Chapitre 9.

Titre
Del principato civile Cap .IX.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De la principauté civile d'une république. Chapitre IX De la Principauté civile. Chap. 9. De la principauté civille. Chapitre IX. De la Principauté civile. Chap. 9.



Segment 1
Ma venendo a l'altra parte, quando un' Principe Cittadino, non per scelerateza o altra intollerabil' violentia, ma col' favor' de gli altri suoi Cittadini diventa Principe de la sua patria, il qual' si può chiamar' Principato civile, ne al pervenirvi è necessario o tutta Virtù o tutta fortuna, ma più presto una astutia Fortunata, dico che s'ascende a questo principato o col' favor' del' Popolo o col' favor' de grandi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais pour venir à l'aultre manière qui est quand un tresexcellent citoyen d'une républicque non par voye de cruaulté, ou meschant forfaict, ny par quelconque intolérable violence, mais par la faveur de ses concitoyens vient à estre esleu prince de sa nation. Laquelle dignité se peult appeler une principaulté civile. Je diz que pour y parvenir il n'est pas nécessaire d'avoir totallement ou vertu ou fortune, mais plus tost convient avoir une ruze et subtilité bienheureuse. Et communément on monte à telle principaulté par la faveur du menu peuple, ou par la faveur des grans, qui sont les nobles et plus riches de la ville. Venons a l'autre partie quand un citoyen non par mechancete ou autre force execrable, mais par la faveur de ses autres citoyens devient seigneur de son païs, ce qu'on peut appeller une Principaute civile pour y monter il n'est point besoing d'avoir ou toute vertu, ou toute fortune : mais plus tost une finesse fortunee. Ie di la dessus qu'on monte a ce degre ou par la faveur du populaire, ou des plus grans. Ie parleray maintenant de l'autre maniere, c'est à sçavoir quand un bourgeois vient à se faire seigneur de sa patrie par la faveur de ses concitoiens, et non par voye de meschanceté ou autre violence intollerable. Ceste espece de principauté se peut nommer civille : et pour y parvenir la seulle vertu, ou fortune n'y est point necesaire, mais bien plustost une heureuse astuce, et diligence. Et s'acquiert ou par la faveur de la commune, ou par le support des grans. Venons à l'autre partie, quand un citoyen non par mechanceté ou autre force execrable, mais par la faveur de ses concitoyens devient Seigneur de son païs, ce qu'on peut appeller une Principauté civile. Pour y monter il n'est point besoin d'avoir ou toute vertu ou toute fortune : mais plustost une astuce fortunée. Ie dy la dessus qu'on monte à ce degré ou par la faveur du populaire, ou par des plus grands.



Segment 2
Perche in ogni Città si truovano questi doi humori diversi, et nascon' da questo che il Popolo desidera non esser' comandato ne oppresso da grandi, et i grandi desiderano comandare et opprimere il Popolo, et da questi doi appetiti diversi surge ne le Città uno de tre effetti o principato o libertà o licentia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource qu'en toutes citez l'on treuve ordinairement ces deux humeurs contraires, qui naissent de ce que le peuple demande, et s'efforce de ne pas estre commandé ny foullé des grans, et les grandz désirent dominer et fouller le populaire. De ces divers instinctz quand ilz sont eschauffez, l'on voit naistre communément en la cité ung des trois estatz, ou principauté, ou vray liberté, ou licence, qui veult dire une effrénée dissolution de peuple. Car en toutes les villes on trouve ces deux humeurs diverses desquelles la source est que le populaire n'aime point a estre maitrise ny gourmande des plus gros. Et les gros ont envie de commander et piller. Et de ces deux diverses fantasies s'eleve es villes un de ces trois effectz ou Principaute, ou liberte, ou licence. Parce que ces deux diverses humeurs communément se treuvent, en toutes citez lesquelles naissent de ce que le petit Peuple ne veut point estre commandé, ne suppedité des riches, et les riches desirent commander, et fouller les petitz : en façon que de ces deux contraires affections on voit necessairement sortir es citez l'un de ces trois effectz, ou un Prince, ou une liberté, ou une licence effrenée. Car en toutes citez on trouve ces deux humeurs diverses, desquelles la source est que le populaire n'ayme point a estre maistrisé ne gourmandé des plus gros. Et les gros ont envie de commander & piller. Et de ces deux diverses fantaisies s'eleve es villes un de ces trois effetz ou Principauté ou liberté ou licence.



Segment 3
El Principato è causato o dal' popolo o da grandi, secondo che l'una o l'altra di queste parti n' ha l'occasione, perche, vedendo i grandi non poter' resistere al' Popolo, cominciono a voltar' la reputatione ad un' di loro et lo fan' Principe, per poter' sotto l' ombra sua sfogar' l' appetito loro. El popolo ancora volta la reputatione a un' solo, vedendo non potere resistere alli grandi, et lo fa Principe per esser' con l'autorità sua difeso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La principaulté provient ou par le moyen du peuple, ou par le moyen des grandz selon que l'une ou l'autre de ces deux parties trouve l'occasion de le créer à son advantaige. Car quand les grandz voyent ne pouvoir résister à la fureur du populaire, ilz donnent toute la réputation et honneur à ung d'entre eulx, et le font prince pour pouvoir soubz l'umbre dicelluy desgorger et évaporer leur maltalent sur le peuple. Le peuple au contraire donne toute sa faveur à un seul, et voyant ne pouvoir résister aux grandz, le faict prince pour estre deffendu par son authorité. La Principaute vient ou du peuple, ou des grans, selon que l'une partie ou l'autre en ha l'occasion. Car aucunefois les plus riches voians qu'ilz ne peuvent resister au peuple commencent a donner reputation a quelcun d'entre eux, et le font Prince : affin que soubz l'ombre de luy ilz puissent souler leur appetis. Le peuple d'autre coste adresse toute sa vois a un seul, quant il connoist qu'il ne peut autrement faire teste au plus apparens, et le choisit en Prince, pour estre defendu soubz son aisle. Le Prince y est institué ou par le commun Peuple, ou la Noblesse, selon que l'un, ou l'autre de ces deux differens partis en prend l'occasion. Car les riches quelquefois congnoissans ne pouvoir resister au peuple, attribuent tous d'un accord l'authorité à quelcun de leur compagnie, et le font Prince pour pouvoir soubz son ombre mieux satisfaire à leurs appetitz. Le Peuple, qui pareillement ne peut soustenir la charge intollerable des riches, fait aussi le semblable de son costé, convertissant toute la reputation à un seul, lequel il eslist Prince, à fin d'estre supporté par son authorité. La Principauté vient ou du peuple ou des grands, selon que l'une partie ou l'autre en ha l'occasion. Car aucunefois les plus riches voyans qu'ils ne peuvent resister au peuple, commencent a donner reputation a quelqu'un d'entre eux, & le constituent leur Prince : afin que soubs l'ombre de luy ils puissent saouler leurs appetis. Le peuple d'autre costé adroisse toute sa voix à un seul, quand il connoist qu'il ne peut autrement faire teste au plus apparens, & l'elit Prince, pour estre defendu soubs son aisle.



Segment 4
Colui che viene al Principato con l' aiuto de grandi, si mantiene con più difficultà che quello che diventa con l' aiuto del' Popolo, perché si truova Principe con di molti intorno, che a loro pare esser' equali a lui, per questo non gli può ne maneggiare ne comandar' a suo modo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Celuy qui devient prince par le moyen des grans, a plus de difficulté à se maintenir, que celuy que le peuple eslit, à cause qu'il est constitué au millieu de plusieurs, qui s'estiment pareilz à luy de vertu et mérite. Aumoyen de quoy il ne les peult commander, ny manyer à son plaisir. Celuy qui vient par l'aide des plus riches a estre Prince se maintient avec plus grande difficulte, que celuy qui le devient par la faveur du peuple. Car se trouvant un Prince au meillieur des autres auquelz il semble qu'il soit egal a eux, il ne les peut ny renger, ny façonner a sa guise. Celuy qui obtient la souverainneté moyennant le secours des grans, travaille plus à s'y maintenir, que ne fait l'autre à qui la commune l'a donné : parce qu'il treuve autour soy beaucoup de ses anciens compagnons, qui ne s'estiment de moindre qualité que luy, et sont pour ceste raison moins maniables, et obeïssans. Celuy qui vient par l'ayde des plus riches a estre Prince, se maintient avec plus grande difficulté, que celuy qui le devient par la faveur du peuple. Car se trouvant un Prince au mylieu des autres ausquelz il semble qu'il soit egal a eux, il ne les peut ne renger ne façonner à sa guise.



Segment 5
Ma colui che arriva al' Principato col' favor' Popolare, vi si truova solo et ha intorno o nessuno o pochissimi che non sien' parati a obedire.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais celuy qui le devient par la faveur du peuple, se treuve seul puissant entre plusieurs débiles, et n'a entour soy aulcun qui se veuille mesurer à luy, ne désobéyr en aucune sorte. Mais celuy qui parvient a la Principaute avec la faveur du peuple. Il se trouve tout seul, et n'a personne, ou bien peu a l'entour de luy, qui ne soient prests a luy obeir. Mais celuy, qui l'est par la voix populaire, se treuve seul en ce degré, n'ayant aupres de luy aucuns, ou bien peu, qui ne soient appareillez d'obeïr. Mais celuy qui parvient à la Principauté avec la faveur du peuple, il se trouve tout seul, & n'ha personne ou bien peu a l'entour de luy, qui ne soyent prests à luy obeir.



Segment 6
Oltre a questo non si può con honestà satisfare a grandi, et senza ingiuria d'altri, ma sì bene al Popolo, perche quel' del' Popolo è più honesto fine che quel' de grandi, volendo questi opprimere et quello non esser' oppresso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Davantaige on ne peut bien satisfaire aux grandz sans injurier quelcun, mais il est aisé de contenter le peuple sans faire tort à personne, pource que le but et intention du populaire est plus raisonnable que celle des grandz. Car ceulx cy veullent insolentement fouller le peuple, et le peuple ne demande que n'estre point foullé. Oultre ce que on ne peut honnestement et sans faire tort aus autres contenter les grans, mais le peuple trop bien : car l'intention fin du peuple est plus honeste que celle des grans qui cherchent de tourmenter les petis, et les petis ne le veulent point estre. Et d'avantage il n'est possible contenter les grans du tout honnestement, sans consequence de l'iniure d'autruy : ce qui se peut bien faire aux petitz, l'intention desquelz tend à fin plus raisonnable, que celle des grans, qui tachent à gourmander, et les autres a n'estre point gourmandez. Outre ce qu'on ne peut honnestement & sans faire tort aux autres contenter les grands, mais le peuple trop bien : car l'intention & fin du peuple est plus honneste que celle des grands qui cerchent à tourmenter les petis & les petis ne le veulent point estre.



Segment 7
Aggiungesi ancora che, del' Popolo inimico, il Principe non si può mai assicurare, per esser' troppi; de grandi si può assicurar', per esser' pochi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Outre le prince ne se peult jamais asseurer du peuple s'il luy devenoit ennemy, acause qu'ilz sont infiniz, au contraire il est aisé de s'asseurer des grandz acause qu'ilz sont en petit nombre. Plus y a qu'un Prince ne doit pas craindre son peuple davantage, s'il luy est ennemi, pour estre en grand nombre : des plus gros il en peut bien mieux estre asseure s'il n'y en a gueres : Outre plus le Prince ne peut iamais estre bien asseuré du Peuple, qui est en trop grand nombre, ou il se donnera facilement garde des riches, pour estre petite compagnie. Plus y a qu'un Prince ne doibt pas craindre son peuple d'avantage, s'il luy est ennemy, pour estre en grand nombre : des plus gros il en peut bien mieux estre assuré s'il n'y en ha gueres :



Segment 8
Il peggio che possa aspettar' un' Principe, dal' Popolo inimico, è l' essere abbandonato da lui; ma da grandi inimici, non solo debbe temer' d'esser' abbandonato, ma che ancor' lor' gli venghino contro, perche, essendo in quelli più vedere et più astutia, avanzan' sempre tempo per salvarsi et cercan' gradi con quello che speran' che vinca.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le piz qu'un prince puisse avoir d'un peuple ennemy, est d'estre abandonné de luy, et délaissé sans honneur et authorité, mais si les grandz se formalisoient contre luy, il ne doibt pas tant craindre d'estre abandonné, comme d'estre assailly diceulx pour le faire mourir. Car acause qu'ilz sont plus rusez et cautelleux, ilz gaignent tousjour les devans pour se saulver au tumulte, et cherchent d'acquérir grâce et crédit envers celuy qu'ilz pensent debvoir estre victorieux. le pis que sçauroit attendre un Prince de son peuple ennemi c'est qu'il l'abandonnera, mais si les grans luy sont contraires il ne doit pas seulement craindre d'estre abandonne d'eux, mais encore qu'ilz l'assaudront et poursuyveront, d'autant qu'ilz voient plus loing et plus finement sçavent prevenir le temps pour se sauver, cherchans d'estre en estatz et grace envers celuy duquel ilz esperent qui gaignera. Et qui plus est, le pis qui sçauroit advenïr à un Prince ayant le peuple contre soy, est d'estre abandonné de luy : mais s'il ha l'inimitié des grans, il ne doit point tant avoir peur d'en estre abandonné, que de les voir entreprendre quelque menée à l'encontre de luy : parce qu'estans plus fins et advisez, ilz se sçavent tousiours saulver de bonne heure, et puis cherchent l'alliance de celuy, qu'ilz estiment assez puissant pour te battre. le pis que sauroit attendre un Prince de son peuple ennemy c'est qu'il l'abandonnera : mais si les grands luy sont contraires il ne doit pas seulement craindre d'estre abandonné d'eux, mais encore qu'ils l'envahiront & poursuyvront, d'autant qu'ils voyent plus loing & plus prudemment savent prevenir le temps pour se sauver, cerchans, d'estre en estats & grace envers celuy duquel ils esperent la victoire.



Segment 9
È necessitato ancora il Principe viver' sempre con quel' medesimo Popolo: ma può ben far' senza quelli medesimi grandi, potendo farne et disfarne ogni dì et torre et dare quando gli piace reputation' loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En après le prince est contrainct de vivre avec un mesme peuple continuellement, et ne peult changer ; mais il peult bien changer les grandz, en faire de nouveaux et deffaire tous les jours, oster et donner réputation à qui lui plait. Plus ya qu'il est force au Prince de vivre tousiours avec un mesme peuple : mais il peut bien se gouverner sans les mesmes grans qui sont, en pouvant faire et defaire tous les iours de nouveaux, et leur pouvant donner ou oster puissance et autorite quant il luy plaira. D'abondant le Prince est contraint vivre perpetuellement avec un mesme Peuple, mais il peut bien regner sans ces mesmes riches, les pouvant faire, et defaire toutesfoys, qu'il luy plaira, et leur tollir et donner credit, comme bon luy semblera. Plus y a qu'ils est force au Prince de vivre tousiours avec un mesme peuple : mais il peult bien se gouverner sans les mesmes grans qui lors sont, en pouant faire & defaire tous les iours de nouveaux, & leur pouant donner ou oster puissance & autorité quand il luy plaira.



Segment 10
Et per chiarir' meglio questa parte, dico come i grandi si debbono considerare in doi modi principalmente: cioè si governono in modo col' proceder' loro che s' obligano in tutto a la tua fortuna, o no.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour mieulx déclarer ceste partie, et comment on s'y doibt gouverner, je diz que l'on doibt considérer les grands en deux manières : ou ilz s'assubjectissent à toy et à ta fortune, ou non. Et pour mieux entendre ce point ie di que les grans se doivent prendre en deux manieres principales, c'est asçavoir ou qui se gouvernent en sorte par leur maniere de faire qu'en toutes choses ilz se ioingnent a la fortune du Prince, ou bien qu'ilz n'y soient point tenuz. Et pour mieux déclarer cest endroit, ie dy que le fait des riches se doit principallement considerer en deux sortes: Ou ilz se gouvernent tellement avecques toy, que leur fortune s'oblige entierement à la tienne : ou ilz ne le font pas. Et pour mieux entendre ce point, ie dy que les grands se doivent prendre en deux manieres principales, c'est asavoir ou qui se gouvernent en sorte par leur maniere de faire qu'en toutes choses ils se ioignent a la fortune du Prince, ou bien qu'ils n'y soient point tenuz.



Segment 11
Quelli che s'obligano et non sien' rapaci, si debbono honorare et amare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx qui s'obligent à toy en tout et partout, s'ilz ne sont tyrans, tu les doibs aymer et honorer. Ceux la qui s'y assubiectissent et ne pillent point on les doit honorer, et aimer : Ceux qui l'obligent, et ne sont point exacteurs, doivent estre grandement honnorez, et favorisez. Ceux qui s'y assujettissent & ne pillent point, on les doit honorer, & aymer :



Segment 12
Quelli che non s'obligano, s'hanno ad considerare in doi modi o fanno questo per pusilanimità et defetto naturale d'animo, àlhora ti debbi servir' di loro, et di quelli, massime, che sono di buon' consiglio, perche ne le prosperità te n'honori et ne l'adversità non hai da temere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx qui ne se veullent assubjectir à ta fortune sont de deux manières : ou ilz le font par lascheté de cueur et crainte naturelle, et alors tu te doibs servir d'eulx et en tirer ce peu de prouffict que tu peux et principalement de ce qui sont de bon conseil. Car en la prospérité tu en es honoré, et en l'adversité tu ne doibz avoir crainte diceulx. ceux qui ne s'y obligeront point ilz le font pour deux occasions, ou bien par faute de cœur qui est en eux et naturelle laschete, en ce cas on se doit servir d'eux, principalement de ceux la qui sont de bon conseil, car en la bonne fortune ilz font honneur en aversite ilz ne feront point de mal. Quant aux autres qui ne le veullent faire, il faut considerer leur motif en deux manieres : ou c'est par pusilanimité, et naturel defaut de courage : et allors tu te doiz servir d'eux, mesmement de ceux, qui sont de bon conseil : parce qu'ilz te font honneur en la prosperité, et en l'adversité ilz ne te peuvent nuyre. ceux qui ne s'y obligeront point ils le font pour deux occasions, ou bien par faute de cueur qui est en eux & naturelle lascheté, en ce cas on se doit servir d'eux, principalement de ceux qui sont de bon conseil : car en la bonne fortune ils font honneur, en adversité ils ne feront point de mal.



Segment 13
Ma quando non s'obligano ad arte et per cagion' ambitiosa, è segno come e pensano più a se che a te: et da quelli si deve il Principe guardare, tener'gli come se fusseno scoperti inimici, perche sempre ne l' adversità l'aiuteran' rovinare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ou bien ilz ne si veullent obliger, et le font par malice et ambition, et alors tu doibs faire jugement qu'il pensent plus à eulx mesme, qu'à ton prouffit, et de ceulx cy le prince se doibt donner de garde comme d'ennemyz manifestes, pource qu'en l'adversité, ilz tascheront à te destruire. Mais quand ilz ne veullent point estre tenuz au Prince et pour cause, mesmement pour quelque ambition, c'est signe qu'ilz pensent plus a eux qu'au Prince, et de ceux on se doit garder, et les avoir en telle estime comme s'ilz estoient ennemis descouvers. Car en mauvais temps ilz aideront tousiours a le ruiner. Ou bien ilz refusent dependre de ta fortune par une certaine malice, et ambitieuse occasion, dont tu peux congnoistre un signe evident qu'ilz pensent plus à eux, qu'à toy. De ceux cy le Prince se doit songneusement garder, les tenant au lieu d'ennemis manifestes, et s'asseurant qu'ilz ne faudront en son adversité prester la main à sa ruine. Mais quand ils ne veulent point estre tenuz au Prince & pour cause, mesmement pour quelque ambition, c'est signe qu'ils pensent plus a eux qu'au Prince, & de tels on se doit garder, & les avoir en telle estime comme s'ils estoient ennemys decouvers : Car en mauvais temps ils ayderont tousiours à le ruiner.



Segment 14
Debbe per tanto uno che diventa Principe per favor' del' Popolo mantenerselo amico, il che gli fia facile, non domandando lui se non di non esser' oppresso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant celuy qui devient prince par la faveur du peuple, doibt maintenir par tous moyens le menu populaire en amytié, ce qui ne luy sera malaisé à faire, veu qu'il ne désire aultre chose, qu'estre maintenu en sa liberté ancienne sans concussion ou foullement. Et pourtant un qui devient Prince par l'aide du peuple il se doit tousiours le maintenir en amitie, ce que luy sera bien facile a faire, le peuple ne demandant autre chose sinon qu'a n'estre point tourmente. A ceste cause celuy qui se voit souverain seigneur, par le benefice du Peuple, doit tousiours se continuer en l'amitié et benevolence d'iceluy. Ce qui luy sera de facile acquit, luy tenant seullement la main a ce, que il ne soit gourmandé. Pource quiconque devient Prince par l'ayde du peuple, il se le doit tousiours maintenir en amitié : ce qui luy sera bien facile a faire, le peuple ne demandant autre chose sinon qu'a n'estre point tourmenté.



Segment 15
Ma uno che contro il Popolo diventi Principe col' favore de grandi, deve innanzi a ognaltra cosa cercar' di guadagnarsi il Popolo, il che gli fia facile quando pigli la protettion' sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais celuy qui devient prince contre le peuple, à la faveur des grandz, il doibt avant toutes choses gaigner le peuple, en quoy n'y a aulcune difficulté, s'il veut prendre sa protection. Mais un qui contre le peuple par la faveur des plus grans devient Prince, il doit sur toutes choses chercher de gaigner a soy le peuple, ce qu'il fera bien aisement quand il le prendra soubz sa protection. Mais le bourgeois, qui y est eslevé a la poursuitte des grans, sur toutes choses faut qu'il treuve moyen d'acquerir la grace du Peuple, et sera bien aysé de le faire, prenant sa protection, et defense. Mais celuy qui contre le peuple par la faveur des plus grands devient Prince, il doit sur toutes choses chercher de gaigner a soy le peuple, ce qu'il fera bien aysement quand il le prendra soubs sa protection.



Segment 16
Et perche gli huomini, quando hanno bene da chi credono haver' male, s'obligano più al beneficator' loro, diventa il Popolo suddito più suo benivolo che se si fusse condotto al' Principato per li suoi favori.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à cause que les hommes quand ilz reçoivent du bien de celluy duquel ilz pensoient recepvoir du mal, s'estiment beaucoup plus obligez à leur bienfaiteur, le peuple subject devient plus amy que si par sa faveur, il eust esté conduict à la principaulté. Et pource que les hommes sont de cette nature que quand ilz reçoivent du bien de ceux desquels ilz attendoient du mal ilz se sentent plus obligez a eux qu'autrement le peuple l'en aimera d'avantage et luy en sçaura meilleur gre que si par sa vois et saveur il eust este mene et conduict a estre Prince. Et parautant que les hommes, quand ilz reçoivent bien de quelqu'un, dont ilz n'esperoient que mal, s'estiment beaucoup plus tenus à leur bienfacteur : ses subietz l'aymeront infiniment d'advantage, que si par leur ayde il eust esté crée Prince Et pource que les hommes sont de cette nature que quand ils reçoivent du bien de ceux desquels ils attendoyent du mal, ils se sentent plus obligez a eux qu'autrement, le peuple l'en aymera d'avantage & luy en saura meilleur gré que si par voix & faveur il eust esté mené & conduit a estre Prince.



Segment 17
Et puosselo il Principe guadagnar' in molti modi li quali perche variano secondo el suggeto, non se ne può dar' certa regola, però si lasceranno indietro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Quand à gaigner le peuple, le prince le peult faire en plusieurs sortes, desquelles on ne peult donner certaine reigle, pour la variation du subject. Or le pourra il gaigner en beaucoup de manieres, lesquelles d'autant qu'elles changent selon les occasions et subiet on n'en peut donner certaine regle. l'on peut encores en plusieurs autres manieres gagner le coeur d'une commune, desquelles (parce qu'on les voit changer selon la diversité du subiet) i'en lairray le propos pour ceste fois. Or le pourra il gaigner en beaucoup de manieres, lesquelles d'autant qu'elles changent selon les occasions & sujet, on n'en peut donner certaine regle. Ie me deporteray donc d'en parler,



Segment 18
Concluderò solo, che ad un' Principe è necessario havere amico el Popolo, altrimenti non ha ne l' adversità rimedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si ne veulx consumer le temps à les déclairer ny racompter, et conclueray seullement ce point par une briefve sentence, qu'il est nécessaire à un prince d'avoir le peuple en sa faveur, autrement en ses adversitez il ne trouvera personne qui le deffende. Ie me deporteray donc d'en parler, seulement ie conclueray qu'il est necessaire qu'un Prince se face aimer de son peuple, autrement il n'ha remede aucun en ses adversitez. Ma conclusion sera, qu'il est de besoing à un tel Prince avoir la faveur du Peuple : autrement ie ne luy voy point de remede, pour estre secouru en ses affaires. seulement ie conclueray qu'il est necessaire qu'un Prince se face aymer de son peuple, autrement il n'ha remede aucun en ses adversitez.



Segment 19
Nabide Principe de li Spartani sostenne l'ossidione di tutta Grecia, et d'uno esercito Romano vittoriosissimo, et difese contro a quelli la patria sua et il suo stato, et gli bastò solo, soprevenendo il pericolo, assicurarsi di pochi, che se gli havessi havuto il popolo inimico, questo non li bastava.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nabis tyrant des Lacedæmoniens soustient le siège de toute la Græce, et d'un ost trespuissant des Romains, vainqueurs pour lors de tous ses ennemyz, et contre iceulx défendit son estat et sa cité ; pour laquelle chose faire, il ne luy falut aultre moyen que survenant le dangier s'asseurer des grandz, qui estoient bien peu, où s'il eust eu le peuple ennemy, il n'eust sçeu comment s'asseurer et eust esté incontinent troussé. Nabide roy de Sparte aiant soutenu l'assaut de toute la Grece et d'un camp de Romains enorguilli de plusieurs victoires, il defendit et soy et son païs et ses estatz, luy suffisant contre ce peril survenu estre bien asseure de la foy de peu de ses gens, que s'il eust este hay de son peuple cela ne luy eust iamais suffi. Nabis Roy de Lacedemone soustint le siege de toute la Grece, et une armée victorieuse des Romains, contre lesquelz il defendit bravement son royaume, et patrie, et luy suffit au commencement de ce trouble, faire ruer, et bannir quelques uns de ses citadins à luy suspectz. Dequoy il ne fust pas si tost venu à bout, quand le Peuple luy eust esté contraire, et malveillant. Nabide roy de Sparte ayant soutenu l'assaut de toute la Grece & d'un camp de Romains enorgueilly de plusieurs victoires il defendit & soy & son pays & ses estatz, luy suffisant contre ce peril survenu, estre bien assuré de la foy de peu de ses gens, que s'il eust esté hay de son peuple cela ne luy eust iamais suffi.



Segment 20
Et non sia alcuno che repugni a questa mia opinione con quel' proverbio trito, che chi fonda in sul' Popolo, fonda in sul' fango, perche quello è vero quando un' Cittadin' privato vi fa sù fondamento et dassi ad intendere che' el popol' lo liberi, quando esso fussi oppresso da gli inimici o da magistrati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or si quelqu'un vouloit répugner à mon opinion par ung commun proverbe que l'on dict : Qui en peuple se fye / Sur la boue ædifie. Il auroit tort, à cause que cela est vray quand un citoyen privé faict fondement sur les promesses de quelque populaire, espérant par son ayde estre delivré de l'oppression de ses ennemyz, ou de la main de justice. Qu'on ne m'allegue point pour me reprendre de mon oppinion ce commun proverbe. Qui se fonde sur la tourbe, il batist dessus la bourbe. Car il est bien vray que lors qu'un simple citoyen veut faire son fondement la dessus et donner entendre au peuple de le vouloir mettre en liberte s'il estoit trop foulle des ennemis ou des magistratz. A laquelle mienne opinion ie ne veux point que lon me contredise, par l'allegation d'un vieux proverbe. Que qui se fonde sur le Peuple, se fonde sur la fange. Car ce commun dire n'a lieu, sinon lors qu'un bourgeois privé se veut faire fort du populaire, ou se met en la teste qu'il seroit par lui soustenu, si ses parties adverses, ou les magistratz luy vouloient donner quelque alarme. Qu'on ne m'allegue point pour me reprendre en mon opinion ce commun proverbe. Qui se fonde sur la tourbe, il batist dessus la bourbe. Car bien est vray que lors qu'un simple citoyen veut faire son fondement la dessus & donner a entendre au peuple de le vouloir mettre en liberté, s'il estoit trop foullé des ennemys ou des magistratz :



Segment 21
In questo caso si potrebbe trovare spesso ingannato, come intervenne in Roma a Gracchi et in Firenze a Messer Giorgio Scali.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En tel cas à la vérité il se trouveroit souvent descheu de son espérance, comme il advint aux Gracques à Rome, et à messire George Scaly à Florence. En ce cas la il se pourroit trouver luy mesmes bien souvent abuse. Comme il advint en Romme aux Gracches, et en Florence a messire George Scale. Sans point de faute lon en voit en ce cas de bien trompez : comme il advint aux Gracches à Rome, et a Georges de l'Eschelle à Florence. en ce cas il se pourroit trouver luy-mesmes bien souvent abusé. Comme il avint à Romme aux Gracches, & à Florence a messire George Scale.



Segment 22
Ma essendo un' Principe quello che sopra vi si fondi, che possa comandare et sia un' huomo di cuore, ne si sbigottischa ne l' adversità, et non manchi de le altre preparationi, et tenga con l' animo et ordini suoi animato l'universale, non si truoverà ingannato da lui et gli parrà haver' fatti i suoi fondamenti buoni;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si un prince mect son fondement sur la bienveillance du peuple, qui soit homme de cueur saichant commander, qui ne se trouble soit mesme es adversitez, et ne défaille à faire de sa part les préparatifs nécessaires à sa deffense, entretenant la multitude bien affectionée à soy, il ne se trouvera jamais déceu de s'estre fyé au peuple, et congnoistra les fondemens assis sur luy estre meilleurs que les aultres. Mais estant un Prince qui s'apuie sur son peuple tel qu'il puisse commander, et qu'il soit un homme de cœur, et ne s'etonne point en ces dangers et mauvaises fortunes, et qui ne se mesconte point en ses menees, Ains tienne un chacun en courage par son allegresse d'esprit et bon ordre, il ne se trouvera point abuse de luy, au contraire il semble bien qu'il aura faict de bons fondemens. Mais si c'est un Prince, qui s'arreste sur cest appuy, lequel à puissance de commander, et soit homme de coeur, sans s'estonner es tribulations, estant au reste garny des autres preparatives, qu'il luy faut, et tenant l'universel de ses subietz par son vertueux courage, et prudence conduitte, en bonne esperance, il ne s'en trouvera iamais deçeu, et congnoistra le fondement, qu'il y aura fait, n'estre point mauvais et incertain. Mais estant un Prince qui s'appuie sur son peuple tel qu'il puisse commander, & qui soit homme de cueur & ne s'entonne point en ces dangers & mauvaises fortunes, & qui ne se mesconte point en ses desseins & menées : ains tienne chacun en courage par la vivacité de son esperit & bon ordre, il ne se trouvera point abusé de luy, au contraire il semble bien qu'il aura assiz de bons fondemens.



Segment 23
Sogliono questi Principati periclitare, quando sono per salire da l'ordin' civile allo assoluto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ces princes cy sont en dangier de ruyner, touttefoys et quantes qu'ilz veulent sauter du gouvernement civil à la puissance absolue, Ces principautez la sont en grand bransle quand elles sautent d'un gouvernement civil a une puissance absolue et royalle. Ceste espece de Princes se mettent en grand hazard de faire le saut, quand ilz entreprennent le passage de la puissance civille a l'absoluë Telles principautez sont en grand branle quand elles sautent d'un gouvernement civil a une puissance absoluë & royale.



Segment 24
Perche questi Principi o comandano per lor' medesimi o per mezo di magistrati; ne l' ultimo caso è più debile et più pericoloso lo stato loro, perche gli stanno al tutto con la volonta di quelli Cittadini, che son' proposti a magistrati, li quali, massimamente ne tempi adversi, gli posson' tor' con facilità grande lo stato, o con fargli contro o col' non l'obedire.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
le dangier naist à cause que communément ilz commandent, ou par eulx mesmes ou per les magistrats : en ce dernier cas leur estat est plus débile, et plus dangereux à maintenir, car ilz sont totallement subjectz à la volunté de ceulx qui sont en office, lesquels peuvent, principallement en temps d'adversité, bien aiseement luy oster son estat, ou en dressant eulx mesmes guerre contre luy, ou en luy nyant obéyssance. Car les Princes commandent ou par eux mesmes ou par des officiers. En ce dernier cas leur estat est plus foible et perilleux : car ilz s'en reposent entierement sur la volunte de ceux qui sont establis en ces dignitez lesquelz le peuvent facilement ruiner en temps fascheux, ou en luy faisant la guerre, ou en ne luy obeissant point, parce qu'ilz exercent leur dignité, ou d'eux mesme, ou par l'organe et moyen des magistratz : et en ce dernier cas, leur authorité est beaucoup plus foible, et perilleuse, dependans ainsi entierement de la volonté de ceux, qui sont promeus aux offices publiques : lesquelz peuvent mesmement en fascheuse saison, facillement leur oster la Principauté, ou en resistant a leurs edictz, ou n'y obeissant point. Car les Princes commandent ou par eux mesmes ou par officiers. En ce second cas leur estat est plus foible & perilleux : car ilz s'en reposent entierement sur la volunté de ceux qui sont establiz en ces dignitez, lesquelz le peuvent facilement ruiner en temps turbulent, ou en luy faisant la guerre, ou en ne luy obeissant point,



Segment 25
Et il Principe non è a tempo ne pericoli a pigliar' l'auttorità absoluta, perche li cittadini et sudditi, che sogliono haver' i comandamenti da magistrati, non sono in quelli frangenti per obedire a suoi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En tel advénement le prince n'est plus à heure de pouvoir prendre la souveraine authorité. A cause que les citoyens subjectz, qui ont acoustumés d'estre commandez des magistratz, venant le trouble entre les grandz et le prince, ne sont aucunement disposez d'obéyr au prince, et n'est plus temps de penser pouvoir reprendre l'autorite planiere. D'autant que les citoyens et subiectz qui ont de coustume d'estre gouvernez par les magistratz ne sont pas si faciles de tourner a son obeissance Et n'y a ordre, que le prince en ses perplexitez d'affaires puisse exercer la tyrannie. Car les citadins, et subietz, ausquelz les magistratz ont appris de commander, tiennent tant d'eux, qu'ilz ne veullent point enfraindre leurs ordonnances : & n'est plus temps de penser pouoir reprendre l'authorité plainiere. D'autant les citoyens & subjetz qui ont accoustumé d'estre gouvernez par les magistratz ne sont pas si lasches & bas de cueur d'obeir à un de leur compagnons,



Segment 26
Et harà sempre, ne tempi dubij, penuria di chi si possa fidare, perche simil' Principe non può fondarsi sopra quello che vede ne tempi quieti, quando i cittadini hanno bisogno dello stato, perche àlhora ognun' corre, ognun' promette et ciascun' vuol' morir' per lui, quando la morte è discosto, ma nè tempi adversi, quando lo stato ha bisogno de cittadini, al'hora se ne truova pochi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
lequel se treuve tousjours en telz inconvenientz avoir faulte de gens auquelz il se puisse fyer ; à cause que les promesses qu'on luy faict en temps paisibles, sont vaines et de nulle valeur, lors que les citoyens se sentent avoir besoin de son estat et de l'administration de justice. Car alors chascun court, chascun promect, chascun veult mourir pour luy se voyant loing de la mort. Mais au temps de l'adversité, quand le seigneur a besoing de l'ayde de ses citoyens, il ne s'en treuve que bien peu. tellement qu'il aura tousiours en temps douteux faute de gens auquelz il se puisse fier. Car un semblable Prince ne se peut fonder dessus ce qu'il voit en temps paisible quand on ha besoing de luy, pourceque alors un chacun promet, chacun veut mourir pour luy, quand les occasions de la mort sont loing, mais en mauvaise fortune qu'il a besoin de gens, alors on en trouve peu, et le seigneur en sa necessité aura tousiours faute de gens, à qui il se puisse fier : parautant qu'un Prince de ceste qualité, ne peut se fonder sur les occasions, qui se presentent à luy en temps paisible, lors que les citoyens n'ont besoing que d'un Roy : et adoncq un chacun se vient offrir à luy, un chacun s'efforce de l'enrichir de promesses : bref un chacun veut souffrir la mort pour luy, quand ilz voyent qu'il n'y à point matiere de la craindre. Mais si la chance tourne, et que le Prince aye affaire de ses Citoyens, il se trouvera abandonné de tout le monde, et en rencontrera bien peu qui luy veuillent tenir bon. tellement qu'il aura tousiours en temps douteux faute de gens en qui il se puisse confier. Car tel Prince ne se peut fonder sur ce qu'il voit en temps paisible quand on ha besoin de luy, pource qu'alors chacun luy promet, chacun veut mourir pour luy quand les occasions de la mort sont loing, mais en l'adverse fortune ou il ha besoin de gens, alors on en trouve peu



Segment 27
Et tanto più è questa esperienza pericolosa, quanto la non si può far' se non una volta. Però un' Principe savio deve pensar' un' modo per il quale li suoi Cittadini, sempre et in ogni modo et qualità di tempo, habbino bisogno de lo stato, di lui, et sempre poi gli saran' fedeli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et l'expérience pour esprouver de telles gens en est périlleuse, d'autant quelle ne se peult faire qu'une foys. Parquoy un prince doibt inventer un moyen par lequel ses citoyens tousjours, et en toute heure, et quoy qu'il advienne ayent besoing de son ayde, lequel aussy sera cause qui luy seront féaulx et obéyssans en tout temps. et tant plus l'experience en est dangereuse, d'autant qu'on ne la peut faire qu'une fois. Et pource un Prince sage doit penser un moyen, par lequel ses subiectz tousiours et en toute sortes et fortunes aient a desirer sa prosperite, et luy seront en apres tousiours seurs et feaulx. Et d'autant que ceste experience ne se peut faire qu'une seulle fois, de tant plus est elle a fuyr, et perilleuse. Par ainsi un sage Prince doit adviser quelque expedient, moyennant lequel ses hommes, soit en saison de paix ou guerre, ne se puissent bonnement passer de son gouvernement : et ce faisant, il se les rendera tousiours assez fidelles, et loyaux. & tant plus l'experience en est dangereuse, d'autant qu'on ne la peut faire qu'une fois. Et pource un Prince sage doibt penser un moyen, par lequel ses sujetz tousiours & en toute sortes & fortunes ayent à desirer sa prosperité, & luy seront cy aprez tousiours surs & loyaux.