Chapitre 21.

Titre
Come si debba governare un' Principe per acquistarsi riputatione Cap .XXI.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Comment et par quelles actions un prince peut acquérir honneur et réputation envers ses hommes. Chapitre XXI Comme se doit gouverner un Prince pour s'acquerir reputation. Chap. 21. Ce que doit faire un Prince, pour acquerir reputation. Chapitre XXI. Comme se doibt gouverner le Prince pour s'acquerir reputation. Chapitre 21.



Segment 1
Nessuna cosa fà tanto stimar' un' Principe, quanto fanno le grandi Imprese et dar' di se essempli rari.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il n'y a chose qui fasse tant priser et renommer ung prince, ny qui luy donne réputation d'estre grand envers les hommes que de faire grandes entreprinses et faire des gestes si notables que tout le monde en parle et les preigne pour exemple. Il n'y a rien qui face tant estimer un Prince que parachever hautes et magnanimes entreprises et donner de soy exemples dignes de memoire. Il n'y a rien, qui face tant estimer un Prince, que les grandes entreprises, et donner de soy rares et singuliers exemples : Il n'y a rien qui fasse tant estimer un Prince que parachever hautes & magnanimes entreprises & donner de soy exemples dignes de memoire.



Segment 2
Noi habbiamo ne nostri tempi Ferrando Re di Aragona, presente Re di Spagna; costui si può chiamare quasi Principe nuovo, perche d'un' Re debile è diventato per fama et per gloria il primo Re de Christiani; et se considerarete le attioni sue, le trovarete tutte grandissime et qualunche estraordinaria.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nous avons en nostre temps Ferrand d'Arragon présent roy d'Hespaigne, qui se peult appeler quasi un nouveau prince. Car d'ung petit roy il s'est faict par gloire et renommée le premier des chrestiens, et si vous considérez bien ses gestes vous le trouverez grand et admirable en toutes choses. De nostre temps nous avons Fernand d'Arragon de present roy d'Espaigne, lequel se peut bien nommer nouveau Prince, car d'un petit Roy il est devenu par honneur et renommee le plus puissant roy de la Chretiente : duquel si on considere bien les faicts et avancemens, on les trouvera tresgrands, et d'aucuns mesmes estranges et irreguliers. Nous avons auiourdhuy le Roy Ferdinand d'Arragon, semblablement roy d'Espagne, lequel se peut presque appeller Prince nouveau, pour s'estre de petit, et foible Prince qu'il estoit, rendu par gloire, et reputation le premier, et plus puissant Roy de Chrestienté ; tant que si vous prenez bien esgard à ses gestes, ilz se trouveront tous merveilleux, hautains et quelques uns presque miraculeux. De notre temps nous avons Fernand d'Arragon a present Roy d'Espaigne, lequel se peut bien nommer nouveau Prince, car d'un petit Roy il est devenu par honneur & renommée un des plus puissans Roy de la Chrestienté : duquel si l'on considere bien les faitz & avancemens, on les trouvera tres-grands & aucuns mesmes estranges & irreguliers.



Segment 3
Egli nel' principio del' suo Regno assaltò la Granata, et quella impresa fù il fondamento de lo stato suo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sur le commencement de son règne il assaillit la Grenade, sur laquelle entreprinse il constitua le fondement de sa future puyssance. Tout au premier commencement de son Royaume il assaillit le païs de Grenade, et fut ceste entreprise le fondement de ses estatz Il assaillit à l'advenement de son regne le Royaume de Granade, et establit sur ceste entreprise le fondement de sa grandeur. Au commencement de son regne il assaillit le païs de Grenade, & fut cette entreprise le fondement de ses estatz :



Segment 4
In prima, e la fece ocioso et senza sospetto di esser' impedito; tenne occupati in quella li animi de i Baroni di Castiglia, et quali, pensando a quella guerra, non pensavano ad innovare, et lui acquistava in questo mezo riputatione et Imperio sopra di loro, che non sen'accorgevano; poté nutrire, con denari de la Chiesa et de Popoli, gli eserciti, et con quella guerra longa fare fondamento a la militia sua, la qual' dipoi l'ha honorato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car premièrement, il feit celle guerre tout à son aise et sans doubte d'estre empesché, et tint le cueurs des barons de Castille occuppez contre les ennemyz, en sorte que pour l'occupation de la guerre ilz ne pensoient poinct à faire nouveauté ny révoltement contre luy, et cependant il acquéroit authorité et empire sur eulx qu'ilz ne s'appercevoient aucunement. Si nourrit aussy ses armées avec les deniers de l'Eglise et des peuples, et par la longue durée de celle guerre meit en ordre une gensdarmerie, qui depuys luy a donné grande réputation. car il la feist tout a l'aide, sans montrer semblant d'estre empesche, detenant les espris, et occupant les fantasies des barons de Castille, lesquelz songeant a ceste guerre ne pouvoient entendre a faire quelque mutation ou nouvellete. Cependant il aquestoit authorite et puissance sur eux qui ne s'en doutoient nullement. Oultre ce qu'il entretenoit aux despens de l'Eglise et du peuple un camp en armes, faisant un fondement par ceste guerre si longue a sa gendarmerie, aguerrissant ses soldars lesquelz depuis luy ont faict honneur. Car elle le meit premierement hors de soucy, et souspeçon de recevoir enpeschement en ceste execution, tenant par le moyen d'icelle les courages des barons, et seigneurs de Castille occupez : lesquelz estans detenus au pensement de ceste guerre, n'avoient le loisir de dresser aucune nouvelle mutation. Et ce pendant il gagnoit tousiours païs, et acqueroit domination sur eux dont ilz ne se donnoient point de garde. Il sceut bien trouver l'invention de soudoier son armée aux despens de l'Eglise, et du peuple : et moyennant ceste longue guerre, rendre sa gendarmerie si experte, et exercitée, qu'il en obtint depuis maintes glorieuses victoires. car il la feit tout à l'ayse, sans monstrer contenance d'en estre empesché, detenant les esperis & occupant les fantaisies des barons de Castille, lesquels vaquans à cette guerre ne pouvoient entendre a aucune mutation ou nouvelleté. Ce pendant il aquestoit autorité & puissance sur eux qui ne s'en doutoient nullement. Outre ce qu'il entretenoit aux despens de l'Eglise & du peuple un camp en armes, faisant un fondement par cette guerre si longue à sa gend'armerie, aguerrissant ses soldats, lesquels depuis luy ont acquis honneur.



Segment 5
Oltra questo per poter' intraprender' maggiori imprese, servendosi sempre de la religione, si volse a una pietosa crudeltà, cacciando et spogliando il suo Regno di Marrani. Ne puo esser' questo essempio più miserabile et più raro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En oultre pour mieulx entreprendre grandes choses soubz l'umbre de la religion, il se tourna à une cruaulté pitoyable, et chassa les Marranes hors de tout son royaume, qui est ung exemple misérable et rare contenant en soy une grande piété meslée avec une extresme inhumanité. D'avantage pendant qu'il s'aprestoit a plus grande entreprise, pour se servir tousiours de la religion, il se mist a pratiquer une pietable cruaute, chassant les Marranes de son païs, et l'en depeuplant : car on ne scauroit donner un exemple plus digne de pitie ny plus singulier. Outre cela afin de pouvoir encores entreprendre plus grandes choses, soubz l'affection qu'il portoit vers la foy Chrestienne, se meit en deliberation d'exercer une devotieuse cruauté, en chassant, et bannissant de son royaume la generation des Marranes : qui fut un fort estrange, et miserable exemple. D'avantage pendant qu'il s'aprestoit à plus grande entreprise, pour se servir tousiours de la religion, il se mit à pratiquer une saincte cruaute, chassant les Marranes de son païs, & l'en depeuplant. Car on ne sauroit donner exemple plus digne de pieté ne plus singulier.



Segment 6
Assaltò, sotto questo medesimo pretesto, l'Affrica. Fece l'impresa di Italia, ha ultimamente assaltato la Francia
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si se couvrit de rechief de ce mesme manteau de vouloir augmenter la religion, et assaillit l'Affricque, depuys feit son entreprinse d'Italie en prenant le rouyaume de Naples, à la parfin donna l'assault au royaume de France ; Et soubz ce mesme manteau et pretexte il assault l'Afrique, feit le voiage d'Italie, finalement il envahist la France : Et soubs ce mesme manteau, et couleur il assaillit l'Afrique, feit le voyage d'Italie, et finablement donna iusques dans la France : Et soub ce mesme manteau & pretext il envahit l'Afrique, feit le voyage d'Italie, finablement il guerroya la France :



Segment 7
et così sempre ordito cose grandi, le quali hanno sempre tenuto sospesi et ammirati li animi de sudditi, et occupati nello evento d' esse.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et parainsy l'on veoit comme tousjours il a tyssu de l'une à l'autre choses tresgrandes, qui ont continuellement tenu les cueurs des subiectz en suspend et occuppez à attendre la fin dicelles. et ainsi a tousiours ourdi et brasse choses grandes, lesquelles ont tenu les voluntez de ses subiectz en branle pour attendre comment s'en passeroit et finiroit la menee : puis en admiration, voiant qu'elle luy succedoit a souhait. et parainsi tousiours commença grandes entreprises, lesquelles ont perpetuellement tenu les espritz de ses subietz en suspens, et admiration, soubz une attente de l'evenement. & ainsi ha tousiours ourdi & brassé choses grandes, lesquelles ont tenu les voluntez de ses sujetz en branle pour attendre comme s'en passeroit & finiroit la menée : puis en admiration, voyant qu'elle luy succedoit a souhait.



Segment 8
Et sono nate queste sue attioni in modo l'una da l'altra, che non hanno dato mai spatio a li huomini di poter' quietar' et operarli contro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ses actions icy sont tellement filées l'une de l'autre que les hommes n'ont jamais eu loysir de se reposer et penser à luy donner aucune fascherie. S'il avenoit autrement il sçavoit fort bien faire sourdre une guerre de l'autre, de maniere que iamais il ne donnoit loisir a ses subiectz de se reposer, et luy faire de la facherie. Et se sont ses menées de si pres entresuyvie, qu'elles n'ont iamais donné loysir aux nations de machiner rien contre luy. S'il avenoit autrement, il savoit fort bien faire sourdre une guerre de l'autre, de maniere que iamais il ne donnoit loisir à ses sujetz de se reposer & luy faire fascherie.



Segment 9
Giova assai ancora a un' Principe dare di se essempi rari circa el' governo di drento, simili a quelli che si narrano di Misser' Bernardo da Milano, quando s' ha l'occasione di qualcuno che operi qualche cosa estraordinaria, o in bene, o in male, ne la vita Civile: et pigliar' un' modo, circa il premiarlo o punirlo, di che s' habbi a parlar' assai.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La seconde reigle qui doibt garder ung prince pour se faire grand et admirable, est donner de soy rares exemples touchant le gouvernement de sa ville ou cité, semblables à ceulx que l'on raconte de Bernard de Milan, et prendre occasion sur quelcun qui aye commis quelque cas extraordinaire en bien ou en mal, et inventer quelque nouveau moyen de le guerdonner ou punyr duquel on doibve longuement parler. Il proufite beaucoup encores au Prince de faire choses excellentes et dignes de memoire non iamais faictes ny oüyes es affaires du gouvernement de son païs, semblables a celles qui se content de messire Bernard de Milan : comme quand quelcun ait manie les affaires ou bien ou mal, trouver un nouveau moyen de punition ou recompense, duquel on puisse parler a iamais. Il profitte aussi grandement au Prince faire quelque acte digne de memoire au gouvernement de son païs, selon qu'on recite de Messire Bernard de Milan, quand l'occasion s'offre, que quelqu'un aye commis aucune chose extraordinaire en la vie civile, soit en bien ou en mal : pour la recompense, ou punition duquel il treuve quelque subtil, et ingenieux moyen qui face parler de luy. Il proufite beaucoup encore au Prince de faire choses excellentes & dignes de memoire non iamais faites ny oüyes és affaires du gouvernement de son païs, sembables à celles que se content du Seigneur Bernard de Milan : comme quand quelqu'un ayt manié les affaires ou bien ou mal, trouver un nouveau moyen de punition ou recompense, duquel on puisse parler à iamais.



Segment 10
Et sopra tutto un' Principe si debba ingegnare dare di se in ogni sua attioni sua fama di grande et eccellente.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour briefvement dire de se monstrer excellent sur tous aultres en tous ses faictz et dictz. Sur toutes choses un Prince doit s'appenser, et mettre son esprit de se faire donner une renommee de grand et singulier : Et sur tout un Prince doit avoir l'oeil a ne laisser rien partir de soy qui ne sente son magnifique, et excellent Seigneur. Sur toutes choses le Prince doibt s'appenser & appliquer son esperit a se faire donner une renommée de grand & excellent :



Segment 11
È ancora stimato un' Principe, quando ègli e vero amico et vero inimico, cioè quando senza alcun' respetto si scuopre in favor' d'alcuno contro un altro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tièrcement ung prince se fera grandement priser s'il se monstre vray amy et vray ennemy, et cela est quand il se déclaire estre pour ung et luy vouloir ayder de tout son pouvoir contre ung aultre. encores est beaucoup estime un Prince quand il a le bruit d'estre vray ami ou ennemi, c'est a dire que sans aucun respect il se declare en faveur pour quelcun, ou contre l'autre : Lequel se fera pareillement beaucoup estimer, s'il se monstre diligent en l'entretien et poursuitte de ses amitiez, ou inimitiez : ce est à sçavoir quand sans aucune crainte il se declare en faveur de son amy contre un autre : encores est beaucoup estimé le Prince quand il a le bruit d'estre vray amy ou ennemy, c'est a dire que sans aucun respect il se declare en faveur de quelqu'un ou contre l'autre :



Segment 12
Il qual' partito fia sempre più utile che star' neutrale. Perche se doi potenti tuoi vicini vengono a le mani, o essi sono di qualità che, vincendo un' di quelli, tù habbi da temere del vincitore, o nò.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont il se trouvera beaucoup mieulx d'ainsy faire que de demourer neutral et ne s'empescher es meslées de ses voisins. Car si deux de ses plus puyssants voisins rompent la guerre l'un à l'aultre, ou ilz sont de telle qualité que si l'un gaigne il soit aussy en dangier d'estre opprimé, ou ilz ne le sont pas. lequel parti est tousiours beaucoup plus proffitable, que demourer neutre. D'autant que si deux tes voisins puissans Seigneurs viennent a s'esmouvoir guerre l'un a l'autre, ou ilz sont de telle qualite qu'apres la victoire de l'un des deux tu te doive craindre de celuy qui aura gaigne, ou bien qu'il ne t'en puisse chaloir : lequel advis sera tousiours reputé meilleur, que demeurer neutre. Car si deux tiens puissans voisins viennent une fois a avoir debat ensemble, faut penser de deux choses l'une : ou qu'ilz sont de sorte, que l'un d'eux venant à vaincre, le vainqueur te peut dommager, ou non. lequel party est tousiours beaucoup plus proufitable que demourer neutre. D'autant que si deux de tes voisins puissans Seigneurs viennent à s'esmouvoir guerre l'un contre l'autre, ou ilz sont de telle qualité qu'aprez la victoire de l'un des deux tu doive redouter celuy qui aura gaigné, ou bien qu'il ne t'en puisse chaloir :



Segment 13
In qualunche di questi doi casi sempre tì sarà più utile lo scoprirti et far' buona guerra. Perche nel primo caso, se tù non tì scuopre, sarai sempre preda di chi vince, con piacere et satisfattione di colui ch' è stato vinto, et non harai ragione ne cosa alcuna, che tì defende, ne chi tì riceva. Perche chi vince, non vuol' amici sospetti et che ne l'adversitate non l'aiutino. Chi perde non ti riceve per non haver' tu voluto con l' armi in mano correr' la fortuna sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En tous les deux cas il trouvera que c'est toujours son meilleur de favoriser l'un et faire avec luy société de guerre contre l'autre. Et quand au premier poinct, qui est de deux bien puyssants seigneurs, si tu faiz le fin mesnager et ne te veulx déclairer amy de l'un, quoy qu'il adviègne tu seras tousjours opprimé et prins comme proye de celuy qui sera victorieux au grand plaisir et contentement du vaincu. Surquoy il n'y aura ny raison ny excuse vallable, par laquelle tu puisses estre saulvé du vainqueur, ny aydé du vaincu. Car, celluy qui est victorieux, ne veult poinct d'amyz froidz et suspectz et qui ne luy donnent secours en ses adversitez. Pareillement celluy qui perd, n'a que faire de favoriser ceulx qui n'ont point voulu courir sa fortune et mettre la main à l'espée pour luy. en chacun de ces cas sera tousiours ton plus court de te decouvrir et formaliser pour une partie et faire la guerre a bon escient. Car en premier lieu il ne faut point douter que tu ne doive estre la proie du victorieux si tu ne te declares, d'avantage celuy qui aura este vaincu en sera tresaise et content : mesmes en cela tu ne pourras avoir aucune raison ny excuse pour laquelle il te doive defendre ou recevoir : pource que celuy qui a gaigne ne veut point d'amis faints et souspeçonneux, et qui ne l'aident pas en ses adversitez : le vaincu ne te veut pas recevoir, d'autant que tu n'as voulu par armes secourir sa fortune. Or en quelque evenement que ce soit, il vaudra mieux se descouvrir pour l'un d'iceux et faire bonne guerre : parautant qu'au premier cas, si tu ne te declares, tu seras tousiours en la misericorde d'estre pillé du vainqueur, avec le plaisir et contentement du vaincu, et n'auras raison, ne personne, qui t'excuse, ou reçoive en ceste calamité. Parce que celuy, qui gaigne, fuit les amitiez suspectes, et desquelles il n'a point de secours en ses affaires. Et le perdeur n'est tenu te recevoir chez luy, puis que tu as refusé de secourir la fortune au besoing. en chacun de ces cas sera tousiours ton plus court de te descouvrir & formaliser pour une partie & faire la guerre à bon escient. Car en premier lieu il ne faut point douter que tu ne doive estre la proye du victorieux si tu ne te declares, d'avantage celuy qui aura esté vaincu en sera tres-ayse & content : mesmes en cela tu ne pourras avoir aucune raison ny excuse pour laquelle il te doive defendre ou recevoir : pource que celuy qui a gaigné ne veut point d'amis faints & suspectz, & qui ne l'aydent pas en ses adversitez : le vaincu ne te veut pas recevoir, d'autant que tu n'as pas voulu par armes secourir sa fortune.



Segment 14
Era passato Antiocho in Grecia, messovi da gli Etoli per cacciarne i Romani, mandò Antiocho oratori a gli Achei che erano amici de Romanì a confortargli a star' di mezo, et da altra parte, i Romani gli persuadevano a pigliar' l'armi per loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Anthiocus estant passé en Græce par la conduicte des Ætholes contre les Romains, envoya ses ambassadeurs aux Achées, qui estoient amyz des Romains, pour les requérir qu'ilz demourassent neutraux et ne s'entresmelassent en celle guerre, Apres qu'Antioque fut passe en Grece, par le moien des Etholes, pour en chasser les Romains, il manda des ambassadeurs aux Achees qui estoient amis des Romains, les priant qu'ilz fussent neutres, et leur persuadant qu'ilz ne s'emeussent ne pour l'un ne pour l'autre : d'autre coste les Romains leur mettoient en teste de prendre les armes pour eux. Le Roy Antiochus estoit passé en Grece à la suscitation des Etholles pour en chasser les Romains, lequel envoya une ambassade aux Achées amis et confederez du peuple Romain afin de les induire a estre neutres. Et les Romains de l'autre costé les solicitoient a prendre les armes en faveur d'eux. Apres qu'Antiochus fut passé en Grece, par le moyen des Etholes, pour en chasser les Romains, il manda des ambassadeurs aux Achées qui estoyent amys des Romains, les priant qu'ilz fussent neutres & leur persuadant qu'ilz ne s'emeussent ne pour l'un ne pour l'autre : d'autre costé les Romains leur mettoyent en teste de prendre les armes pour eux.



Segment 15
Venne questa cosa a diliberarsi nel' concilio de gli Achei, dove il legato d'Antiocho gli persuadeva a stare neutrali; a che il legato Romano rispose : quanto alla parte che si dice esser' ottimo et utilissimo a lo stato vostro, il non v'intromettere nella guerra nostra, niente vi è più contrario, imperoche, non vi ci intromettendo, senza gratia et senza riputatione alcuna resterete premio del' vincitore.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dautrepart les Romains leur persuadoient de prendre les armes pour eulx tellement que l'affaire fut mys en délibération au conseil des Achées où, après que ceulx d'Anthiocus eurent assez longuement harengué et supplyé qu'ilz demourassent neutraux, le légat des Romains respondit en telle forme : « Quant à ce que la partie dict, qu'il seroit meilleur pour vous de ne vous entresmeler en ceste guerre, je vous respondz qu'il n'y a rien si dangereux, ny si inutile pour vous. Car si vous n'y entrez sans aucune grâce et sans aucune miséricorde du vaincu, vous serez proye de celluy qui sera victorieux ». Ceste matiere vint en deliberation au conseil des Achees, ou l'ambassade d'Antioque leur remonstroit qu'ilz devoient estre neutres, auquel l'ambassade des Romains respondit que quant a ce parti de vous neutralizer, qu'on dict estre le meilleur a vostre estat et seurete, il n'y a rien qui vous soit plus contraire, d'autant que si vous ne vous entremetez de la guerre, sans grace ou reputation aucune, vous demourerez a la discretion et proie du vainqueur. Ceste chose fut mise en deliberation au conseil des Achées, auquel l'Ambassadeur d'Antiochus s'efforça de les incliner à ne se vouloir entremettre pour les uns ne les autres. A quoy l'ambassadeur de Rome feit responce en semblables termes : Quant à ce que lon vous a remonstré estre chose tresbonne, et profitable à vostre estat ne vous mesler point de ceste guerre : Il n'y a rien au contraire qui vous soit plus pernicieux et dommageable, si vous l'entendez bien : parautant que si vous n'estes point de la partie, vous pouvez vous asseurer, que vostre païs sera le pris et sallaire du vainqueur, sans que pour ce il vous en revienne gré, ne louange aucune. Cette matiere vint en deliberation au conseil des Achées, où l'ambassadeur d'Antioque leur remonstroit qu'ilz devoyent estre neutres, auquel l'ambassade des Romains respondit que quant à ce party de vous neutralizer, qu'on dit estre le meilleur à vostre estat & sureté, il n'y a rien qui vous soit plus contraire, d'autant que si vous ne vous entremettez de la guerre, sans grace ou reputation aucune, vous demourerez à la discretion & proye du vainqueur.



Segment 16
Et sempre interverrà che quello che non ti è amico ti richiederà della neutralità, et quello che tì è amico ti ricercherà che tì scuopra con l'armi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Par laquelle response on peult inférer, que celluy qui sera ennemy couvert de quelqung le requerra de la neutralité, et son amy luy persuadera franchement de prendre les armes. Aussi vous verrez tousiours que celuy qui n'est pas vostre ami vous priera de demourer neutre, et celuy qui vous aimera vous sollicitera a vous decouvrir ami par armes : Il advient doncq communement que celuy, qui ne t'est point amy te requerra de la neutralité, et ton amy te poursuivra au rebours de secourir son party. Aussi vous verrez tousiours que celuy qui n'est pas vostre amy vous priera de demourer neutre & celuy qui vous aymera vous sollicitera a vous decouvrir amy par armes :



Segment 17
Et li Principi mal' resoluti, per fuggire i presenti pericoli, seguono el più de le volte quella via neutrale, et il più de le volte rovinano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais les princez qui sont irresoluz et n'ont bon conseil, soubz umbre de vouloir estre en paix, fuyr la despense et les dangiers présens, suyvent ordinairement ce party d'estre neutraux et le plus souvent ilz ruynent. mais auiourd'huy les Princes mal resoluz en ceste partie ci, pour eviter ce leur semble les presents et prochains dangers, ilz suyvent le plus souvent la neutralite, et le plus souvent aussi sont ruinez. Ce que nous voyons estre pratiqué par les Princes indiscretz, et malresoluz, qui suyvent volontiers la voye tierce, pensant fuir par là le present peril. Aussi s'en trouvent ilz le plus souvent mauvais marchans. mais aujourd'huy les Princes mal resoluz en cette partie, pour eviter ce leur semble les presens & prochains dangers suyvent le plus souvent la neutralité & le plus souvent aussi sont ruinez.



Segment 18
Ma quando il Principe si scuopre gagliardamente in favor' d'una parte, se colui con chi tù adherisci vince, ancora che sia potente et che tù rimanga a sua discretione, egli ha teco obligo, et vi è contratto l' amore, et gli huomini non son' mai sì dishonesti che, con tanto essempio d' ingratitudine, ti opprimessero. Di poi le vittorie non sono mai sì prospere che il vincitor' non habbia ad haver' qualche rispetto, et massime alla iustitia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand ung prince se déclaire gaillardement à la faveur d'une part, si celluy que tu deffendz surmonte l'autre, combien qu'il devienne puyssant et que tu demoures à sa discrection, si est ce qu'il est obligé à toy et te doibt remercier comme amy, et l'on ne voit pas souvent que les hommes soient si deshonnestes et meschans, qu'avec si grand exemple d'ingratitude, ils voulsissent opprimer leurs alliez ; mesmes que les victoires ne sont jamais si grandes que le vainqueur ne doibve avoir esgard à ce qui se doibt faire par raison et justice. Plustost quand un Prince se decouvre gaillardement en faveur d'une partie si celuy lequel il favorise gaigne encores qu'il soit puissant, et que tu demoures a sa discretion, toutesfois l'obligation et l'amitie iuree est si grande, que les hommes ne sont iamais si deshonnestes qu'avec un tel exemple d'ingratitude il te viennent courir sus : en apres les victoires ne sont iamais tant heureuses, qu'on ne doive avoir egard a plusieurs respectz, et principalement a la Iustice : Mais quand le Prince se descouvre vigoreusement pour le party de quelqu'un, si celuy que tu favorises vient à vaincre, bien qu'il soit puissant, et que tu demeures à la mercy de sa volonté, il t'est pourtant obligé, et y a telle contraction d'amitié, que les hommes pour iniques, et desraisonnables, qu'ilz soient, ne la voudroient avecques si grand'tache d'ingratitude rompre, et violer. D'advantage les victoires ne sont iamais en tout et par tout si heureuses que le vaincqueur n'aye quelque scintille de consideration, et reverence, mesmement à l'endroit de la iustice, et raison. Plustost quand un Prince se decouvre gaillardement en faveur d'une partie, si celuy lequel il favorise gaigne encores qu'il soit puissant, & que tu demoures à sa discretion, toutefois l'obligation & l'amitié iurée est si grande, que les hommes ne sont iamais si deshonnestes qu'avec un tel exemple d'ingratitude il te viennent courir sus : en aprez les victoires ne sont iamais tant heureuses, qu'on ne doive avoir egard à plusieurs respectz principalement à la Iustice.



Segment 19
Ma se quello con il quale tù ti adherisci perde, tù se ricevuto da lui, et mentre che può t'aiuta, et deventi compagno d'una fortuna che può resurgere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pareillement si celluy que tu défendz perd et est vaincu, il te reçoit et ayde de ce qu'il peult tellement que tu deviens compaignon d'une fortune qui peult renaistre et remonter en hault. or si cestui la duquel tu te seras allie perd, nonobstant il te recevera tousiours, et tant qu'il pourra il te soustiendra, tellement que tu deviens compagnon d'une mesme fortune, laquelle se peut relever. Mais s'il advient, que la perte tombe du costé, pour qui tu es, le vaincu te recevra, et donnera secours tant, qu'il en aura le pouvoir, te rendant compagnon d'une fortune, qui peut resusciter, et ramender. Or si celuy duquel tu te seras allié, perd, nonobstant il te recevra tousiours & tant qu'il pourra il te soustiendra, tellement que tu deviens compaignon d'une mesme fortune, laquelle se peut relever.



Segment 20
Nel' secondo caso, quando quelli che combattono insieme sono di qualità che tù non habbia da temere di quel' che vince, tanto più è gran prudentia lo adherir', perche tù vai a la rovina d'uno con l' aiuto di chi lo deverebbe salvare, se fussi savio; et vincendo rimane alla tua discretione, et è impossibile che, con l' aiuto tuo, non vinca.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quant au second poinct, qui est quand deux seigneurs foibles ont guerre ensemble, et ne sont pas si puissans qu'après la victoire tu doibves avoir crainte d'estre opprimé du vainqueur, d'autant seras tu plus saige de prendre le party de l'ung, lequel gaignera infailliblement avec ton secours, en quoy si tu estois tant soit peu saige et cautelleux, tu t'y pourrois gouverner en telle sorte que le vaincu et le vainqueur demoureroient à ta discrétion. En second lieu quand ceux la qui se guerroient l'un l'autre sont de telle qualite que tu n'aies point a craindre de celuy qui gaignera la victoire, tant plus sagement sera ce faict que de adherer a quelcun d'eux, pource que tu vas a la deconfiture de l'un avec l'aide de l'autre, qui le deveroit sauver s'il estoit sage, car si tu gaigne, l'un et lautre demeure a ta discretion : d'avantage il est bien difficile qu'avec ton aide l'un ne gaigne. Or quant au second cas, sçavoir est quand ceux qui ont guerre ensemble, sont telz, que tu n'as matiere de craindre celuy, qui vaincra, de tant plus est ce grand'prudence d'adherer à l'un des deux : parce que tu moyennes, ce faisant, la ruïne de l'un, secourant celuy qui te devroit defendre, s'il estoit sage : et ayant vaincu, ilz se soubzmet taisiblement à ta volonté : A quoy il ne peut fuyr, parce qu'il est impossible qu'il ne vaincque estant secouru de toy. En second lieu quand ceux qui se guerroyent l'un l'autre sont de telle qualité que tu n'ayes point a craindre celuy qui emportera la victoire, tant plus sagement sera ce fait d'adherer a quelqu'un d'eux, pource que tu vas à la deconfiture de l'un avec l'ayde de l'autre, qui le devroit sauver s'il estoit sage, car si tu gaigne, l'un & l'autre demeure à ta discretion : d'avantage il est bien difficile qu'avec ton ayde l'un ne gaigne.



Segment 21
Et qui è da notare che un' Principe deve advertir' di non far' mai compagnia con un' più potente di se, per offender' altri, se non quando la necessità lo strigne, come di sopra si dice, perche vincendo lui, tù rimani a sua discretione: et li Principi debban' fuggire quanto possano lo star' a discretion' d'altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sur quoy on doibt bien noter qu'ung prince ne se doibt jamais adjoindre à ung plus puyssant que soy contre ung aultre, si par mésadventure il n'estoit contrainct par necessité. Car si celluy la gaigne, quoy qu'il luy ayt faict de service il demoure à sa discrétion, et tous les hommes doibvent sur toutes choses travailler à ne demourer à la discrétion daultruy. Sur quoy il faut noter qu'un Prince se doit bien garder de ne faire point compagnie en guerre avec un plus puissant que soy, pour guerroier un autre : sinon quand la necessite le contraint, comme nous avons dict ci dessus : pource que si l'autre gaigne tu demoures a sa subiection, ce que les Princes doivent fuir, de ne demourer a la discretion d'autruy. Ce qui doit bien advertir un Prince de ne faire iamais ligue avecques un plus puissant que luy, pour endommager autruy, si la necessité ne l'y contraint. Car si ton confederé parvient à la victoire, il devient consequemment maistre de toy : Et les Princes doivent fuir sur toutes choses de se laisser tomber à la discretion d'autruy. Sur quoy il faut noter qu'un Prince se doibt bien garder de ne faire point compagnie en guerre avec un plus puissant que soy, pour guerroyer un autre : sinon quand la necessité le contraint, comme nous avons dit cy dessus : pource que si l'autre gaigne tu demoures à sa sujection ce que les Princes doivent fuir, de ne demeurer à la discretion d'autruy.



Segment 22
I Vinitiani s' accompagnorno con Francia contro al Duca di Milano, et potevon' fuggir' di non far' quella compagnia: di che ne risultò la rovina loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les Vénitiens s'allièrent aux Françoys qui faisoient la guerre au duc de Milan ; dont ilz eussent plus saigement faict à s'en passer : car leur ruyne résulta de là bien peu après la dicte guerre. Les Venitiens s'allierent avec les François pour faire guerre contre le Duc de Milan, et se pouvoient bien abstenir de faire ceste compagnie, de laquelle vint leur perdition : Les Venitiens se r'allierent avec les Françoys contre le Duc de Milan, dont ilz se fussent bien passez, attendu que cela fut depuis cause de leur grande perte, et destruction. Les Venitiens s'allierent avec les François pour faire guerre contre le Duc de Milan & se pouvoyent bien abstenir de cette societé, de laquelle vint leur perte :



Segment 23
Ma quando non si può fuggirla, come intervenne a Fiorentini quando il Papa et Spagna andorno con li eserciti ad assaltare' la Lombardia, al'hora vi deve il Principe adherire per le sopraditte ragioni.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si l'on ne peult éviter celle nécessité, et qu'il soit contrainct d'entrer en champ de bataille bon gré maulgré, comme il advint aux florentins quand le pape et le roy d'Hespaigne assaillirent la Lombardie, alors le prince doibt adhérer à celluy qui luy semble le moins dangereux. mais quand on ne la peut eviter, comme il advint aux Florentins, quand le Pape Iules et les Espagnolz vindrent avec leurs armees assaillir la Lombardie, alors doit un Prince s'allier, pour les raisons susdictes. Mais quand il n'est possible de l'eviter, tout ainsi qu'il advint aux Florentins lors, que le Pape, et les Espagnolz vindrent assaillir la Lombardie : Il convient adoncq, que le Prince s'incline à l'un des deux, pour les raisons susdites. mais quand on ne la peut eviter (comme il avint aux Florentins) lors que le Pape Iules & les Espagnolz vindrent avec leurs armées assaillir la Lombardie, alors doit un Prince s'allier, pour les raisons susdictes.



Segment 24
Ne creda mai alcuno stato poter' pigliar' partiti sicuri, anzi pensi d' haver' a prender'gli tutti dubij; perche si truova questo, nello ordine de le cose, che mai non si cerca fuggir' uno inconveniente che non s'incorra in un' altro'. Ma la prudentia consiste in saper' conoscer' le qualitati de gli inconvenienti et prendere il modo tristo per buono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Combien que je veulx bien advertir tous seigneurs et estatz, qu'ilz ne pensent pas de pouvoir jamais prendre ung party net et clair et qui n'aist en soy quelque si. Car ilz sont tous doubteux, variables et pleins de dangier d'ung costé ou daultre, et l'on trouve par la congnoissance des choses mondaines que jamais l'on ne prend ung bien qu'il n'y ait aussy quelque mal, et que l'on évite jamais ung inconvenient que l'on ne retombe en ung aultre. Et la prudence de l'homme ne consiste sinon à congnoistre la qualité des inconveniens, et prendre le mauvais party pour bon. Or que nul seigneur ne pense iamais choisir un parti qui soit seur, qu'il estime plustost les prendre, tous incertains : car l'ordre des choses humaines est tel, que iamais on ne peut fuir un inconvenient, sinon que pour encourir un autre. Toutesfois la prudence gist a sçavoir connoistre la qualite de ces inconveniens, et choisir le moins mauvais pour le meilleur. Et ne faut point, qu'une seigneurie s'assure pouvoir tousiours choisir un advis seur, et sans peril : ains est de besoing au contraire, qu'elle se dispose les prendre le plus souvent à l'adventure : parce que l'ordre des choses de ce monde porte qu'en pensant fuir un inconvenient, l'on tombe tousiours en un autre. Mais la prudence consiste à sçavoir congnoistre la qualité des dangers, et prendre le moins mauvais pour le bon. Or que nul seigneur ne pense iamais choisir un party qui soit sur, qu'il estime plustost les prendre tous incertains : car l'ordre des choses humaines est tel, que iamais on ne peut fuir un inconvenient, sinon que pour encourir un autre. Toutefois la prudence gist à savoir connoistre la qualité de ces inconveniens & choisir le moindre pour le meilleur.



Segment 25
Deve ancor' un' Principe mostrarsi amatore de le virtuti et honorar' li eccellenti in ciascuna arte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour la quatrième reigle d'acquérir bruyt et réputation, ung prince doibt estre amateur des vertuz et honorer les hommes excellens chacun selon sa qualité, Outre ces choses dictes un Prince doit monstrer qu'il aime les vertuz, et doit porter honneur a ceux qui sont singuliers en chasque artifice : Il ne faut aussi oblier, qu'entre autres choses le Prince se doit monstrer amateur des vertus, et honnorer les maistres excellens en chacun art, et science. Outre ces choses un Prince doibt monstrer qu'il ayme les vertuz, & doit porter honneur à ceux qui sont singuliers en chacun art :



Segment 26
Appresso deve animare li suoi Cittadini di poter' quietamente essercitar' li esercitij loro, et ne la mercantia et ne l'agricultura et in ogni altro esercitio de gli huomini; accioche quello non si astenga d'ornare le sue possessioni per timor' che non gli sien' tolte, et quel' altro d'aprir' un trafico per paura de le taglie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et donner bon courage à ses subiectz de pouvoir exercer en repos leurs mestiers tant au labouraige qu'à la marchandise et tout autre vacation des hommes, à celle fin que l'ung ne laisse d'enrichir et garnir sa maison de plusieurs ornemens de pæur des larrons, et l'autre ne laisse d'ouvrir un traficque de pæur des tailles, en apres il doit donner courage a ses citoyens de pouvoir paisiblement exercer leurs vacations tant a la marchandise, qu'au labourage, et bref en tout autre occupation des hommes : affin que le laboureur ne laisse la ses terres en friche, de peur qu'on ne les luy oste, et le marchant ne vueille plus commencer nouvelle trafique, pour la grandeur des impositions. Luy est semblablement convenable donner courage et asseurance à ses subietz de pouvoir exercer en paix leur vacation, tant en la marchandise, agriculture, que tout autre metier, et exercice des hommes : à celle fin, que les uns ne se refroidissent point à embellir et augmenter leurs possessions et dommaines, pour crainte qu'ilz ne leur soient ostez : et les autres a ouvrir une trafique, craignans les tailles, et impoz : aprez, il doibt donner courage à ses citoyens de pouoir paisiblement exercer leurs vacations tant à la marchandise qu'au labourage, bref en toute autre occupation humaine à fin que le laboureur ne laisse ses terres en friche de paour qu'on les luy oste & le marchand ne vueille plus commencer nouvelle trafique pour la grandeur des impositions.



Segment 27
Ma deve preparar' premij a chi vuol' far' queste cose et a qualunche pensa in qualunche modo d'ampliar' la sua Città o l' suo stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
ains doibt mettre quelque pris et ordonner quelque guerdon à celluy qui vouldroit mettre en avant quelque chose prouffitable au commun, et qui fust à la gloire et ampliation de son estat. Doncques le Prince donnera recompense a ceux qui honnestement s'emploieront de mettre en avant ces exercites, et en quelque autre maniere que ce soit, d'enrichir sa ville, ou son païs. mais les y doit convier à telles louables entreprises, par offres, et promesses de grans dons, et privileges, et tous ceux avec qui savent quelque moyen pour amplifier leur cité, et nation. Le Prince doncques donnera recompense a ceux qui honnestement s'employeront à conduire ses armées, & en quelque autre maniere que ce soit d'enrichir sa ville ou son païs.



Segment 28
Deve oltre a questo, ne tempi convenienti de l' anno, tener' occupati li popoli con feste et spettacoli; et perche ogni Città è divisa o in arti o in tribu, deve tener conto di quelli universitati, adunarsi con loro qualche volta, dar' di se essempio d'humanità et magnificentia, tenendo nondimeno sempre ferma la maiestà de la dignità sua perche questo non si vuole mai che manchi in cosa alcuna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour la cinquième et dernière reigle le prince doibt faire quelques beaux jeux, festes, spectacles, tournoyemens magnificques pour la récréation du peuple. Et à cause que toute cité est communément divisée en mestiers et confrairies et compagnies de parroisses, il se doibt quelques foix assembler avec eulx et se monstrer humain et magnificque et débonnaire. Touteffoys il convient quoy qu'il face et quoy qu'il dye, qu'il noublie pas à tenir ferme la majesté de sa dignité, sans laquelle il ne se pourra jamais bien gouverner et se monstrer grand en tout temps, en tout lieu, et en tous les accidentz qui luy puyssent survenir. Davantage il doit en certains temps de l'annee esbatre et detenir son peuple en festes et ieux : ou pource que chasque ville est divisee en mestiers, et lignees le Prince doit faire cas de ces assemblees et s'accompagner d'elles quelque fois : et faire parler de soy en quelque estime de courtoisie, et magnificence : neantmoins qu'il ne derogue point a la dignite et excellence de sa maieste : car elle ne luy doit iamais faillir. Outre cela il sera songneux es saisons convenables de l'année amuser, et detenir le peuple à la veuë de festins, ieux publiques, et spectacles de recreation. Et parautant que toutes citez sont divisées en mestiers, ou en cartiers, il doit faire cas de ces corps universelz : s'assembler aucunefois avecques eux, mettre en evidence quelque acte d'humanité et magnificence, ne s'obliant toutesfois iamais de la maiesté de son souverain degré, en quoy faut sus tout, qu'il se donne garde de mesprendre. D'avantage il doibt en certain temps de l'année esbatre & detenir son peuple en festes & ieux : ou pource que chasque ville est divisée en mestiers & lignées le Prince doibt faire cas de ces assemblées & s'accompagner d'elles quelque fois : & faire parler de soy en quelque estime de courtoisie & magnificence : neantmoins qu'il ne derogue point à la dignité & excellence de sa maiesté : car elle ne luy doit iamais faillir.