut si grande, que ne se trouvant point apres Annibal personnage, pour gouverner cest estat : et estans advertis, qu'il y avoit à Florence un ieune homme venu des Bentivolles, lequel on avoit tousiours auparavant, iusques alors, estimé filz d'un menuzier, l'envoyerent querir, et luy donnerent le gouvernement de ces Republicque, qu'il continua iusques à ce, que ledit Seigneur Iean Bentivolle fut en aage competant, pour gouverner la Seigneurie. ce qui procedoit de l'amitié des personnes que la maison des Bentivoilles s'estoit gaignée. Laquelle fut si grande que n'estant demeuré personne qui peust apres la mort d'Annibal gouverner le peuple, mais ayant quelque advertissement qu'il y avoit à Florence un de la race des Bentivoilles, estimé iusqu'alors filz d'un mareschal, les Boulongnois envoyerent querir à Florence & luy donnerent le gouvernement de Boulongne : lequel il mania tant que Iehan parvint en aage pour estre Prince luy mesme.



Segment 18
Conchiudo adunque che un' Principe deue tener' de le congiure poco conto, quando il Popolo gli sia benivolo, ma quando gli sia inimico et habbilo in odio, deve temer' d'ogni cosa et da ognuno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont s'ensuyt une conclusion véritable, que le prince doibt tenir peu de compte des conspirations si le peuple luy est favorable. Mais s'il luy est ennemy il n'y a cas, estat, personne, condition ny qualité d'hommes dont il ne doibt avoir crainte. Somme que le Prince ne doit pas avoir grand peur des coniurations, pourveu que le peuple luy soit ami : mais s'il ne l'aime point il se doit craindre d'un chacun, et de toutes occasions. Ie concluz donc, que le Prince n'a que se soucier des coniurations, s'il se sent bien aymé de son peuple : mais se congnoissant malvoulu d'iceluy, toute chose, et toutes personnes luy doivent estre suspectes. Somme que le Prince ne doibt avoir grand paour des coniurations, pourveu que le peuple luy soit amy : mais s'il ne l'ayme point il se doibt craindre de chacun & de toutes occasions.



Segment 19
Et li stati ben' ordinati et li Principi savij hanno con ogni diligentia pensato di non far' cader' in desperatione e grandi et di satisfare al Popolo et tenerlo contento, perche questa è una de le più importanti materie che habbi un' Principe.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Surquoy il est à noter que les estatz bien ordonnez et les saiges princes ont diligemment pourveu à ne faire tumber les grandz en désespoir, et aussy à satisfaire au peuple, et le tenir content et en paix, affin qu'il n'aye occasion de jecter son venin contre le prince. Aussi les païs bien regiz et les princes sages ont tousiours par toutes matieres mis leur esprit de ne faire point cheoir les grands en desespoir et de satisfaire au peuple et le rendre content, a raison que c'est un des plus pressez affaires et de consequence qu'ait un Prince. Les Monarchies bien reiglées, et les sages Princes se sont tousiours donnez garde de mettre les grans en desespoir et de mal contenter le vulgaire : qui est une des plus importantes matieres qui touchent point le Prince. Aussi les pays bien regiz & les Princes sages ont tousiours par toutes manieres mis leur esperit à ne faire point tumber les grands en desespoir & de satisfaire au peuple & le rendre content, à raison que c'est une des plus pressez affaires & plus important qu'ait le Prince.



Segment 20
Intra i Regni ben' ordinati et governati a nostri tempi è quel' di Francia, et in esso si trovano infinite costitutioni buone, donde ne depende la libertà, et sicurtà del' Re: de le quali la prima è il parlamento et la sua autorità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Entre les royaumes daujourdhuy celluy de France est ung des mieulx ordonnez et gouvernez, et l'on y trouve plusieurs ordonnances bonnes et prouffitables dont s'en ensuyt la liberté et asseurance du roy. Desquelles la plus importante est le Parlement et son authorité. Le royaume de France est un des bien ordonnez que l'on sçache de nostre temps, auquel on trouvera infinies bonnes constitutions dont depend la seure liberte du Roy, desquelles la premiere est le Parlement et son authorite. Entre les royaumes, que nous voions ce iourd'huy, celuy de France est l'un des mieux ordonnez, et policez : dans lequel se treuvent plusieurs bonnes loix, et constitutions, dont la liberté, et asseurance du Roy dependent : la premiere desquelles est le parlement, et l'authorité qu'on luy a donnée : Le royaume de France est un des bien ordonnez que l'on sache de notre temps : auquel on trouverra infinies bonnes constitutions dont depend la sure liberté du Roy : desquelles la premiere est le Parlement & son autorité.



Segment 21
Perche quello che ordinò quel' Regno, conoscendo l'ambition' de potenti et la insolentia loro, et giudicando esser' necessario lor' un' freno che gli correggesse, et da l'altra parte conoscendo l'odio de l'universale contro i grandi fondato in sù la paura, et volendo assicurarli, non volse che questa fussi particular' cura del' Re, per torli quel' carico che potessi haver' con i grandi, favorendo i Popolari, et con i Popolari, favorendo i grandi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource que celluy qui ordonna ce royaume, congnoissant l'ambition et insolence des nobles, et jugeant qu'il estoit nécessaire leur donner un frein pour les chastier, et dautrepart ayant délibéré d'asseurer le peuple et les moins puissans et donner remède à la malveillance qu'ilz leur portent, laquelle est fondée sur la crainte d'estre opprimez, ne voulut que ce fust le particulier soucy du roy à fin de le délivrer du maltalent que luy pourroit porter le peuple en favorisant les grandz et de la hayne que luy porteroyent les grandz en favorisant le populaire. Car celuy qui establist la forme du gouvernement de ce royaume, congnoissant l'ambition des plus gros, et leur outrecuidance, estimant estre necessaire d'avoir quelque frein qui les bridast, d'autre part avisant la haine que la commune portoit aux plus puissans estre fondee sur la peur qu'elle avoit d'eux, la voulant asseurer, il ne feit pas que le roy prendroit ceste charge particuliere, pour le delivrer de la facherie qu'il pourroit avoir avec les grands seigneurs, soulageant le populaire, ou avec le menu peuple favorisant les gentilz hommes : parautant que les anciens fondateurs dudit Royaume, congnoissans l'ambition, et insolence de la noblesse, laquelle pour ceste cause leur sembloit avoir besoing de quelque bride, qui la refrenast ; et voyant de l'autre part la haine du vulgaire contre les nobles, procedant d'une crainte, qu'il a naturellement d'eux dequoy voulant descharger les petitz, et n'en donner toutesfois la peine au Roy, pour l'exempter de la malveillance, que les grans luy eussent portée soustenant le populaire, et semblablement du populaire, s'il eust favorisé les grans, Car celuy qui premier establit la forme du gouvernement de ce royaume, connoissant l'ambition des plus gros & leur outrecuidance, estimant estre necessaire d'avoir quelque frein qui les bridast, d'autrepart avisant la hayne que la commune portoit aux plus puissans estre fondée sur la paour qu'elle avoit d'eux, la voulant asseurer, il ne feit pas que le Roy prendroit cette charge particuliere, pour le delivrer de la contention qu'il pourroit avoir avec les grands seigneurs, en soulageant le menu peuple ou avecque luy en favorisant les gentilz-hommes :



Segment 22
Et però constituì un' iudice terzo, che fusse quello che senza carico del Re battessi i grandi et favorisse i minori. Ne potè esser' questo ordine meglior' ne più prudente, ne maggior' cagion' di sicurtà del Re et del' Regno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il meit un tiers juge qui peust battre les grandz et donner faveur au moindres sans aucunement charger d'envye ny de malveillance le roy, qui est ung moyen le plus prudent et le mieulx inventé pour l'asseurance du roy et establissement du royaume qu'il est possible d'adviser. pource il y constitua un iuge tiers, lequel, sans que le roy s'en empeschast abbaisseroit les plus grans, et souleveroit les plus petis : or ne peut il inventer un meilleur moyen qui fust la plus grande occasion de la seurete du Roy et du royaume. adviserent d'establir un iugement tiers et neutre, lequel sans la charge, et blasme du Roy reprimeroit les puissans, et tiendroit la main aux petitz. Il ne se pouvoit songer un meilleur, ne plus expedient remede, ne qui aye mieux occasionné la tranquilité du Roy, et du Royaume. pource il y constitua un iuge tiers, lequel, sans que le roy s'en empeschast abbaisseroit les plus grans & souleveroit les plus petis : or ne peut-il inventer meilleur moyen à la seureté du Roy & du royaume.



Segment 23
Di che si può trarre un' altro notabile: che li Principi debbono le cose di carico metter' sopra d' altri et le cose di gratia a se medesimi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dequoy on peult notablement tirer une autre reigle généralle, que les princes touchant l'administration des subjectz doibvent faire décréter des sentences odieuses et qui donnent charge ou punition, à quelcun, par aultruy et celles de grâce et de bénéfice par eulx mesmes, à celle fin que le bien faict procédant de leurs mains soit plus aggréable, et le mal procédant daultruy ne les rende odieux. De quoy se tirera un tresbon advertissement : que les Princes doivent laisser exercer par les autres les charges facheuses, mais les favorables et gratieuses ilz les doivent exercer eux mesmes. Et de là pouvons nous tirer un autre singulier notable, que les Princes doivent deleguer à autruy les affaires, dont l'expedition est subiette à l'inimitié de l'un des estatz, et se reserver ceux, qui dependent de leur grace. De quoy se tirera un tres-bon advertissement : que les Princes doivent laisser exercer par les autres les charges ruineuses, mais les favorables & gratieuses ilz les doivent exercer eux-mesmes.



Segment 24
Di nuovo conchiudo che un' Principe deve stimar' i grandi, ma non si far' odiar' dal' Popolo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et aussy fault qu'ilz ayent les grandz en estime, mais qu'ilz ne se fassent en aucune manière hayr du peuple. Ie conclu de rechef qu'un Prince doit faire cas des plus gros, mais non pourtant se laisser hayr du peuple. Il est bien raisonnable qu'ilz facent cas de la noblesse, mais que ce ne soit en ce faisant malvouloir du peuple. Ie conclu de rechef qu'un Prince doit faire cas des plus gros, mais ne se laisser pourtant hayr du peuple.



Segment 25
Parrebbe forse a molti, considerata la vita et morte di molti Imperadori Romani, fussino essempi contrarij a questa mia oppinione, trovando alcuno esser' vissuto sempre egregiamente et mostro gran' virtù d'animo, nondimeno haver' perso l'Imperio, o vero essere stato morto da suoi che li hanno congiurato contro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il pourroit estre d'avis à plusieurs, qui auroient considéré la vie et la mort de plusieurs empereurs romains, qu'en iceulx y eust quelques exemples contraires à mon opinion, et qu'aucuns d'eulx combien qu'ilz eussent tousjours vescu avec grand gloire et démonstration de vertu et hardiesse, touteffoys ont perdu l'empire ou la vie, par la conjuration de leur propres amyz. Il semblera peut estre a quelques uns que si on considere bien le cours de la vie et la mort de plusieurs Empereurs de Romme que leurs exemples se trouveront contraires a ceste mienne opinion, m'allegant quelcun avoir vescu tousiours d'une grande vertu de courage neantmoins ou bien auroit perdu l'Empire, ou seroit tue de ses gens par coniuration. Or il semblera possible à quelques uns, considerant la vie, et mort de plusieurs Empereurs de Rome, que maintz exemples s'y peuvent trouver tous contraires à ceste mienne opinion, attendu qu'aucuns d'iceux, encores qu'il ayent tousiours vertueusement vescu, et avecques une grande hautesse de courage, ont ce neantmoins perdu leur Empire, ou bien esté tuez par leurs gens, qui avoient coniuré à l'encontre d'eux. Il semblera peut estre à quelques gens que si l'on considere bien le cours de la vie & la mort de plusieurs Empereurs de Romme que leurs exemples se trouveront contraires a cette mienne opinion, m'alleguant quelqu'un avoir vecu tousiours d'une grande vertu de courage neanmoins ou bien qu'il auroit perdu l'Empire, ou auroit esté tué des siens par coniuration.



Segment 26
Volendo adunque rispondere a queste obiettioni, discorrerò le qualitati d'alcuni Imperadori, mostrando la cagion' de la lor' rovina non disforme da quello che da me s' è addutto, et parte mettarò in consideratione quelle cose che sono notabili a chi legge l'attioni di quelli tempi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour à quoy respondre, je veulx discourir les qualitez de quelques empereurs, et monstrer les causes de leur ruyne non contraires à mes susdictes reigles et mectray en avant quelque partie des choses notables en leur vie, pour ceulx qui lysent les histoires anciennes : Doncques pour bien respondre a ces doutes ie discourray un peu sur la qualite d'aucuns Empereurs dechiffrant les causes de leur ruine, qui ne sont pas fort differentes a ce que i'ay devant dict, proposant a ceux qui lisent les histoires de ces temps a considerer en partie les affaires notables : A quoy m'apprestant de respondre, ie deviseray des complexions d'aucuns Empereurs, descouvrant l'occasion de leur ruyne, non dissemblable à ce que i'en ay n'agueres discouru. Et mettray en partie devant les yeux les choses dignes d'estre remerquées à quiconques list les histoires de ce temps. Donques pour bien respondre à ces doutes, ie discourray un peu sur la qualité d'aucuns Empereurs deduisant les causes de leur ruine, qui ne sont pas fort differentes à ce que i'ay devant dit, proposant à ceux qui lisent les histoires de ces temps, à considerer en partie les affaires notables.



Segment 27
Et voglio mi basti pigliar' tutti quelli Imperadori che succederno nel' Imperio da Marco Philosofo a Massimino, li quali furono Marco, Commodo suo figlio, Pertinace, Iuliano, Severo, Antonino Caracalla suo figlio, Macrino, Heliogabalo, Alessandro et Massimino.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et me suffira de prendre tous les empereurs qui succèdèrent à l'empire depuis Marc le philosophe jusques à Maximin. Cestasçavoir, Marc Aurèle, Commodus son filz, Pertinax, Julianus, Sévère, Antonin Caracalla son filz, Macrinus, Héliogabalus, Alexandre et Maximinus. Sur quoy me suffise de prendre tous ces Empereurs qui furent depuis Marc le philosophe iusques a Maximin, ceux la furent Marc, Commode son filz, Pertinax, Iulian, Severe, Antonin Caracalle son filz, Macrin, Heliogabale, Alexandre, et Maximin. Et pour entrer en ieu, ie me contenteray seullement de produire les Empereurs qui succederent depuis Marc Aurelle le philosophe, iusques à Maximin : lesquelz furent Marc, son filz Commode, Pertinax, Iulian, Severe, Antoine Caracalle, son filz Macrin Heliogaballe, Alexandre et Maximin. Sur quoy me suffise de prendre tous les Empereurs qui furent depuis Marc le philosophe iusques à Maximin, qui furent Marc, Commode son filz, Pertinax, Iulian, Severe, Antonin Caracalle son filz, Macrin, Heliogabale, Alexandre, & Maximin.



Segment 28
Et è prima da notare che, dove ne gli altri Principati si ha solo a contendere con l'ambitione de grandi et insulentia de Popoli, gli Imperadori Romani havevano una terza difficultà d' haver' a sopportar' la crudeltà et avaritia de soldati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et premièrement l'on doibt entendre que là où les princes daujourdhuy n'ont ordinairement à combattre sinon l'ambition dez grandz et à éviter l'insolence des peuples, les empereurs romains avoient une tierce difficulté, de supporter et satisfaire à l'avarice et cruaulté de leurs gensdarmes. Premierement convient noter veu qu'aux autres Principautez il faut seulement combatre la convoitise des plus grands et l'emeute du peuple, les Empereurs Romains avoient une tierce difficulte, de suporter l'avarice et cruaute des soldars, Faut premierement noter, qu'au lieu que les Princes de maintenant n'ont à resister, qu'à l'ambition des grans, et insolence de la commune : les Empereurs Romains, outre ces deux peines, avoient une tierce difficulté, qui estoit de s'accommoder à la cruauté, et avarice des gens de guerre : Premierement convient noter veu qu'és autres Principautez il faut seulement combatre la convoitise des plus grands & l'emeute du peuple, les Empereurs Romains avoient une tierce difficulté, de supporter l'avarice & cruauté des soldats



Segment 29
La qual' cosa era sì difficile che la fù cagione della rovina de molti, sendo difficile satisfare a i soldatì et a Popoli, perche i Popoli amano la quiete, et per questo amano i Principi modesti, et li soldati amano il Principe d' animo militar' et che sia insolente et crudele et rapace, le quali cose volevan' ch' egli essercitassi ne i Popoli per poter' haver' duplicato stipendio et sfogar' la lor' avaritia et crudeltà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laquelle chose estoit si malaisée à faire que cela seulement fut cause de la ruyne de plusieurs, pour raison qu'il estoit fort difficile de contenter les souldardz, et satisfaire aux peuples. Car les peuples désirent paix et repos, et conséquemment demandent un prince doulx, modéré et pacificque. Les gensdarmes ayment le prince hardy et courageux à la guerre, insolent, cruel et pillard. Et principallement les armées romaines vouloyent que leur prince usast de toute cruaulté et insolence sur le pauvre peuple, pour avoir double salaire et assouvir leur cruaulté et avarice. chose facheuse d'endurer, aussi fut elle cause de la destruction de plusieurs, estant bien malaise de contenter les soldars et le peuple. A raison que le peuple aime le repos et la paix, aussi aime il les Princes modestes, et les soldars aiment un Prince qui ait le courage a la guerre, qui soit insolent, cruel, et ravisseur, lesquelles qualitez ilz vouloient qu'ilz exerçeast contre le peuple pour avoir doubles gages, et souler leur avarice et cruaute. chose de tel travail, et ennuy, qu'elle moyenna la destruction de la plus grand part d'iceux : leur estant chose incompatible, satisfaire aux soudars, et au peuple ensemble : parce que le peuple ayme la tranquilité et repos, et consequemment le Prince de nature benigne, et modeste : ou les soudars desirent au rebours un Prince belliqueux, insolent, cruel, et pilleur, en quoy ilz vouloient nourrir les Empereurs au dommage du peuple, pour faire croistre leurs souldes, et pensions, et rassasier leur avarice, et cruauté. (chose facheuse à endurer) aussi fut elle cause de la destruction de plusieurs, estant malaisé de contenter les soldats & le peuple. A raison que le peuple aime le repos & la paix (aussi aime il les Princes modestes) & les soldats aiment le Prince qui ait le courage à la guerre, qui soit insolent, cruel & ravisseur, lesquelles qualitez ils vouloient qu'il exerçast contre le peuple pour avoir doubles gages & assouvir leur avarice & cruauté.



Segment 30
Donde ne nacque che quelli Imperadori che per natura o per arte non havevano riputatione tale che con quella tenessero l'uno et l'altro in freno, sempre rovinavono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont il advint que les empereurs qui n'avoient ny la nature ny l'esprit assez subtil pour s'entretenir en telle réputation envers tous les deux, qu'ilz les craignissent, tumboyent tout incontinent en ruyne. Dela vint que les Empereurs qui par nature, ou d'art n'avoient telle reputation qu'ilz peussent tenir l'un et l'autre en bride, tousiours prouffitoient de mal en pis : Dont procedoit qu'aucuns Empereurs n'ayans ne par art, ne par nature la dexterité de tenir les uns, et les autres en bride, ne duroient communement gueres en leur monarchie, De là vint que les Empereurs qui par nature ou par art n'avoient telle reputation qu'ils peussent tenir l'un & l'autre en bride, tousiours alloient de mal en pis :



Segment 31
Et li più di loro, massime quelli che come huomini nuovi venivano al Principato, conosciuta la difficultà di questi doi diversi humori, si volgevano a satisfar' soldati, stimando poco lo iniuriar' il Popolo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et la plupart diceulx et principallement s'ilz estoient nouveaux à l'empire cognoissant la difficulté de ces deux humeurs contraires se tournoyent à la faveur de gensdarmes, ne tenans grand compte du peuple, et la plus grand part d'eux, principalement ceux qui comme nouveaux hommes venoient a l'Empire, apres avoir conneu les difficultez de ces diverses humeurs ilz se tournoient a contenter les soldars, ne tenant pas grand conte de mal traiter le peuple, ce qui leur estoit force. mesmement ceux, qui venoient comme gens nouveaux à ceste souveraineté : lesquelz congnoissans l'incompatibilité de ces deux diverses ligues, s'efforçoient à gratifier les soldatz, faisans peu de cas au reste d'outrager le populaire. & la plus grand part d'eux (principalement ceux qui comme nouveaux hommes parvenoient à l'Empire) aprez avoir connu les difficultez de ces diverses humeurs, ilz se tournoient à contenter les soldats, ne tenant pas grand conte de mal traitter le peuple,



Segment 32
Il qual' partito era necessario: perche, non potendo i Principi mancar' di non esser' odiati da qualcuno, si debbon' prima sforzare di non esser' odiati da l' università, et quando non posson' conseguir' questo, si debbon' ingegnar' con ogni industria, fuggir' l'odio di quelle universitati che sono più potenti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
à quoy faire ilz estoient presque induictz par nécessité. Car des deux maulx il fault choisir le moindre, et par conséquent quand les princes ne peuvent éviter la malveillance de quelcun, ilz se doibvent efforcer de n'estre hay de l'universel. Laquelle chose s'ilz ne peuvent faire, à tout le moins doibvent tascher de n'estre malvouluz de celle communauté qui est la plus puissante. Car ne pouvant les Princes faillir qu'ilz ne soient hays de quelcun, ilz doivent premierement mettre peine de n'estre point hays en general d'un chacun, et s'ilz ne le peuvent faire cela, pour le moins ilz se doivent estudier en toutes manieres d'eviter l'inimite de ceux qui sont les plus puissans. Et de fait leur estoit necessaire d'en user ainsi : parautant que si les Princes voient ne pouvoir fuir la hayne de quelque costé, doivent tascher pour le moins, que ce ne soit d'un party universel : et ou encores ilz ne le pourroient faire, s'esvertuer à leur possible, n'estre point mal voulus par ceste partie de l'universel, qui sera la plus forte. ce qui leur estoit force. Car ne pouant les Princes faillir qu'ils ne soient hays de quelqu'un, ils doivent premierement mettre peine de n'estre point hays en general de tous, & s'ils ne le peuvent faire, pour le moins ils se doivent estudier en toutes manieres d'eviter l'inimitié de ceux qui sont les plus puissans.



Segment 33
Et però quelli Imperadori che per novità havevan' bisogno di favori estraordinarij, adherivano a soldati più volentieri che alli Popoli: il che tornava loro nondimeno utile, o no, secondo che quel' Principe si sapeva mantenere reputato con loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pourtant les empereurs qui par nouveauté de l'empire avoient besoing de faveurs extraordinaires, s'appuyoient plus voluntiers aux souldardz, qu'aux peuples. Laquelle élection souvent lui venoit à prouffict et souvent à dommage selon la réputation que les empereurs sçavoient gaigner avec eulx. Au moyen de quoy les Empereurs qui pour leur nouveaute avoient besoing de faveurs extraordinaires estoient plus voluntiers du parti des soldars que de la commune. Ce qui neantmoins leur tournoit a bien, aucunefois a mal, selon que le Prince sçavoit bien se maintenir en bonne reputation avec eux. A ceste cause les Empereurs, qui pour leur nouveauté avoient besoing de quelque appuy, et faveur extraordinaire, favorisoient plus volontiers la gendarmerie, que le peuple : ce qui leur estoit utile, ou dommageable, selon qu'ilz s'y sçavoient bien, ou mal conduire. Au moyen de quoy les Empereurs qui pour leur nouveauté avoient besoin de faveurs extraordinaires estoient plus volontiers du party des soldats que de la commune. Ce qui neanmoins leur tournoit à bien, aucunefois à mal, selon que le Prince savoit bien se maintenir avec eux en bonne reputation.



Segment 34
Da queste cagioni sopraddette nacque che Marco, Pertinace, et Alessandro, essendo tutti di modesta vita, amatori della iustitia, inimici della crudeltà, humani et benigni, hebboro tutti, da Marco in fuora, tristo fine.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et des raisons susdictes advint que Marc, Pertinax et Alexandre estans de bonne vie, amateurs de justice, ennemyz de cruaulté, humains et débonnaires eurent tous, hormis Marc, mauvaise fin. Pource est il que Marc, Pertinax, et Alexandre tous de vie modeste, amateurs de la iustice, ennemis de cruaute, humains et, courtois, eurent tous piteuse fin, excepte Marc qui vescut et mourut fort honorablement. De là vint, que Marc, Pertinax, et Alexandre princes de modeste, et debonnaire vie, amateurs de iustice, ennemis de cruauté finirent pourtant tous malheureusement : excepté l'Empereur Marc, lequel vesquit, et mourut en tresgrand honneur. Pource Marc, Pertinax & Alexandre tous de vie modeste, amateurs de la iustice, ennemis de cruauté, humains & courtois, firent tous piteuse fin, excepté Marc qui vescut & mourut fort honorablement.



Segment 35
Marco solo visse et morì honoratissimo, perche lui succedé al' Imperio per ragion' d'heredità et non haveva a riconoscer' quello ne da i soldati ne da i Popoli. Dipoi, essendo àcompagnato da molte virtuti che lo facevano venerando, tenne sempre che visse l'un' ordine et l'altro drento a suoi termini, et non fù mai ne odiato ne disprezato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Bien est vray que Marc seul vesquit treshonorablement jusques à la mort, pource qu'il succèda à l'empire par héritage et succession de père à filz, delaquelle chose il n'estoit tenu ny aux gensdarmes ny au peuple, joinct qu'il estoit accompagné de plusieurs vertuz qui le rendoient vénérable et estimé au conspect de tout le monde, et porta de ce qui estoit en luy faveur à tous les deux odres sans estre jamais hay ny contemné. Car il vint a l'Empire par heritage et succession ne le recongnoissant ny des gendarmes ny du peuple : Outre ce qu'il estoit acompagne de plusieurs vertus qui le faisoyent venerable, et a tenu tout du long de sa vie un parti et l'autre sans passer les bornes, et ne fut iamais hay ny deprise. Aussi estoit il parvenu à l'Empire par droit successif, et hereditaire, lequel à ce moyen il ne recongnoissoit point tenir ne des soudars ne du peuple. Outre cela estant accompagné de maintes singulieres vertus, qui le rendoient venerable, et redoubté, il tint, ces deux differens partis sa vie durant tousiours reserrez au dedans de leurs bornes, et ne fut oncq malvoulu, ne mesprisé. Car il vint à l'Empire par heritage & succession ne le reconnoissant ne des gensd'armes ne du peuple : outre ce qu'il estoit accompaigné de plusieurs vertuz qui le rendoient venerable, & a tenu tout du long de sa vie, un party & l'autre sans passer les bornes, & ne fut iamais hay ne mesprisé.



Segment 36
Ma Pertinace fù creato Imperadore contro a la voglia de soldati, li quali essendo usi a viver' licentiosamente sotto Commodo non poterono sopportare quella vita honesta a la qual' Pertinace li voleva ridurre, onde havendosi creato odio, et a questo odio aggiunto dispregio per l' esser' vecchio, rovinò ne primi principij de la sua administratione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais Pertinax fut esleu empereur contre la volonté de ses souldardz qui estoient desjà accoustumez à une vie désordonnée et lasche soubz Commodus, dont ilz ne purent supporter la façon de vivre tant honneste à laquelle Pertinax les vouloit réduyre, et d'icy conceurent hayne contre luy, et à la hayne fut adjouxté le mespris, pource qu'il estoit vieux, tellement qu'il fut occis sur le premier commencement de son administration. Mais Pertinaux fut fait Empereur contre la voulunte des soldars, lesquels estans accoustumez de vivre a la bandon soubz Commode ne pouvoyent endurer cette vie honeste, a laquelle Pertinax les vouloit reduire : et de la aiant conceu haïne contre luy, et a cete haïne aioute un contemnement, d'autant qu'il estoit vieil, il fut ruine tout au commencement de son Empire. Mais Pertinaux fut crée Empereur contre la volonté de la gendarmerie : laquelle ayant appris de vivre licentieusement soubz Commode, ne peut endurer la vie, et raisonnable regle, ou Pertinax la voulut reduire. Et parainsi s'estant fait haïr des soudars, et ayant adioint à ceste hayne une certaine mesprisance, pour sa blanche vieillesse, il feit le saut des le premier advenement de son Empire. Mais Pertinax fut fait Empereur contre la volonté des soldats, lesquels estans accoustumez de vivre à l'abandon soub Commode ne pouvoient endurer cette vie honneste, à laquelle Pertinax les vouloit reduire : & de là ayant conceu hayne contre luy, & à cette hayne aiousté un contemnement (d'autant qu'il estoit vieil) il fut ruiné tout au commencement de son Empire.



Segment 37
Onde si deve notar' che l'odio s' acquista così mediante le buone opere come le triste, et però, com' io dissi di sopra, volendo un' Principe mantener' lo stato, è spesso forzato a non esser' buono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dequoy l'on doibt prendre ung enseignement notable que l'on se faict hayr aussy bien par les bonnes oeuvres comme par les mauvaises : et partant ung prince est souvent contrainct de faire du maulvais. Sur ce passage faut noter que la haine s'aquiert autant par les bonnes œuvres que par les mechantes : et pource, comme i'ay dict dessus, si le Prince veut maintenir ses estats, il est souvent contraint a faire du mal. Dequoy il faut noter, que la malveillance s'acquiert aussi bien entre les hommes par la vertu, que le vice. Pourtant si un Prince se veut conserver en son estat, il sera maintesfois force, comme i'ay dit, à n'estre du tout bon, et vertueux. Sur ce passage faut noter que la hayne s'acquiert autant par les bonnes euvres que par les mauvaises : à ce (comme i'ay dit dessus) si le Prince veut maintenir ses estats, il est souvent contraint à faire mal.



Segment 38
Perche quando quella università, o Popolo o soldati o grandi che sieno, della qual' tù giudichi per mantenerti haver' bisogno, è corrotta, ti convien' seguir' l'humor' suo et satisfarle: et al'hora le buone opere ti sono inimiche.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car quand celle communaulté, peuple, souldardz ou grandz que ce soient, desquelz ung prince se sent avoir besoing, sont corrompuz et adonnez à mal, il est contrainct de suyvre leur humeur, et les contenter en leur meschanceté, et envers ceulx cy les bonnes oeuvres sont dommageables. Car quant ceste communaute, ou du peuple, ou des gensdarmes, ou des grans, quelz qui soient, desquelz on estime avoir affaire pour se maintenir, est une fois corrompue il faut suyvre son trein et luy satisfaire, alors les bonnes œuvres ne sont pas les meilleures. Car si l'université, soit le vulgaire, les riches, ou les soudars, est corrompue, de laquelle tu aye besoing pour te maintenir, il est necessaire, que tu t'appropries à son humeur la voulant contenter : et alors les bonnes operations te sont contraires et pernicieuses. Car quand cette communauté ou du peuple ou des gensd'armes ou des grans quels qui soient (desquels on estime avoir affaire pour se maintenir) est une fois corrompuë, il faut suivre son train & luy satisfaire : alors les bonnes euvres ne sont pas les meilleures.



Segment 39
Ma veniamo ad Alessandro, il qual' fù di tanta bontà che intra l'altre lode, che gli sono attribuite, è che in quattordici anni che tenne l' Imperio non fù mai morto da lui nissuno ingiudicato: nondimanco essendo tenuto effeminato et huomo che si lasciasse governar' da la madre, et per questo venuto in dispregio, conspirò contro di lui l'esercito et amazollo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais pour venir à Alexandre, qui fut de si grande bonté qu'en XIV ans qu'il régna, qui est une des louenges qui luy sont attribuées, il ne feit jamais mourir personne sinon par justice, il ne fut occis par la conspiration de son exercite sinon pource qu'il estoit estimé lasche et effeminé, et homme qui se laissoit gouverner par sa mère, et par cela venu en mespris et désestimation. Mais parlons d'Alexandre, lequel fut d'une si grande bonte, qu'entre les autres louenges qu'on luy attribue, ceste la en est, qu'un xiiij. ans qu'il a tenu l'Empire il ne feit onques mourir personne sans bonne iustice : neantmoins d'autant qu'il avoit la renommee d'estre effemine, et homme qui se laissast gouverner par sa mere il vint en mespris si bien que l'exercite conspira contre luy, et le tua. Or considerons un peu Alexandre lequel fut de si grande bonté, qu'entre les autres louenges, que la renommée luy attribue, on dit, qu'en l'espace de quatorze années, qu'il regna, il ne fut oncq mis homme à mort, que par sentence des iuges. Ce neantmoins ayant le bruit d'estre pusilanime et personnage, qui se laissoit gouverner à sa mere, tomba finablement en tel mespris, que son armée conspira contre luy, et luy feit à la parfin perdre la vie. Mais parlons d'Alexandre, lequel fut d'une si grande bonté, qu'entre les autres loüanges qu'on luy attribue en xiiij. ans qu'il a tenu l'Empire, il ne fit onques mourir personne sans bonne iustice : neanmoins d'autant qu'il avoit la renommée de estre effeminé & homme qui se laissast gouverner par sa mere, il vint en mepris si bien que l'armée conspira contre luy & le tua.



Segment 40
Discorrendo hora per opposito, le qualitati di Commodo, di Severo, di Antonino Caracalla et di Massimino, gli troverrete crudelissimi et rapacissimi: li quali, per satisfar' a soldati, non perdonorno a nessuna qualità d' ingiuria che ne Popoli si potessi commettere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour discourir par le contraire des qualitez de Commodus, de Sévérus, d'Antoninus Caracalla et de Maximin, vous les trouverez avoir esté en leur vie plains d'une grande cruaulté et avarice, lesquelz pour satisfaire aux souldardz ne laissèrent à faire aucune qualité d'injure sur le peuple. Au contraire discourant les qualitez de Commode, Severe, Antonin Caracalle, et de Maximin vous les trouverrez avoir este fort cruelz, et pillars : car pour contenter les gensdarmes, ilz n'oublierent pas une sorte d'iniures et d'outrages qui se peut exercer contre le peuple : Au contraire, si nous examinons les qualitez de Commode, Severe, Antonin Caracalle, et de Maximin, nous les trouverons avoir tous estez cruelz, et extremes exacteurs de peuple : lesquelz, pour satisfaire à leurs soudars, excercerent tous les oultrages, tors, et violences, qui se pouvoient commettre sur leurs subietz. Au contraire discourant les qualitez de Commode, Severe, Antonin Caracalle & de Maximin, vous les trouverez avoir esté fort cruels & pillars : car pour contenter les gensd'armes, ils n'oublierent pas une sorte d'iniure & d'outrage qui se pust exercer contre le peuple :



Segment 41
Et tutti eccetto Severo hebbero tristo fine; perche in Severo fù tanta virtù che, mantenendosi i soldati amici, ancor' che i popoli fusser' da lui gravati, potè sempre regnar' felicemente: perche quelle sue virtù lo facevano nel' cospetto de soldati et de popoli sì mirabile che questi rimanevano in un' certi modo attoniti et stupidi, et quelli altri reverenti et satisfatti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et par ainsy la hayne de tout le monde acquise, ilz furent tous, excepté Sévérus, malheureusement occis. Mais Sévérus fut de si grande vertu, que combien que les peuples fussent grévez par luy, touteffoys en entretenant les gensdarmes en son amitié, il régna heureusement. Car ses vertuz le rendoyent si admirable tant envers les souldardz qu'envers les peuples, que les ungs demouroient comme estonnez, et les aultres obéyssans et contens. aussi tous hors mis Severe eurent malheureuse issue : d'autant que Severe estoit de si grande vertu, que aiant gaigne les cœurs des soldars, encores que le peuple fust fort tourmente de luy, si peut il bien regner heureusement. Car ses excellences et perfections le rendoient tant emerveillable devant les soldars et peuples, que les uns demouroient d'une certaine maniere estonnez, et les autres obeissants et satisfais : Aussi eurent ilz un chacun d'eux miserable, et honteuse fin, hors mis l'empereur Severe, lequel estoit garny de telle prouesse, et magnanimité, que s'entretenant en lamitié de ses gens de guerre, encores qu'il foulast grandement ses subietz, il luy fut facile de regner heureusement : parce que ses vertus le rendoient en la face de son peuple, et ses soudars si admirable, que les uns en demeuroient d'un costé ravis, et estonnez, les autres contens, et plains d'obeissance. aussi tous hors mis Severe eurent mal-heureuse issue : d'autant que Severe estoit de si grande vertu, qu'ayant gaigné les cueurs des soldats, encore que le peuple fust fort tourmenté par luy, si put il bien regner heureusement. Car ses excellences & perfections le rendoient tant emerveillable devant les soldats & peuples, que les uns demeuroient d'une certaine maniere estonnez, & les autres obeissans & satisfaits.



Segment 42
Et perche l'attioni di costui furono grandi in un' Principe nuovo, io voglio mostrar' brevemente, quanto egli seppe ben' usar' la persona de la Volpe et del' Leone, le quali nature dico come di sopra esser' necessarie ad imitar' a un' Principe.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pource que les faictz de cestuy cy furent si grandz qu'ilz peuvent estre mys pour exemple à tous princes nouveaux, je veulx briefvement monstrer comment il sceut bien jouer des personnages du renard et du lyon, comme je dict qu'il fault sçavoir faire à ung prince. or pource que ses fais ont este bien fort grans pour un Prince nouveau, ie veux monstrer brevement, comment il a bien sceu pratiquer la personne du lyon et du regnard, lesquelles natures ie dy comme dessus qu'il faut qu'un Prince sçache bien contrefaire. Et parautant que ses gestes sont dignes d'admiration en un Prince nouveau, ie veux monstrer en peu de parolles, comme il sçeut finement iouer le personnage du Regnard, et du Lion - qui sont complexions de bestes, dont il faut, que le Prince se sçache ayder au besoing. Or pource que ses faits ont esté bien fort grands pour un Prince nouveau, ie veux monstrer brevement, comme il a bien sceu pratiquer le personnage du lyon & du renard : lesquelles natures ie dy comme dessus qu'il faut qu'un Prince sache bien contrefaire.



Segment 43
Conosciuta Severo la ignavia di Iuliano Imperador' persuase al' suo esercito (del' quale era in Schiavonia Capitano) che gli era ben' andare a Roma a vendicar' la morte di Pertinace, il qual' era stato morto della guardia Imperiale.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Incontinent que Sévérus eust entendue la couardise et lascheté de Julianus, duquel il estoit capitaine en chef en Esclavonie, il persuada à son armée qu'il estoit bon d'aller à Rome pour venger la mort de Pertinax, qui avoit esté malheureusement occis par la garde ordinaire des empereurs. Connoissant Severe la nonchallance de Iulian qui estoit Empereur il mist en fantasie de l'ost duquel il estoit Capitaine en Sclavonie qu'il estoit bon d'aller a Romme venger la mort de Pertinax, lequel avoit este tue de la garde Imperiale : Severe doncq' congnoissant le peu de cas, que c'estoit de l'Empereur Iulian, persuada à tout son exercite, sur lequel il estoit lieutenant general en Esclavonie, d'aller à Rome, pour venger la mort de Pertinax, qui avoit esté occis par les gens de sa garde : Connoissant Severe la nonchallance de Iulian qui estoit Empereur, il mit en fantasie à l'ost (duquel il estoit Capitaine en Sclavonie) qu'il estoit bon d'aller à Romme venger la mort de Pertinax, lequel avoit esté tué par la garde Imperiale :



Segment 44
Et sotto questo color', senza mostrar' di aspirar' al' Imperio, mosse l'esercito contro a Roma, et fù prima in Italia che si sapesse la sua partita.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et soubz ceste couleur sans faire semblant de se vouloir saisir de la principaulté, alla droict à la volte de Rome et fut plustost en Italie que l'on sçeust qu'il estoit party, et soubz ceste couleur sans faire semblant de pretendre a l'Empire, feit marcher son armee vers Romme, arrivant en Italie devant qu'on sceust qu'il fust parti. et soubz ceste coulleur, sans declarer qu'il aspirast à l'empire, feit marcher son armée contre Rome, se trouvant plustost en Italie que lon sceust nouvelles de son partement. & soub ceste couleur sans faire semblant de pretendre à l'Empire, fit marcher son armée vers Romme, arrivant en Italie devant qu'on sceust qu'il fust party.



Segment 45
Arrivato a Roma, fù dal' Senato per timor' eletto Imperador' et morto Iuliano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et à son arrivée fut par le Sénat esleu empereur et Julianus occis. Apres estre de retour a Romme il fut esleu Empereur du Senat par crainte, et feit tuer Iulian. Arrivé à Rome, le Senat l'esleut Empereur par crainte, et meit à mort Iulian. A son retour à Romme il fut eleu Empereur par le Senat, par crainte, & fit tuer Iulian.



Segment 46
Restavano a Severo doppò questo principio doe difficultà a volersi insignorir' di tutto lo stato. L'una in Asia, dove Nigro capo degli eserciti Asiatici s' era fatto chiamar' Imperadore. L'altra in Ponente de Albino, il qual' ancor' lui aspirava a l'Imperio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or il avoit encore deux grandes difficultez à surmonter avant qu'il se peust bien saisir de tout l'empire. L'une en Asie contre Niger, l'autre en Occident contre Albinus qui s'estoient aussy faictz déclairer empereurs par leur gensdarmes. Il luy restoit doncques apres tel commencement deux difficultez pour se vouloir faire seigneur de tout, l'une en Asie, ou Niger lieutenant en chef des legions Asiatiques s'estoit faict apeller Empereur, l'autre en Ponent contre Albin lesquel se vouloit aussi faire Empereur. Ce commancement fait, il luy restoit deux difficultez à vouloir occuper tout l'empire, l'une en Asie, ou un nommé Niger chef de l'exercite de levant s'estoit fait saluer Empereur : L'autre en ponnant, à l'occasion d'Albinus, qui pretendoit à un mesme but. Il luy restoit donques aprez tel commencement deux difficultez pour se vouloir faire Seigneur de tout, l'une en Asie, où Niger lieutenant en chef des legions Asiatiques s'estoit fait appeller Empereur, l'autre en Ponent contre Albin lequel se vouloit pretendre au mesme tiltre.



Segment 47
Et perche giudicava periculoso scoprirsi inimico a tutti a doi, deliberò di assaltar' Nigro et ingannar' Albino, al qual' scrisse come, essendo dal Senato eletto Imperadore, voleva participar' quella dignità con lui et mandoli il titolo di Cesare et per deliberatione del' Senato se l'aggiunse collega. Le quali cose furno accettate da Albino per vere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à cause qu'il lui sembloit dangereux de se descouvrir ennemy de tous deux il trouva le moyen d'assaillir Niger à guerre descouverte, et de tromper Albinus. Si luy envoya des lettres fort amyables et pleines de toute doulceur, luy disant que puys que le Sénat l'avoit creé empereur, il se délibéroit de le faire participant de celle dignité, et luy envoya le tiltre de César, et par délibération du Sénat le print pour compaignon et adjoinct à l'administration de l'empire. Lesquelles choses Albinus accepta comme vrayes et sans fiction. Et pource qu'il voyoit bien que c'estoit une chose fort dangereuse de se declarer ennemi a tous deux, il se delibera d'assaillir Niger et de tromper Albin, auquel il escrivit comme aiant este esleu Empereur par le Senat il luy vouloit communiquer ceste dignite, et de faict luy presenta le tiltre de Cesar, et par deliberation du Senat le fit son compaignon d'Empire, ce qui fut accepte comme veritable par Albin. Et parautant qu'il luy sembla dangereux se manifester tout d'un coup ennemy aux deux ensemble, delibera courir sus Niger, et tromper Albinus : auquel il escrivit, comme estant esleu Empereur par les Senateurs, il le vouloit rendre participant de ceste dignité avecques soy : et de fait luy envoya le tiltre de Cesar, et se l'associa pour compagnon de l'Empire, soubz l'advis, et consentement du Senat. Ce qu'Albinus accepta fort volontiers, comme chose desirée, et la pensant veritable. Et pource qu'il voyoit bien que c'estoit une chose fort dangereuse de se declarer ennemy à tous deux, il se delibera d'assaillir Niger & de tromper Albin, auquel il escrivit comme ayant esté eleu Empereur par le Senat, il luy vouloit communiquer cette dignité & de fait luy presenta le tiltre de Cesar & par arrest du Senat le fit son consort à l'Empire : ce qui fut accepté comme veritable par Albin.



Segment 48
Ma poi che Severo hebbe vinto et morto Nigro et pacate le cose Orientali, ritornatosi a Roma, si querellò in Senato di Albino che, come poco conoscente de beneficij ricevuti da lui, haveva a tradimento cerco d'amazarlo: et per questo era necessitato andar' a punire la sua ingratitudine. Di poi andò a trovarlo in Francia, et gli tolse lo stato et la vita.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Touteffois après que Sévère eust occis Niger et pacifié les affaires d'Orient, il retourna à Rome, où il feit sa complaincte au Sénat de l'ingratitude d'Albinus, comme s'il eust tasché de le faire mourir par trahison et se faire seul empereur. Et il adjouxta qu'il estoit nécessaire d'aller punyr son ingratitude, ce qu'il feit au partyr de là. Car estant venu en France, avec toute son armée en peu de temps luy osta l'estat et la vie. Mais apres que Severe eust emporte la victoire et faict mourir Niger, et apaise les affaires Orientales, apres estre de retour a Romme, il se complaignist en plain Senat d'Albin, lequel comme recongnoissant bien mal les plaisirs receux de luy avoit marchande a le faire tuer en trahison. Et pourautant il estoit contraint d'aller punir son ingratitude. Depuis il le fut trouver iusques en Gaule, et luy osta la vie et le gouvernement. Mais apres que Severe eut vaincu, et tué Niger, et pacifié les affaires de l'Orient, retourna incontinent à Rome, ou il se complaignit en plain Senat d'Albinus : lequel, comme peu souvenant des bienfaitz receus de luy, avoit prochassé de le faire mourir par trahison : au moyen dequoy estoit contraint d'aller punir son ingratitude : ce qu'il executa depuis, et l'alla trouver en France, ou il le priva de l'Empire, et de la vie. Mais aprez que Severe eust emporté la victoire & fait mourir Niger, & apaisé les affaires d'Orient, estant de retour à Romme, il se complaignist en plain Senat d'Albin, lequel comme mal reconnoissant les plaisirs receus de luy, avoit marchandé à le faire meurdrir en trahison : parquoy estoit contraint d'aller punir son ingratitude. Depuis il le fut trouver iusques en Gaule & luy osta la vie & le gouvernement.



Segment 49
Chi esaminerà adunque tritamente l'attioni di costui, lo troverrà un' ferocissimo Leone et una astutissima Volpe, et vedrà quello temuto et reverito da ciascuno et dagli eserciti non odiato, et non si maraviglierà se lui huomo nuovo harà possuto tener' tanto Imperio, perche la sua grandissima reputatione lo difese sempre da quel' odio, che i popoli per le sue rapine havevon' possuto concipere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Qui doncques vouldra par le menu examiner les faictz de Sévérus il congnoistra comment il a esté ung treshardy lyon, et ung trescautelleux renard, craint et révéré d'ung chascun et non hay des armées, et ne s'esmerveillera point qu'ung homme nouveau comme luy, aye sceu occuper et tenir ung tel empire. Car sa tresgrande réputation des faictz d'armes le garantissoit de la malveillance que les peuples pouvoient concepvoir de sa cruaulté et tyrannie. Qui doncques droitement examinera ses œuvres il trouvera qu'il fut un courageux lyon et un fin regnard, et le connoistra s'estre faict craindre et reverer d'un chacun, sans avoir este hay des gens de guerre, et ne s'emerveillera point si luy estant de basse condition a peu tenir un si puissant Empire : car sa tresgrande reputation l'a tousiours defendu de la haine que le peuple eust peu concevoir contre luy pour ses pilleries. Qui doncq pesera par le menu les actions de ce Seigneur, le iugera avoir fait les tours d'un tresfurieux Lion, et trescauteleux Regnard, et qu'il a esté craint, et reveré de tout le monde, et bienvoulu de sa gendarmerie : de sorte qu'on ne s'esmerveillera point, comme luy estant homme nouvellement parvenu, à peu garder entre ses mains un si grand, et opulent Empire : parce que sa merveilleuse, et haute reputation le preserva de la hayne, que ses rapines luy pouvoient avoir acquise à l'endroit de ses subietz. Qui donques droittement examinera ses euvres, trouvera qu'il fut un courageux lyon & un fier renard & connoistra qu'il s'est fait craindre & reverer de chacun, sans avoir esté hay des gens de guerre, & ne s'esmerveillera point si estant de basse condition, il a peu tenir un si puissant Empire. Car sa tresgrande reputation l'a tousiours defendu de la hayne que le peuple eust peu concevoir contre luy pour ses pilleries.



Segment 50
Ma Antonino suo figliolo fù ancor' lui eccellentissimo, et haveva in se parti che lo facevano admirabile nel' cospetto de popoli et grato a soldati, perche era huomo militare, sopportantissimo d'ogni fatica, disprezator' d'ogni cibo delicato et d'ogn' altra mollitie, la qual' cosa lo faceva amare da tutti li eserciti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais Antoninus son filz fut aussy tresexcellent et avoit en soy quelques vertuz qui le rendoyent admirable envers le peuple et aggréable aux gensdarmes. Car il estoit bon homme de guerre, portant facillement tout travail, despriseur de viandes délicates et de toute aultre mollesse, dont il estoit grandement aimé de tous les exercites. Antonin son filz estoit aussi un excellent personnage, et avoit en soy des perfections singulieres qui le rendoient emerveillable envers son peuple, et agreable a ses soldars : car il estoit homme de guerre, endurant tout travail, ne tenant conte des viandes delicates ny d'autres voluptez et mignardise, ce qui le faisoit aimer de tout son camp. Son filz Antoine fut semblablement vaillant personnage, garny d'excellentes parties, et vertus, qui le faisoient redouter du peuple, et aggreable aux soudars. Car il estoit homme belliqueux, endurcy a toute sorte de travail, despriseur de viandes delicates, et toute autre volupté, choses qui contraignoient les gens de guerre à l'aymer. Antonin son filz estoit aussi un excellent personnage, & avoit en soy des perfections singulieres qui le rendoient admirable à son peuple & agreable à ses soldats : car il estoit homme de guerre, endurant tout travail, ne tenant conte des viandes delicates ne d'autres voluptez & mignardises : ce qui le rendoit aymable à tout son camp.



Segment 51
Nondimeno la sua ferocia et crudeltà fù tanta et sì inaudita, per haver' doppò molte occasioni particulari morto gran' parte del' popol' di Roma et tutto quel' d'Alessandria, che diventò odiosissimo a tutto il mondo et cominciò a esser' temuto da quelli ancora ch' egli haveva intorno, in modo che fù amazato da un' Centurione in mezo del' suo esercito.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ce nonobstant sa fierté et cruaulté inhumaine fut si grande et si désordonnée, après avoir sans juste cause occis grande partie du peuple romain et tout celluy d'Alexandrie, qu'il devint odieux à tout le monde, et commença à estre craint et hay des siens mesmes ; tellement que par ung centenier il fut occis au millieu de son armée. Neantmoins sa cruaute fut si terrible, qu'aiant apres beaucoup d'executions particulieres faict mourir grande partie du peuple de Romme, et tout celuy d'Alexandrie il devint en haine a un chacun, et commença d'estre craint de ceux la mesmes qui estoient entour de luy, en sorte qu'il fust tue par un centenier tout au beau meillieu de son camp. Toutesfois son insolence, et cruauté furent tant immoderées et excessives, ayant fait mourir par occasions particulieres la plus grand'partie du peuple Romain, et entierement celuy d'Alexandrie, qu'a la parfin il tomba en la malveillance de tout le monde, et commença se faire craindre a ses plus privez, et familiers amis en maniere qu'un Centurion le tua au beau meilleu de son armée. Neanmoins sa cruauté fut si horrible, qu'ayant apres beaucoup d'executions particulieres fait mourir grande partie du peuple de Romme & tout celuy d'Alexandrie, il vint en hayne à chacun & commença d'estre craint de ceux-là-mesmes qui estoient à l'entour de luy, en sorte qu'il fust occis par un centenier au mylieu de son camp.



Segment 52
Dove è da notar' che queste simili morti, le quali seguitano per deliberatione di un' animo deliberato, non si possono da Principi evitare, perche ciascun che non si curi di morire lo può fare. Ma deve ben' il Principe temerne meno, perche le son' rarissime.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Surquoy fault incidemment noter que telles occasions qui se font d'un courage délibéré de quelque particulier ne se peuvent éviter. Car ung chascun les peult faire s'il ne se soucye de mourir, et ung prince ne doibt poinct craindre ces conjurateurs qui sont seulz. Car il n'en advient pas souvent, Et sur ce point il faut noter que les meurdres semblables a cestuy ci, qui viennent ainsi de cœur de quelcun qui l'a pourpense de longue main et se l'a mis en sa teste ne se peuvent eviter d'un Prince : car un simple homme auquel il ne chaut de mourir le peut bien mettre a chef. Mais un Prince doit bien craindre moindres choses que cela, car on n'en voit gueres avenir : Et en cela est bon de noter, que ces perilz de mort coniurée par un homme deliberé et obstiné à tout danger ne se peuvent destourner d'un Prince : d'autant qu'un chacun le peut executer, nayant aucun soucy de la mort. Si est ce qu'on s'en doit moins travailler, comme de chose advenant fort rarement. Sur ce point il faut noter que les meurdres semblables à cestuy-cy, qui viennent ainsi du cueur de quelque un qui l'a pourpensé de longue main & se l'a mis en la teste, ne se peuvent eviter par le Prince : car un simple homme auquel il ne chaut de mourir le peut bien mettre à chef. Mais un Prince doibt bien craindre moindres choses que cela : car on n'en void gueres avenir :



Segment 53
Deve solo guardarsi di non fare ingiuria grave ad alcun' di coloro de quali si serve et che gli' ha d'intorno al' servitio del' suo Principato, come haveva fatto Antonino, il qual' haveva morto contumeliosamente un' fratel' di quel Centurione et lui ogni giorno minacciava, et nientedimeno lo teneva a la guardia del' suo corpo, il che era partito temerario et da rovinarvi, come gl'intervenne.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
pourveu qu'il se donne de garde de ne faire quelques grosses injures à ceulx dont il se sert et qu'il tient autour de soy pour le service ordinaire de son estat comme avoit faict Antoninus, qui honteusement avoit faict mourir ung frère dicelluy centenier et tous les jours le ménassoit de luy en faire autant, et touteffoys le tenoit à la garde de son corps, qui estoit très mal advisé à luy et assez pour donner occasion de le desfaire comme de faict il luy advint. seulement il doit bien prendre garde de ne faire grandes iniures a nul de ceux desquelz il se sert, et qui sont autour de sa personne, ou au maniement de ses affaires : comme avoit faict Antonin qui avoit outrageusement faict mourir un frere du centenier, et le menassoit tous les iours, et toutesfois il le tenoit a la garde de son corps : ce qui estoit une grande faute assez pour le ruiner comme il avint. Et faut tant seullement, qu'il se garde de faire aucune griefve iniure a ceux, qui sont aupres de sa personne : ainsi qu'en usa cest Empereur Antonius lequel menaçoit tous les iours le Centurion, apres avoir fait outrageusement mourir son frere, et le retenoit ce neantmoins a la garde de son corps : qui estoit une vraye, et pernicieuse temerité, comme il en feit depuis l'essay. seulement il doibt prendre garde de ne faire grandes iniures à nul de ceux desquels il se sert & qui sont autour de sa personne ou au maniement de ses affaires : comme avoit fait Antonin qui avoit outrageusement fait mourir un frere du centenier & le menassoit tous les iours, & neanmoins le tenoit à la garde de son corps : ce qui estoit une faute assez grande à le ruiner comme il avint.



Segment 54
Ma vegniamo a Commodo, al' qual' era facilità grande tener' l'Imperio per haverlo hereditario, essendo figliuol' di Marco, et solo gli bastava seguir' le vestigia del' padre, et a popoli et a soldati harebbe satisfatto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais pour venir à Commodus il luy estoit bien facile pour estre fils et héritier de Marc Aurèle de s'entretenir en l'empire, et ne luy falloit que suyvre les trasses de son père : quoy faisant il eust contenté le peuple d'ung costé et les souldardz de l'autre. Mais venons a Commode, qui pouvoit facilement tenir l'Empire, d'autant qu'il l'avoit par succession estant filz de Marc, et luy suffisoit d'ensuivre le chemin de son pere, car s'il l'eust faict il eust contente et le peuple et les soldars : Touchant de Commodus, il se pouvoit aysément conserver en l'empire, l'ayant par succession de Marc son pere : la trace duquel quand il eust bien suyvie elle luy suffisoit a rendre le peuple, et la gendarmerie contente. Mais venons à Commode, qui pouoit facilement tenir l'Empire, d'autant qu'il l'avoit par succession, estant filz de Marc & luy suffisoit d'ensuivre le chemin de son pere : car s'il l'eust fait il eust contenté & le peuple & les soldats :



Segment 55
Ma essendo d'animo crudele et bestiale, per poter' usar' la sua rapacità ne popoli, si volse ad intratenere li eserciti et fargli licentiosi. Dal'altra parte, non tenendo la sua degnità, descendendo spesso nelli Theatri a combattere co gladiatori et facendo altre cose vilissime et poco degne de la maiestà Imperiale, diventò contennendo nel' cospetto de soldati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tuteffoys à cause qu'il estoit de cruel courage et brutal, pour mieulx user de sa rapacité sur le bon homme, il se meit à favoriser les gensdarmes, et leur lascher la bride, les laissant vivre en grande dissolution. Et dautrepart ne tenoit aucun compte de sa dignité, et descendoit souvent aux théâtres et autres lieux publicqs pour combattre nud contre les gladiateurs, et faisoit plusieurs choses viles et indignes de la majesté imperialle. toutesfois estant d'un esprit cruel et bestial, affin qu'il peust assouvir sa pillerie sur le peuple il commençea d'entretenir les exercites, et leur donner licence. D'autre part ne tenant point bien son reng, car il descendoit souvent aux echaffaux a combatre contre les escrimeurs, et faisoit autres choses fort villaines, et indignes de la maieste Imperiale, il devint abiet et de peu de conte envers ses soldars, Mais estant plain d'un courage cruel, et bestial, pour mieux exercer sa rapacité contre les subietz, tourna sa faveur vers ses soudars, les norrissant en une effrenée, et immoderée licence. D'autre part ne gardant point le ranc de sa dignité, souventes fois descendant en plain theatre pour combatre devant l'assistance du peuple Romain contre les escrimeurs, et faisant mille autres petites choses viles, et indignes de la maiesté Imperialle, tomba peu a peu en la mauvaise estime de ses gens de guerre, toutefois estant d'un esperit cruel & bestial, affin qu'il peust saouler sa pillerie sur le peuple, il commença à entretenir l'armée & lui donner licence. D'autre part ne tenant pas bien son reng & gravité (car il descendoit souvent aux echaffaux à combattre contre les ecrimeurs & faisoit autres choses fort viles & indignes de la magesté Imperiale) il devint abject & de peu de conte envers ses soldats,



Segment 56
Et essendo odiato da una parte et da l'altra disprezato, fù cospirato contro di lui et morto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Au moyen dequoy il fut désestimé et contemné des souldardz et hay du peuple, tellement que l'on conspira contre luy et fut occis. de sorte qu'estant hay d'une part et deprise de l'autre par coniuration il fut tue. et consequemment estant haï d'un costé, et desprisé de l'autre, n'est de merveilles si lon conspira contre luy, et les siens mesmes le tuerent. de sorte qu'estant hay d'une part & meprisé de l'autre par coniuration il fut tué.



Segment 57
Restaci a narrare la qualità di Massimino. Costui fù huomo bellicosissimo, et essendo li eserciti infastiditi da la mollitie d' Alessandro, del' qual' è di sopra discorso, morto lui lo elessero al' Imperio, il qual' non molto tempo possedette perche doe cose lo fecero odioso et contennendo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il ne reste qu'à discourir des qualitez de Maximinus qui fut à la vérité homme tresbelliqueux, puyssant et roide de sa personne, entrant la teste baissée en tous dangiers, pour lesquelles choses il fut esleu empereur par les gensdarmes qui se sentoyent faschés de la mollesse d'Alexandre, du quel cy dessus j'ay parle. Touteffois sa félicité ne fut pas durable, à cause qu'il estoit malvolu et desprisé pour deux causes. Il reste maintenant a conter la sorte de Maximin, qui fut homme fort vaillant, et pource que les soldars estoient las et fachez de la mignardise d'Alexandre, duquel i'ay parci devant discouru, apres sa mort ilz eleurent Maximin Empereur, mais il ne le fut pas longuement, car deux choses le feirent hayr et depriser, Quant a Maximinus, il fut homme fort grand guerroyeur, lequel à ceste cause on esleut Empereur pour l'ennuy, et lasseté, que la gendarmerie avoir receuë du tranquille et mol gouvernement d'Alexandre, dont nous avons n'agueres parlé : toutesfois il n'y demeura pas longuement, moyennant deux enormes tasches, qui estoient en luy : Reste maintenant à deduire la façon de Maximin, qui fut fort vaillant personnage & par ce que les soldats estoient las & ennuyez de la mignardie d'Alexandre (duquel i'ay par cy devant discouru) aprez sa mort ils eleurent Maximin Empereur : mais il ne le fut pas longuement, car deux choses le firent hayr & mepriser :



Segment 58
L'una, l'esser' lui vilissimo per haver' guardate le pecore in Thracia, la qual' cosa era per tutto notissima, et gli faceva una gran' dedignation' nel' cospetto di ciascuno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'une pour estre de basse condition, vil et infame, et avoir gardé les brébis au pays de Trace, comme tout le monde sçavoit bien qui luy engendroit une indignité vers ung chascun. l'une d'autant qu'il estoit de basse condition, aiant autresfois garde les brebis en Thrace, ce qui estoit assez par tout notoire, et le mettoit en grand dedain envers un chacun. l'une pour estre de bien vile, et abiecte condition, ayant gardé les bestes au païs de Thrace, ce qui estoit notoire à un chacun, et luy engendroit un merveilleux dedaing, et mesprisance : l'une d'autant qu'il estoit de basse condition, ayant autrefois gardé les brebis en Thrace, ce qui estoit assez notoire par tout, & le mettoit en grand dedain envers tous.



Segment 59
L'altra, perche havendo nel' ingresso del' suo Principato differito l'andare a Roma et entrare nella possessione della sedia Imperiale, haveva dato opinione di crudelissimo, havendo per li suoi prefetti in Roma et in qualunque luoco dell' Imperio esercitato molte crudeltà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'autre pour avoir différé d'aller à Rome et entrer en possession du siège impérial, et pour avoir exercé plusieurs cruautez à Rome par ses gouverneurs et par les lieutenans es provinces. L'autre estoit qu'aiant au commencement de sa Principaute differe d'aller a Rome, et entrer en possession du siege Imperial, il avoit donne l'opinion a chacun d'estre merveilleusement cruel, aiant par ses Lieutenans a Rome, et en autres lieux de l'Empire faict exercer grandes cruautez : L'autre, parce qu'a l'entrée de son regne, ayant differé d'aller à Rome, et prendre possession du siege imperial, il sema de luy une opinion de cruauté, pour les rigoreuses inhumanitez, qu'il avoit faites exercer par ses lieutenans, et commis en la ville de Rome, et plusieurs endroitz de l'Empire. L'autre estoit qu'ayant au commencement de sa Principauté differé d'aller à Romme & entrer en possession du siege Imperial, il avoit donné opinion à chacun d'estre merveilleusement cruel, ayant par ses Lieutenants à Romme & en autres lieux de l'Empire fait exercer de grandes cruautez :



Segment 60
A tal' che, comosso tutto il mondo da lo sdegno per la viltà del' suo sangue, da l'altra parte da l'odio per la paura della sua ferocia, prima l'Africa, di poi el Senato, con tutto il popol' di Roma et tutta l'Italia, gli cospirò contro, al che si aggiunse el suo proprio esercito, il qual', campeggiando Aquileia et truovando difficultà nella espugnatione, infastidito de la crudeltà sua, et per vederli tanti inimici, temendolo meno, lo amazò.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Au moyen dequoy il donna telle opinion de soy d'estre fier et sanguinaire, que premièrement l'Affricque et en après le Sénat, avec le peuple romain, toute l'Italie, et finablement tout le monde esmeu de desdaing pour la vilté de son sang et de hayne pour crainte de sa cruauté, conspira contre luy et feirent révolter son armée tellement que les gensdarmes trouvant la prinse d'Aquilée fort difficile, où ilz estoient campez pour la prendre, et se faschant de sa cruaulté inhumaine, considéré aussy les ennemyz qu'il avoit, sur le beau mydy le massacrèrent avec son filz au millieu du camp. tellement qu'estant tout le monde fort indigne pour la villenie de sa lignee, d'autre coste le hayssant pour crainte de sa cruaute. Premierement l'Afrique, apres le Senat, avec tout le peuple de Rome, et toute l'Italie conspira contre luy, tellement que son camp mesmes assiegeant Aquilee, et trouvant qu'il y avoit de l'affaire a la prendre, estant fache de la cruaute de l'Empereur, et le craignant moins pource qu'il avoit tant d'ennemis, le tua. Tellement que le monde estant indigné pour la vilité de son sang et luy portant mauvais vouloir d'autre part, a l'occasion de sa cruelle nature, que lon craignoit, l'Affrique se rebella premierement, puis le Senat, avecques tout le peuple Romain, et apres l'Italie, et consecutivement sa propre armée, laquelle tenant le siege devant Aquilée, et trouvant la prise de icelle trop difficile, ennuyez de sa felonne complexion, et le craignant moins pour luy voir tant d'ennemis en barbe, le vous meirent galantement a mort. tellement qu'estant tout le monde fort indigné pour la vilité de sa lignée, d'autre costé le hayssant pour crainte de sa cruauté : premierement l'Afrique, aprez le Senat avec tout le peuple de Romme & toute l'Italie conspira contre luy, tellement que son camp mesme assiegeant Aquilée & trouvant qu'il y avoit de la difficulté à la prendre, estant faché de la cruauté de l'Empereur, & le craignant moins par ce qu'il avoit tant d'ennemis, le mit à mort.



Segment 61
Io non voglio ragionare ne di Heliogabalo ne di Macrino ne di Iuliano, i quali per esser' al tutto contennendi si spensero subito, ma verrò a la conclusione di questo discorso; et dico che li Principi de nostri tempi hanno meno questa difficultà di satisfar' estraordinariamente a soldati ne governi loro, perche, non ostante che s' habbi d' haver' a quelli qualche consideratione, pur' si risolve presto per non haver' alcun' di questi Principi eserciti insieme che siano inveterati con li governi et administrationi de le Provincie, com' erano gli eserciti del' Imperio Romano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veulx aucunement m'amuser sus Héliogabalus, Macrinus et Julianus, à cause que leurs villennies, infametez et choses indignes d'ung homme constitué en estat les feirent en ung instant tumber en ruyne, mais je viendray à la conclusion de ce discours, et diz que les princes de nostre temps n'ont point ceste difficulté de contenter les armées comme avoient les anciens en leur estat. Car jafois qu'il en faille tenir quelque compte, touteffois à cause qu'il n'y a prince qui tienne ordinairement une armée sur les champs enviellye au gouvernement et à la garnison des provinces, comme les exercites des Romains, ilz ne se sentent point de ceste difficulté. Ie ne veux point parler ne d'Heliogabale, ne de Macrin, ne de Iulian, lesquelz pour estre du tout infimes furent aussi tost aneantis. Mais ie viendray a la conclusion de ce discours, disant que les Princes de nostre temps n'ont point ceste grande difficulte, de contenter extraordinairement les gens de guerre en leur gouvernement : car nonobstant qu'il faille avoir quelque egard a eux, toutesfois il est facile d'en venir a bout : car nul des Princes de maintenant a plusieurs armees ensemble qui soient vieilies avec les gouvernemens et administration des Provinces, comme estoient celles de l'Empire de Romme. Au regard d'Heliogabale, de Macrin, et de Iulian, ie n'en veux point souiller mon propos : pour avoir esté gens de si pauvre, et lasche effet, qu'ilz n'ont gueres tardé de venir tous à neant. Mais ie viendray à la conclusion de ce propos, disant que les Princes de nostre temps ne sont point subietz à la peine d'applaudir à leurs soudars, par voyes si extraordinaires. Car bien qu'il faille avoir quelque consideration d'eux, si est ce qu'en cela le remede et advis y est prompt, attendu que les Princes d'auiourdhuy n'entretiennent point compagnies de gens de guerre, qui soient inveterées, et annexes aux estatz des Provinces, comme estoient les exercites pretorians de l'Empire Romain. Ie ne veux point parler ne d'Heliogabale ne de Macrin ne de Iulian, lesquels pour estre du tout infimes furent aussi tost aneantis. Mais ie viendray à la conclusion de ce discours, disant que les Princes de notre temps n'ont point cette grande difficulté de contenter extraordinairement les gens de guerre en leur gouvernement : car nonobstant qu'il faille avoir quelque egard à eux, toutefois il est facile d'en venir à bout : par ce que le Prince de maintenant ha plusieurs armées ensemble qui soient vieilies avec les gouvernemens & administration des Provinces, comme estoient celles de l'Empire de Romme.



Segment 62
Et però, se allhora era necessario satisfar' a soldati più che a popoli, era perche i soldati potevano più che i popoli, hora è più necessario a tutti i Principi, eccetto che al Turco et al' Soldano, satisfar' a popoli che a soldati, perche i popoli posson' più che quelli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy si en ce temps là il falloit favoriser plus les humeurs des gendarmes que des peuples, cela advenoit pource qu'ilz estymoient plus la puissance des gensdarmes que des peuples. Mais aujourdhuy c'est tout le contraire. Car il n'y a prince, hormis le grand Turc et le Souldan, en nostre temps auquel il ne soit plus expédient de satisfaire aux peuples qu'aux souldardz, pource aussy qu'ilz sont plus puissants. Doncques s'il estoit alors necessaire de contenter les soldars, plus que la commune, la raison est pource que les soldars avoient plus grande puissance que le peuple : a ceste heure il est beaucoup plus necessaire a tous les Princes, hors mis au grand Seigneur, et au Soudan, d'estre bienvoulu de la commune, que des soldars, car ilz peuvent d'avantage. Parquoy s'il estoit alors necessaire de satisfaire plustost aux soudars, qu'au peuple, procedoit de ce, que le peuple avoit moins de puissance, que les soudars : maintenant les Princes doivent s'incliner d'advantage au bon traittement du peuple, que des soudars : excepté le Soudan, et le grand Turc : Donc s'il estoit alors necessaire de contenter les soldats plus que la commune, la raison est par ce que les soldats avoient plus grande puissance que le peuple : auiourd'huy il est beaucoup plus necessaire à tous Princes (hors mis le grand Seigneur & le Soudan) d'estre bien vouluz de la commune que des soldats, car ils ont plus de puissance.



Segment 63
Di che io ne eccettuo el Turco, tenendo sempre quello intorno dodeci milia fanti et quindeci milia cavalli, da quali depende la sicurtà et la forteza del' suo regno, et è necessario che, postposto ogn' altro respetto de popoli, se li mantenga amici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
J'en ay excepté le grand Turc, pour raison qu'il tient ordinairement autour luy douze mil hommes de pied, et quinze mille chevaulx, desquelz despend toute la seureté et puissance de son royaume, tellement que pour maintenir ceulx cy en amitié, il fault qu'il postpose tous les respectz, que l'on peult avoir au peuple. Duquel nombre i'excepte le grand Seigneur, qui tient tousiours a l'entour de sa personne douze mille gens de pied et quinze mille chevaux, desquelz depend la seurete et force de son païs, et faut que sans avoir aucun egard de son peuple, il se les maintienne en amitie lequel entretient tousiours aupres de luy douze mille homme de pié, et quinze mille chevaulx : surquoy la force, et asseurance de son Empire est fondée : et faut necessairement que mis en arriere tout autre regard du Peuple, il pratique leur faveur, et benevolence. Duquel nombre i'excepte le grand Seigneur, qui tient tousiours à l'entour de sa personne douze mille hommes de pied & quinze mille chevaux (desquels depend la sureté & force de son païs) & faut que sans avoir aucun egard à son peuple, il se les maintienne en amitié :



Segment 64
Simile è il regno del' Soldano, quale, essendo tutto in mano de' soldati, convien' che ancora lui, senza rispetto de popoli, se li mantenga..
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le royaume du Souldan est presque semblable, fondé sur la foy des souldardz, lesquelz à tort ou à droict, il fault entretenir en amytié. semblablement le royaume du Soudan estant tout fonde en main de soldars, il faut qu'aussi bien luy que les autres, sans autrement avoir grand respect au peuple se les garde amis. Il en va tout ainsi du Royaume du Soudan, lequel se maniant entierement à la discretion des soudars convient par necessité que le Prince leur face la court, sans se soucier du reste de ses subietz. semblablement le royaume du Soudan qui est totalement fondé en main de soldats, il faut qu'aussi bien luy que l'autre, sans autrement avoir grand respect au peuple se les conserve amis.



Segment 65
Et havete a notar' che questo stato del' Soldano è disforme a tutti gli altri Principati, perche egli è simile al' Pontificato Christiano, il qual' non si può chiamar' Principato hereditario ne Principato nuovo, perche non i figli del' Principe morto rimangono heredi et Signori, ma colui che è eletto a quel' grado da colloro che n' hanno autorità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et debvez sçavoir que l'estat du Souldan est semblable au Pontificat des Chrestiens, lequel ne peult raisonnablement estre appellé principaulté héréditaire ny nouvelle, à cause que les filz du prince défunt ne succèdent point à sa dignité, mais seulement celluy qui par les plus apparens est esleu, Il faut noter que ce païs du Soudan est tout d'un autre Principaute : pource qu'il est semblable a la Papaute entre les Chretiens, car on ne peut dire que soit une Principaute de succession ou nouvelle, d'autant que les filz du Prince decede n'en demeurent pas heritiers et Seigneurs, mais celuy qui est eleu en ce degre par ceux qui en ont l'autorite. Et devez noter, que l'estat de ce Soudan est dissemblable a tous les autres, retenant beaucoup du pontificat Chrestien : qui ne se peut dire principauté hereditaire, ne nouvelle : parce que les enfans du Prince mort n'y succedent point, ains celuy qui est promeu a ceste souveraineté par l'election de ceux, qui en ont l'authorité. Il faut noter que ce païs du Soudan est tout d'une autre Principauté : par ce qu'il est semblable à la Papauté entre les Chrestiens. Car on ne peut dire que ce soit une Principauté de succession ou nouvelle, d'autant que les filz du Prince decedé n'en demeurent pas heritiers & Seigneurs, mais celuy qui est eleu en ce degré par ceux qui en ont l'autorité.



Segment 66
Et essendo questo ordine antichato, non si può chiamar' Principato nuovo, perche in quello non sono alcune di quelle difficultati che sono ne nuovi, perche, se bene il Principe è nuovo, gli ordini di quello stato son' vecchi et ordinati a riceverlo come se fusse lor' Signore hereditario.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et dautrepart ne peult estre dict nouveau, à cause que les ordres et manières d'éléction sont vieux et receuz de toute ancienneté en la religion, et n'y a aucune des difficultez qui sont es principatz nouveaux. Car jafoit que le prince soit nouveau, les ordres touteffoys sont vieulx et de long temps disposez à le recevoir comme s'il estoit prince héréditaire. Estant donc establi en ceste façon de toute anciennete on ne le peut appeller Principaute nouvelle, et les difficultez ny sont point qui surviennent en une nouvelle : car bien que le Prince soit nouveau, toutefois le gouvernement est ancien, et ordonne pour le recevoir, comme s'il estoit hereditaire : Et ne se peut semblablement appeller nouvelle, consideré qu'il est de toute ancienneté estably. Aussi les difficultez, qui se treuvent es nouvelles principautez, ne se voient point en cette cy. Car si bien le Prince est nouveau, les ordonnances, et statutz de l'estat sont pourtant anciens, et disposez à le recevoir, ne plus, ne moins que s'il estoit seigneur hereditaire. Estant donc estably en cette façon de toute ancienneté on ne le peut appeller Principauté nouvelle, & les difficultez n'y sont point qui surviennent en une nouvelle : car combien que le Prince soit nouveau, toutefois le gouvernement est ancien & ordonné pour le recevoir, comme s'il estoit hereditaire :



Segment 67
Ma torniamo alla materia nostra; dico che qualunque considererà el' sopradetto discorso, vedrà o l'odio o l' dispregio esser' stato causa de la rovina di quelli Imperadori prenominati; et conoscerà ancora donde nacque che, parte di loro procedendo in un' modo et parte al contrario, in qualunche di quelli uno hebbe felice et gli altri infelice fine.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or pour revenir à nostre matière : quiconque considérera les choses cy dessus discourues, il verra que la malveillance et la hayne, ou mespris et contemnement a esté cause de la ruyne des empereurs cy dessus nommez. Et congnoistra aussy la diversité des causes de la prosperité ou infortune d'aucuns, et comment il advint que de deux empereurs suyvans un mesme style de gouvernement ou en bien ou en mal, l'un fut heureux et l'autre malheureux, l'ung eut bonne fin l'autre mauvaise. Et pareillement la cause du bon heur de deux procédans en leur vie formellement au contraire l'ung de l'aultre. mais retournons a nostre matiere. Ie suis d'avis que celuy qui voudra bien considerer le discours de dessus, verra la haine, ou le contemnement avoir este cause de la ruine de ces empereurs susnommez, et connoistra encores d'ou vint cela qu'une partie d'eux se gouvernant en une sorte, les autres en une autre, en chacune de ces sortes les uns ont bien fait leur besongnes, les autres mal. Mais retournant à nostre premier propos, ie veux dire, que qui examinera le present discours, il congnoistra la hayne, et desprisance avoir causé la ruyne des Empereurs cy dessus mentionnez. Ensemble pourra iuger dont procede, que partie deux se gouvernant en une sorte, et partie au contraire d'icelle, il y en a eu de chaque costé quelques uns, qui feirent bien leurs besoingnes, et les autres non : mais retournons à nostre matiere. Ie suis d'avis que celuy qui voudra bien considerer le discours precedent, verra la hayne ou le mepris avoir esté cause de la ruine des Empereurs sus-nommez, & connoistra encore d'où provint qu'une partie d'eux se gouvernant en une sorte, les autres en une autre, en chacune de ces sortes les uns ont bien fait leurs besongnes, les autres mal.



Segment 68
Perche a Pertinace et Alessandro, per esser' Principi nuovi, fù inutile et dannoso il voler' imitar' Marco, che era nel' Principato hereditario; et similmente a Caracalla, Commodo et Massimino esser' stata cosa pernitiosa imitar' Severo, per non haver' havuta tanta virtu che bastassi a seguitare le vestigia sue.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car à Pertinax et Alexandre, à cause qu'ilz estoient nouveaux, il fut nuysible de vouloir ressembler à Marc, et vouloir estre bons comme luy qui estoit empereur par héritage. Et pareillement il fut pernicieux à Caracalla et Maximin d'ensuyvre la rigueur et cruaulté de Sévérus, à cause qu'ilz n'avoient pas la vertu suffisante, pour ensuyvre ses grandes prouesses. Car a Pertinax et Alexandre, pource qu'ilz estoient nouveaux, ne fut pas bon d'imiter Marc qui estoit en la Principaute par heritage. Semblablement Caracalle, Commode, et Maximin, prindrent un dangereux parti de vouloir ensuyvre Severe, car ilz n'avoient pas la vertu si grande qu'elle suffist a vouloir suivre sa trace. comme Pertinax, et Alexandre, ausquelz il fut inutile, et dommageable, estants Princes nouveaux, vouloir ensuyvre le gouvernement de Marc, qui estoit venu à l'Empire par droit successif. Et pareillement Caracale, Commode, et Maximin ne se destruirent oncques, que pour avoir voulu ressembler à Severe, n'ayans en eux vertu suffisante à mettre le pié, ou il l'avoit mis. Car à Pertinax & Alexandre, pource qu'ils estoient nouveaux, ne fut pas bon d'imiter Marc qui estoit en la Principauté par heritage. Semblablement Caracalle, Commode & Maximin, prindrent un dangereux party de vouloir ensuivre Severe, car ilz n'avoient pas la vertu si grande qu'elle suffist à vouloir suivre sa trace.



Segment 69
Per tanto un' Principe nuovo in un' Principato non può imitar' le attioni di Marco, ne ancora è necessario imitar' quelle di Severo, ma deve pigliar' di Severo quelle parti che per fondar' il suo stato son' necessarie, et da Marco quelle che sono convenienti et gloriose a conservare un' stato che sia digia stabilito et fermo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant ung prince nouveau ne doibt point mectre son fondement sur l'imitation de la vie de Marc ny pareillement des actions de Sévérus. Mais il doibt estre si prudent qu'il saiche ensuyvre les faictz de Sévérus, es choses qui luy sont nécessaires pour fonder et asseurer son estat, et dautrepart imiter la vie de Marc Aurèle, es parties qui sont excellentes et dignes de louenge pour conserver un estat qui auparavant luy soit seurement estably et sans contredictions appartenants à luy et aux siens. Pourtant un nouveau Prince ne peut bien imiter les fais de Marc, ny encores est necessaire d'ensuyvre ceux de Severe : Mais il doit prendre de Severe ce qu'il luy semble necessaire a bien fonder ses estatz, et de Marc les choses qui luy semblent estre convenables pour contregarder une Seigneurie desia bien ferme et asseuree. Pourtant un Prince de soy nouvellement eslevé à un principat, ne se doit entierement reigler aux actions de Marc, ny ensuivre du tout celles de Severus : mais faut, qu'il preigne de Severus les formes de faire, qui luy sont necessaires, pour fonder, et donner racine à son estat : et de Marc les vertus, qui luy sembleront propres, et louables pour conserver l'estat, qui est desia ferme et estably. Pourtant un nouveau Prince ne peut bien imiter les faits de Marc ny encore est necessaire d'ensuivre ceux de Severe. Mais il doibt prendre de Severe ce qui'l luy semble expedient à bien fonder ses estats & de Marc, les choses qui luy semblent estre convenables pour conserver une Seigneurie desia bien stable & assurée.