1 : Ie lairray en arriere le propos des Republiques, parce qu'en autre endroit i'en ay parlé assez au long,
2 : et me delibereray d'escrire seulement des principautez, suyvant le proiet de la precedente division, enseignant comme ces Monarchies se peuvent gouverner, et longuement entretenir en leur estat.
3 : Ie dy doncq' qu'il y a beaucoup moindres difficultés a maintenir les païs, et seigneuries hereditaires accoustumées d'obeïr au sang de leur Prince, qu'il n'y a aux nouvellement acquises : parce qu'il suffit seulement au seigneur naturel n'outrepasser les loix, et ordonnances de ses predecesseurs, et temporiser au reste selon les fortunes. De sorte qu'il sera facile a un tel Prince, encores qu'il soit de mediocre esprit, et conduicte, se continuer tousiours en la tranquille possession de ses terres : si ce n'estoit une extraordinaire et excessive force d'ailleurs, qui l'en deboutast. Et bien quil en fust privé, la chance ne sçauroit si peu tourner a lencontre de l'usurpateur nouveau, qu'aysement il n'y retourne.
4 : Nous en avons en Italie le Duc de Ferrare pour exemple, lequel ne resista aux assaux, et guerres que les Venitians luy firent l'an mil.iiii.c.iiii.xx.iiii. et ceux du Pape Iule l'an m.v.c.x. que par le moyen de l'ancienneté de sa maison en ce Duché.
5 : Car un Prince naturel n'a point tant d'occasions, ne de besoin de rigoureusement traicter ses subietz, que le nouveau, desquelz par consequent est necessaire qu'il soit aymé. Et si ses estranges vices et complexions ne le font bien fort haïr, il sera naturellement tousiours bien voulu des siens,
6 : tellement que par le vieil enracinement, et continuation de son regne, les causes et souvenances des changemens demeurent estainctes, parce qu'une fraische, et nouvelle mutation laisse tousiours une attente à l'edification, et entreprise d'une autre.