Vues en parallèle

Chaque segment de la version originale de 1532 (Blado)  peut être lu en regard des segments correspondants des traductions de Vintimille, Cappel, Gaspard d'Auvergne, Jacques Gohory (détails bibliographiques ci-dessous). Le chapitrage se trouve sur le menu de gauche.

Il Principe... (Roma: Antonio Blado d'Asola) :

Fiche biblio (Sudoc)

Version numérisée accessible sur e-corpus (Réserve des imprimés de la Bibliothèque Sainte Geneviève
Accès à la transcription faite par Adriano Bonelli et Jean-Claude Zancarini -directement sur support informatique- de l'édition princeps Blado de 1532 du Prince de Machiavel.

 


Traduction de Jacques de Vintimille (1546)

Première publication en ligne sur le site de l'ENS de Lyon
Fiche biblio du manuscrit de Vintimille (Calames)

Accès au texte segmenté
Ce texte reprend le texte de la traduction de Jacques de Vintimille du Prince, texte édité, annoté et transcrit par Nella Bianchi Bensimon,  mis en ligne par l'ENS lettres et sciences humaines en 2005, à l'adresse http://w4.ens-lsh.fr/e-textes/editions-critiques/2005/vintimille-j, et désormais accessible dans HAL.


Traduction de Guillaume Cappel (1553)

En ligne sur GoogleBooks

Fiche biblio (BNF)

Accès à la transcription par Laure Raffaëlli-Péraudin -directement sur support informatique- du texte conservé à la BNF (FRBNF30853388) du Prince, traduit par Guillaume Cappel et publié en 1553 par C. Estienne à Paris


Traduction de Gaspard d'Auvergne (1553, republiée 1571)

Fiche biblio (BNF)
Version numérisée accessible sur GoogleBooks (édition de 1572 des Discours de l'estat de paix et de guerre - pages  619 et suivantes)

Accès à la transcription par Laure Raffaëlli-Péraudin -directement sur support informatique- de l'ouvrage conservé à la BNF (FRBNF30853312) duPrince  traduit par Gaspard d'Auvergne et publié en 1553 par E. de Marnef à Poitiers (et republiée en 1571 par E. de Marnef à Paris).
 


Traduction de Jacques Gohory (1571)

En ligne sur BSB Digital

Fiche biblio (BNF)

Accès à la transcription par Laure Raffaëlli-Péraudin -directement sur support informatique- du texte conservé à la BNF (FRBNF30853390) du Prince, traduit par Jacques Gohory et publié en 1571 par R. Le Mangnier à Paris


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Première mise en ligne : 22 oct. 2012.

Prologue

Titre
Niccolo Macchiavelli al Magnifico Lorenzo di Piero di Medici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
NICOLAS MACCHIAVEL AU MAGNIFICQUE SEIGNEUR LAURENS FILZ DE PIERRE DE MEDICIS SALUT LE PRINCE DE NICOLAS MACHIAVELLE AU MAGNIFIQUE SEIGNEUR LAURENT DE MEDICIS. NICOLAS MACCHIAVELLI, au magnifique Laurens filz de Pierre de Medicis, Salut. le prince de nicolas Machiavel Au Magnifique Laurens Filz de Pierre de Medicis.



Segment 1
Sogliono il più de le volte coloro che desiderano acquistare gratia a presso un' Principe farseli innanzi con quelle cose che in tra le loro habbino più care, o de le quali vegghino lui più delettarsi; donde si vede molte volte esser' loro presentati cavagli, arme, drappi d'oro, pietre pretiose et simili ornamenti, degni de la grandeza di quelli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Oyant, magnificque seigneur, que la plus part de ceulx qui veulent gaigner la grâce des princes communément se présentent à eulx avec quelque don des plus précieuses choses qu'ilz ayent, et principalement de celles qui luy sont plus aggréables et chères, dont le plus souvent leur donnent quelques braves chevaulx, belles armes, draps d'or, pierres précieuses, et aultres telz aornemens exquis et convénables à leur puissance. Ceux qui desirent entrer en grace de quelque Prince, ont coustume de luy presenter souventesfois les choses qu'il a plus a gre : ausquelles il voyent qu'il prent voluntiers plaisir. D'ou vient que bien souvent on luy fait presens de chevaux, armures, draps d'or, pierres precieuses, et de semblables ioyaux dignes de sa maieste. Ceux qui desirent acquerir faveur a l'endroit d'un Prince, ont volontiers de coustume faire leur entrée par presens de choses qu'ilz ont pour les plus cheres ; ou esquelles ilz le cognoissent prendre communement plus de plaisir. Au moyen de quoy lon voit maintesfois leur estre presentez chevaux, harnois d'armes, draps de soye, pierres precieuses, et semblables ornemens dignes de leur grandeur et magnificence. Ceux qui desirent acquerir la grace de quelque Prince, se presentent volontiers à luy avec les choses qu'ils tiennent plus cheres : ou ausquelles il voyent qu'il prend le plus de plaisir. D'où vient que bien souvent on leur void estre faits presens de chevaux, armes, draps d'or, pierres precieuses, & de semblables ornemens dignes de leur grandeur.



Segment 2
Desiderando io adunque offerirmi a la vostra Magnificentia con qualche testimone della servitù mia verso di quella, non ho trovato, intra la mia supellettile, cosa quale io habbi più cara o tanto stimi quanto la cognitione delle attioni delli huomini grandi, imparata da me con una lunga esperientia delle cose moderne, e una continua lettione delle antiche, la quale havendo io con gran diligentia lungamente escogitata et esaminata, et hora in uno piccolo volume ridotta, mando a la Magnificentia vostra.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
J'ay désiré pour ensuivre celle coustume me présenter à vostre magnificence avec quelque tesmoignage de mon debvoir. Et pource faire n'ay trouvé dans le cabinet de mes trésors chose de si hault pris, ne que j'estime tant, que la congnoissance des faictz des grands hommes, que j'ay apprise par une longue expérience des choses modernes, et par continuelle lecture des antiques. Laquelle par moy longuement pourpensée, et par le menu examinée à grande diligence finablement a esté réduicte en ung petit volume, lequel je me suis enhardy de vous présenter. Doncques ayant envie de vous faire la reverence avec quelque tesmoignage de mon affection, ie n'ay rien trouve parmy toutes mes hardes, que i'estime tant, comme la cognoissance des affaires des grands personnages, que i'ay apprise par une longue pratique des menees de nostre temps : et en lisant continuellement les histoires du passe. Laquelle congnoissance ayant d'une grande diligence trouvee, discourüe, et maintenant assemblee en ung petit livret, ie l'envoye a vostre magnificence. Moy doncq desirant m'offrir a vostre maiesté, avec quelque tesmoignage de mon obeissance envers icelle, ie n'ay trouvé entre toutes mes richesses, et besongnes chose que i'aye plus chere, ne que i'estime tant, que la cognoissance des affaires de grandz personnages, par moy apprise, moyennant une bien longue experience des choses modernes, et une continuelle leçon des antiques. Laquelle apres l'avoir par un long temps, et grande diligence examinée, et maintenant reduitte en un petit volume, i'ay bien voulu presenter a vostre maiesté. Desirant donques m'offrir à vostre Magnificence, avec quelque tesmoignage de ma servitude, ie n'ay rien trouvé parmy toutes mes hardes, que i'estime tant, que la connoissance des actions des grands personnages, laquelle i'ay aprise par longue experience des choses modernes & lecture continuelle des antiques, laquelle ayant par grande diligence pourpensée, examinée & ore reduitte en un petit volume, ie l'envoye à V. M.



Segment 3
Et benche io giudichi questa opera indegna della presenza di quella, nondimeno confido assai che per sua humanità gli debba essere accetta, considerato che da me non li possa essere fatto maggior' dono che darle facultà a potere, in brevissimo tempo, intendere tutto quello, che io in tanti anni, et con tanti mia disagi, et pericoli ho conosciuto, et inteso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et combien que j'estime ceste oeuvre estre indigne de vous estre présentée, touteffoys j'ay seure espérance quelle vous sera aggréable, veu qu'à la vérité je ne vous puys faire plus grand don, que vous donner faculté de veoir en peu de temps toutes les notables choses, qu'en plusieurs années et avec grandz périlz, et continuelz travaux j'ay apprises et entendues. Et bien que ie pense ceste œuvre ne meriter pas de vous estre offert, toutesfois ie me confie que vostre humanite le doive trouver agreable, veu que ie ne sçaurois faire ung plus beau present, que donner le moyen de pouvoir en peu de temps sçavoir tout ce que i'ay en tant d'annees, et par tant de fascheries et dangiers entendu ou congneu. Et encores que l'oeuvre me semble bien indigne de comparoistre devant les yeus d'icelle, i'espere toutesfois, que vostre humaine bonté la vous rendra plus recevable ; consideré qu'il ne vous peut estre fait un plus precieux don de ma part, que vous fournir du moyen, par lequel en peu de temps vous pourrez entendre tout ce, que par l'espace de si longues années, avecque infinis malaises, et dangers ie me suis efforcé d'aprendre, et parfaittement cognoistre. Et combien que ie juge cette euvre indigne de luy estre presentée, si est-ce que ie n'assure sur son humanité qu'elle sera receuë d'elle en bonne part : Consideré que de mes mains ne luy peult sortir plus grand don que de luy bailler le moyen de pouoir entendre en bref temps ce que i'ay comprins par tant d'années avec grand travail & danger de ma personne.



Segment 4
La quale opera io non ho ornata ne ripiena di clausole ampie o di parole ampullose o magnifiche o di qualunche altro lenocinio o ornamento estrinseco, con li quali molti sogliono le lor' cose descrivere et ornare, perche io ho voluto o che veruna cosa la honori o che solamente la verità de la materia et la gravità del' sogetto la faccia grata.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lequel traicté je n'ay point voulu parer de parolles braves et magnificques, ny d'aultre allichement ou aornement extérieur, dont plusieurs ont accoustumé de farder et gorgiaser leurs oeuvres, à celle fin qu'il n'y eut en icelluy chose qui le rendit honnoré et aggréable, sinon la gravité du subject et la vérité de la matière. Lequel œuvre ie n'ay point embelly ne rempli de grandes clauses, n'y de parolles enflees et magnifiques, ni de quelque autre apast, ou braveries non a propoz, desquelles plusieurs ont accoustume d'enrichir leurs façons : car i'ay voulu ou que rien que ce soit ou que la verite seule du subiect, et la gravite de la matiere le rendist aggreable. Ce que toutesfois ie n'ay point voulu orner, ne remplir de clauses amples, ou paroles enflées, et factueuses, ne l'enrichir d'autre parement exterieur, dont, plusieurs ont de coustume d'escrire, et embellir leurs oeuvres. Il me suffira seulement ou que mon livre n'ait rien du tout qui le recommande, ou que la seulle verité de la matiere, et gravité du subiet le face trouver bon. Or n'ay ie point enrichy ce livre, ne farcy de longues periodes, ne de mots sonnans & ampoulleus ou de quelque autre fard ou embellissement exterieur (dont plusieurs accoustrent leurs euvres) Car mon intention est ou que rien ne luy porte loz & honneur ou que seulement la verité de la matiere & gravité la rende recommandable.



Segment 5
Ne voglio sia riputata presuntione se uno huomo de basso et infimo stato ardisce discorrere et regolare e Governi de Principi; perche così come coloro che disegnano e paesi si pongano bassi nel' piano a considerare la natura de' monti, et de' luoghi alti, e per considerare quella de' bassi, si pongono alti sopra e monti, similmente a conoscer' bene la natura de Popoli bisogna esser' Principe et, a conoscer' bene quella de Principi, conviene esser' Popolare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pareillement je ne veulx que vous réputiez en moy aucune présumption et oultrecuydance, si je, qui suis home de petite estoffe et bas estat, entreprendz de discourir et donner reigle aux gouvernemens des princes. Car comme ceulx qui pourtrayent les paysages, se mectent bas à la pleine pour considérer la nature des haultz lieux montueux, et pour congnoistre celle des lieux bas ilz se mectent hault sur les montaignes, par mesme raison pour juger de la nature des peuples, il faut estre prince, et pour sçavoir quelle est celle des princes, il convient estre homme privé et populaire. Ie vouldrois bien aussi qu'on n'estimast point oultrecuidance si un homme de basse condition prent la hardiesse de reigler les gouvernemens des Princes : d'autant que tout ainsi comme ceulx qui veulent pourtraire ung paisage se mettent bas en la plaine pour considerer l'assiette des montaignes, et nature des lieux haults : et pour contempler le parterre des vallees et campaignes, ilz se mettent aux dessus des montaignes. Pareillement a congnoistre bien l'estat de la commune, il fault estre Prince : et pour mieux entendre la condition d'un Prince il fault estre du populaire. Et ne faut point que lon m'impute a presumption, si un homme de basse condition et qualité entreprend de discourir sur le reglement du fait des Princes : Car tout ainsi que ceux, qui iugent l'assiette d'un païs, descendent volontiers es plaines et bas lieux, pour considerer la nature des montaignes, et places eslevées : et pour contempler celles des bas endroitz, montent sur le haut des montaignes : Semblablement pour bien congnoistre le naturel des peuples, il faut estre Prince : et pour entendre celuy des Princes, il est necessaire d'estre du ranc du peuple. Aussi ne voudrois-ie pas qu'on m'imputast à presumption de ce qu'estant de petit & bas estat, i'ose bien discourir & reigler les gouvernemens des Princes. Car comme ceux qui pourtrayent un paysage se tiennent bas en la plaine pour contempler la nature des montaignes & lieux hauts, & montent sur icelles pour mieux considerer les lieux bas : semblablement pour bien connoistre la nature des peuples, convient estre Prince, & pour celle de Princes, estre du populaire.



Segment 6
Pigli adunque vostra Magnificentia questo piccolo dono, con quello animo che io lo mando; il quale se da quella fia diligentemente considerato et letto, vi conoscerà drento uno estremo mio desiderio che lei pervengha a quella grandeza che la Fortuna et le altre sua qualità gli prometteno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Prenez donc en gré, monseigneur, ce petit don, et de tel couraige comme je le vous offre, lequel si vous lisez et considérez diligemment, vous congnoistrez en icelluy, ung mien ardent désir que vous parveniez à celle puissance que la fortune et voz aultres excellentes qualitez vous promectent. Doncques vostre magnifique Seigneurie reçoyve ce petit present de la mesme affection que ie luy congnoistrez une singuliere devotion que i'ay de vous veoir parvenu a ceste grandeur, que la fortune, voz bonnes qualitez et perfections vous promettent. Vostre Maiesté recevra doncq ce petit livret d'aussi bon cueur, que ie luy presente : lequel s'il est d'elle soingneusement leu et considere, facilement elle apparcevra dans iceluy un extreme mien desir, que i'ay de la voir quelque iour parvenir a celle grandeur, que la fortune et ses autres vertueuses qualitez luy promettent. Reçoive donc V. M. ce petit don de tel cueur que ie luy presente, lequel lisant & considerant diligemment, y appercevra dedans l'extreme desir que i'ay qu'elle parvienne à la grandeur que la fortune & ses autres qualitez luy promettent :



Segment 7
e se uostra Magnificientia dallo apice della sua alteza qualche uolta uolgerà gli occhi in questi luoghi bassi conoscerà quanto indegnamente io sopporti una grande, e continua malignità di Fortuna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et si quelque foys du hault de vostre grandeur, vous tournez voz pitoyables yeulx sur ces bas lieux de nostre pauvreté, par évidence vous congnoistrez combien indignement je supporte ceste perverse et continuelle malignité de fortune. Et si du sommet de vostre grandesse vous tournez quelquesfois les yeux icy bas vers moy, vous voirez que sans occasion ie supporte une grande et continuelle adversite de fortune. Et si du sommet de sa hauteur quelquefois elle tourne sa face vers ces bas lieux, elle congnoistra clairement, combien sans mon merite ie souffre de longue main un grand, et continuel maltraittement de fortune. & si Vostre Magnificence du comble de sa haultesse tourne quelquefois les yeux vers ces lieux bas icy elle coignoistra combien indignement je supporte une grande & continuelle malignité de fortune.

 

Chapitre 1.

Titre
Quante siano le spetie de principati, et con quali modi si acquistino Cap .I.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De la géneralle division de toutes les sortes des principaultéz, et par quelz moyens on les peult acquérir. Chapitre I Combien il y a de sortes de Principautez et par quelz moyens on les conquiert Chap. 1. Combien il y a d'especes de Principautez et par quelz moyens elles s'acquierent. Chapitre I. Combien d'especes y a de Principautez, et par quelz moyens elles s'acquierent.



Segment 1
Tutti li stati, tutti è Dominij che hanno havuto et hanno Imperio sopra gli huomini sono stati et sono o Republica o Principati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tous estatz et toutes dominations qui oncques eurent, et ont puissance sur la vie des hommes, doibvent estre appellés ou républicques, ou principautez. Tous les estatz, toutes les Seigneuries qui eurent oncques et maintenant ont puissance sur les hommes, furent et sont ou communs gouvernemens ou principautez. Tous les estatz, et seigneuries, qui ont eu, et ont domination sur les hommes, ont esté, et sont ou Republiques, ou Monarchies. Tous les estats, toutes les seigneuries qui eurent onques, & maintenant ont commandement sur les hommes, furent & sont ou republiques ou Principautez.



Segment 2
E Principati sono o hereditarij, de quali el sangue del loro Signor' ne sia stato longo tempo Principe o è sonno nuovi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les principautez sont de deux manières. Car les unes se peuvent appeler héréditaires, et c'est quand les ancestres de la parenté du seigneur ont longuement esté princes en un estat ; les autres se peuvent dire nouvelles, qui est quand un seigneur commence à dominer sur quelque estat, qui par icelluy n'avoit point au paravant esté dominé. Et des Principautez, les aucunes viennent par succession, desquelles la race du Seigneur a tenu long temps la maistrise. Les autres sont nouvelles, Or les Monarchies se possèdent ou comme hereditaires (c'est à sçavoir desquelles ont esté d'ancienneté possesseurs les ancestres de celuy, qui en est auiourdhuy seigneur) ou bien sont nouvelles. Et des Principautez, aucunes sont hereditaires, desquelles la race du Seigneur a tenu long temps la domination : les autres sont nouvelles.



Segment 3
E nuovi, o sonno nuovi tutti, come fù Milano a Francesco Sforza, o sonno come membra aggiunti a lo stato hereditario del' Principe che li acquista, come è il Regno di Napoli al Re de Spagna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des nouveaux estaz aussy, les ungs sont totallement nouveaux, comme fut l'estat de Milan à Françoys Sforse, après la mort du duc Philippe. Les autres se peuvent appeler meslez, quand un estat vient estre adjoinct comme un membre, à l'ancien héritage du prince qui le conqueste, comme est le Royaulme de Naples au roy d'Espagne. et les nouvelles ou le sont du tout, comme fut Milan a Françoys Sforce, ou bien sont comme parties annexees a la plus grande Seigneurie du Prince qui les gaigne, comme le royaulme de Naples au Roy d'Espagne. Les nouvelles sont ou entierement, et en leur totalité nouvelles, comme fut le Duché de Milan a Francisque Sforze : ou sont comme membres adiointz a l'estat hereditaire du Prince, qui les a conquises : comme est de present le Royaume de Naples au Roy dEspagne. Et les nouvelles ou le sont du tout, comme fut Milan à François Sforce, ou bien sont comme membres aioints à l'estat hereditaire du Prince qui les a conquis, comme est le royaume de Naples au Roy d'Espagne.



Segment 4
Sonno questi dominij così acquistati o consueti a vivere sotto un' Principe o usi ad esser' liberi; et acquistonsi o con l'armi d'altri o con le proprie, o per Fortuna o per Virtù.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Oultre ce, les dominations ainsy acquises, ou elles sont coustumières de vivre soubz un prince, ou d'estre en leur liberté de républicque, non subjectes à aucun seigneur, et le plus souvent se conquestent ou par armes et ayde daultruy, ou par armes propres, ou par fortune, ou par vertu. De ces pais ainsi conquis, aucuns sont accoustumez a vivre soubz ung Prince, les autres de vivre a leur mode. Or s'aquierent ilz, ou par les armes d'autruy, ou par les nostres propres : et ce ou par fortune ou par vertu. Or ces seigneuries ainsi acquises sont accoustumées ou d'estre au paravant soubz la subiection d'un Prince, ou de vivre en liberté. Et s'acquierent avec les armes et secours d'autruy, ou avec ses propres forces, ou par fortune, ou bien par vertu. De ces domaines ainsi conquis, aucuns ont accoustumé à vivre sous un Prince, les autres à vivre en liberté. D'avantage ils s'aquierent, ou par armes d'autruy, ou par tes propres : & ce, ou par fortune ou par vertu.

 

Chapitre 2.

Titre
De e principati hereditarii Cap .II.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des principautez héréditaires. Chapitre II Des Principautez qui tombent de Pere en Filz. Chap. 2. Des Seigneuries et Monarchies hereditaires. Chapitre II. Des Principautez hereditaires.



Segment 1
Io lascerò indrieto il ragionare delle Republiche perche altra volta ne ragionai a longo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je laisseray pour le présent à traicter la matière des républicques, et ce pour cause que j'en ay faict en autre endroict de bien longs discours, Ie lairray a parler des communautez, pource qu'autrefois i'en ay discouru tout au long, Ie lairray en arriere le propos des Republiques, parce qu'en autre endroit i'en ay parlé assez au long, Ie laisseray en arriere le discours des republiques que i'ay faict autrefois bien ample,



Segment 2
Volteromi solo al Principato et andrò nel ritessere queste orditure disopra, disputando come questi Principati si possono governare et mantenere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et me tourneray seullement à traicter de la principaulté. Parquoy en résumant les poinctz cy dessus divisez, et quasi retissant les filz de la töele cy dessus par moy commencée, je mettray en avant tous les moyens comment ces principautez se peuvent gouverner et maintenir. et me tourneray seulement vers le Prince, retissant les proufilures que dessus, et disputeray comme ces principautez se peuvent gouverner et maintenir. et me delibereray d'escrire seulement des principautez, suyvant le proiet de la precedente division, enseignant comme ces Monarchies se peuvent gouverner, et longuement entretenir en leur estat. ie me rengeray seulement aux Principautez (en retissant les trames ourdies cy dessus) à disputer par quelle maniere elles se peuvent gouverner & maintenir.



Segment 3
Dico adunque che neli stati hereditarij, et assuefatti al' sangue del lor' Principe sono assai minori difficultà a mantenerli che ne nuovi, perche basta solo non trapassar l'ordine de' suoi antenati et di poi temporeggiare con li accidenti; in modo che, se tal' Principe è di ordinaria industria sempre si manterrà ne lo suo stato, se non è una ordinaria et eccessiva forza che ne lo privi; et privato che ne sia, quantunche di sinistro habbia lo occupatore lo r'acquisterà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je diz qu'en tous estatz héréditaires, et qui sont acoustumez au sang de leurs princes, il n'y a pas tant de difficultez à les maintenir, qu'aux nouveaux. Pource qu'il suffit d'ensuyvre les anciennes coustumes de les gouverner, et ne oultrepasser l'ordre de ses predecesseurs, au demourant temporiser, et avec prudence donner remède aux nouveaux accidentz, qui peuvent survenir : tellement que si un tel prince est seullement garny d'une ordinaire, voire bien médiocre vertu et industrie, il se pourra tousjours en son estat aiseement maintenir, si par mésadventure la vertu et force de celuy qui l'en priveroit n'estoit trop roide et excessive. Et quand ores il en seroit privé, combien que l'occupateur luy feust encombreux et senestre, si est ce qu'il aura tousjours quelque moyen de le reconquérir. Mon opinion est que au regard des estatz de succession accoustumez au sang de leurs Princes, il y a beaucoup moins d'affaire pour les garder, qu'aux nouveaux estatz. Car il suffist seulement, n'outrepasser point le gouvernement de ses predecesseurs : en apres temporiser selon les incidens qui surviendront, de sorte que si ung tel Prince est d'un gouvernement ordinaire, il se maintiendra tousiours en ses estatz, s'il n'y a force excessive qui les luy oste. Et s'il en est dechasse, pour tant soit peu de mauvaise fortune, qui advienne a celuy qui les aura occupez, l'autre les regaignera Ie dy doncq' qu'il y a beaucoup moindres difficultés a maintenir les païs, et seigneuries hereditaires accoustumées d'obeïr au sang de leur Prince, qu'il n'y a aux nouvellement acquises : parce qu'il suffit seulement au seigneur naturel n'outrepasser les loix, et ordonnances de ses predecesseurs, et temporiser au reste selon les fortunes. De sorte qu'il sera facile a un tel Prince, encores qu'il soit de mediocre esprit, et conduicte, se continuer tousiours en la tranquille possession de ses terres : si ce n'estoit une extraordinaire et excessive force d'ailleurs, qui l'en deboutast. Et bien quil en fust privé, la chance ne sçauroit si peu tourner a lencontre de l'usurpateur nouveau, qu'aysement il n'y retourne. Ie dy doncques que es estats hereditaires & accoustumez à la race de leurs Princes, y a beaucoup moindre difficulté à les conserver qu'es nouveaux : d'autant qu'il y suffit de ne transgresser & enfraindre l'ordre des ancestres, & apres temporiser selon les cas qui surviendront : de sorte que si un tel Prince est d'industrie ordinaire, il se maintiendra tousiours en son estat, s'il n'y a force extraordinaire & excessive qui l'en prive. Et s'il en est dechassé, par tant soit peu de fortune adverse, qui avienne à celuy qui l'aura occupé, il y rentrera aysement.



Segment 4
Noi habbiamo in Italia, per essempio, il Duca di Ferrara, il quale non ha retto agli assalti de Vinetiani nel'LXXXIIII ne a quegli di Papa Iulio nel'X, per altre cagioni che per essere antiquato in quel' Dominio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nous avons pour exemple et approbation de ce dessus en Italie veu le Duc de Ferrare, qui a soustenu et repoulsé les assaultz des Vénitiens l'an 1484, et ceulx de pape Jule l'an 1510, laquelle chose luy eut esté quasi impossible, si ledict prince n'eust esté enraciné et par longue succession estably en son estat. Pour exemple nous avons en Italie le Duc de Ferrare, lequel ne tint iamais bon contre les assaultz des Venitiens, l'an cinq cens quatre vingts et quatre, n'y contre ceulx du Pape Iules, l'an cinq cens quatre vingts et dix, Par autre moyen que pour avoir este de longue main ses ancestres et luy Seigneurs du païs : Nous en avons en Italie le Duc de Ferrare pour exemple, lequel ne resista aux assaux, et guerres que les Venitians luy firent l'an mil.iiii.c.iiii.xx.iiii. et ceux du Pape Iule l'an m.v.c.x. que par le moyen de l'ancienneté de sa maison en ce Duché. Pour exemple nous avons en Italie le Duc de Ferrare, lequel ne tint iamais bon contre les assaults des Venitiens, l'an cinq cens quatre vingts & quatre, ny contre ceux du Pape Iules, l'an cinq cens quatre vingts & dix, par autre moyen que d'estre fondé en longue possession de la Seigneurie :



Segment 5
Perche il Principe naturale ha minori cagioni et minore necessità di offendere, donde conviene che sia più amato; et se straordinarii vitij non lo fanno odiare e ragionevole che naturalmente sia ben voluto da suoi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car le prince naturel a moins d'occasions et n'est si souvent contraict d'offenser aultruy. Donc par droicte raison il convient qu'il soit plus aymé, plus chéry, et bien voulu des siens, si quelques vices insupportables ne le mettent en haine. pource que le Prince naturel n'a pas tant de causes ny de necessite de grever ses subiectz : doncques il fault qu'il soit plus ayme : Car s'il n'est entache de vices desordonnez, qu'ilz le mettent en haine, la raison veult que naturellement il soit bien voulu, Car un Prince naturel n'a point tant d'occasions, ne de besoin de rigoureusement traicter ses subietz, que le nouveau, desquelz par consequent est necessaire qu'il soit aymé. Et si ses estranges vices et complexions ne le font bien fort haïr, il sera naturellement tousiours bien voulu des siens, pource que le Prince naturel n'a pas tant de causes ne de necessité d'offenser ses suiects : dont y a occasion qu'il soit plus aimé : Et si ses vices trop exorbitans ne le mettent en haine de son peuple, raison veult que naturellement il soit bien voulu :



Segment 6
Et nell'antichità et continuatione del' Dominio sono spente le memorie et le cagioni de le innovationi, perche sempre una mutatione lascia lo addentellato per la edificatione del'altra.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource qu'en l'ancienneté d'une domination bien continuée, les mémoires des injures, qui sont causes des innovations, sont extainctes, ainsy comme par le contraire une nouvelle et soubdaine mutation, laisse tousjours quelque feu couvé et non amorty pour en allumer et édifier une autre. d'autant que la longueur et continuation de son regne aneantist l'occasion et memoire de toutes nouveautez, a raison qu'un changement laisse quelque attente pour en bastir un autre. tellement que par le vieil enracinement, et continuation de son regne, les causes et souvenances des changemens demeurent estainctes, parce qu'une fraische, et nouvelle mutation laisse tousiours une attente à l'edification, et entreprise d'une autre. d'autant que longue continuation d'un regne estaint l'occasion & memoire du remuëment de mesnage, à raison qu'une mutation laisse tousiours une attente pour en rebastir une autre.

 

Chapitre 3.

Titre
De' principati misti Cap .III.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des principautez meslées. Chapitre III Des Principautez meslées Chap. 3. Des Principautez mixtes. Chapitre III. Des Principautez meslées.



Segment 1
Ma nel' Principato nuovo consistono le difficultà. Et prima (se non è tutto nuovo, ma come membro, che si può chiamare tutto insieme quasi misto) le variationi sue nascono in prima da una natural' difficultà, quale è in tutti li Principati nuovi, perche li huomini mutano volentieri Signore credendo megliorare et questa credenza gli fa pigliar l'arme contro a chi regge; di che s'ingannano, per che veggono poi per esperientia haver' peggiorato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais à maintenir une principauté nouvelle, il y a grande difficulté. Et pour premièrement traicter quand l'estat n'est pas du tout nouveau, mais comme ung membre adjoinct au viel estat du conquérant, laquelle chose ensemble mixtionnée se peut appeler une principautée meslée. Les variations d'un tel estat naissent d'une difficulté qui est naturellement en tous les nouveaux principatz, pource que les hommes changent voluntiers de seigneur en espérant méliorer leur condition, et ceste faulse oppinion leur mect les armes en main, contre celuy qui domine sur eux, de laquelle par après ilz se treuvent déceuz. Car par expérience ilz voyent et congnoissent évidemment avoir choisy le piz, Mais bien la peine gist en une Principaute nouvelle. Premierement s'elle n'est pas toute nouvelle, mais comme partie ou membre d'une autre : Laquelle principaute se peut appeller tout ensemble quasi meslee. La brouillerie vient premierement d'une certaine et naturelle difficulte, qui est, en toutes les nouvelles principautez, d'autant que les hommes changent voluntiers de maistre, pensans rencontrer mieux. Laquelle opinion est cause qu'il courent aux armes contre leur Seigneur, en quoy ilz se trompent : car ilz congnoissent depuis par experience qu'ilz ont empire de condition : Mais les difficultez consistent en la nouvelle seigneurie, mesmement en celle qui n'est du tout nouvelle, ains est comme membre, lequel ioint ensemble avecques les anciens païs de l'usurpateur, se peut appeller mixte principauté. Les variations de ceste monarchie naissent en premier lieu d'une naturelle difficulté, qui est en toutes les terres nouvellement acquises : parautant que les hommes changent volontiers de seigneur pensans y amender : et ceste opinion les induict communement se revolter contre celuy qui gouverne. En quoy il se deçoivent le plus souvent, se voyans apres par l'experience de beaucoup empirez. Mais bien y a de la difficulté en une Principauté nouvelle. Premierement s'elle n'est pas toute nouvelle, mais comme partie ou membre d'une autre : laquelle principauté se peult appeller tout ensemble quasi meslée. La variation vient premierement d'une certaine & naturelle difficulté, qui gist en toutes les nouvelles principautez, d'autant que les hommes changent volontiers de maistre, pensans rencontrer mieux. Laquelle opinion est cause qu'ils courent aux armes contre leur Seigneur, en quoy ils l'abusent : car ils connoissent apres par experience qu'ils ont empiré de condition :



Segment 2
Il che depende da un'altra necessità naturale et ordinaria, quale fa che sempre bisogna offendere quelli di chi si diventa nuovo Principe et con gente d'arme et con infinite altre ingiurie che si tira drieto il nuovo acquisto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
laquelle chose aussy dépend d'une autre nécessité naturelle, qui est ordinairement en l'acquest de tous nouveaux estatz. C'est que communément l'on est contrainct d'offenser et fouler ceulx que l'on commence à opprimer et dominer, par foulement de gensdarmes tenans les champs et autres infinies injures qui nécessairement suyvent ce nouvel acquest de seigneurie : ce qui depend d'une autre necessite naturelle et ordinaire, c'est qu'il est impossible qu'on ne traitte mal et foule ceulx desquelz on devient nouveau Prince, soit par gendarmes, soit d'infiniz autres griefz, qui s'ensuivent d'une conqueste nouvelle : Ce qui depend d'une autre naturelle et ordinaire necessité, qui fait que tousiours on est contrainct fouller ceux, de quoi lon se voit devenu nouveau Seigneur, soit par continuelles compagnies de gens de guerre, ou aultres infinies oppressions qui suivent communement un nouvel acquest : ce qui depend d'une autre necessité naturelle & ordinaire, c'est qu'il est impossible qu'on n'offence ceux desquels on devient nouveau Prince, soit par garnison de gens de guerre, soit par infinis autres griefs, qui ensuyvent d'une conqueste nouvelle :



Segment 3
Di modo che ti truovi haver' nimici tutti quelli che tu hai offesi in occupare quel' Principato, et non ti puoi mantenere amici quelli che vi t'hanno messo, per non li potere satisfare in quel modo che si erano presuposto et per non poter' tu usare contro di loro medicine forti, essendo loro obligato; perché sempre, ancora che uno sia fortissimo in sulli eserciti, ha bisogno del favore de' provinciali ad entrare in una provincia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
de sorte que tu te treuves avoir encouru l'inimitié de tous ceulx que tu as offensez à l'occupation dicelluy, et davantaige tu ne peuz maintenir en amytié ceulx qui t'ont donné l'entrée à y mettre le pied, à cause que l'on ne peut jamais satisfaire et assez complaire à iceulx selon ce qu'ilz avoient présupposé en leur espérance, et à cause aussy que tu n'oses user contre eulx d'aucune médecine de rigueur, pour raison que tu te sens obligé à eux. Et fault noter que l'on est contrainct de se servir de telles gentz pour faciliter l'entrée en quelque estat, pource que tousjours ung assaillant combien qu'il soit puissant en campaigne a besoing de la faveur de quelque provincial, pour entrer en une province. tellement qu'on treuve s'estre faict ennemis, tous ceulx qu'on a troublez en occupant ce païs : et qu'on ne peut maintenir en amitie ceulx la qui nous y ont faict entrer, tant pour ne les pouvoir recompenser si haultement qu'ilz s'estoyent imaginez, qu'aussi pour ne pouvoir user contre eulx de reformations et medecines violentes, puis qu'on est leur oblige. Car bien qu'un homme soit maistre de la campagne, si a il tousiours bon besoing de la faveur des gens du païs pour s'en emparer. De façon que tu te trouves avoir pour ennemis tous ceux que tu has vexez, et molestez en l'occupation de ce nouveau principat. Et ne peux retenir pour amis ceux, qui ont aydé a t'y mettre, pour ne pouvoir si bien les recompenser qu'ilz s'attendoient de l'estre, ny user envers eux de remede rigoureux, te sentant leur estre obligé. Par ainsi encores qu'un tel entrepreneur soit merveilleusement fort, et fondé sur nombre de gens, si a il besoing pratiquer la faveur de ceux du païs, qu'il a conquis. tellement qu'on trouve s'estre rendus ennemis, tous ceux qu'on a troublez en occupant le païs : & qu'on ne peult maintenir en amitié ceux qui nous y ont faict entrer, tant pour ne les pouoir recompenser si haultement qu'ils s'estoient presupposé, qu'aussi pour ne pouoir user contre eux de reformations & fortes medecines, puis qu'on est leur obligé. Car combien qu'un homme soit fort en armée, si a il tousiours besoin de la faveur des gens de la province pour y entrer.



Segment 4
Per queste ragioni Luigi XII Re di Francia occupò subito Milano, et subito lo perdè; et bastorno a torgnene la prima volta le forze proprie di Lodovico, perche quelli Popoli che gli havevano aperte le porte, trovandosi ingannati de la opinione loro et di quel' futuro bene che' s'havevano presuposto, non potevano sopportare fastidii del nuovo Principe.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour les raisons cy dessus déduictes, Louys XIIe roy de France en ung instant occupa l'estat de Milan, et en ung moment le perdit. Et pour l'en désemparer la première foys, les forces et armes de Louys Sforce seules sans aultres secours furent plus que suffisantes, pource que les peuples luy avoient ouvert les portes de l'estat se trouvant par après déceuz de ce grand bien qu'ilz avoient esperé leur devoir advenir en changeant de seigneur, ne peurent supporter les molestations et foulements de ce nouveau prince. A ces mesmes raisons le Roy Loüys douziesme conquist bien tost Milan, et bien tost le perdit. pour lui oster la premiere fois, il ne fallut que la seulle puissance de Loüys Sforce, d'autant que ce peuple qui luy avoit ouvert les portes se trouvant abuse de son opinion, et de ce bien a venir qu'il s'estoit presuppose, ne pouvoit endurer les fascheuses manieres de faire de ce nouveau Prince. Et pour ceste seulle faulte le Roy Loys xii. Roy de France, perdit en aussi peu d'espace de temps le Duché de Milan, qu'il avoit auparavant occupé. Et n'en fut la premiere fois deietté que par ses propres forces, a cause que les Milannois, qui l'avoient au commancement receu, se trouvans deceuz de leur opinion, et frustrez des advantages et commoditez qu'ilz esperoient de luy, ne pouvoient souffrir le superbe traictement dont le nouveau Prince leur usoit. Par telle raison le Roy Loüis douzieme conquist bien tost Milan, & bien tost le perdit : pour luy oster la premiere fois, il ne falut que la seule puissance de Loüis Sforce, d'autant que ce peuple qui luy avoit ouvert les portes se trouvant deceu de son opinion, & de ce bien à venir qu'il s'estoit presupposé, ne pouoit supporter les facheries de nouveau Prince.



Segment 5
È ben vero che acquistandosi poi la seconda volta e paesi rebellati si perdono con più difficultà, perche il Signor', presa occasione dalla rebellione, è meno respettivo ad assicurarsi con punire e delinquenti, chiarire e sospetti, provedersi nelle parti più deboli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Bien est vray que quand les pays qui ont rebellé sont de rechief subjuguez, et reviennent en la puissance de celuy qui les avoit perduz, il y a bien plus grande difficulté à l'en chasser pour la seconde fois. À cause que prenant occasion sur ladicte rébellion, le prince est moins respectif et plus roide à s'asseurer de ses subjectz, punissant les rebelles, faisant déclarer les suspectz, et pourvoyant aux parties plus foibles : Bien est il vray que regaignant pour la seconde fois les païs revoltez, on les pert plus malaisement : pource que le Seigneur ayant congneu la cause de la rebellion, il a moins de respect de s'asseurer des subiectz, chastiant ceulx qui ont failli et d'entendre la verite des soupçons, s'accointant des parties plus foibles, Bien est vray que les païs rebellez estans pour la seconde fois recouvrez et reconquis, se perdent apres beaucoup plus malaisément : d'autant que le seigneur retourné, prenant couverture sur la derniere rebellion, lasche avec moindre respect la bride a la cruauté, affin de s'en asseurer pour l'advenir, punissant les coupables, descouvrant les suspectz, et renforsant les plus foibles endroictz de son estat. Bien est vray que reconquerant pour la seconde fois les païs revoltez, on les perd plus malaisément : pource que le Seigneur ayant connu la cause de la rebellion, il a moins de respect de s'asseurer des suiets, chastiant ceux qui ont failly & d'entendre la verité des soupçons, s'accointant des parties plus foibles,



Segment 6
In modo che, se a far' perdere Milano a Francia bastò la prima volta un' Duca Lodovico che romoreggiasse in sù confini, a farlo di poi perder' la seconda gli bisognò havere contro il mondo tutto et che gli eserciti suoi fussero spenti et cacciati di Italia: il che nacque da le cagioni sopra dette,.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
en sorte que s'il ne fallut pour la première foys que ung petit Duc Louys, qui feit sur ses frontières quelques legières alarmes pour faire perdre l'estat de Milan aux françoys : pour les en chasser de rechef, après qu'ilz eurent regaigné ledict estat, il fallut que tout le monde s'en meslat et se ruast sur eulx, et que leurs armées fussent mises en routte froissées et chassées hors d'Italie. Laquelle difficulté n'advint sinon pour les raisons cy dessus declairées. de maniere que si pour faire perdre Milan aux Françoys suffisoit premierement ung Duc Loüys Sforce, qui menoit quelque bruit sur les frontieres. A luy faire perdre secondement, il fut force que tout le monde se bendast contre luy, et que son camp fust rompu par plusieurs fois et chasse d'Italie. Ce qui descend des raisons dessusdictes, Tellement qu'ayant esté suffisant un conte Ludovic de faire perdre Milan aux François pour la premiere fois, en mutinant seulement les estatz sur les confins et frontieres du Duché, il luy fallut pour la seconde empescher tout le demourant du monde contre le Roy, et que toutes les forces de l'armée françoise fussent premierement desconfittes, et chassees de l'Italie. Ce qui provint par l'aide, et moyen des occasions susdictes, en sorte que si pour faire perdre Milan aux François suffisoit premierement un Duc Loüis Sforce, qui emouvoit quelque bruit sur les frontieres à luy faire perdre secondement, il fut force que tout le monde se bandast contre luy, & que son camp fust rompu par plusieurs fois & chassé d'Italie : ce qui proceda des raisons susdites,



Segment 7
Nondimeno et la prima, et la seconda volta li fù tolto. Le cagioni universali de la prima si sono discorse; resta hora a vedere quelle della seconda et dire che remedij egli haveva et quali può hauere un' che fusse ne termini suoi, per potersi meglio mantenere nello acquistato che non fece il Re di Francia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et non obstant toutes ces difficultés, ilz le perdirent par deux foys. Les causes généralles de la première perte dudict estat aux françoys, ont cy dessus esté discourues, il reste à veoir celles de la seconde, et déclairer les remèdes qu'il eust peu user, et quelz moyens pourroit avoir ung conquérant, qui seroit en semblable cas pour se maintenir en sa conqueste mieulx, que ne feist le susdict roy de France. neantmoins l'une et l'autre fois il luy fut oste. Les causes universelles de la premiere perte sont dechiffrees : Il reste maintenant discourir celles de la seconde, monstrant quelz remedes il avoit, ou pourroit avoir ung autre Prince qui se trouvast sur les mesmes termes, de se pouvoir mieulx maintenir dans ung païs gaigne, que n'a faict le Roy Loüys. et par ainsi les françois en furent par deux diverses fois depossedez. Or quant a la premiere perte de Milan, les causes universelles s'en sont desia assez discourues : Reste a entendre celles de la seconde, et declarer quelz remedes pouvoit avoir le Roys Loys, ou un autre qui seroit en semblables termes, pour se pouvoir mieux et plus longuement maintenir en la chose conquise, qu'il ne feit, neantmoins l'une & l'autre fois il luy fut osté. Les causes universelles de la premiere perte sont discourues : reste maintenant à veoir celles de la seconde, monstrant quels remedes il avoit, ou pourroit avoir un autre Prince qui se trouvast sur les mesmes termes à se pouvoir mieux maintenir en un païs de conqueste, que n'a fait le Roy de France.



Segment 8
Dico per tanto che questi stati, quali acquistandosi si aggiungono a uno stato anticho di quello che gli acquista, o sono della medesima provincia et de la medesima lingua, o non sono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je diz, que telz estatz qui s'adjoingnent en les acquérant comme membres à quelque vieux estat du vaincqueur, sont ou d'une mesme province, et de semblable langue, ou bien de diverse. Doncques ie pense que ces estatz et provinces la, lesquelles estant conquises, s'incorporent avecques une Seigneurie plus ancienne que celle qu'on a surmonte, ou sont de la mesme nation et de la mesme langue, ou elles n'en sont pas : Ie dy donq'que les païs lesquelz comme freschement gagnez s'adioingnent a un estat ancien sont ou d'une mesme province et langue avecques les terres patrimonialles de l'aquereur ou non. Donques ie pense que ces estats & provinces, lesquelles estant conquises, s'incorporent avecques une Seigneurie plus ancienne que la conquise, ou sont de la mesme nation & langue, ou elles n'en sont pas :



Segment 9
Quando siano, è facilità grande a tenerli, massimamente quando non siano usi a viver' liberi; et a possederli securamente basta haver' spenta la linea del' Principe che li dominava, perche, ne l'altre cose mantenendosi loro le conditioni vecchie et non vi essendo disformità di costumi, li huomini si vivono quietamente, come s' è visto che ha fatto la Borgogna, la Brettagna, la Guascogna et la Normandia che tanto tempo sono state con Francia: benche vi sia qualche disformità di lingua, nondimeno i costumi sono simili et possonsi tra loro facilmente comportare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
S'ilz sont d'une mesme sorte, il y a grande facilté à les retenir, et principallement s'ilz n'ont point acoustume de vivre en liberté. Et pour bien posséder la seigneurie de telles gens en seureté, il suffist de totallement estaindre la lignée de celluy qui au paravant en estoit seigneur. Pource que es autres choses les hommes vivent en repos, pourveu qu'on les tienne en saulvegarde avec leurs anciens droictz, et conditions, et qu'il n'y ayt difformité de coustumes et langaige. Comme l'on a veu que la Bourgoigne, la Bretaigne, Gascongne et Normandie ont faict, lesquelles de long temps ont esté et sont conjoinctes à la France. Et combien qu'il y ait quelque difformité de langues, touteffois pour la conformité des coustumes de vivre, elles se supportent facilement l'une l'autre. s'elles en sont, c'est une chose bien aysee de les retenir, mesmement s'elles ne sont accoustumees de vivre en liberte, desquelles pour seurement iouir il suffist d'avoir aboli la lignee du Seigneur qui les gouvernoit : Car au reste, si vous gardez leurs anciens privileges entretenant leurs coustumes, les subiectz vivront paisiblement, comme on a veu de la Bourgongne, Bretaigne, Gascongne et Normandie, lesquelles ont si longtemps este subiectes a la couronne de France. Car encores qu'il y ait quelque diversite de langage, toutesfois leurs coustumes sont pareïlles, et se peuvent facilement comporter l'une avecques l'autre. S'ilz en sont il n'a rien si facile que de les garder, mesmement quand c'est peuple non accoustumé de vivre en liberté. Et suffist pour seurement les posseder d'extirper et esteindre du tout la race du Prince, qui les seigneurioit au paravant : parce qu'en leur conservant en autres choses leurs anciennes loix et franchises, et ne deguisant poinct les vieilles coustumes, le peuple se repose facilement du parsus : Comme lon a veu par experience en la Bourgoigne, la Bretaigne, la Gascongne, et la Normandie, qui ont vescu si longuement en paix soubz la couronne de France. Et encores que il y aye quelque difference de langage, toutesfois leurs modes de vivre sont presque semblables, et se peuvent entre eux aisément compatir. si elles en sont, c'est chose facile de les retenir, mesmement s'elles ne sont accoustumees de vivre en liberté, desquelles pour seurement ioüir, il suffit d'avoir aboly la lignee du Seigneur qui leur commandoit : Car au reste, si vous gardez leurs anciens privileges entretenant leurs coustumes, les suiets vivront paisiblement, comme on a veu de la Bourgongne, Bretaigne, Gascoigne & Normandie : lesquelles sont de si long temps suiettes à la couronne de France. Car encores qu'il y ait quelque diversité de langage, toutefois leurs coustumes sont pareilles, & se peuvent facilement comporter l'une avec l'autre.



Segment 10
Et a chi le acquista, volendole tenere, bisogna haver' doi rispetti: l'uno che il sangue del'lor' Principe antico si spenga, l'altro di non alterare ne loro leggi, ne loro daci; talmente che in brevissimo tempo diventa con il lor' principato antico tutto un' corpo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il convient que celuy qui conqueste telz estatz et les veult retenir soubz son obéissance, aye considération à deux choses principalles. La première est, que la lignée du prince ancien et héréditaire soit du tout anéantie. L'autre est qu'il ne face aux peuples aucun changement ny altération de leur loix, péages, ny tributz, et par ainsy en brief temps ilz viendront à faire peslemesle, et se rédiger en ung corps avec le vieil estat du conquérant. Or celuy qui conqueste, s'il veult demeurer en possession, il doit prendre esgard a deux choses : l'une que l'ancienne race de leur Prince soit totalement aneantie, l'autre d'entretenir les loix, et ne changer point leurs impositions ou tailles, tellement que bien tost ilz deviennent les mesmes que ceulx de l'ancien domaine. Qui veut doncques les maintenir siens apres les avoir acquis, faut necessairement qu'il face deux choses comme i'ay dict. L'une d'abolir entierement le sang, et la memoire de leur precedant seigneur : L'autre de ne immuer leurs premieres loix et impositions de tailles : a fin que par ce moyen le nouveau païs soit en peu de temps rendu un mesme corps avecques l'ancien. Or celuy qui acquiert, s'il veult demeurer en possession, il doit prendre garde à deux choses : l'une que l'ancienne race de leur Prince soit totalement aneantie, l'autre de n'innover rien en leurs loix & tailles : tellement que en peu de temps le conquis devient tout un corps avec la seigneurie ancienne.



Segment 11
Ma quando si acquistano stati in una provincia disforme di lingua, di costumi, et d'ordini, qui sono le difficultà et qui bisogna haver' gran' Fortuna et grande industria a tenerli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand l'on acquiert en une province totallement aliéné et difformé de langue, costumes et ordres, quelques estatz nouveaux, ycy sont les grandes difficultez, et en cela fault avoir grande fortune et industrie à les retenir. Mais quand on gaigne quelques estatz sur une nation differente de langage, de coustumes et de gouvernemens : il y a la de l'affaire, car il fault avoir grand heur de fortune, et grand soing a les tenir : Mais quand tu viens a conquerir seigneurie sur quelque nation d'autre langue, de diverses coustumes, et manieres de vivre, que la tienne, alors naissent les grandes et penibles difficultez. Et est besoing en telz affaires estre pourveu d'un heur extraordinaire, et merveilleuse conduicte, pour les retenir longuement en ta subiection. Mais quand on gaigne quelques estats sur une nation differente de langage, de coustumes & de gouvernemens : il y a là de l'affaire, car il fault avoir grand heur de fortune, & grand soing à les contenir :



Segment 12
Et uno de magiori remedii et più vivi sarebbe che la persona di chi li acquista, v'andasse ad habitare. Questo farebbe più secura, et più durabile quella possessione, come ha fatto il Turco, di Grecia, il quale con tutti li altri ordini osservati da lui per tenere quello stato, se non vi fosse ito ad habitare, non era possibile che lo tenesse.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Certainement l'ung des plus grandz et plus vigoureux remèdes pour y bien tenir la bride, seroit que le conquérant y vint habiter en personne. Laquelle chose seroit de telle efficace, que sans aucun péril la possession dudict estat en seroit plus asseurée et durable. Comme le grand Turc a faict de la Grèce, lequel, oultres les autres ordres par luy usez pour retenir la possession dudict empire, s'il ny fust venu habiter en personne il n'estoit possible de garder. lors ung des plus apparens remedes, et le plus prompt, c'est que le victorieux voise demourer en personne sur les lieux. De la vient une plus seure et plus durable ioissance. Le grand seigneur en a faict ainsi, lequel avec toute la conduite qu'il employa pour contregarder la Grece, il n'eut iamais peu la maintenir, s'il n'y eust choisi le siege de sa court et demeurance. Tellement que le plus grand et efficace remede, que i'y voye, est d'aller demourer sur les lieux en sa propre personne. Car c'est le seul moyen, qui peut rendre la possession de telz païs plus asseurée et durable : comme le grand Turc a faict de la Grece : lequel oultre les bonnes ordonnances par luy introduites afin de la retention de cest estat, s'il n'y eust d'abondant transporté son siege, il eust esté impossible, qu'il luy fust demouré : lors un des plus apparens remedes, & le plus prompt, c'est que le victorieux aille demourer en personne sur le lieu : de là vient une plus seure & plus durable ioüissance. Le Turc en a fait ainsi, lequel avec toute la conduite qu'il employa pour contregarder la Grece, n'eut iamais peu la maintenir, s'il n'y eust prins habitation.



Segment 13
Perche standovi si veggono nascere disordini et presto vi si può rimediare; non vi stando, s'intendono quando sono grandi et non vi è più rimedio. Non è oltre a questo la provincia spogliata da tuoi officiali; satisfannosi e sudditi del' ricorso propinco al Principe, donde hanno più cagione di amarlo, volendo essere buoni, et volendo essere altrimenti, di temerlo; chi delli esterni volessi assaltar' quello stato, vi ha più rispetto: tanto che habitandovi, lo può con grandissima difficultà perdere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car en y demourant l'on veoit naistre les inconvenientz et conjurations, que communément l'on faict contre les nouveaux seigneurs, tellement que l'on est près pour y remédier. Mais au contraire n'y demourant point, l'on ne veoit naistre semblables désordres, et l'on ne s'en apperçoit jamais sinon quand ilz sont si grandz et si bien fondez et menez que tout remède y est inutile. Davantage ce pendant la province n'est pillée par ses officiers, les subjectz se contentent, voyant qu'ilz ont en leurs querelles prochain recours à la justice du prince. Parquoy ilz ont plus grande raison de l'aymer, s'ilz sont bons, ou de le craindre, s'ilz sont mauvais. Et si quelque estrangier luy vouloit rompre la guerre, le voyant estre ainsy sur ses gardes il y penseroit deux fois et ne se hazarderoit si follement, sachant que ceulx qui habitent es provinces conquestées ne les peuvent perdre sinon avec grande difficulté. Pource qu'en y habitant on voit naistre les desordres, ausquelz on peut incontinent remedier : mais n'estant point sur les lieus, on ne les entend que iusques alors qu'ilz sont si grans qu'il n'y a plus de remede. D'avantage le païs, n'est point tant pille des officiers : car les subiectz s'asseurent a pouvoir recourir au Prince, qui n'est pas loing. Et par mesme moyen ilz ont plus d'occasion de l'aimer s'il se veut bien gouverner, si non de le craindre, tellement que si les estrangers vouloyent envahir ce païs, ilz le feroyent avec plus grand respect, d'autant qu'il est plus difficile de le faire perdre au Prince, quant il y habite, que lors qu'il en est loing. par ce qu'estant present sur le lieu lon pourvoit promptement aux abus, et secrettes machinations qui y peuvent naistre. N'y estant point, lon n'en sçait nouvelles, sinon quand elles sont si grandes, que lon n'y peut plus remedier. Davantage la province n'est point si subiecte a estre pillée des officiers que tu y a mis, pour le prochain recours qu'a le peuple a son Prince, lequel en est a ceste cause mieux aimé des ses bons subiectz, et beaucoup plus crainct des mauvais. Et quiconque des voisins voudroit entreprendre d'assaillir telle seigneurie, auroit un peu besoing d'y penser autant que s'y mettre, parce qu'il est fort malaisé de luy oster ce païs tant qu'il s'y tiendra. Pource qu'en y demeurant, on void naistre les desordres, ausquels on peult incontinant remedier : mais n'estant point sur les lieux, on ne les entend que iusques à ce qu'ils sont si grands, qu'il n'y a plus de remede. D'avantage le païs n'est point tant pillé des officiers : car les suiets s'asseurent sur leur prochain recours au Prince. Et par mesme moyen ils ont plus d'occasion de l'aimer s'il veult estre bon, sinon de le craindre, tellement que si les estrangiers vouloient envahir ce païs, ils le feroient avec plus grand respect, d'autant qu'il est plus difficile de le faire perdre au Prince, quand il y seiourné, que quand il en est loing.



Segment 14
L'altro miglior' remedio è mandare colonie in uno o in doi luochi che siano quasi le chiavi di quello stato, perche è necessario o far' questo o tenervi assai Gente d'arme et fanterie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'autre remède certainement meilleur est y envoyer des colonies, c'est à dire y faire aller des nouveaux habitans, prins de ton pays, pour demourer en ung ou deux lieux, qui fussent les principaulx et quasi les clefz d'iceluy estat. Car pour le retenir il est besoing de faire ce que dessus, ou d'y tenir grand nombre de gens d'armes tant à pied, qu'à cheval pour les garnisons du pays. L'autre meilleur remede, est d'envoyer des Colonies ou peuplades, c'est a dire gens de nostre païs avec toute leur maison, pour peupler en ung lieu, ou en deux qui soyent les clefz de telle conqueste. Car il est necessaire ou de faire cela, ou d'y tenir force hommes d'armes et gens de pied. Il y a encores un autre meilleur remede, qui est d'eriger Colonies, et envoyer certain nombre de ton peuple naturel en un, ou deux endroitz de ces terres nouvellement acquises, pour y habiter et servir comme de clefz a cest estat, d'autant qu'il est necessaire ou d'en user ainsi, ou y entretenir quantité de gens de cheval, et de pié. L'autre meilleur remede, est d'envoyer des Colonies ou peuplees en une place ou deux qui soient les clefs de la province. Car il est necessaire ou de faire cela, ou d'y tenir force hommes d'armes & gens de pied.



Segment 15
Nelle colonie non spende molto il Principe et senza sua spesa, o poca, ve le manda et tiene, et solamente offende coloro a chi toglie li campi et le case per dar'le a nuovi habitatori, che sono una minima parte di quello stato;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
À y envoyer des colonies le prince ne despend pas beaucoup et facilement sans aucune ou bien peu de despence les y envoye et par iceulx retient la seigneurie du pays. En ce faisant il offense et nuyt seulement à ceulx qu'il désempare, lequelz il prive de terres et possessions pour les donner aux nouveaux habitans, qui sont une petite partie de tout l'estat, Quant aux peuplades le Prince ni depend pas beaucoup, et avec point ou peu de frais, il les envoye et les tient, seulement il nuist a ceulx ausquelz il oste les terres, et les maisons, pour les donner aux nouveaux habitans, lesquelz despouillez, sont la moindre partie du païs. Au regard des Colonies, elles ne sont pas de grand despense, et peut lon les y envoier et tenir sans aucuns ou bien petitz frais, faisant seullement tort a ceux qu'on deschasse des lieux, pour faire place aux nouveaux habitans. Et quant aux dechassez, ce n'est qu'une bien petite partie de la province, Quant aux peuplees le Prince n'y despend pas beaucoup, & avec point ou peu de frais, il les envoye & les tient, seulement il nuist à ceux ausquels il oste les terres, & les maisons, pour les donner aux nouveaux habitans : lesquels despoüillez, sont la moindre partie du païs.



Segment 16
et quelli che gli offende, rimanendo dispersi et poveri, non gli possono mai nocere; et tutti li altri rimangono da una parte non offesi, et per questo si quietano facilmente, da l'altra, paurosi di non errare, per che non intervenisse loro come a quelli che sono stati spogliati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dont ceulx qui sont déchassez demourent dispers et pauvres, et à ceste cause ne luy peuvent nuyre, et tous les autres sont aisez à rapaiser, pour autant qu'ilz n'ont aucunement esté grevez, et d'autre part ilz ont crainte de faillir affin qu'ilz ne soient punyz, comme les autres qui ont esté privez de leurs biens. Outre ce que demourans separez et pauvres, ilz ne luy peuvent faire facherie. Quant aux autres on n'y touche point, et demeurent comme devant : Et parce ilz se tiendront facilement sans dire mot, craignans de ne faillir d'un autre coste, de peur qu'il ne leur advienne comme aux premiers, qui ont eu le coup de baston. lesquelz pour demourer pauvres et exillez, sont de là en avant hors le pouvoir de nuyre. Les autres que lon a laissez, paisibles en leur premier estat, il est vray semblable qu'ilz n'entreprendront rien, craignans que pour leur rebellion il ne leur advint de mesme Outre ce qu'estans dispersez & pauvres, ils ne luy peuvent aucunement porter nuisance : les autres d'une part n'estans point offensez demeurent quois & paisibles : d'autrepart craignent de paour qu'il ne leur avienne comme aux autres, qui ont esté pillez.



Segment 17
Conchiudo che queste Colonie non costano, sono più fedeli, offendono meno, et li offesi, essendo poveri et dispersi, non possono nuocere, come ho ditto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont je concludz que ces colonies qui ne coustent rien, sont plus fidelles et ne peuvent porter dommaige, et les habitans comme dict est ne peuvent nuyre, pour autant qu'ilz sont pauvres et dispers. Conclusion que ces peuplades la qui ne coustent gueres, sont plus fideles, et ne nuisent point tant aux subiectz : et ceulx qui sont offensez estans desheritez, ne peuvent rien faire, comme i'ay desia dict. Ie concluz donq que ces Colonies n'estans point de grand despense, sont beaucoup plus seures et moins dommageables, et ceux qui en sentent la perte demourans pauvres et esperduz, ne peuvent faire grande nuysance (comme i'ay desia dit.) Conclusion que ces peuplees qui ne coustent gueres, sont plus fideles, & ne nuisent point tant aux suiets : & ceux qui sont offensez estans pauvres & espars, ne peuvent nuire, comme i'ay deja dit.



Segment 18
Perche si ha a notar' che li huomini si debbono o vezeggiare o spegnere, perche si vendicano de le leggieri offese, de le gravi non possono: sì che l'offesa che si fa a l'huomo deve essere in modo che la non tema la vendetta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car c'est une reigle génerale et notable, et à quoy ung prince doibt estre bien advisé, que l'on doibt sans tenir le millieu, ou chérir ou destruire les hommes, pource que communément des legières offenses ung chascun se peult venger, des grandes non. Et par aynsi l'outraige et nuisance qu'on faict à ung homme, doibt estre bastie de telle sorte, qu'elle ne puisse avoir crainte de la vengeance. Sur ce il fault noter que les hommes se doivent ou bien recompenser, ou ruiner et chastier du tout : a raison qu'ilz se vengent des legiers tors : des gros, ilz ne peuvent tellement, que l'offense, qui se faict a l'homme, doit estre de sorte qu'on n'en craingne point la vengeance. Dequoy il faut noter que lon doit apprivoiser les hommes par une certaine doulceur, ou bien les destruire, et apauvrir du tout, par ce que volontiers ilz se vengent des legeres offenses, demeurans en leur entier : et des griefves ilz ne peuvent, leur en ayant osté le moyen. Tellement que les iniures faites a lhomme doivent estre en sorte, qu'elles ne soient subiectes a craincte de la vengeance. Surquoy fault noter que les hommes se doivent ou caresser, ou ruiner du tout : à raison qu'ils se vengent des legeres iniures, des grieves ils ne peuvent : tellement que l'offense qui se fait à l'homme doit estre faite en sorte qu'on n'en craigne point la vengence.



Segment 19
Ma tenendovi, in cambio di colonie, Gente d'arme, si spende più assai, havendo a consumare nella guardia tutte l'entrate di quello stato, in modo che l'acquistato gli torna in perdita et offende molto più, perche nuoce a tutto quello stato, tramutando con gli alloggiamenti il suo esercito; del qual' disagio ogniuno ne sente et ciascuno li diventa inimico: et sono inimici che gli posson' nuocere, rimanendo battuti in casa loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si l'on tient en ces pays ainsi occupez garnisons et gensdarmes, en lieu d'y envoyer une colonie, l'on despend ung argent infiny, à cause que ordinairement pour l'entretenement d'iceulx fault consumer tout le revenu de l'estat, tellement que l'acquest luy revient à perte, et nuyt beaucoup plus que l'on ne penseroit. Car il offense tout l'estat en trasmuant les logis des compaignies par toutes les villes et bourgades, duquel foulement chascun se sent estre grevé et endommaigé, et à ceste cause luy devient ennemy. Lesquelz ennemyz sont de telle sorte, qu'ilz peuvent donner beaucoup de nuysance, pource qu'ilz se veoient battuz en leur maison. Mais si au lieu de peuplades il tient des gendarmes, il coutera beaucoup plus : car il dependra pour ces garnisons tout le revenu du païs, si bien que le gain luy tournera en perte, et si foule beaucoup davantage, pource qu'il greve tout le païs, changeant les etapes et logis du camp : et de ce trouble un chascun se resentant, un chascun luy devient ennemi, et si sont telz ennemis qui luy peuvent nuire ayans este batuz en leur maison. Mais au lieu de Colonies voulant y tenir ordonnances de gens de guerre, il s'y despend infiniment davantage, y ayant a consumer pour l'entretien des soudars tout le revenu, qui eu peut provenir, de maniere que l'acquest revient a perte, et si blesse plus sans comparaison le peuple, a l'occasion de ce, que tout l'estat est foullé pour l'armée ordinairement tenant les champs. Qui est un malayse, dont un chacun se sent, et par consequent un chacun devient ton ennemy. Et sont lors proprement ces ennemis qui te peuvent nuyre, lesquelz demeurent avecques leurs biens outragez et maltraitez de toy. Mais si au lieu de peuplees il tient des gens de guerre, il coutera beaucoup plus : car il despendra pour ces garnisons tout le revenu du païs, si bien que le gain luy tournera en perte, & si foule beaucoup davantage, pource qu'il greve tout le peuple changeant les etapes & logis du camp : & de ce trouble chacun se resentant chacun luy devient ennemy, & si sont ennemis qui luy peuvent nuire, demeurans les batuz en leurs maisons.



Segment 20
Da ogni parte dunque questa guardia è inutile, come quella delle colonie è utile.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je concludz qu'en toutes sortes ceste manière de retenir ung pays par gendarmes est inutile, comme celle des colonies est utile. En toutes sortes donc ceste garde est mauvaise, autant que celle des peuplades est bonne. Dont clairement appert, que ceste force de garde est bien peu profitable comme tout au contraire celle des Colonies est grandement utile. En toutes sortes donc ceste garde est mauvaise, autant que celle des peuplees est bonne.



Segment 21
Debbe ancora chi è in una provincia disforme, come è detto, farsi capo et difensore de vicini minori potenti, et ingegnarsi di indebolire e più potenti di quella, et guardare che per accidente alcuno non vi entri uno forestiere non meno potente di lui, et sempre interverrà che vi sarà messo da coloro che saranno in quella mal'contenti, o per troppa ambitione o per paura, come si vidde gia che li Etholi missero li Romani in Grecia, et in ogni altra provincia che lor' entrorno, vi furno messi da' provinciali.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Outre plus le conquérant en pays difforme de langue et de coustumes se doibt faire chef de partie, et protecteur des moindres seigneurs qui sont ses voisins, et tascher d'affoiblir les plus puissants d'iceluy, et empescher qu'en aucune manière ny par aucun accident, ung estrangier plus puissant, ou moins foible que luy n'y mette le pied. Car il advient tousjours qu'il est introduict par une des partz de ladicte province, de ceulx qui se tiennent mal contentz, ou par ambition, ou par crainte. Comme l'on a veu jadis que les Ætoles feirent venir les Romains en Grèce, ainsy comme en toutes provinces qu'ilz ont occupées ilz y ont esté mys par ceulx de la province mesme. Encores doit il, si la nation est de diverses manieres de gens (comme i'ay desia dict) se faire chef et protecteur des voisins petiz et pauvres, et mettre son esprit s'essayer d'affoiblir ceulx qui sont les plus grands, et se garder bien que par aucun accident, il n'y entre point un estranger plus puissant que luy. Ce qui adviendra tousiours qu'il y soit mis dedans, ou par mescontentement, ou par trop grande convoitise, ou par pauvrete d'aucuns. Comme on a veu autrefois, que les Etoles firent entrer les Romains en la Grece. Pareillement en toute autre province ou ilz ayent eu le pied, ilz y furent mis par ceulx du païs mesme. D'avantage celuy qui se voit nouveau seigneur de province dissemblable de son ancien dommaine, selon la forme que i'ay cy dessus relatée doit pretendre a se faire chef, et protecteur de ses voysins, qu'il congnoistra moindres que luy, et pourchasser l'affoiblissement des plus puissans. Sur tout se donnant garde de n'y permettre aucunement l'entrée a estranger, de qui les forces soient aussi grandes que les siennes. Chose qui le plus souvent adviendra, y estant l'estranger appellé de ceux, qui ne seront poïnt contans de ce nouveau regne, ou pour leur excessive ambition, ou pour une grande crainte de la puissance de ce nouveau leur usurpateur voisin. Comme nous lisons des Etholiens, qui feirent descendre les Romains en la Grece. Et de faict les bons seigneurs ne mirent oncques le pié en contrée du monde, qu'ilz n'y fussent premierement conviez, et introduictz par ceux de la province. Encores doibt il, si la nation est de diverses manieres de gens (comme i'ay deja dit) se faire chef & protecteur des voisins petits & pauvres, & mettre son esperit à s'essayer d'affoiblir ceux qui sont les plus grands, & se garder bien que par aucun accident, il n'y entre point un estranger plus puissant que luy. Ce qui aviendra tousiours qu'il y soit mis dedans, ou par mescontentement ou par trop grande convoitise, ou par la pauvreté d'aucuns. Comme on a veu autrefois, que les Etoles firent entrer les Romains en la Grece. Pareillement en toute autre province où ils ayent eu le pied, ils y furent mis par ceux du païs mesme.



Segment 22
Et l'ordine della cosa è che, subito che un' forestiere potente entra in una provincia, tutti quelli che sono in essa men' potenti li adheriscono, mossi da una invidia che hanno contro a chi è stato potente sopra di loro, tanto che, rispetto a questi minori potenti, ègli non ha a durare fatica alcuna a guadagnargli, perche subito tutti insieme volentieri fanno massa con lo stato che gli vi ha acquistato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'ordre de cest affaire procède communément ainsy, que si tost ung estranger puissant entre en une région, tous les moindres seigneurs d'icelle s'adjoignent à luy, esmeuz d'une certaine envye qu'ilz portent à celuy qui les domine, tellement qu'au regard de ces petitz seigneurs il n'aura difficulté aucune à les gaigner, s'il veult prendre leur protection, et voluntiers ilz s'incorporeront à l'estat qu'il aura conquis. Doncques la chose se porte ainsi que aussi tost qu'un estranger riche entre en un païs, tous ceulx lesquelz y sont foibles se ioignent avec luy, esmeuz d'une envie qu'ilz ont contre celuy qui a este leur maistre, si bien qu'au regard de ces petisz il n'a point de peine de les gaigner par conqueste, car aussi tost tous ensemble se bandent, et amassent pour l'estat qu'il a conquis. Or la raison du faict est, qu'incontinent qu'un puissant estranger entre dans un païs, tous les plus foibles d'iceluy accourent a son party, incitez d'une envie, qu'ilz portent a leurs voysins plus fors qu'eux. De maniere, que pour le regard de ces petitz seigneurs, il les pourra facilement attirer a soy, et incorporer avec ce qu'il aura gaigné sur leur voisin. Donques il en va ainsi que aussi tost qu'un estranger riche entre en une province, tous ceux lesquels y sont foibles se ioignent avec luy, emeuz de l'envie qu'ils ont contre celuy qui a esté leur Seigneur, si bien qu'au regard des petits il n'a point de peine à les gaigner par conqueste, car aussi tost tous ensemble se bandent & font une masse à l'estat qu'il a conquis.



Segment 23
Ha solamente a pensare che non piglino troppe forze et troppa auttorità, et facilmente può con le forze sue et col favor' loro abbassare quelli che sono potenti per rimanere in tutto arbitro di quella provincia, et chi non governarà bene questa parte, perderà presto quello che harà acquistato et, mentre che lo terrà, vi harà drento infinite difficultà et fastidij.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Seulement à ung petit point il doibt prendre garde, qu'ilz ne croissent en force et en authorité, et facilement il pourra avec ses forces propres et la faveur d'iceulx rabaisser l'orgueil et l'obstacle des puissantz seigneurs, affin qu'il demeure comme arbitre et juge de toute la province. Et fault entendre que qui en cest endroict ne se gouvernera bien sagement, il perdra en ung jour tout ce qu'en long temps il aura acquis, et pendant mesme qu'il le tiendra il aura en icelluy innumérables difficultez et fascheries à se maintenir. Il reste une chose a penser, c'est que n'y entrant un estranger, il ne s'aquiere point grand' puissance et autorite, pouvant facilement tant a cause de leur force, que de leur faveur, abbaisser ceulx qui sont puissans pour demourer en tout Seigneur de ce païs. Doncques qui ne gardera bien cest endroit, il perdra aussi tost qu'il aura gaigne. Ou ce pendant qu'il le tiendra il y aura mille difficultez et facheries. Seulement aura a empescher l'accroissement de leurs forces. Cela remedié, il peut aysément avec sa puissance, et le secours de leur faveur, abbaisser la grandeur des autres, pour entierement soubzmettre la province a sa discretion. Quiconques doncq n'aura diligentement loeil en cest endroit, ne gardera iamais gueres ce qu'il aura conquis. Et encores ce peu qu'il tiendra, il sera asseuré d'y recevoir une infinité de malaises et difficultez. Il a seulement à penser, qu'ils ne s'acquierent trop grand'puissance & auctorité, & peult facilement tant par ses forces que par leur faveur, abbaisser ceux qui sont plus puissans pour demourer libre Seigneur de la province. Qui ne gardera bien ce point, il perdra aussi tost qu'il aura gaigné. Ou ce pendant qu'il le tiendra, il y aura mille difficultez & peines.



Segment 24
I Romani nelle provincie che pigliorno osservaron' bene queste parti et mandoron' le Colonie, intratenerno i men potenti, senza crescer' lor' potentia, abbassorno li potenti et non vi lascioron' prender' reputatione a' potenti forestieri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les Romains anciennement pour tenir les provinces, dont ilz s'estoient saisiz par force d'armes, ont diligemment observé ces reigles. Car ilz y mandoyent des colonies, ilz entretenoient soubz leur protection les petitz seigneurs, sans touteffoys les laisser croistre en puissance, ilz rabaissoient les grandz potentaz, et ne laissoient aux estrangiers prendre pied ny réputation en icelles provinces. Les Romains ont bien monstre qu'ilz entendoyent toutes ces matieres : car ilz envoyoient des Peuplades, et entretenoyent les plus foibles, ne laissans point prendre reputation aux puissans estrangiers. Les Romains sceurent fort bien observer ceste maxime en toutes les nations qu'ilz vainquirent, y envoyans Colonies pour habiter, entretenans les plus foibles sans leur permettre de se renfoncer, et affoiblissans le pouvoir des grans. Et ne permirent oncques a armée estrangere y acquerir authorité ne reputation. Les Romains ont bien monstré qu'ils entendoient toutes ces matieres : car ils envoyoient des Peuples, & entretenoient les plus foibles, n'y laissans point prendre pied aux puissans estrangers.



Segment 25
Et voglio mi basti solo la provincia di Grecia per essempio: furono intrattenuti da loro li Achei et li Etholi, fù abbassato el Regno de Macedoni, funne cacciato Antioco; ne mai li meriti delli Achei o delli Etholi feceno che permettessero loro accrescere alcuno stato, ne le persuasioni di Philippo gl'indussero mai ad esser'li amici senza sbassarlo, ne la potentia di Antioco potè fare li consentissero che tenesse in quella provincia alcuno stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et sur ce me suffist prendre le pays de Grèce pour exemple. Les Romains en icelle y ont entretenu les républicques des Achées et des Ætoles, ilz rabaissèrent de tout leur pouvoir le royaume de Macédoine, ilz en chassèrent Antiochus, et touttefois pour les mérites des Achées et des Ætoles, combien quilz fussent grandz, ilz ne voulurent permectre, qu'ilz augmentassent leur puissance de quelque estat, et jamais ne furent amys de Philippe, sinon quand il fut rabaissé, quelque persuasion qu'il leur sçeut faire ; ne la puissance d'Antiochus les sçeut jamais induyre, qu'ilz luy laissassent en Grèce tenir aucun estat. Ie ne veulx prendre pour exemple que la nation de Grece, Les Romains entretindrent les Etoles et les Achees, ilz affoiblirent le Royaume des Macedons, ilz chasserent Antioque : ny iamais le merite des Achees, ny des Etoles peurent faire, qu'ilz leurs permissent augmenter aucuns de leurs estatz, ny les persuasions de Philippe, eurent pouvoir de les induire d'estre ses amis sans l'abbaisser : ny la grande richesse d'Antioque, les peut faire consentir, qu'il retint quelque chose en ceste province. Dequoy ie veus seullement amener la Grece pour exemple. Les Achées, et Etholiens furent entretenuz d'eux, et le Royaume de Macedoine abbaissé. Ilz en chasserent le Roy Antochius, ny ne souffrirent oncques que les Achées, et Etholiens, pour quelque chose qu'ilz eussent meritée d'eux, accreussent aucunement leur estat. Ne les remonstrances, et ambassades de Philippe peurent iamais les induire à son amité, tant qu'il fust du tout adnichillé : ny ne consentirent oncques pour puissant que fust Antiochus, qu'il luy demeurast une seulle poulcée de terre dans la Grece. Ie ne veux prendre pour exemple que la nation de Grece. Les Romains entretindrent les Etoles & les Achées, ils affoiblirent le royaume des Macedoniens, ils chasserent Antiochus : ny iamais le merite des Achées, ny des Etoles peult faire, qu'ils leurs permissent d'augmenter aucuns de leurs estats, ne les persuasions de Philippe, eurent pouvoir de les induire à estre ses amis sans l'abbaisser, ne la grande richesse d'Antiochus, les peut faire consentir qu'il retint quelque chose en icelle province.



Segment 26
Perche i Romani ferono in questi casi quello che tutti i Principi savi debbon' fare, li quali non solamente hanno haver' riguardo a li scandoli presenti, ma alli futuri, et a quelli con ogni industria riparare perche, prevedendosi discosto, facilmente vi si può rimediare, ma aspettando che ti s'appressino, la medicina non è più a tempo, perche la malatia è divenuta incurabile;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à la vérité ilz ont faictz en cest endroict, ce que tous les saiges princes debvroient faire. C'est qu'ilz doibvent avoir esgard non seulement aux présentz dangiers et encombres, mais à ceulx qui sont à venir, et par tous moyens leur obvier. Car quand on les prenoit de loing, facilement on y peut remédier, mais si tu attendz que les inconvenientz te viennent suprendre, la médecine n'y est plus à heure, pource que la maladie est devenue incurable. Aussi firent en ce cas la ce que les Princes sages doivent faire, lesquelz ne doivent pas seulement avoir esgard aux scandales qui sont presens, mais a ceulx qui adviendront, y donnant ordre en toute diligence, d'autant que les voyant de loing, on y peut facilment remedier. Mais si on attend qu'ilz s'aprochent, la medecine n'a plus de lieu, a raison que la maladie est devenue incurable. Et en ce cas ilz feirent tout ce que sages princes doivent faire, lequelz n'ont seullement a regarder sur les affaires du present, mais aussi aux futurs, et a iceux par une bonne et prudente conduicte pourvoir et donner ordre de bonne heure : parautant qu'il est aisé remedier aux dangers que lon voit venir de loing. Mais ayant attendu leur approche de si pres, la medecine n'est plus de saison, parce que la maladie est devenue incurable. Aussi firent en ce cas ce que les Princes sages doivent faire, lesquels ne doivent pas seulement avoir egard aux esclandres presens, mais à ceux qui adviendront, y donnant ordre en toute diligence, d'autant que les prevoyant de loing, on y peult facilement remedier. Mais si on attend qu'ils s'approchent, la medecine n'a plus de lieu, à raison que la maladie est devenuë incurable.



Segment 27
et interviene di questa, come dicono i medici della Ettica, che nel' principio suo è facile a curare, et difficile a conoscere, ma nel' corso del' tempo non l'havendo nel' principio conosciuta, ne medicata, diventa facile a conoscere, et difficile a curare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et certes il advient de cet inconvenient comme disent les médecins qu'il advient à ung patient languissant d'une maladie appellée éthicque. Car ilz disent que ladicte maladie sur son commencement est facile à guérir, et difficile à congnoistre, mais au cours du temps, ne l'ayant point au commencement congnue ny medicinée elle devient facile à congnoistre et difficile à guérir. Et survient en ce cas ce que les Medecins disent de ceulx qui sont Etiques, lesquelz au commencement sont aisez a guerir, mais est difficile de congnoistre s'ilz sont malades : laissant courir le temps sans les avoir des le commencement ne congneus ne gueriz, la maladie devient facile a congnoistre et difficile a guerir. Et advient de cecy tout conformement a ce que disent les medecins, de la fievre Ethique, laquelle a son premier advenement est facile a guerir, et difficile a congnoistre, mais par laps de temps ne l'ayant au commancement congneue, ne medecinée, elle devient de facile congnoissance, et d'impossible guerison. Et avient en ce cas, ce que les Medecins dient de ceux qui sont Etiques, lesquels au commencement sont aisez à guerir, mais est difficile de cognoistre s'ils sont malades : laissant courir le temps sans les avoir du commencement ne conneuz ne gueris, la maladie devient facile à connoistre, & difficile à curer.



Segment 28
Così interviene nelle cose del' stato perche, conoscendo discosto (il che non, è dato se non a un' Prudente) i mali che nascono in quello, si guariscon' presto. Ma quando, per non li haver' conosciuti, si lascino crescere in modo che ognuno li conosce, non vi è più rimedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tout ainsy advient il aux affaires d'ung estat. Car en congnoissant de loing, ce qui n'est touttefoys donné sinon à ung homme prudent, les inconvenientz qui peuvent naistre en icelluy, aiseement et sur le champ on y peult remédier. Mais quand par faulte de les avoir congnuez on les laisse tant croistre, que le bruyt s'en estend par tout le monde, il n'y a plus de remède. Tout ainsi est il au maniment d'affaires, car congnoissant de loing les maulx qui naissent (ce qu'ung chacun ne peult pas s'il n'est sage) on y pourvoit vistement. Mais quant pour ne les avoir pas congneuz on les laisse croistre tant qu'un chascun les congnoisse, le remede est hors de saison. Ainsi en va il des principautez, car se prevoians de loing (ce qui n'est parmis qu'a un bien prudent Prince) les maux et inconveniens qui naissent de iour a autre, promptement lon y peut remedier : mais quand pour ne les avoir congneus assez tost, lon les a laissez croistre en sorte, qu'un chacun les voit a l'oeil, lors toute espece de remede y est desesperée. Tout ainsi est il au maniment d'affaires, car prevoyant de loing les maux qui naissent (ce qu'un chacun ne peult pas s'il n'est sage) on y pourvoit vistement. Mais quand pour ne les avoir pas conneuz, on les laisse croistre tant qu'un chacun les connoisse, le remede est hors de saison.



Segment 29
Pero i Romani, vedendo discosto l'inconvenienti, li rimediorno sempre et non li lasciorno mai seguire per fuggire una guerra, perche sapevano che la guerra non si lieva, ma si differisce con vantaggiò d'altri. Però volsero fare con Philippo, et Antioco guerra in Grecia per non l'hauer' a fare con loro in Italia; et potevano per alhora fuggire et l'una et l'altra: il che non volsero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour ceste cause les Romains voyant venir de loing les inconvenientz, tout incontinent ilz y donnoient remède, et jamais ne laissoient venir ung inconvenient sur eulx pour fuyr une guerre, ny pour garder qu'on ne les vint assaillir. Pource qu'ilz sçavoient bien qu'en dilayant à pourveoir à ce dangier ou inconvenient survenu, il n'eussent pas housté l'occasion aux ennemys de faire la guerre, mais que seulement elle eust esté différée en autre temps avec advantaige de l'ennemy. Et pour ceste mesme raison, ilz aymèrent mieulx faire guerre avec Philippus et Antiochus en Grèce, si tost qu'ilz les y veirent mectre le pied, qu'en différant la debvoir soustenir en Italie. Car combien qu'ilz eussent bien eu le moyen de ne se charger de guerre, et ne l'avoir ny en Grèce ny en Italie, touttefois ilz ne voulurent dilayer à la faire si tost qu'ilz en eurent l'occasion. Ainsi les Romains voyans les inconveniens, y ont tousiours remedie, et iamais ne les laisserent suyvre pour fuir une guerre, sçachans qu'une guerre ne se peult achever, mais bien attendre pour le grand advantage de l'autre. Pource voulurent ilz faire guerre avec Antioque et Philippe en Grece pour ne la faire point avec eulx en Italie, encores qu'ilz eussent peu pour lors echapper et lune et l'autre, Pourtant les Romains ont tousiours a temps donné ordre aux dangers, qu'ilz ont preveuz de bien loing, et ne les souffrirent iamais advenir pour craincte d'y pourvoir par l'entreprise d'une guerre, l'occasion de laquelle ilz sçavoient bien ne se tollir du tout par telle tolerance, mais se differer seulement a l'advantage d'aultruy. A ceste cause, ilz la voulurent bien commencer en Grece contre les Roys Philippe, et Antiochus, craignans de ne l'avoir une autrefois a faire avecques eux dans l'Italie mesmes. Et pouvoient bien à l'heure, s'ilz eussent voulu, s'abstenir de l'une et de l'autre entreprise. Ainsi les Romains prevoyans les inconveniens, y ont tousiours remedié, & iamais ne les laisserent suyvre pour fuir une guerre, sachans qu'une guerre ne se peult achever, mais bien attendre pour le grand avantage de l'autre. Pource voulurent ils faire guerre avec Antiochus & Philippe en Grece pour ne la faire point avec eux en Italie, encores qu'ils eussent peu pour lors eviter & l'une & l'autre, ce qu'ils ne voulurent.



Segment 30
Ne piacque mai loro quello che tutto dì è in bocca de savi de nostri tempi, godere li beneficij del' tempo, ma bene quello de la virtù et prudentia loro: perche il tempo si caccia innanzi ogni cosa et può condurre seco bene come male, male come bene.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ne leur pleut jamais ce dicton que tous les jours est la bouche des saiges de nostre temps : qu'il fault faire son prouffict du temps, signifians par cela qu'il fault jouyr de la tranquilité et des biens que l'on peult avoir selon ce que la commodité se présente. Mais ilz aymèrent beaucoup mieulx faire leur prouffit, et jouyr des biens de leur prudence et vertu. Car ilz scavoient bien que les dilayer n'est pas tousjours bon, et que le temps chasse avant soy toutes choses, et peult avec soy amener le bien comme le mal et le mal comme le bien. ce qu'ilz ne voulurent, et ne leur pleut iamais ce que bien souvent les sages de nostre temps ont en la bouche, Iouir de l'incommodite du temps : mais bien plus tost celuy la, Iouir de sa vertu et sagesse. Car le temps chasse tout devant soy, et peult apporter quantetquant aussi tost mal que bien. Ce que toutesfois ilz ne choisirent pour le meilleur advis, et iamais ne leur pleut le proverbe, qui est tous les iours en la bouche des sages d'auiourd'huy, cest asçavoir Qu'il faut iouir de la commodité du temps, comme il vient : Ains au contraire suyvoient une sentence digne de leur prudence et vertu. Que le temps emporte avecques luy toutes choses, et peut amener aussi tost le bien que le mal, et le mal que le bien. Et ne leur pleut iamais ce que bien souvent les sages de nostre temps ont en la bouche, Iouïr de l'incommodité du temps : mais bien plustost l'autre proverbe Iouïr de sa vertu & sa prudence. Car le temps chasse tout devant soy, & peult apporter aussi tost tant mal que bien.



Segment 31
Ma torniamo a Francia, et esaminiamo se de le cose dette ne ha fatto alcuna, et parlerò di Luigi, et non di Carlo, come di colui del' quale per haver' tenuto più lunga possessione in Italia si sono meglio visti li suoi andamenti: et vedrete come egli ha fatto il contrario di quelle cose che si debbano fare per tenere uno stato disforme.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or retournons à parler des roys de France, et discourons de leurs affaires, à sçavoir si des reigles dessus dictes ilz en ont observé aucune. Et pour ce faire je mettray en avant les gestes, non pas du roy Charles, mais du roy Louys, comme de celuy, du quel on a mieulx congneu les progressions et menées, pour avoir eu plus longue possession en Italie : dont vous congnoistrez comme il a faict tout le contraire de ce qu'il se doibt faire pour tenir ung estat estrangé. Mais retournons en France, et regardons de pres les choses susdictes. Ie ne parleray point du roy Charles, mais seulement du roy Loüys : comme de celuy duquel on a mieulx apperceu les menees, pour avoir plus longtemps seigneurie sur l'Italie. Et vous verrez comme il a faict le contraire des choses qui sont a faire pour tenir une seigneurie de diverses manieres. Or retournons a parler de la France, et considerons par le menu si elle a rien suyvi des choses susdictes. Et pour ce faire ie me tairay du Roy Charles huictiesme, et parleray de Loys douziesme, comme celuy duquel la façon de faire a esté mieux notée, et plus clairement congneue, pour la longue possession qu'il a retenue en l'Italie. Et trouverez qu'il s'y est gouverné tout a l'opposite de ce, qui se devoit faire, pour conserver un estat estranger. Mais retournons en France, & regardons de pres les choses susdites. Ie ne parleray point du Roy Charles, mais seulement du Roy Loüis : comme de celuy duquel on a mieux apperceu les menées, pour avoir plus long temps seigneurié sur l'Italie. Et vous verrez comme il a fait le contraire des choses qui sont à faire pour tenir une Seigneurie meslée.



Segment 32
Il Re Luigi fù messo in Italia da l'ambitione de Vinitiani che volsero guadagnarsi mezo lo stato di Lombardia per quella venuta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le Roy Louys fut mys en Italie par l'ambition et convoitise des Vénitiens, lesquelz par sa venue voulaient gagnier la moictié de la Lombardie. Le roy Loüys fut mis en Italie par l'ambition des Venitiens, qui voulurent gaigner la moitie de la Lombardie par le moien de sa venue. Le Roy Loys fut mis et introduict en Italie par l'ambition des Venitiens, qui pretendoient par le moyen de sa venue gaigner la moitié de la Lombardie. Le Roy Loüis fut mis en Italie par l'ambition des Venitiens, qui voulurent gaigner la moitié de la Lombardie par le moyen de sa venuë.



Segment 33
Io non voglio biasimare questa venuta, o partito, preso dal' Re perche, volendo cominciare a mettere un' piede in Italia et non havendo in questa provincia amici, anzi esssendoli per li portamenti del Re Carlo serrate tutte le porte, fù forzato prendere quelle amicitie che poteva et sarebbeli riuscito il pensiero ben' preso quando, ne li altri maneggi, non havesse fatto errore alcuno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veult pas blasmer ceste manière et couleur d'entrer en ung pays ny le parti pris par le roy. Pource que voulant mettre un pied en Italie, et n'ayant en icelle province aucuns amys, ains plutost luy estant les entrées dudict estat toutes bouchées, pour les maulvais portementz du roy Charles, il fut contrainct de prendre les amitiez telles quelles fussent et qu'il pouvoit avoir. Et en verité il fust venu au dessus de son entreprise, si es autres maniemens il n'eust commis aucun erreur. Ie ne le veux point blasmer d'avoir entrepris le voyage, ou d'avoir pris ce parti la : pource que voulant commencer a mettre le pied en Italie, et ni ayant point d'amis : mais au contraire luy estans toutes les portes fermees, pour la memoire du Roy Charles, il fut contraint de chercher toutes telles amitiez qu'il pouvoit. Et ses desseins bien avisez eussent sorti leur effect, si au reste il n'eust commis aucune faulte. Ie ne treuve que bonne l'entreprise du Roy, lequel voulant commencer à mettre un pied de la les montz, et n'y ayant aucuns amis, ains au contraire luy estans closes toutes les portes de l'Italie (pour la fraische memoire des bons traictements que son predecesseur leur avoit faitz) fut contrainct s'ayder des alliances qui s'offroient pour l'heure : et fust bien parvenu a ses fins, quand il n'eust poinct failly es autres endroictz de sa conduite. Ie ne le veux point blasmer d'avoir entreprins le voyage, ou d'avoir prins ce party : pource que voulant commencer à mettre le pied en Italie, & n'y ayant point d'amis, mais au contraire luy, estans toutes les portes fermées, pour la memoire du roy Charles fut contraint de cercher toutes telles amitiez qu'il pouoit. Et ses desseins bien avisez eussent sorty leur effect, si au reste il n'eust commis aucune faute.



Segment 34
Acquistata adunque il Re la Lombardia, si riguadagnò subito quella reputatione che li haveva tolta Carlo: Genova cedette; i Fiorentini gli diventorno amici; Marchese di Mantua, Duca di Ferrara, Bentivogli, Madonna di Furlì, Signore di Faenza, di Pesaro, di Rimino, di Camerino, di Piombino, Lucchesi, Pisani, Sanesi, ognuno se li fece incontro per esser' suo amico.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour suyvre donc son entreprinse si tost qu'il eust conquesté la Lombardie, en ung instant il regaigna la réputation que Charles luy avoit houstée : Gennes se rendit ; les Florentins luy devindrent amyz et confédérez, le marquis de Mantoue, Duc de Ferrare, les Bentivoles, madame de Furly, les seigneurs de Faënce, de Pesaro, de Rimin y, de Camerin, de Plombin, les Lucquoys, Pisans, Senoys, et tous autres potentaz, luy vindrent au devant pour requérir son amitié et confédération. Le roy doncques ayant surmonte la Lombardie regaingna bien tost la reputation que luy pouvoit oster le roy Charles. Genes se rendit, les Florentins luy devindrent amis. Le Marquis de Mantoue, le duc de Ferrare, les Bentignoles, Madame de Furli, les seigneurs de Faenze, de Pesare, de Rimin, de Camerin, et de Plombin, les Luquois, Pisans, Sienois, un chacun vint au devant de luy, pour estre a sa devotion. Or ayant doncq subiugué la Lombardie, il recouvra en un instant toute la reputation que le Roy Charles y avoit au paravant perdue. Gennes se rendit incontinent, les Florentins devindrent ses amis, ensemble le Marquis de Mantoue, le Duc de Ferrare, les Bentivolles de Bouloigne, la contesse de Furly, le Seigneur de Faenze, de Pesare, de Arimin, de Caremin, de Plombin, les Lucois, les Sienois, et ceux de Pise. Ung chascun d'eux se vint offrir a luy pour pratiquer sa benevolence et amitié. Le Roy donc ayant conquis la Lombardie, regaigna bien tost la reputation que luy pouoit oster le roy Charles. Gennes se rendit, les Florentins luy devindrent amis. Le Marquis de Mantouë, le duc de Ferrare, les Bentigvoles, Madame de Furli, les seigneurs de Favance, de Pesare, de Rimin, de Camerin, & de Plombin, les Luquois, Pisans, Sienois, chacun vint au devant de luy, pour estre à sa devotion.



Segment 35
Et allhora posserno considerare li Vinitiani la temerità del' partito preso da loro, i quali, per acquistar due terre in Lombardia, fecero Signore il Re di doi terzi d' Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lors les Vénitiens peurent bien congnoistre la temerité du party qu'ilz avoient pris. Car pour gaigner et adjouxcter à leur estat deux villes de Lombardie, ilz furent cause que le roy fut incontinent seigneur des deux tiers d'Italie. Alors les Venitiens pouvoient bien considerer leur folle entreprise, quant pour avoir deux villes en Lombardie, ilz feirent le roy Seigneur des deux tiers de l'Italie. Adoncq peurent recongnoistre les Venitiens la faute et temerité de leur conseil, lesquelz pour gaigner deux villes de la Lombardie, rendirent en un instant le Roy seigneur des deux tiers de l'Italie. Alors les Venitiens pouvoient bien considerer leur folle entreprise, quand pour avoir deux villes en Lombardie, ils feirent ce Roy Seigneur des deux tiers de l'Italie.



Segment 36
Consideri hora uno con quanta poca difficultà posseva il Re tenere in Italia la sua reputatione, se egli hauessi osservate le regole sopradette et tenuti securi et difesi tutti quelli amici suoi. Li quali, per esser gran' numero et deboli et paurosi chi de la Chiesa chi de Vinitiani, erano sempre necessitati a star seco; et per il mezo loro posseva facilmente assicurarsi di chi ci restava grande.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or je vous suppluy considérez à combien peu de difficulté, le roy eust peu retenir en Italie sa première réputation, s'il eust observé les reigles cy dessu données et s'il eust deffendu et tenu comme protecteur en sa saulvegarde tous ceulx qui estoient devenuz ses amys. Lesquelz pour estre en grand nombre, et tous petits seigneurs ayantz pæur l'un de l'Église l'autre des Vénitiens furent tous contrainctz de s'assubjectir à luy. Car par le moyen d'iceulx il se pouvoit facillement saisir du bien de ceulx qui estoient ancor en quelque puissance. Qu'un chacun donc considere combien il estoit facile au roy de retenir sa puissance, et garder son authorite sur Italie, s'il eust observe les reigles, que nous avons donnees cy dessus, et s'il eust defendu et tenu en seurete tous ces amis, lesquelz pour estre en grand nombre, foibles, et craignans les ungs le Pape, les autres les Venitiens, ilz estoyent tousiours contrains de demourer avec luy : tellement que par leur moyen, il se pouvoit asseurer du demourant, fust il encores fort grand : Il se peut voir par là maintenant a combien peu de peine le Roy Loys pouvoir maintenir sa grandeur en ceste Province, s'il eust soigneusement gardé les reigles, que nous avons cy devant prescriptes, et mis en sa protection tous ses amis cy dessus racomptez : lesquelz se voyans en un bien grand nombre foibles, et craintifz, les uns de la puissance de l'Eglise, les autres de celle des Venitiens, estoient contrainctz tenir perpetuellement sa ligue, et par le moyen et secours d'eux il pouvoit facillement venir au dessus des plus grandz, la force desquelz luy estoit suspecte. Que chacun donc considere combien il estoit facile au roy de retenir sa puissance, & garder son authorité sur Italie, s'il eust observé les reigles, que nous avons données cy dessus, & s'il eust defendu & tenu en seureté tous ces amis, lesquels pour estre en grand nombre, foibles, & craignans les uns le Pape, les autres les Venitiens, ils estoient tousiours contrains de demourer avec luy : tellement que par leur moyen, il se pouvoit asseurer du surplus fust il encores fort grand.



Segment 37
Ma egli non prima fù in Milano che fece il contrario, dando aiuto a Papa Alessandro perche egli occupasse la Romagna, ne si accorse, con questa deliberatione, che faceva se debole, togliendosi li amici et quelli che se li erano gittati in grembo, et la Chiesa grande, aggiungendo allo Spirituale (che li da tanta autorità) tanto Temporale.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais le bon seigneur ne fut pas si tost à Milan, qu'il se meist à faire tout le contraire. Car il donna bien tost après secours au pape Alexandre VI, affin qu'il conquist la Romaigne, et désemparast tous ces petitz seigneurs qui s'estoient donnez à luy. Et ne s'apperceut pas qu'en ce faisant il affoiblissoit soy mesme perdant ses amys, qui estoient ceulx qui s'estoient dès le commencement renduz à luy, et qu'il augumentoit le bien de l'Église temporel, qui est ce qui luy donné tant d'authorité. Mais il n'eut pas plus tost le pied dedans Milan, qu'il feit tout le contraire, donnant secours au Pape Alexandre, afin qu'il occupast la Romagne, et n'advisoit pas en prenant ce conseil, qu'il s'affoiblissoit, s'ostant pour amis ceux qui s'estoyent gectez entre ses bras, rendant l'Eglise trop puissante, adioutant au Spirituel, qui luy donne tant d'authorite si riche Temporel. Mais il ne fut point si tost a Milan, qu'il commença à se dementir, envoyant secours au Pape Alexandre pour occuper la Romaigne. Et ne s'avisa pas le bon Roy qu'il s'afoiblissoit grandement par l'execution de cest advis, perdant ce faisant ses amis et confederez, mesmement ceux, qui s'estoient gettez, comme en lieu de seureté, soubz lombre de ses ailes, et qu'il rendoit l'Eglise trop puissante, en adioignant au spirituel d'icelle (dont elle se autorise tant) une telle richesse de temporel. Mais il n'eut pas plus tost le pied dedans Milan, qu'il feit tout le contraire, donnant secours au Pape Alexandre, afin qu'il occupast la Romagne, & n'avisoit pas en prenant ce conseil, qu'il s'affoiblissoit, s'ostant pour amis ceux qui s'estoient iettez entre ses bras, rendant l'Eglise trop puissante, adioutant au spirituel (qui luy donne tant d'authorité) si riche temporel.



Segment 38
Et fatto un' primo errore fù constretto a seguitare, in tanto che, per por' fine a l'ambitione di Alessandro et per che non divenisse Signor di Toscana, gli fù forza venire in Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or quand il eust faict un erreur il fut contrainct de suyvre, tellement que pour réprimer et mettre fin à l'ambition d'Alexandre, affin quil ne se feist seigneur de la Toscane, il fut contrainct de revenir en Italie. Et la premiere faute faicte, il fut contraint d'en faire d'autres : en sorte que pour arrester un peu l'ambition d'Alexandre, et de peur qu'il ne devint Seigneur de la Tuscane, le roy fut contraint de retourner en Italie : Si bien, qu'ayant d'entrée fait une bien lourde faute, il luy fut necessité de suyvre le reste : tellement que pour refrener l'insatiable cupidité de Pape Alexandre, et l'empescher qu'il ne subiugast entierement la Toscane, il falut qu'il retournast en l'Italie. Et la premiere faute faite, il fut contraint d'en faire d'autres : en sorte que pour arrester un peu l'ambition de Alexandre, & de peur qu'il ne devint Seigneur de la Tuscane, le Roy fut contraint de retourner en Italie :



Segment 39
Et non li bastò haver fatto grande la Chiesa et toltisi li amici che, per volere il Regno di Napoli, lo divise con il Re di Spagna et, dove lui era prima arbitro d' Italia, vi misse un' compagno, accioche li ambitiosi di quella provincia et mal'contenti di lui havessero dove ricorrere; et dove poteva lassare in quello Regno uno Re suo pensionario, ègli ne lo trasse per mettervi uno che potesse cacciare lui.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ne luy suffist pas d'avoir aggrandy l'Église et perdu ses amyz qui tenoient son party, mais pour convoitise de gaigner le royaume de Naples il feit à moytié et le départit avec le roy d'Hespaigne. Et où premièrement il estoit comme juge de toute l'Italie, il y laissa entrer un compaignon, affin que ceulx qui seroient ambitieux et convoiteux de nouveautés en icelle province, si tost qu'ilz se malcontenteroient de luy, eussent à qui recourir. Et d'où il pouvoit tirer du prouffit en y laissant ung roy son tributaire, il osta celluy qui y estoit pour y en mettre ung autre, qui fut assez puissant pour l'en chasser. et ne fut pas content d'avoir faict l'Eglise puissante, et chasse ses amis : mais pour avoir le royaume de Naples il le partit avec le roy d'Espagne. Et la ou premierement il rengeoit l'Italie, a sa discretion, il y mit un compagnon, afin que les gens ambitieux du païs, et malcontens de luy eussent lieu pour recourir. Et la ou il pouvoit laisser en ce royaume un roy, qui fut son tributaire, il l'en tira pour en mettre un autre qui l'en peut chasser luy mesme. Et ne luy suffisant d'avoir ainsi agrandi l'Eglise, et parce moyen destruict et abandonné ses amis, pour le desir qu'il portoit au Royaume de Naples, il associa a la conqueste d'iceluy le Roy d'Espagne, en maniere qu'au lieu que il estoit auparavant le premier Seigneur de l'Italie, il prit pour adioint un compagnon, a celle fin que les amateurs de nouveautez de celuy païs et ceux qui n'aimoient point son party, eussent a qui avoir recours a l'encontre de luy. Et ou il pouvoit laisser un Viceroy en ce Royaume, qui luy en eust fait pension il l'en osta, pour y en remettre un en sa place, qui eust le pouvoir de l'en chasser. & ne fut pas content d'avoir faict l'Eglise puissante, & chassé ses amis : mais pour avoir le royaume de Naples, il le partit avec le Roy d'Espagne. Et là où premierement il rengeoit l'Italie à sa discretion, il y mit un compagnon, afin que les gens ambitieux du païs, & mal contens de luy, eussent lieu de recours. Et là où il pouoit laisser en ce royaume un Roy, qui fust son tributaire, il l'en tira pour en mettre un autre qui l'en peut dechasser luymesme.



Segment 40
È cosa veramente molto naturale et ordinaria desiderare di acquistare et sempre, quando li huomini lo fanno, che possino, ne saranno laudati o non biasimati; ma quando non possono et vogliono farlo in ogni modo, qui è il biasimo et l'errore.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veut pas nyer que ce soit une convoitise loysible et naturelle que d'acquester : et certainement quand les hommes s'y mectent à vouloir conquester, quand ilz se sentent assez puissantz pour ce faire, ilz en sont louez, ou pour le moins non blasmez. Mais quand ilz n'ont puissance de le faire et néantmoins ilz s'entresmelent de vouloir faire ung grand acquest, icy est la grande faulte pleine de diffame. C'est une chose certes fort ordinaire et selon nature que le desir de conquerir, et toutes et quantes fois que les hommes le feront, ilz en seront louez, ou pour le moins ilz n'en seront blasmez. Mais quant ilz ne peuvent, et qu'ilz le veulent faire a toute force, la est la faute et le blasme. Veritablement c'est chose fort naturelle et ordinaire, que desirer d'estendre et amplifier ses limites : et quand les hommes le peuvent, et l'entreprennent, ilz en sont grandement louables, ou pour le moins non repris : mais s'ilz ne le peuvent, et neantmoins l'entreprennent a toutes heures, là est l'erreur, et le blasme de la temerité. C'est chose certes fort ordinaire & selon nature que le desir de conquerir : & toutes & quantesfois les hommes le feront, ils en seront louez, ou pour le moins ils n'en seront pas blasmez. Mais quand ils ne peuvent, & qu'ils le veulent faire à toute force, là est la faute & le blasme.



Segment 41
Se Francia adunque con le sue forze poteva assaltare Napoli, doveva farlo; se non poteva, non doveva dividerlo; et se la divisione fece con Vinitiani di Lombardia meritò scusa per haver con quella messo el pie in Italia, questa merita biasimo per non essere scusato da quella necessità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Puis donc que le roy de France pouvoit assaillir Naples, il le debvoit faire tout seul, mais s'il ne se sentoit suffisant pour le pouvoir emporter, il ne le debvoit départir avec le roy d'Hespaigne. Et ne fault pourtant alléguer, que cela ait esté faict pour y mieux entrer comme luy mesme avoit faict en entrant en Italie, divisant les villes de Lombardie avec les Vénitiens : car combien que celle première division faicte par ledict roy Louys fust excusable, pource que par le moyen d'icelle il meit ung pied en Italie, touttefois ceste ci mérite blasme pour n'estre excusable d'une mesme nécessité. Si doncques les François avec leurs forces pouvoyent assaillir Naples, ilz le devoyent faire, s'ilz ne pouvoyent, ilz ne le devoient point diviser. Et si le partage qu'il feit de la Lombardie contre les Venitiens merite pardon pour avoir par ce moyen mis le pied en Italie, cestuy est digne d'estre accuse, pource que on ne le peut excuser de ceste necessite. Si France pouvoit donq avec ses propres forces assaillir Naples, elle le devoit faire : ne le pouvant de soy, elle n'y devoit point appeller le secours d'autruy. Or quand a la ligue qu'elle feit avec les Venitiens pour la conqueste de la Lombardie, cela merite excuse, pour avoir soubz ceste couleur gentiment sceu mettre le pié en l'Italie. Mais quand a celle du Roy d'Espagne pour subiuguer Naples, elle est merveilleusement a blasmer, n'estant point excusée de la necessité susdite. Si donc les François avec leurs forces pouoient envahir Naples, ils le devoient faire, s'ils ne pouvoient, ils ne le devoient point diviser. Et si le partage qu'il feit de la Lombardie avec les Venitiens merite excuse pour avoir par ce moyen mis le pied en Italie, cestuy est digne d'estre accusé, par ce qu'on ne le peult excuser de ceste necessité.



Segment 42
Haveva adunque Luigi fatto questi cinque errori: spenti e minor' potenti; accresciuto in Italia potentia a un' potente; messo in quella un' forestier' potentissimo ; non venuto ad habitarvi ; non vi messo Colonie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le roy Louys doncques avait faict cinq erreurs bien grandz, il avoit destruict les moindres potentatz qui s'estoient recommandez à sa protection, accreu la puissance d'un grand seigneur, qui estoit l'Eglise, mis en icelle un estrangier très puissant, qui estoit le roy d'Hespaigne, il n'y vint point habiter en personne, et n'y envoya point de colonies. Le roy Loüys donc feit cinq faultes, ruiner les plus petis, acroistre la grandeur a ceux qui l'avoyent en Italie, avoir faict entrer dedans un estranger trespuissant, ni avoir point envoye de peuplades, et ni estre point venu demourer. Le Roy Loys avoit doncq faict, et commis ces cinq grandes fautes. C'est à sçavoir adnichillé les petitz seigneurs, augmenté en Italie la puissance a un puissant, receu et appellé en icelle un trespuissant estranger, ny estant point venu pour y demeurer longuement, et n'y ayant point envoyé de Colonies pour habiter. Le Roy Loüis donc feit cinq fautes, ruiner les plus petits, accroistre la grandeur à ceux qui l'avoient en Italie, avoir fait entrer dedans un estranger trespuissant, n'y avoir point envoyé de colonies, & n'y estre point venu demourer.



Segment 43
Li quali errori ancor, vivendo lui, potevano non l'offendere, se non havesse fatto il sesto, di torre lo stato a Vinitiani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lesquelles cinq faultes pouvoient durant sa vie ne luy redonder à dommaige, pour la grande puissance et réputation qu'il avoit, s'il n'y eust adjouxté la sixiesme qui fut quand il se rua sur les Vénitiens pour les priver de leur estat. Lesquelles faultes ne luy eussent peu nuire tant qu'il eust vescu, s'il n'eust faict la sixiesme, d'oster la seigneurie aux Venitiens : Lesquelles ne luy pouvoient encores, sa vie durant, faire grande nuisance, s'il n'eust point touché a la sixiesme, despouillant les Venitiens de leur estat. Lesquelles fautes ne luy eussent peu nuire tant qu'il eust vescu, s'il n'eust fait la sixieme, d'oster la seigneurie aux Venitiens :



Segment 44
Perche, quando non havesse fatto grande la Chiesa, ne messo in Italia Spagna, era ben' ragionevole et necessario abassarli; ma havendo presi quelli primi partiti, non doveva mai consentire alla rovina loro. Perche, essendo quelli potenti, harebbeno sempre tenuti li altri discosto da la impresa di Lombardia, sì perche i Vinitiani non vi harebbeno consentito senza diventarne Signori loro, sì perche li altri non harebbono voluto torla a Francia per darla a loro; et andarli ad urtare ambedui non harebbono havuto animo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource que s'il n'eust aggrandy l'Église, et mys le roy d'Hespaigne en Italie, ce eust esté sagemment et raisonnablement pensé, de rabaisser l'orgueil des Vénitiens. Mais puis qu'il avoit faict ces premières faultes, et choisy les aultres partys, il ne debvoit jamais consentir à la ruine d'iceulx ; pource que s'ilz fussent demourez en puissance ilz eussent empesché les aultres de coquester la Lombardie, non seulement pource qu'ilz n'en eussent laissé devenir seigneur aultre que eulx mesmes, mais aussy pource que les aultres n'eussent jamais consenty que la Lombardie fust ostée aux Françoys, pour la laisser en proye aux Vénitiens, et d'advantaige ilz n'eussent eu l'hardiesse de les vouloir heurter tous deux. pource que s'il n'eust point faict le Pape si puissant, ni mis les Espagnolz en Italie, il estoit bien raisonnable, mesmes necessaire de les abaisser : mais auant pris ces premiers partis, il ne devoit iamais consentir a leur ruine. Car au moyen de leurs forces, ilz eussent tousiours engarde les autres de venir a l'entreprise de Lombardie, tant a cause que les Venitiens n'y eussent iamais consenti, s'il ne l'eussent voulu avoir eux mesmes, tant aussi que les assaillans ne l'eussent pas voulu oster aux François, pour la donner aux Venitiens : et de s'atacher a tous deux, ilz ne s'y fussent pas frottez. Bien est vray que quand il n'eust point si fort advantagé l'Eglise, ny introduit les Espagnolz en Italie, ce n'estoit point sans raison qu'il abbaissast un peu les cornes a Venise. Mais s'estant du commancement confederé avecques elle, il ne devoit iamais permettre, que on luy courust sus. Car les Venitiens demeurans en leur entiere force, ilz eussent tousiours empesché les autres de venir en Lombardie, tant parce qu'ilz ne l'eussent oncques consenty sinon avecques la condition de s'en faire eux memes seigneurs, que d'autant que les autres n'en eussent vray semblablement voulu chasser les Françoys pour la mettre entre les mains des Venitiens, et la hardiesse n'eust pas suffy a tout le monde de les assaillir tous deux iointz ensemble. pource que s'il n'eust point fait le Pape si puissant, ne mis les Espagnols en Italie, il estoit bien raisonnable, mesmes necessaire de les abbaisser : mais ayant prins ces premiers partis, il ne devoit iamais consentir à leur ruine. Car au moyen de leurs forces, ils eussent tousiours empesché les autres de venir à l'entreprinse de Lombardie, tant à cause que les Venitiens n'y eussent iamais consenty, s'ils ne l'eussent voulu avoir euxmesmes, tant aussi que les assaillans ne l'eussent pas voulu oster aux François, pour la donner aux Venitiens : & de s'attacher à tous deux, ils ne s'y fussent pas frottez :



Segment 45
Et se alcun' dicesse il Re Luigi cedè ad Alessandro la Romagna e a Spagna il Regno per fuggire una guerra, rispondo con le ragioni dette di sopra, che non si debba mai lasciar seguire un' disordine per fuggire una guerra, perche ella non si fugge, ma si differisce a tuo disavantagio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or si quelcun me vouloit contrarier en alléguant que le roy fut contrainct de permectre que le pape Alexandre se saisist de la Romaigne, et pareillement le roy d'Hespaigne de Naples, pour n'entrer en guerre contre eulx, je respondroys par les raisons que cy dessus ont este dictes, que l'on ne doibt jamais se laisser suprendre d'un inconvenient soubz umbre de vouloir éviter une guerre. Car pour cela l'adversaire ne laisse pas couler l'occasion d'entreprendre la guerre contre toy, mais il la dilaye seulement quelque temps avec ton désadvantaige. Mais si on vouloit dire que le roy Loüys quicta la Romagne au Pape, et Naples aux Espagnolz pour eviter une guerre : Ie responds avec les raisons que dessus, qu'on ne doit point laisser avenir un mauvais desordre pour fouir une guerre : car elle ne se peult echapper, mais bien differer a nostre desavantage. Or si aucun vouloit dire que le Roy Loys eust cedé la Romaigne a Pape Alexandre et le Royaume de Naples aux Espagnolz pour eviter une guerre. Ie respondray avec les raisons cy devant discourues, que lon ne doit point donner lieu a un inconvenient, pour fuir l'occasion d'une guerre, laquelle ne s'evite point totallement par ce moyen, mais si differe seulement a ton plus grande desavantage. Mais si on vouloit dire que le Roy Loüis quitta la Romagne au Pape, & Naples aux Espagnols pour eviter une guerre : Ie responds avec les raisons precedentes qu'on ne doit point laisser avenir un mauvais desordre pour fuir une guerre : car elle ne se peult eviter, mais bien differer à nostre desvavantage.



Segment 46
Et se alcun' altri allegasseno la fede che il Re haveva data al Papa, di far' per lui quella impresa, per la resolutione del' suo matrimonio et per il Capello di Roano, rispondo con quello che per me di sotto si dirà circa la fede de' Principi, et come si debba osservare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Item si quelque aultre m'alléguoit, que le roy ne pouvoit autrement faire pour la promesse et la foy qu'il avoit donnée au pape de faire celle entreprinse en son nom, pour aussy avoir la résolution de son mariage, et pour faire donner le chappeau de Cardinal à monsieur de Rouan : je respondroys par les raisons qui seront cy après déduictes quand nous traicterons de la foy des princes, et quand et comment ilz la doibvent garder. Et si quelcun vouloit alleguer la foy que le roy avoit donne au Pape de faire ceste entreprise a sa requeste, pour la resolution de son mariage, et pour faire donner un chappeau a monsieur de Rouen, ie luy respondray cy apres, quand ie parleray de la foy des princes, et comme ilz la doyvent garder. Et si lon me venoit d'ailleurs alleguer la foy, que le Roy avoit donnée au Pape Alexandre de luy prester secours a l'entreprise de la Romaigne, pour en recompense estre dispensé de la resolution de son mariage, et obtenir le chappeau rouge du Legat d'Amboise : Ie les renvoiray pour leur responce a ce, qui sera cy apres traitté sur la foy des Princes, et comme elle se doit garder. Et si quelqu'un vouloit alleguer la foy que le Roy avoit donnée au Pape de faire ceste entreprinse à sa requeste, pour la resolution de son mariage, & pour faire donner un chappeau à l'Archevesque de Roüen, ie luy respondray cy apres, quand ie parleray de la foy des princes, & comme ils la doivent garder.



Segment 47
Ha perduto adunque il Re Luigi la Lombardia per non havere osservato alcun' di quelli termini osservati da altri che hanno preso provincie et volutele tenere. Ne è miracolo alcuno questo, ma molto ragionevole et ordinario.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Doncques il est évident que le roy Louis a perdu la Lombardie pour n'avoir gardé aucune reigle de celles qui ont accoustumé d'observer ceulx qui conquestent nouvelles provinces et en veulent demourer paisibles possesseurs. Et si n'est pas si grand cas que l'on penseroit bien, ne si grand miracle de les observer, ains est une chose bien raisonnable et assez usitée. Le roy Loüys a donc perdu la Lombardie pour n'avoir maintenu nul des enseignemens gardez par les autres qui ont conqueste des païs, et qui les ont voulu tenir : mais en cela il n'y a point de merveille, la chose est raisonnable et ordinaire. Par ainsi nous voions que le Roy Loys perdit la Lombardie, pour n'avoir en façon que soit observé les termes, et maximes, qu'autres ont tresbien sceu suyvre en la conqueste des Provinces, dont ilz ont voulu longuement retenir la possession. Et n'est poinct chose estrange, ains fort raisonnable, et qui advient ordinairement : Le Roy Loüis a donc perdu la Lombardie pour n'avoir maintenu nul des enseignemens gardez par les autres qui ont conquesté des païs, & qui les ont voulu tenir : mais en cela il n'y a point de merveille, la chose est raisonnable & ordinaire.



Segment 48
Et di questa materia parlai a Nantes con Roano, quando il Valentino (che così vulgarmente era chiamato Cesare Borgia figlio di Papa Alessandro) occupava la Romagna; perche, dicendomi il Cardinale Roano che li Italiani non si intendevano della guerra, io risposi che i Francesi non s'intendevano del' stato, perche, intendendosene, non lascerebbeno venire la Chiesa in tanta grandeza.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Comme bien au long j'en devisay ung jour avec monsieur le Cardinal de Rouan à Nantes sur le temps que Cesar Borgia filz de pape Alexandre, qui communément s'appeloit le Duc Valentin, combattoit les seigneurs de Romaigne. Car quand ledict Cardinale m'eust mis en avant que les Italiens ne s'entendoient rien en faict de guerre, je luy respondiz, que les Françoys ne sçavoient que c'estoit de gouverner ung estat. Pource que s'ilz eussent bien entendu les affaires des estatz, ilz n'eussent jamais laisse croistre l'Église à si grande authorité et puissance. Or parlay ie de ceste matiere a Nantes avec monsieur de Rouen, quand le Valentin (Car ainsi communement appelloit on Cesar Borge, filz du pape Alexandre) s'emparoit de la Romagne. Car ainsi que le cardinal de Rouen me disoit, que les Italiens n'entendoyent rien a faire la guerre, ie respondis que les François ne congnoissoyent rien au maniment d'affaires : car s'ilz l'eussent entendu, ilz n'eussent pas laisse monter l'Eglise en telle grandesse. dequoy il me souvient que ie parlay quelquefoys à Nantes avec Monsieur le Cardinal d'Amboise, en la saison que la Romaigne estoit occupée par le Duc de Valentinois (car lon appelloit alors ainsi Cesar Borgia filz du Pape Alexandre). Tant que me disant ce Cardinal sur ce propos, que les Italiens n'entendoient rien au fait de la guerre : Ie luy fy responce au contraire, que les Françoys ne se congnoissent aucunement en affaires d'estat, parce que quand ilz s'y fussent entenduz, iamais n'eussent souffert, que l'Eglise fust parvenue a telle grandeur. Or parlay-ie de ceste matiere à Nantes avec monsieur de Roüen, quand le Valentin (car ainsi communement appelloit on Cesar Borge, fils du Pape Alexandre) s'emparoit de la Romagne. Car ainsi que le Cardinal de Roüen me disoit, que les Italiens n'entendoient rien à faire la guerre : ie respondy que les François ne connoissoient rien au maniment d'affaires : car s'ils l'eussent entendu, ils n'eussent pas laissé monter l'Eglise en telle grandeur.



Segment 49
Et per esperientia s'è visto che la grandeza in Italia di quella et di Spagna è stata causata da Francia, et la rovina sua è proceduta da loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car l'on a veu par expérience que les Françoys ont esté cause que l'Église et le roy d'Hespaigne sont devenuz si grandz en Italie, et par iceulx mesmes ilz en ont esté chassez bien peu après, Ce qu'on a veu par experience, que de la puissance du Pape, et de celle d'Espagne les François en sont cause, et la ruine des François est venue de la. Et de fait il s'est veu par experience, que la puissance, qu'elle et les Espagnolz ont obtenue en Italie, a esté causée de la France : et depuis en recompense ilz ont esté occasion de la ruyne, et expulsion des Françoys. Ce qu'on a veu par experience, que de la puissance du Pape, & de celle d'Espagne les François en sont cause, & la ruine des François est venuë de là.



Segment 50
Di che si cava una regola generale, quale non mai o raro falla, che chi è cagione che uno diventi potente, rovina, perche quella potentia è causata da colui o con industria o con forza, et l'una et l'altra di queste due è sospetta a chi è divenuto potente.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dont l'on peult tirer une reigle généralle qui ne fault jamais ou bien peu : c'est que celluy qui aggrandit ung aultre se destruict soy mesme. Pour ce que celluy qui donne secours à quelcun le faict ou pour tromper autruy, ou par contraincte, se voyant contrainct de ce faire pour parvenir à quelque sienne entreprinse. Lesquelz deux poinctz sont suspectz et mectent en craincte celluy qui par ces moyens est devenu puissant, dont il advient que par après il se mect en effort de le ruyner et de s'asseurer de luy. D'ou se peult tirer une reigle generale, qui ne faut iamais ou bien peu, cest que celuy, qui est cause qu'un autre devienne puissant, il se ruine luymesme, pource que ceste puissance est suscitee de luy, ou par esprit ou par force, et l'une et l'autre de ces deux est merveilleusement a doubter pour celuy qui est devenu puissant. De toutes ces choses lon peut tirer une regle generalle, qui ne reçoit iamais ou bien peu d'exception. C'est à sçavoir que si tu moyennes la puissance d'autruy, tu adnichilles le plus souvent la tienne : parautant que ceste grandeur s'acquiert par l'ayde de ton industrie, ou de ta force : lesquelles sont la parfin toutes deux suspectes a celuy, que tu as ainsi rendu puissant. D'où se peut tirer une reigle generale, qui ne faut iamais ou peu souvent, c'est que celuy qui est cause qu'un autre devienne puissant, il se ruine luymesme, pource que ceste puissance est suscitée de luy, ou par esperit ou par force & l'une & l'autre de ces deux est merveilleusement à redouter à celuy qui est devenu puissant.

 

Chapitre 4.

Titre
Perche il regno di Dario da Alessandro occupato non si rebellò da li successori di Alessandro doppò la morte sua. Cap .IIII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Discours à sçavoir qui fut la cause que le royaume des Perses occupé par Alexandre le Grand, n'esmeut aucune rébellion contre ses successeurs après sa mort et celle de Darius leur roy. Chapitre IV Pourquoy c'est que le royaume de Daire occupé d'Alexandre ne se revolta point des successeurs d'Alexandre apres sa mort Chap. 4. D'ou proceda que le Royaume de Darius occupé par Alexandre le grand, ne se rebella contre les successeurs dudict Alexandre, apres la mort. Chapitre IIII. Pourquoy le royaume de Darius occupé par Alexandre ne se revolta contre ses successeurs apres sa mort. Chapitre 4.



Segment 1
Considerate le difficultà le quali si hanno in tenere un' stato acquistato di nuovo, potrebbe alcuno maravigliarsi donde nacque che Alessandro Magno diventò Signore de l'Asia in pochi anni et, non l'havendo appena occupata, morì: donde pareva ragionevole che tutto quello stato si rebellassi, nondimeno li successori suoi se lo mantennero et non hebbono, a tenerselo, altra difficultà, che quella che infra loro medesimi per propria ambitione nacque.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Après avoir consideré les difficultez qui sont à tenir un estat nouvellement conquesté un bon esprit discourant sur les anciennes hystoires se pourroit émerveiller d'où il advint, qu'Alexandre le Grand se saisist du royaume des Perses, et devint seigneur de toute l'Asie en peu d'années, et n'en fust pas si tost en possession paisible, qu'il mourut, dont il sembloit infaliblement que les peuples d'Asie eussent juste cause d'eulx révolter à faire nouveauté alencontre des successeurs dicelluy. Ce néantmoins lesdictz successeurs maintindrent paisiblement la monarchie de toute l'Asie qui auparavant avoit esté dominée par les Perses et dernièrement par Darius, et n'eurent à la tenir aucune difficulté, hormis celle qui nacquit entre eux par leur particulière ambition et envye l'un de l'aultre. Apres avoir dechiffre les difficultez qui peuvent eschoir a tenir ung païs conqueste de nouveau, si quelcun s'emerveilloit, (comme certes il y a de l'apparence) d'ou vient cela qu'Alexandre le grand gaigna toute l'Asie en peu d'annees, et ne l'ayant pas a grand peine toute vaincue deceda : Dont il s'embloit que tout le païs se deust revolter, neantmoins ses successeurs le maintindrent fort bien, et n'eurent a le garder aucun empeschement que celuy la qui venoit d'eux par leur ambition mesme. Ayant consideré les difficultez, qui gisent en la longue retention d'un estat nouvellement acquis, quelqu'un se pourroit esbahir, d'ou seroit procede, qu'Alexandre le grand devint en l'espace de bien peu d'années dominateur de toute l'Asie, et mourut avant que de l'avoir a peine occupée. Ce qui devoit si les raisons cy devant deduictes avoient lieu, donner matiere de rebellion à tous ces païs. Toutesfois les successeurs en furent longuement paisibles, et n'eurent autre peine a garder ce, qu'il leur avoit laissé, que celle qui nasquit entr'eux de leurs propres cupiditez, et ambitions. Apres avoir deduit les difficultez qui peuvent escheoir à tenir un païs conquesté nouvellement, si quelqu'un s'esmerveilloit, (comme certes y a de l'apparence) d'où proceda qu'Alexandre le grand conquit toute l'Asie en peu d'années, & ne l'ayant pas à grand'peine achevee d'occuper, il deceda : dont il sembloit que tout le païs se deust revolter, neanmoins ses successeurs le maintindrent fort bien, & n'eurent à le garder aucun empeschement que celuy qui provenoit d'eux par leur ambition mesme.



Segment 2
Rispondo come i Principati de quali si ha memoria si truovano governati in doi modi diversi o per un' Principe et tutti li altri servi, i quali come ministri per gratia et concessione sua aiutano governare quel Regno, o per un' Principe et per Baroni, i quali, non per gratia del' Signore, ma per antichita di sangue tengono quel' grado.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
À ce je respondz que nous trouvons les principaultez estre gouvernées en deux manières diverses, ou par un prince qui soit seul seigneur et que tous ses subjetctz soient serfz, lesquelz comme ministres par la grâce et soumission dicelluy sont seulement coadjuteurs à gouverner et distribuer la justice du royaulme, ou bien par un prince éminent sur plusieurs autres barons et seigneurs. Lesquelz non par la grâce du seigneur, mais de toute ancienneté par la noblesse de leur lignée tiennent en icelluy estat quelque degrè ou préeminence. Ie responds que toutes les principautez desquelles la memoire dure, se trouvent avoir este gouverneez en deux diverses manieres, ou par un Prince avecques d'autres vassaux, lesquelz comme ses ministres par sa grace et permission aident a gouverner cette Seigneurie, ou par un prince et d'autres barons, lesquelz non par la grace que le Seigneur leur face, mais par ancienneté de leur sang tiennent ce rang. Ie respons à cela, que les Empires (desquelz ilz se treuve aucune chose par escript) ont esté gouvernez en deux diverses manieres : C'est a sçavoir ou par un Prince et ses subiectz tenus comme serfz et esclaves, lesquelz soubz sa grace, et permission luy aydent à defendre son royaume. Ou bien par un Prince et ses barons, qui luy sont coadiuteurs au gouvernement de ses terres, non tant pour la faveur du souverain, que pour l'ancienneté, et noblesse de leur race, qui les autorise d'eux mesmes en ce maniment. Ie responds que toutes les principautez desquelles la memoire dure, se trouvent avoir esté gouvernees en deux diverses manieres, ou par un Prince avec d'autres vassaux, lesquels comme ses ministres par sa grace & permission aydent à regir la Seigneurie, ou par un Prince & d'autres Barons, lesquels non par la grace que le Seigneur leur face, mais par ancienneté de leur sang tiennent ce reng & autorité.



Segment 3
Questi tali Baroni hanno stati et sudditi proprij, li quali gli riconoscono per signori et hanno in loro naturale affettione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ces barons cy ont estatz et subjectz propres qui les recongnoissent pour seigneurs et leurs portent une naturelle affection et obéissance. Ces barons tiennent des estatz et seigneuries propres a eux, lesqueles le recongnoissent pour Seigneur et luy portent une affection naturelle. Or ces barons icy ont des subietz propres a eux, qui les recongnoissent pour seigneurs, et leur portent affection naturelle. Ces Barons tiennent des estats & seigneuries propres à eux, lesquelles les reconnoissent pour Seigneur & luy portent une affection naturelle.



Segment 4
Quelli stati che si governano per un' Principe et per servi hanno el lor' Principe con più autorità, perche in tutta la sua provincia non è alcuno che riconosca per superiore se non lui ; et s'obediscono alcuno altro lo fanno come a ministro et officiale, et non li portano particulare amore.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais les estatz qui se gouvernent par un seul prince qui a seulement ses serfz et esclaves, sont régiz en plus grande authorité. Pource qu'en toute la province âme ne recongnoit autre seigneur que luy, et s'ilz obéissent à quelque autre ilz le font comme à ministre et officier dicelluy, et ne luy portent aucune particulière affection. Quant aux païs qui se gouvernent par ung Prince, les autres tous serfz, le Seigneur est envers eux de plus grande autorite, d'autant qu'en toute la contree il n'y a que celuy la qu'ilz recongnoissent pour souverain. Et s'ilz obeissent a quelque autre, ilz le font comme a son officier et ministre, mais ilz ne luy portent pas une amitie particuliere. Les autres, ausquelz le Prince commande comme a esclaves, ont leur souverain en beaucoup plus de reverence, parce qu'en toute la Province ilz ne recongnoissent que luy pour superieur, et s'ilz obeissent a un autre, ce n'est sinon d'autant qu'ilz le voyent ministre et officier du Seigneur, sans luy porter aucune autre particuliere amour. Quant aux païs qui se gouvernent par un Prince, les autres estans tous serfs, le Seigneur y est envers eux de plus grande autorité, d'autant qu'en toute la contrée il n'y a que luy qu'ils recognoissent à souverain. Et s'ils obeissent à quelque autre, ils le font comme à son officier, mais ils ne luy portent pas amitié particuliere.



Segment 5
Li essempi di queste due diversità di governi sono, ne nostri tempi el Turco, et il Re di Francia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nous avons aujourd'huy les royaulmes du Turc, et de France, pour exemples de ceste diversité de gouvernementz. Les exemples de ces deux differences de gouvernement de nostre memoire sont le grand Seigneur, et le roy de France. Lon peut voir de ce temps mesmes les exemples de ces deux diversitez de gouvernemens au grand Turc, et au Roy de France : Les exemples de ces deux differences de gouvernement de nostre memoire sont le Roy de France & le grand Turc.



Segment 6
Tutta la monarchia del Turco è governata da un' Signore; l'altri sono suoi servi, et distinguendo il suo regno in Sangiacchi, vi manda diversi amministratori et gli muta, et varia come pare a lui.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car premièrement toute la monarchie du Turc est dominée par un grand seigneur, tous les aultres sont serfz. Lequel divise sont royaulme en plusieurs sensacques, qui vault autant à dire que gouverneurs, et par iceulx gouverne son estat, en envoyant divers administrateurs en diverses provinces, et les change et remue comme bon luy semble. Toute la Monarchie du grand Turc est gouvernee par luy seul, tous les autres sont ses vassaux. Et divisant son royaume par Sangiacches, il envoye divers baillifz et gouverneurs, il les change, et les oste comme bon luy semble. Car toute la Monarchie du Turc est soubzmise soubz un seul seigneur les subiectz duquel sont tous serfz, et captifz. Et divisant ses seigneuries par gouvernemens, qu'ilz appellent Sangiacques, il y envoye divers administrateurs, lesquelz il change, et met comme bon luy semble. Toute la Monarchie du grand Turc est gouvernee par luy seul, tous les autres sont ses esclaves. Et divisant son royaume par Sangiacches, il envoye divers baillifs & gouverneurs, il les change, & les oste à son plaisir & volonté.



Segment 7
Ma il Re di Francia è posto in mezo d'una moltitudine anticha di Signori riconosciuti da loro sudditi et amati da quelli; hanno le lor preminentie, non le può el Re tor loro senza suo pericolo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais le roy de France, est constitué au millieu d'une multitude d'anciens seigneurs recongneuz et bien aimez de leurs subjectz, ayans leurs prééminence et honneurs que le roy ne leur pourroit oster sans son évident danger. Mais le Roy de France il a entour de sa personne un ancien et grand nombre de Gentilz hommes qui sont congneuz par autres subiectz qu'ilz ont, et sont aimez d'eux, ayans privilieges et dignitez que le roy ne leur peut oster sans son grand danger. Mais le Roy de France est constitué quasi comme au milieu d'une ancienne compagnie de Seigneurs, lesquelz ayans subiectz propres à eux, de qui ilz sont aymez, et redoubtez, tiennent leur préeminence en ce Royaume, dont le Roy ne les peut bonnement priver, sans crainte de sedition, et tumulte. Mais le Roy de France a entour de sa personne un ancien & grand nombre de Gentils hommes qui sont reconneus par autres suiets qu'ils ont, & sont aimez d'eux, ayans privileges & dignitez que le Roy ne leur peut tollir sans son grand danger.



Segment 8
Chi considera adunque l'uno et l'altro di questi stati, troverà difficultà nell'acquistare lo stato del' Turco, ma, vinto che fia, è facilità grande a tenerlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Qui doncques vouldra bien considérer la nature de ces deux estatz il trouvera qu'il y a grande difficulté à conquérir l'estat du grand Turc. Mais si une foys il estoit conquesté, et entre les mains d'un seigneur, il y a grande facilité à le retenir. Qui donc considerera ces deux façons de gouverner, il trouvera qu'il y a beaucoup d'affaire a gaigner le païs du Turc, mais estant une fois gaingne il n'y aura pas fort affaire de le tenir. Qui considerera doncq bien ces deux divers estatz, il iugera entreprise fort malaisée de chasser le Turc de ses païs : mais l'en ayant un coup deietté la possession en demeurera de la en avant fort facile pour le vainqueur. Qui donc considerera ces deux façons de gouverner, il trouvera qu'il y a beaucoup d'affaire à usurper le païs du Turc, mais estant une fois conquis, il n'y aura pas fort affaire à le maintenir.



Segment 9
 
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
.     Pas de traduction



Segment 10
Le cagioni delle difficultà in potere occupare el regno del' Turco sono per non potere lo occupatore esser chiamato da Principi di quel' regno, ne sperare con la rebellione di quelli che gli ha d'intorno poter' facilitare la sua impresa. Il che nasce dalle ragioni sopraddette. Perche esendoli tutti schiavi et obligati si possono con più difficultà corrompere et, quando bene si corrompesseno, se ne può sperare poco utile, non possendo quelli tirarsi drieto i populi per le ragioni assegnate.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les causes de la grande difficulté à occuper son royaulme, sont que celluy qui vouldroit entreprendre de ce faire, n'y peult estre appellé par aulcun prince dudict royaulme et ne peult espérer de faire son entreprinse aisée par la rébéllion de ceulx qui sont auprès de luy. Laquelle chose advient pour les raisons cy dessus dictes. Car l'on ne peult facilement corrompre ceulx qui luy sont totalement esclaves et obligez, et combien qu'ilz fussent par promesses et argent induictz à favoriser celluy qui leur feroit la guerre, touteffoys l'on n'en peult espérer grand prouffict, à cause qu'ilz ne peuvent tirer après eulx les peuples, desquelz ilz ne sont pas seigneurs, Les occasions de ces difficultez pour vaincre les païs du grand Seigneur, sont a cause que celuy qui les vouldra occuper ne sera point appelle des princes du païs, et ne doit esperer que par la revolte de ceux que le Turc tient pres de soy, il puisse venir a chef plus aisement de son entreprise. Ce qui advient pour les raisons alleuees : pource qu'estans tous esclaves et obligez ilz ne se peuvent pas si aisement corrompre, et quant bien ilz seroyent corrompuz, on n'en doit pas attendre grand secours, ne pouvans tirer quant et quant eux le populaire, pour les raisons que i'ay assignees. Et la raison de la difficulté provient de ce, que l'occupateur n'y peut pas estre appellé par les grans Seigneurs du païs, ny avoir esperance de pouvoir faciliter son entreprise, pour la rebellion de ceux, qui sont autour de la personne du Turc. Ce qui depend des occasions susdictes. Parautant que se voyans tous esclaves, et obligez a leur seigneur, ilz ne se peuvent si aisément corrompre. Et quand bien ilz le seroient, il en reviendroit peu de proffit, ne pouvans par les raisons, que i'ay dictes, mutiner, ne rendre le peuple partisan contre son Prince. Les occasions de ces difficultez à occuper les païs du grand Seigneur, sont à cause que celuy qui le voudra entreprendre ne sera point appellé par les Princes du païs, & ne doit esperer que par la rebellion de ceux que le Turc tient pres de soy, il puisse venir à chef plus aisement de son entreprinse. Ce qui avient pour les raisons alleguees : par ce qu'estans tous esclaves ils ne se peuvent pas si aisement corrompre, & quand bien ils seroient corrompuz, on n'en doit pas attendre grand secours, ne pouvans attraire le peuple à leur cordelle, pour les raisons que i'ay assignees.



Segment 11
Onde a chi assalta il Turco è necessario pensare di haverlo a trovare unito et li conviene sperare più nelle forze proprie che ne disordini d'altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dont il convient que celluy qui vouldra assaillir le grand Turc, tasche de le trouver uny et garny de toutes ses forces, et le vaincre en campaigne ; et fault qu'il ayt plus d'espoirs et de fiance à ses forces propres qu'aux faultes et négligences de l'ennemy. A ceste cause qui veut combatre le Turc, il faut qu'il s'atende de le trouver tout uni, et doit mettre plus d'asseurance sur ses propres forces que non pas au desordre des ennemis. A ceste cause quiconque luy voudra faire guerre, il faut qu'il se delibere de trouver a qui parler, pour la bonne union des subiectz, et qu'il constitue plus son espoir en ses propres forces, qu'au mauvais ordre de son ennemy. A ceste cause qui veut combatre le Turc, il fault qu'il s'attende de le trouver tout uny, & doit mettre plus confiance sur ses propres forces que sur le desordre de ses ennemis.



Segment 12
Ma vinto che fusse, et rotto a la campagna in modo che non possa rifare eserciti, non s' ha da dubitare d' altro che del' sangue del Principe; il quale spento, non resta alcuno di chi s' habbia a temere, non havendo gli altri credito co popoli. Et come il vincitore avanti la vittoria non poteva sperare in loro, così non debbe doppò quella temere di loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais icelluy vaincu et deffaict en champ de bataille de sorte qu'il ne puisse refaire son armée, le conquérant ne doibt plus craindre autres que ceulx de la lignée du prince. Lesquelz il fault incontinent faire mourir. Ce faict il ny a plus âme que l'on doibve craindre, pour ce que tous les aultres n'ont aucune puissance ny crédit envers les peuples. Car comme avant la victoire le conquérant ne pouvoit en iceulx avoir aucune espérance, aussy après icelle il ne doibt diceux aucunement avoir crainte. Mais s'il est une fois vaincu et rompu en la campagne de sorte qu'il ne puisse refaire camp, on ne doit craindre autre chose que le parentage du Turc, lequel estant amorti, il n'y a moyen dequoy on se puisse doubter. Car les autres n'ont point d'authorite envers le peuple. Et tout ainsi que celuy qui a eu le meilleur ne pouvoit devant la victoire esperer en eux, aussi ne doit il point les craindre apres la route. Mais l'ayant un coup rompu en belle campagne, de maniere qu'il n'aye plus le moyen de ressusciter son armée, il ne faut rien plus craindre, que ceux de son sang : lesquelz estant un coup adnichillez, il ne reste plus ame, de quï lon se doive doubter, n'ayans les autre Capitaines du Turc aucun credit avecques le peuple. Desquelz tout ainsi, qu'avant la victoire, le vainqueur ne s'en pouvoit faire fort, aussi n'en doit il apres avoir aucun craincte. Mais s'il est une fois vaincu & rompu en la campagne, de sorte qu'il ne puisse refaire d'ost, on ne doit craindre autre chose que le parentage du Turc, lequel estant amorty, il n'y a moyen dequoy on se puisse douter : car les autres n'ont point d'autorité envers le peuple. Et tout ainsi que celuy qui a eu le meilleur ne pouoit avant la victoire esperer en eux, aussi ne les doit il point craindre apres la route.



Segment 13
El contrario interviene ne Regni governati come è quello di Francìa, perche con facilità puoi entrarvi guadagnandoti alcuno Barone del' Regno, perche sempre si truova de mal' contenti et di quelli che desiderano innovare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le contraire de ce que dessus adviendroit aux royaulmes gouvernez comme la Francepource que facillement l'on y peult entrer en gaignant quelque baron du royaume, desquelz il en y a toujours quelcun qui réchigne et qui désire nouvelles mutations. Tout au rebours advient des royaumes gouvernez comme celuy de France : pource que facilement on y peut entrer et gaigner quelque baron du royaume. Car il se trouve tousiours assez de malcontens, et de ceux qui demandent choses nouvelles Tout le contraire se voit es Royaumes diversement gouvernez, dans lesquels tu peux facilement entrer, pratiquant quelque Prince d'iceux : parce qu'il y en a tousiours de mal contans, mesmement les amateurs de nouvelles mutations. Tout au rebours avient des royaumes gouvernez comme celuy de France : par ce que facilement on y peut entrer & gaigner quelque baron d'iceluy. Car il se trouve tousiours assez de malcontens, & de ceux qui demandent choses nouvelles,



Segment 14
Costoro per le ragioni dette, ti possono aprir' la via a quello stato et facilitarti la uittoria, la qual' dapoi, a volerti mantenere, si tira drieto infinite difficultà et con quelli che ti hanno aitato et con quelli che tu hai oppressi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx cy comme dict est te peuvent donner entrée en icelluy estat, et rendre la victoire plus aisée. Laquelle certainement si tu t'y veulx maintenir, ameine quant et foy innumérables difficultez, partie contre ceulx là mesmes qui t'ont donné secours pour y entrer, partie contre ceulx que tu as abatuz, lesquels pour les raisons alleguees te pourront bien ouvrir le passage pour entrer au païs aidant bien fort a la gangner. Mais apres vouloir garder la possession, il y a des empechemens infiniz, tant envers ceux qui ont suyvi nostre parti, que ceux que on a surmontez. Lesquelz, par les moyens cy devant declarez, t'y peuvent faire l'entrée, voires iusques a te rendre la victoire aisée. Laquelle, si a la suitte du temps tu t'y veux continuer, traine apres elle une infinité de difficultez, que tu auras et contre ceux que tu as vaincus, et ceux aussi qui t'ont aydé. lesquels pour les raisons alleguées te pourront bien ouvrir le passage pour entrer au païs aydant bien fort à le conquerir. Mais apres à en vouloir garder la possession, il y a des empeschemens infinis, tant envers ceux qui ont suyvy vostre party, que ceux que on a surmontez.



Segment 15
Ne ti basta spegnere il sangue del' Principe, perche vi rimangono quelli Signori che si fanno capi delle nuove alterationi, et non li potendo contentare ne spegnere, perdi quello stato qualunche volta venga l'occasione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et ne suffict pas avoir exterminé la lignée du prince, pour ce qu'il y reste plusieurs autres seigneurs qui se font chefz de nouvelles rébellions, dont il advient que tu perds l'estat sitost qu'ilz treuvent l'occasion de révolter : et ce pour cause que tu ne les peulx ny contenter, ny destruyre. Outre ce qu'il ne suffit pas d'estaindre le sang royal, pource qu'il demeurera tousiours des Seigneurs, qui se feront chefz de nouvelles mutations, lesquelz d'autant qu'on ne peut contenter ni ruiner la premiere occasion qui se presentera, tous les estaz gaignez seront perduz. Et ne sera pas assez en cest endroit d'abolir la race, et le sang du Roy, parautant que les autres Seigneurs demeurent tousiours, qui se feront a un besoing chefz de nouveaux changemens. Et ne les pouvant du tout contenter, ne destruire, il faut necessairement que tu en lasches la prise, et soie dechassé aux premieres occasions, qui s'offriront contre toy. Outre ce qu'il ne suffit pas d'estraindre le sang Royal, pource qu'il demeurera tousiours des Seigneurs qui se feront chefs de nouvelles mutations : lesquels d'autant qu'on ne peut contenter, ne ruiner, à la premiere occasion qui s'offrira, tous les estats acquis seront perduz.



Segment 16
Hora se voi considerrette di qual natura di governi era quello di Dario, lo troverete simile al' Regno del' Turco; et però ad Alessandro fù necessario prima urtarlo tutto et torgli la campagna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or si vous considérez de quelle sorte estoit le royaume de Darius roy des Perses vous le trouverez semblable au royaume du Turc. Parquoy il fut nécessaire à Alexandre de le hurter entièrement et le chasser de la campaigne du premier sault. Maintenant si nous voulons bien regarder de quelle maniere de gouvernement estoit le royaume du roy Daire, nous le trouverons semblable a celuy du grand Seigneur : et pourtant il estoit force que premierement Alexandre le vint rencontrer, et qu'il le deconfist en la campagne. Maintenant se vous advisez bien de quelle sorte estoit le Royaume de Darius, vous le trouverez entierement semblable à celuy du Turc. Aussi fallut il de necessité a Alexandre, qu'il le combatist, et luy fist premierement perdre la campagne par deux ou trois iournées : Maintenant si nous voulons bien regarder de quelle maniere de gouvernement estoit le royaume du Roy Darius, nous le trouverons semblable à celuy du grand Seigneur : & pourtant estoit force que premierement Alexandre le vint rencontrer, & qu'il le deconfist en campagne.



Segment 17
Doppò la qual' vittoria, essendo Dario morto, rimase ad Alessandro quello stato securo per le ragioni sopra discorse; et li suoi successori, se fussino stati uniti, se lo potevano godere ociosi, ne in quello regno nacqueno altri tumulti che quelli che loro proprij suscitorno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Après laquelle victoire ensemble celle où tous les effors furent monstrez d'une part et d'aultre, ayant esté Darius occis, tout l'estat demoura seur et paisible à Alexandre, pour les raisons cy dessus discourues : tellement que ses successeurs, s'ilz eussent esté uniz et d'accord entre eulx, en eussent jouy paisiblement, et en ce royaume là ne nasquirent aucuns tumultes hormis ceulx là que eulx mesmes excitèrent. Apres laquelle victoire estant Daire mort, Alexandre demoura paisible de ce païs pour les raisons que nous avons parcy devant discourues. Et si les successeurs eussent voulu s'accorder ensemble, ilz le pouvoyent tenir sans empeschement : car en tout le païs il n'est point survenu d'autre trouble, que celuy qu'eux mesmes ont suscite. apres lesquelles, et la mort du Roy Darius, l'empire des Perses demoura soudain paisible a Alexandre par la voye que dessus. Et si ses heritiers se fussent aussi bien maintenus en paix ensemble, comme il avoit sceu faire la guerre pour eux, ilz en eussent peu iouir longuement. Car il ne s'y esleva onques autres troubles, ne rebellions, que celles mesmes, que les propres seigneurs y crearent. Apres laquelle victoire estant mort Darius, Alexandre demoura paisible de ce païs pour les raisons que nous avons cy devant discourues. Et si les successeurs eussent voulu s'accorder ensemble, ils le pouvoient tenir sans destourbier : car en tout le païs il n'est point survenu d'autre trouble, que celuy qu'eux mesmes ont suscité.



Segment 18
Ma li stati ordinati come quello di Francia è impossibile possederli con tanta quiete.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais les estatz ordonnez comme la France ne se peuvent retenir avec si grande tranquillité. Mais des estatz ordonnez comme la France, il est impossible d'en iouir si paisiblement. Or il va tout autrement des estatz bien ordonnez, et fondez, comme celuy de France, lequel est impossible d'estre long temps gardé paisiblement par un nouveau usurpateur. Mais des estats ordonnez comme la France, il est impossible d'en iouïr si paisiblement.



Segment 19
Et di qui nacquono le spesse ribellioni di Spagna, di Francia et di Grecia da' Romani, per li spessi Principati che erano in quelli Stati: de quali mentre che durò la memoria sempre furono i Romani incerti di quella possessione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
A ceste cause il y eut tant de rébellions en Hespaigne, en la France, et en Græce contre les Rommains pour ce qu'en icelles y avoit grand nombre de princes. Dequelz tant que le sang et la mémoire peult durer, jamais les Romains n'en peurent estre paisibles. Car à tous les coups, par nouveau révoltement ilz estoient troublez en la possession dicelles provinces. Et dela sourdirent les revoltemens ordinaires d'Espagne de France et de Grece, contre les Rommains pour le grand nombre des Seigneurs qui estoyent en ces quartiers, desquelz tant que la memoire dura, les Rommains ne furent point bien asseurez de les tenir, Et de là sont sorties ces grandes et fascheuses mutineries qui anciennement se sont faittes es Espagnes, es Gaules, et en la Grece contre le peuple Romain, pour le grand nombre des petitz Seigneurs, dont ces nations estoient remplies. Desquelz tant que la memoire demeura les Romains en furent tousiours en possession incertaine et penible. Et de là sourdirent les rebellions ordinaires d'Espagne, de France & de Grece, contre les Romains pour le grand nombre des Seigneurs qui estoient en ces quartiers : desquels tant que la memoire dura, les Romains ne furent point bien assurez à les maintenir,



Segment 20
Ma spenta la memoria di quelli, con la potentia et diuturnita de l'Imperio, ne diventorno securi possessori. Et posserno di poi anche quelli, combattendo tra loro, ciascun' tirarsi drieto parte di quelle Provincie, secondo l'autorità v' haveva preso drentro; et quelle per essere el sangue del' loro antico Signore spento non riconoscevan' altri che i Romani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand la lignée de ces princes fut totallement estaincte, tant que la force des Romains et l'empire dura, ilz en furent de tous temps paisibles possesseurs, et qui plus est, combien que quelqu'ungs d'entre eulx en combatant contre leurs voisins eussent occupé la seigneurie de quelque partie dicelles, si est ce qu'ilz ne recongnoissoient jamais autre supérieur que les Romains. A cause que la mémoire des anciens seigneurs estoit entièrement anéantye. mais en ayant aboli la souvenance par la continuation et puissance de leur empire, ilz en sont devenuz seurs et paisibles Seigneurs. Et depuis encores qu'ilz menassent guerre les ungs contre les autres, ilz l'ont tenue et possedee, chacun tirant a soy une partie de ces païs selon l'autorite qu'ilz avoyent prise, d'autant que la race de leur ancien prince estant faillie, ilz n'en recongnoissoyent point d'autres que les Romains pour souverains. Mais apres les avoir du tout extirpez et fait oblier moyennant la reputation, et ancienneté de leur Empire, ilz en devindrent par trait de temps asseurez seigneurs. Tellement qu'au temps des guerres civilles les Capitaines et Citoyens Romains, qui estoient en different, eurent bien le moyen chacun d'eux d'attirer de son costé une partie de ces Royaumes, et Provinces, selon le credit que ilz avoient auparavant acquis en icelles. Et les pauvres gens ayans perdu la memoire de leurs antiens et naturelz Seigneurs ne recongnoissoient plus autres, que les Romains pour superieurs. mais en ayant aboly la souvenance par la continuation & puissance de leur empire, ils en sont devenuz surs & paisibles dominateurs. Et depuis, encore qu'ils menassent guerre les uns contre les autres, ils l'ont tenuë & possedee, chacun tirant à soy une partie de ces païs selon l'autorité qu'ils y avoient prinse, d'autant que la race de leur ancien prince estant faillie, ils n'en recognoissoient point d'autres que les Romains à souverains.



Segment 21
Considerando adunque queste cose, non si maravigliarà alcuno della facilità ch' ebbe Alessandro a tenere lo stato d' Asia et delle difficultà ch' anno havuto li altri a conservare l' acquistato, come Pyrrho et molti altri; il che non è accaduto da la poca o molta Virtú del' vincitore, ma da la disformità del suggetto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je concludz donc, que si l'on considère bien toutes ces diversitez d'estatz, on ne s'en debvra esmerveiller, de la grande facilité qu'eust Alexandre avec ses successeurs, à retenir le royaume d'Asie, et de la grand difficulté qu'ont eu plusieurs aultres, à contregarder leurs conquestes, comme Pyrrhus et semblables. Laquelle chose ne procedda pas tant de la grande ou petite vertu du conquérant, comme de la difformité et diversité du subject. Qui considerera donc ces choses, ne s'esmerveillera point comment il fut si facile au grand Alexandre, de tenir l'empire d'Asie, combien qu'il fust malaise aux aultres de garder ce qu'ilz avoyent gaigne, comme a Pyrrhe et beaucoup d'autres. Ce qui n'est pas tousiours advenu de la petite ou grande vertu qui soit au victorieux, mais de la diversite du subiect. Ces choses doncq bien considerées, l'on ne s'esmerveillera point de la facilité, qu'eust Alexandre à garder la monarchie de l'Asie, et de la peine, que les autres ont souffert, à conserver leurs terres conquises, comme feit le Roy Pirrus, et plusieurs autres. Ce qui n'est point advenu pour la trop excellente, ou imbecille vertu du vaincqueur, ains plustost à l'occasion des differentes qualitez du subiet. Qui considerera donc ces choses, ne s'esmerveillera point comme il fut si facile au grand Alexandre, de tenir l'empire d'Asie, combien qu'il fust malaisé aux autres de garder ce qu'ils avoient acquis, comme à Pyrrhe & beaucoup d'autres. Ce qui n'est pas tousiours avenu de la petite ou grande vertu du vainqueur, ains de la diversité du suiet.

 

Chapitre 5.

Titre
In che modo siano da governare le Città, o Principati, quali, prima che occupati fussino, vivevono con le loro Leggi. Cap .V.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Par quelz moyens l'on doibt gouverner les citez et principautez qui vivoient seur en liberté avant qu'estre occupées. Chapitre V Comment on doit gouverner les villes ou Principautez lesquelles premier qu'elles fussent gaignées estoyent a elles Chap. 5. Comme il faut gouverner les Citez ou Provinces qui vivoient en liberté auparavant, qu'elles fussent subiuguées. Chapitre V. Comme on doibt gouverner les citez ou principautez, lesquelles avant qu'elles fussent conquises, vivoient à leurs loix. Cha. 5.



Segment 1
Quando quelli stati che s'acquistano, come è detto, son' consueti a vivere con le lor' leggi et in libertà, a volerli tenere ci son' tre modi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Quand l'on occupe quelques estatz libres qui sont coustumiers de vivre seullement soubz leurs loix particulières, sans estre subjectz à altruy, il y a trois moyens pour seurement les retenir. Quand ces païs qui s'acquierent, comme i'ay dict sont accoustumez de vivre de leur lois en liberte, il y a trois manieres de les tenir. Quand les Seigneuries de nouvel acquises, sont accoustumées vivre soubz leurs propres loix, et en liberté, il y a trois moyens pour les entretenir. Quand les païs qui s'acquierent, comme i'ay dit, sont accoustumez de vivre de leurs loix en liberté, il y a trois manieres de les maintenir.



Segment 2
Il primo è rovinare. L'altro andarvi ad habitare personalmente. Il terzo lasciarli vivere con le sue leggi, tirandone una pensione et creandovi drento uno stato di pochi, che te lo conservino amico:
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le premier est, les destruire et exterminer, l'aultre y aller habiter en personne, le troysiesme les laisser vivre en leurs loix comme devant et en tirer un tribut, en y créant ung petit estat de saiges, ou de ceulx qui s'appellent les gens de bien, lequel entiendra tout l'estat en amitié au seigneur, Le premier est de les destruire. L'autre d'y aller demourer en personne. Le tiers est de les laisser vivre a leur mode, retenant dessus une pension, apres y avoir establi un gouvernement de peu de gens qui les garde en amitie, Le premier est, de demollir les places capitalles d'icelles : L'autre, d'y estre tousiours en personne : Et le tiers, de les laisser vivre avec leurs vieilles loix, et coustumes, en tirant d'eux quelque certain tribut, et y erigeant une quantité d'officiers, et conseil de ville favorisant ton party, qui maintiendra le peuple en ton amitié, et obeissance. Le premier est de les destruire. L'autre d'y aller demourer en personne. Le tiers est de les laisser vivre à leur mode, retenant dessus une pension, apres y avoir estably un gouvernement de peu de gens qui les conserve en amitié :



Segment 3
perche, essendo quello stato creato da quel' Principe, sa che non può stare senza l'amicitia et potentia sua, et ha da fare el tutto per mantenerlo; et più facilmente si tiene una Città usa a viver' libera con il mezo de suoi Cittadini che in alcuno altro modo, volendola preservare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
à cause qu'ung tel estat ne peulx estre et durer, sans la faveur et aide du prince, veu qu'il a esté par luy érigé, dont il doibt tascher et s'efforcer en toutes sortes de les entretenir en son amitié. Car plus facilement l'on maintient une cité libre par le moyen de ses propres citoyens que par quelconque autre moyen, si l'on la veult préserver de ruine. pource que estans ce peu de gens eslevez en cet estat par le prince, ilz sçavent bien qu'ilz ne peuvent durer sans sa puissance et son amitie, et qu'ilz doivent faire tout leur possible pour le maintenir. Et certes si on veut garder, une ville accoustumee de vivre en liberte, on la tient beaucoup mieulx par le moyen des citoyens mesmes qu'autrement. Car la compagnie de ces nouveaux officiers, cognoissant que son autorité ne peut subsister sans ta faveur, qui luy tient la main, sera contrainte faire toutes choses necessaires a la conservation de tes droitz. Et une Cité d'ancienne liberté ne se peut mieux, ne plus facilement tenir en subiection, que par le moyen de ses propres Citadins. parce que estans ce peu de gens elevez en cet estat par le Prince, ils sçavent bien qu'ils ne peuvent durer sans sa puissance & sa bonne grace, & qu'ils doivent faire tout leur effort pour le maintenir. Et certainement si on veult garder une cité accoustumée de vivre en liberté, on la tient beaucoup mieux par le moyen des citoyens mesmes qu'autrement.



Segment 4
Sonoci per essempio gli Spartani, et li Romani. Li Spartani tenerno Athene, et Thebe creandovi uno stato di pochi, nientedimeno le perderono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nous avons pour exemple, les Lacedæmoniens, aultrement appellez Spartains, et les anciens Romains. Les Lacedæmoniens combien qu'ilz créassent un estat de peu en forme d'aristocratie en Athène et en Thèbes, après qu'ilz les eurent subjuguées pour mieulx les retenir, si est ce qu'en après ilz les perdirent toutes deux. Nous avons pour exemple les Lacedemoniens et les Rommains. Les Lacedemoniens ont tenu ceux d'Athenes et de Thebes y commectans peu de gens a les gouverner, et toutesfois ilz les ont perduz. Nous en avons pour exemple les Lacedemoniens et les Romains. Les Lacedemoniens usurperent Thebes, et Athenes, et se contenterent seulement, sans y faire autre chose, d'y establir à leur poste quelque corps de conseil : aussi ne les garderent ilz gueres. Nous avons pour exemple les Lacedemoniens & les Romains. Les Lacedemoniens ont tenu ceux d'Athenes & de Thebes y commettans peu de gens à les gouverner, & toutesfois ils les ont perduz.



Segment 5
I Romani per tenere Capua, Carthagine et Numantia, le disfecero, et non le perderono. Volser' tener' la Grecia quasi come tennero li Spartani, facendola libera et lasciandoli le sue leggi, et non successe loro, in modo che furon' constretti disfar' molte Città di quella Provincia per tenerla:
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais les Romains desfirent Cappoue, Cartaige et Numance pour les tenir, et cela fut cause qu'ilz n'en perdirent jamais la seigneurie : et qui plus est ilz essayèrent quelque foys de tenir la Græce en la forme que les Spartains l'avoient tenue, luy laissant sa liberté et ses loix tirant seulement un certain tribut, mais ce moyen ne leur succèda jamais heureusement tellement qu'ilz furent contraictz de ruiner plusieurs citez dicelle province pour la dominer en plus grande seureté. Les Rommains pour garder Capue, Cartage, et Numance les ont rasees et ne les ont pas perdues. Ilz voulurent tenir la Grece quasi comme faisoyent les Lacedemoniens la remectant en liberte et luy laissant ses loix, mais il ne leur revint point a bonne fin, en sorte qu'ilz furent contrainctz de ruiner plusieurs villes de ceste province pour la tenir : Les Romains pour tenir Cape, Carthage, et Numance, les raserent iusques aux fondementz, et ilz s'en trouverent fort bien. Depuis ilz penserent de tenir la Grece, comme avoient fait les Lacedemoniens, la maintenant en ses franchises, et luy permettant l'usage de ses loix. Ce qui leur succeda peu heureusement, en maniere qu'il leur fust necessaire pour la garder, de ruiner plusieurs grosses villes de la Province. Les Romains pour garder Capue, Cartage, & Numance les ont rasees, & ne les ont pas perdues. Ils voulurent tenir la Grece quasi comme faisoient les Lacedemoniens la remettant en liberté & luy laissant ses loix : mais il ne leur revint pas à bonne issue, en sorte qu'ils furent contraints de ruiner plusieurs villes de la province pour la maintenir :



Segment 6
perche in verità non c'è modo sicuro a possederle, altro che la rovina. Et chi divien' padrone d'una Città consueta a viver' libera et non la disfaccia, aspetti d' essere disfatto da quella: perche sempre ha per refugio nella rebellione, el nome della libertà et li ordini antichi suoi, li quali ne per longheza di tempo ne per benificij mai si scordano;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car à la vérité il n'y a meilleur remedde pour bien posséder un pays libre que de le destruire, et qui devient maistre d'une cité accoustumée à vivre en liberté, et ne la deffaict sans aulcune faulte, il sera desfaict luy mesme par icelle. Car à tous les coups elle a le nom de liberté pour refuge, et toujours réclame à ses anciens ordres, et regrette la doulceur de l'esgalité populaire, lesquelles choses on ne peult jamais oublier ny arracher de la mémoire, ny par long espace de temps, ny par aulcun bénéfice, car pour certain il n'y a point de plus seure maniere pour iouir des villes que les raser. Mais qui devient Seigneur d'une ville acoustumee d'estre a soy, et ne la destruict point qu'il sattende d'estre destruict par elle, pource quelle ha tousiours pour refuge en ses rebellions le nom de la liberte et ses vieilles coustumes, lesquelles ny par la longueur du temps, ny pour aucun bienfaict ne s'oublieront iamais, Et veritablement c'est le plus asseuré moyen, que i'y voye. Car quiconque vient a subiuguer une Cité d'ancienneté libre, et n'en ruine point les forteresses, il faut qu'il se attende d'estre luy mesmes ruyné d'icelles, parce que quand les Citoyens voudront se rebeller, ilz auront tousiours leurs recours au doux nom de la liberté, et ordonnances de leurs anciens, qui ne ce peuvent iamais oublier, pour aucune longueur de temps, car pour certain il n'y a point de plus seure maniere pour iouïr d'une province que de raser les places. Mais qui devient Seigneur d'une cité accoustumée d'estre à soy, & ne la destruit point qu'il s'attende d'estre destruit par elle : pource qu'elle a tousiours pour refuge en ses rebellions le nom de la liberté & ses vieilles coustumes, lesquelles ne par la longueur du temps, ne pour aucun bienfait ne s'oublieront iamais,



Segment 7
et per cosa si faccia, o si provegga, se non si dis'uniscono o dissipano li habitatori, non si dimentica quel' nome ne quelli ordini, ma subito in ogni accidente vi si ricorre; come fè Pisa doppò tanti anni ch' ella era stata posta in servitù da Fiorentini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et n'y a chose qu'on leur puisse faire à cela, et quoy que le seigneur invente ou pourveoye jamais ce tant désiré tiltre de liberté ne se mect en oubly, sinon que les habitans en soient chassez et exterminez, ains soubdain à la première occasion qu'ilz peuvent avoir ilz y recourent. Comme a faict Pise de naguère, laquelle dès si long temps avoit par les Florentins estée subjuguée et réduicte en servitude. ny pour chose qu'on y face ou qu'on y pourvoye (si ce n'est qu'on chasse et dissipe les habitans) ceste liberte ni ses privileges ne se peuvent effacer. Comme il advint a Pise apres tant d'annees quelle fut mise en servitute des Florentins. ne bons traittemens qu'on leur face. Et quelque remede ou prevoyance que lon y mette, les habitans ne se divisent ou desunissent point d'ensemble, pour temps qui passe, ny ne perdent la souvenance de leur premier estre : à quoy ilz auront perpetuellement leur refuge, s'offrant la premiere occasion qui voudra. Comme feit la cité de Pise, apres avoir, tant d'années esté subiette aux Florentins. ne pour chose qu'on y fasse ou qu'on y pourvoye (si ce n'est qu'on chasse & disperse les habitans) cette liberté ne ses privileges ne se peuvent effacer. Comme il advint a Pise apres tant d'années quelle fut mise en servitude des Florentins.



Segment 8
Ma quando le Città o le Provincie sono use a vivere sotto un' Principe et quel' sangue sia spento, essendo da una parte use ad obedire, da l'altra, non havendo il Principe vecchio, farne un' infra loro non s' accordano, vivere liberi non sanno, di modo che sono più tardi ad pigliar' l'armi et con più facilità se li può un' Principe guadagnare, et assicurarsi di loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand les citez ou provinces sont accoustumées à vivre en subjection soubz un prince, et que luy et sa lignée soit extaincte, les peuples ne sont pas si hardiz à prendre les armes, pour ce que d'un costé ilz sont coustumiers d'obéyr à autruy, dautrepart après avoir perdu leur ancien prince, à créer un nouveaux d'entre eulx ne s'y accordent et vivre en liberté ne sçavent, tellement qu'ung prince estrangier les peult aiseement gaigner et diceulx s'asseurer. Mais quand les villes ou nations sont acoustumees a vivre soubz un prince et que sa race est faillie, puis qu'elles sont en partie ia stillees d'obeïr, d'autre coste n'ayant point de viel Seigneur, d'en choisir un nouveau de leur corps, elles ne s'accorderoyent iamais, de vivre en liberte elles ne sçauroient, tellement qu'elles ne s'avancent pas si tost de prendre les armes. Par ainsi le prince les peut vaincre plus aisement et s'en asseurer mieux. Il en advient tout au rebours, quand les villes, ou nations sont coustumieres de vivre soubz la subiection d'un Prince, le lignage duquel est du tout estaint, et extirpé. Car estant d'un costé naturellement apris d'obeïr, et de l'autre ayans perdu leur ancien Seigneur, n'ont pas l'advis en eux d'en créer un nouveau, et de vivre en liberté, s'y congnoissent encores moins, si bien qu'à grande peine lon les voit iamas revolter. Et parainsi un Prince les peut facillement gagner, et se donner garde d'eux. Mais quand les villes ou nations sont accoustumées a vivre soubs un Prince, & que sa race est faillie, puis qu'elles sont en partie ia stilées a obeïr, d'autre costé n'ayant point de vieil Seigneur, d'en choisir un nouveau de leur corps, elles ne s'accorderoient iamais, de vivre en liberté elles ne sçauroyent, tellement que elles ne s'avancent pas si tost de prendre les armes. Parquoy le Prince les peut vaincre plus aisement & mieu s'en asseurer.



Segment 9
Ma nelle Republiche è maggior' vita, maggior' odio, più desiderio di vendetta, ne gli lassa, ne può lassare riposare la memoria della anticha libertà, tal' che la più sicura via è spegnerle, o habitarvi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais es républicques il y a plus durable vigueur, plus grande haine, plus opiniastre désir de vengeance, et la mémoire de leur ancienne liberté de jour en jour refreschie ne les laisse jamais en repos, et leur baille matière de faire quelque nouveautè. Donc je concludz que le plus seur moyen de tenir telz estatz, est de les destruire, ou d'y habiter en personne. Mais les communautez des gouvernements vivent plus longuement, hayssent et desirent la vengeance plus asprement. Car la memoire de ceste ancienne liberte ne les laisse, ny peut laisser a repos, si bien que le plus seur moyen est de les ruiner, ou d'y demourer. Mais les Republiques et communautez sont bien de plus longue vie, et durée, gardans eternellement leur hayne accompagnée d'un perpetuel desir de vengeance, tant que la memoire de l'ancienne liberté ne les laisse, ny ne les peut iamais laisser en repos : tellement que le meilleur est de les deffaire entierement : ou bien s'aller tenir toute sa vie sur les lieux. Mais les communautez des gouvernements vivent plus longuement, hayssent & desirent la vengence plus asprement. Car la memoire de cette ancienne liberté ne les laisse, ne peut laisser a repos, si bien que le plus sur moyen est de les ruiner, ou d'y demourer.

 

Chapitre 6

Titre
De principati nuovi che con le proprie armi et Virtù s'acquistano. Cap .VI.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des principautés nouvelles qui s'acquièrent par armes propres et par vertu. Chapitre VI Des principautéz nouvelles qui s'acquierent par les propres armes et vertuz Chap. 6. Des nouvelles principautez, qui s'acquierent avec la propre force, et vertu. Chapitre VI. Des principautez nouvelles qui s'acquierent par les propres armes & vertu. Chap. 6.



Segment 1
Non si maravigli alcuno se nel' parlar' ch' io farò de Principati al tutto nuovi et di Principe et di Stato io addurrò grandissimi essempi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veulx que aucun s'émerveille, si pour traicter des principaultez du tout nouvellement conquises, j'admeneray tresgrandz exemples de grandz princes et grans estatz. Que nul s'emerveille si parlant des principautez nouvelles, et du Prince, et de ses estatz, i'allegue de tresgrands exemples. Il ne se trouvera point estrange, si en parlant des nouvelles Seigneuries, des Princes, et autres affaires d'estat, ie metz en avant de grans et excellans exemples. Que nul s'esmerveille si parlant des Principautez nouvelles, & du Prince, & de ses estats, i'allegue de tres-grands exemples.



Segment 2
Perche, caminando li huomini quasi sempre per le vie battute da altri et procedendo nelle attioni loro con le imitationi, ne si potendo le vie d'altri al tutto tenere, ne a la Virtù di quelli che tu imiti aggiugnere, debbe uno huomo prudente entrare sempre per vie battute da huomini grandi et quelli che sono stati eccellentissimi imitare, accioche se la sua Virtù non v'arriva, almeno ne renda qualche odore,
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ce pour cause que les hommes en cheminant communément par les voyes batues par aultruy, et procédant en tous leurs faicts seullement par imitation, ne peuvent tenir entièrement les manières de faire daultruy, ny aussi parvenir au comble de la vertu de ceulx que l'on ensuyt, parquoy l'homme prudent doibt toujours entrer en l'imitation des choses faictes par les grands hommes, et n'ensuyvre jamais aultres, que ceulx qui ont esté très excellentz, à celle fin que si jusques à la pareille et esgale vertu il ne peult arriver, aumoins il en retienne quelque ressemblence en ses gestes Car d'autant que les hommes marchent quasi tousiours par les chemins fraiez des autres, se gouvernant en leurs faictz par imitation, puis qu'ilz ne peuvent en toutes choses tenir le vray sentier des premiers, ny atteindre la vertu de ceux qu'ilz imitent : un homme sage doit suyvre tousiours les voyes tracees de grands personnages, ensuyvant ceux qui ont este tresexcellens, afin que si leur vertu n'y peut advenir, au moins quelle en approche, Parautant que les hommes en leurs progrès suyvent presque tousiours le trac, et chemin batu d'autruy : et voulans faire quelque bon oeuvre, ilz se conforment volontiers au patron, et imitation de quelqu'un. Toutesfois n'estant possible tenir du tout si exactement la voye de celuy, qu'on veut suyvre, n'atteindre parfaittement à la vertu de qui on desire estre semblable, l'homme prudent se doit tousiours proposer devant les yeux pour exemple les actions des grans personnages, qui ont excellé en l'execution des affaires, qu'il veut entreprendre. A celle fin que si sa vertu, et possibilité ne parvient à telle perfection, pour le moins elles en puissent approcher de quelque chose. Car d'autant que les hommes marchent quasi tousiours par les chemins frayez des autres, se gouvernant en leurs faicts par imitation, puis qu'ils ne peuvent en toutes choses tenir le vray sentier des premiers, ny atteindre la vertu de ceux que ils ensuivent l'homme prudent doit suivre tousiours les voyez tracées par de grands personnages, imitant ceux qui ont esté tres-excellens : afin que si leur vertu n'y peut avenir, aumoins qu'elle en approche,



Segment 3
et far' come li Arcieri prudenti a quali parendo il luoco dove disegnano ferire troppo lontano, et conoscendo fino a quanto arriva la Virtù de loro arco, pongon' la mira assai più alto ch' il luoco destinato, non per aggiungnere con la lor' forza o freccia a tanta alteza, ma per potere con l'aiuto di sì alta mira pervenire al disegno loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et en cela qu'il face comme les bons arbalestriers. Lesquelz saichans la portée de leur arc quand ilz congnoissent la butte où ilz tirent, estre trop esloignée prennent leur visée plus haulte de beaucoup, que n'est le blanc, non pas pour toucher avec leur flesche jusqu'à celle haulteur, mais pour parvenir à leur dessaing par le moyen de si haulte visée. a l'exemple des bons archiers, ausquelz si le blanc qu'ilz veulent frapper semble trop loing, congnoissans la portee de leur arc, ilz preignent leur visee beaucoup plus hault que le lieu destine, non pas pour ioindre, ou de leur force ou de leur flesche a si grande haulteur : mais pour pouvoir avecques l'aide de si haulte mire et adresse parvenir a leur dessein. Et faire comme les sages archers, lesquelz advisans l'endroit, ou ilz veulent tirer, estre un peu trop esloigné d'eux, et cognoissans combien de pas la force de leur arc peut porter, prennent leur visée un peu plus haute, que le point ou ilz tendent : nompas pour eslever leur coup de flesche iusques a ceste hauteur, mais affin qu'ilz puissent soubz la proportion, et conduite de si haute visée, donner dans le but qu'ilz desirent. à l'exemple des bons archiers, ausquels si le blanc qu'ils veulent frapper semble trop loing (connoissans la portée de leur arc) ils prennent leur visée beaucoup plus hault que le lieu destiné, non pas pour ioindre, ou de leur force ou de leur flesche a si grande hauteur : mais pour pouoir avec l'ayde de si haute mire & adresse parvenir a leur dessein.



Segment 4
Dico adunque che ne Principati in tutto nuovi, dove sia un' nuovo Principe, si truova più et meno difficultà mantenerli secondo che più o meno virtuoso è colui che gli acquista.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je diz que es principatz du tout nouveaux, où il y a quelque nouveau prince, l'on treuve plus et moins de difficulté selon la grande ou petite vertu du conquérant, Ie di doncques que touchant les principautez qui sont du tout nouvelles, il se trouve plus ou moins de difficulte selon que plus ou moins est vertueux celuy qui les acquiert. Par ainsi ie veux dire, qu'es principautez entierement nouvelles par un homme de bas estat acquises, il se treuve plus, ou moins de difficulté à les conserver, selon que les qualitez de l'acquereur sont plus ou moins vertueuses. Ie dy donc que touchant les Principautez qui sont du tout nouvelles, il se trouve plus ou moins de difficulté selon que plus ou moins est vertueux celuy qui les acquiert.



Segment 5
Et perche questo evento di diventar' di privato Principe presuppone o Virtù o Fortuna, pare che l'una o l'altra di queste due cose mitighino in parte molte difficultà. Nondimanco colui che è stato manco in su la Fortuna s'e mantenuto più.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et pource qu'en tel événement quand un homme d'estat privé devient prince fault présupposer ou vertu ou fortune, il semble que l'une et l'autre de ces deux choses, cache et faict doulcement couler en partie plusieurs difficultez qui luy pourroient estre advenues. Touttefoys je treuve que celuy qui plus par vertu que par fortune a conduict ses entreprinses, s'est maintenu plus longuement en estat. Et pource que cet aventure de simple homme devenir Prince emporte ou vertu ou fortune, il semble que l'un et l'autre de ces deux choses adoulcissent en partie plusieurs difficultez toutesfois celuy qui depend moins de la Fortune se maintient davantage. Et parce que l'accident de monter d'une condition privée au souverain estat de Prince presuppose une bien rare vertu, ou singulier benefice de fortune, ces deux choses estans en l'acquereur facilisent grandement la conservation du nouvel estat. Celuy toutesfoys, qui s'est le moins arresté sur la fortune, a duré le plus longuement. Et pource que cette aventure de simple homme devenir Prince emporte ou vertu ou fortune, il semble que l'un & l'autre de ces deux choses adoucissent en partie plusieurs difficultez toutesfois celuy qui depend moins de la fortune se maintient d'avantage.



Segment 6
Genera ancora facilita l'esser' il Principe constretto, per non haver' altri stati, venir'vi personalmente ad habitare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Voilà donc la première facilité qu'il y a à maintenir telz estatz. C'est que chacun redoubte la vertu ou la fortune de ce nouveau prince. L'autre est qu'ung tel prince est contraict d'habiter en personne en son estat, pour n'avoir aultres estatz où il puisse habiter. Et si le Prince n'a point d'autres païs si bien qu'il soit contrainct d'y venir demourer en personne, cela luy rend encores la conqueste plus aisee. La necessité aussi, qu'a un tel Prince de tousiours assister personnellement sur les lieux, qu'il a ainsi assubiettis, n'ayant ou demeurer ailleurs, tollist l'occasion à beaucoup de peines. Et si le Prince n'a point d'autres pays si bien qu'il soit contraint d'y venir demourer en personne, cela luy rend encores la conqueste plus aysée.



Segment 7
Ma per venire a quelli che per propria Virtù,et non per Fortuna son' diventati Principi, dico che li più eccellenti sono Moise, Cyro, Romulo, Theseo et simili.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si laisseray pour le présent à traicter de la fortune, et parleray seullement de ceulx que la vertu par propres armes a faict princes. Dont il me semble que les plus excellens qui jamais ayent esté sont Moyse, Cyrus, Romulus, et Théseus et leurs semblables. Mais pour venir a ceux la, qui par leurs propres vertus, et non pas de fortune sont devenuz princes, Ie di que les plus excellens par sus tous sont Moïse, Cyre, Romule Thesee, et quelques autres semblables. Or pour venir au propos de ceux, qui par leur propre vertu, et non par fortune sont devenus Princes. Ie dy que les plus excellans, dont l'on face cas, sont Moyse, Cyrus, Romulus, Theseus, et semblables. Mais pour venir à ceux qui par leur propre vertu, nompas de fortune sont devenuz princes, Ie dy que les plus excellens par sus tous sont Moyse, Cyre, Romule, Thesée, & quelques autres semblables.



Segment 8
Et benche di Moise non si debbe ragionare essendo stato un' mero essecutor' delle cose che li erano ordinate da Dio, pure merita d' esser' admirato solamente per quella gratia che lo faceva degno di parlar' con Dio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et combien qu'il semble que nous ne deussions parler de Moyse, à cause qu'il estoit un pur exécuteur des choses que Dieu luy commandoit : touttefoys il mérite d'estre en admiration seullement pour la grâce, qui le rendoit digne de parler avecques Dieu. Et bien qu'on ne deust point parler de Moïse n'estant qu'un vray executeur des choses ordonnees de Dieu, toutesfois il merite qu'on s'en emerveille ne fusse que pour ceste grace qui le faisoit digne de parler avecques Dieu. Et encores que la raison empesche de mettre Moyse en ce ranc, lequel a seullement esté un vray executeur des choses que Dieu luy a commandées : Si a il merité d'estre merveilleusement loué pour le simple regard de ceste grace, et faveur qui le rendoient digne de parler, et communiquer avecques Dieu. Et bien qu'on ne deust point parler de Moyse n'estant qu'un vray executeur des choses ordonnées de Dieu, toutesfois il merite qu'on s'en emerveille, ne fusse que pour cette grace qui le faisoit digne de parler avecques Dieu.



Segment 9
Ma considerando Cyro et gli altri che hanno acquistato o fondato regni, si troveranno tutti mirabili; et se si considereranno le attioni et ordini loro particulari, non paranno differenti da quelli di Moise ch' egli hebbe sì gran' precettore.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si l'on considère Cyrus, et les aultres qui ont conquesté, ou fondé nouveaux royaulmes, on les jugera avoir esté admirables en vertu : et si l'on regarde de près à leurs gestes et manières de faire, on les trouvera presque aussi grans que ceulx de Moyse, combien qu'il eust ung si grand précepteur. Or si nous considerons Cyre, et les autres qui ont esleve ou gaigne des royaumes nous les trouverrons tous merveilleux, et si on advise bien a leurs faictz et manieres particulieres de proceder, ilz ne sembleront pas estre beaucoup differens a celles de Moïse qui eust un si grand maistre. Mais si nous considerons binen par le menu la vie de Cyrus, ensemble tous les autres conquereurs, et fondateurs de nouveaux Empires, leurs moyens se trouveront admirables : et si lon pese bien les manieres de faire, qu'ilz ont tenuë en leurs particulieres conduittes, on les iugera peu differenrtes de celles de Moyse, qui eut pour guyde un si grand, et souverain precepteur. Or si nous considerons Cyre, & les autres qui ont elevé ou conquis des royaumes nous les trouverons tous emerveillables, & si on avise bien a leurs faits & manieres particulieres de proceder, ils ne sembleront pas estre beaucoup differens a ceux de Moyse qui eut un si grand maistre.



Segment 10
Et esaminando l' attioni et vita loro, non si vedrà che quelli havessino altro da la Fortuna che l' Occasione, la quale dette loro Materia di potervi introdurre quella Forma che a lor' parse; et senza quella Occasione la Virtù dell'animo loro si saria spenta, et senza quella Virtù l'Occasione sarebbe venuta in vano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et en examinant leurs vies, l'on verra qu'ilz ne doibvent tous rien à fortune, et ne prindrent aucune chose d'elle hormis l'occasion d'exécuter leurs entreprinses, laquelle leur donna matière de pouvoir introduire telle forme que bon leur sembla où sans telle occasion, leur vertu eust esté nulle et, sans telle vertu, pareillement l'occasion se fust présentée en vain. Car pour bien examiner leurs œuvres et vie, on ne trouve point qu'ilz ayent rien eu de la fortune sinon que l'occasion, laquelle leur donna matiere de pouvoir pousser en avant ceste forme de gouvernement qui leur sembla bonne, la ou sans ceste occasion la vertu de leur courage seroit nulle, et sans leur vertu l'occasion se fut presentee en vain. Car examinant leurs actions, avecques l'entier cours de leurs gestes, l'on ne voirra point, que ilz ayent autre chose de fortune, que l'occasion dont ilz se sont apprestez la matiere d'introduire, et establir la forme, qui bonne leur a semblé : et sans ceste occasion, la vertu de leur courage ne se fut point mise en lumiere : aussi sans la vertu, l'occasion n'eust de rien servi. Car pour bien examiner leurs euvres & vie, on ne trouve point qu'ils ayent rien eu de la fortune sinon que l'occasion, laquelle leur donna matiere de pouvoir pousser en avant cette forme de gouvernement qui leur sembla bonne, là où sans cette occasion de leur courage seroit nulle, & sans leur vertu l'occasion se fust presentée en vain.



Segment 11
Era adunque necessario a Moise trovar' el Populo d'Israel in Egytto stiavo et oppresso dagli Egyttij, accioche quelli, per uscire di servitù, si disponessino a seguirlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il estoit doncques nécessaire pour monstrer la vertu de Moyse, qu'il trouvast en Ægypte, le peuple d'Israël esclave, et opprimé des Ægyptiens, affin que pour sortir de servaige ilz se disposassent de le suyvre, où il luy plairoit les conduires. Il falloit donc que Moïse trouvast le peuple d'Israël en Egypte, esclave et foule des Egyptiens, afin qu'il se disposast de suyvre Moïse pour sortir de ceste servitute. Il estoit doncq necessaire à Moyse rencontrer le peuple d'Israël en Egypte soubz la servitude, et captivité des Egyptiens. A celle fin que pour se delivrer de ceste esclave subiection, ilz se deliberassent le suivre comme capitaine. Il faloit donc que Moyse trouvast le peuple d'Israël en Egypte, esclave & foulé des Egyptiens, afin qu'il se disposast de suivre Moyse pour sortir de sa captivité.



Segment 12
Conveniva che Romulo non capesse in Alba, fusse stato esposto al' nascer', suo, a voler' che diventasse Re di Roma et fondator' di quella patria.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il advint quasi par nécessité que Romulus ne peust demourer en Albe, et fust exposé et jecté au fleuve en sa naissance, pour se faire roy et fondateur de Romme. Il estoit force que Romule fust impatient de se tenir en Albe, qu'il eut este iecte a la naissance, afin qu'il devint fondateur de Romme et seigneur du païs. Falloit semblablement que Romulus des le commencement de sa naissance, fust deietté hors la ville d'Albe, et miserablement exposé aux bestes sauvages, pour vouloir qu'apres il devint Roy de Romme, et fondateur de ce grand Empire. Il estoit force que Romule fust impatient de se tenir en Albe, qu'il eut esté iecté à sa naissance, afin qu'il devinst fondateur de Romme & seigneur du pays.



Segment 13
Bisognava che Cyro trovasse i Persi mal'contenti de l' Imperio de Medi, et li Medi molli et effeminati per la longa pace.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il estoit pareillement besoing que Cyrus trouvast les Perses malcontentz du gouvernement des Mèdes, et aussy les Mèdes lasches, et effeminez par ung long séjour, pour plus facillement occuper le royaume. Bon besoing estoit a Cyre de trouver les Perses malcontens de l'empire des Medes, les Medes effeminez par trop longue paix. Estoit pareillement de besoing a Cyrus, qu'il trouvast les Perses malcontans du superbe traittement des Medes : et aussi les Medes molz et effeminez pour la longue paix. Bon besoin estoit à Cyre de trouver les Perses malcontens de l'empire des Medes, les Medes effeminez par trop longue paix.



Segment 14
Non poteva Theseo dimostrare la sua Virtù, se non trovava li Atheniesi dispersi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Aussy Théseus ne pouvoit bien démonstrer sa vertu s'il n'eust trouvé les Athéniens dispers et égarez en divers lieux, pour les rassembler au vivre de républicque. Thesee n'eust peu monstrer sa vertu, s'il n'eust rencontre les Atheniens separez. Ny ne pouvoit Theseus faire preuve de sa vertu, sans les grands troubles, et confusions, qu'il rencontra a Athenes. Thesée n'eust peu monstrer sa vertu, s'il n'eust rencontré les Atheniens partialisez.



Segment 15
Queste occasioni per tanto fecion' questi huomini felici et l'eccellente Virtù loro fè quella Occasione esser' conosciuta: donde la lor' patria ne fù nobilitata et diventò felicissima.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant ces occasions ainsy advenues furent cause de faire telz hommes bien heureux, et pareillement leur grande vertu fut cause que les occasions et accidentz furent cogneuz et renommez, dont leur nation fut anoblie et remplie de toute félicité. Donc ces occasions ont faict ces hommes renommez, et leur excellente vertu a faict l'occasion estre congneue. De laquelle leur païs fut annobli et bien heureus. Toutes ces occasions feirent ces personnages heureux, et leur excellente vertu sceut fort bien faire son profist de l'occasion, dont leur patrie fut annoblie, et grandement augmentée. Donc ces occasions ont rendu ces personnages renommez, & leur excellente vertu a fait l'occasion estre connu : de laquelle leur pays fut annobli & bien heureux.



Segment 16
Quelli i quali per vie Virtuose simil' a costoro diventano Principi, acquistano il principato con difficultà, ma con facilità lo tengono; et le difficultà che hanno ne l'acquistare el principato nascono in parte da nuovi ordini et modi che son' forzati introdurre per fondar' lo stato loro et la loro sicurta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx cy doncques qui par si vertueux moyens semblables aux premiers se font princes, conquestent la principaulté à grande difficulté, mais ilz la retiennent avec grande facilité. Les difficultez qu'ilz ont à l'acquérir, naissent en partie des nouveaux ordres et nouvelles coustumes qu'ilz veulent introduire en leur peuple pour fonder et establir seurement leur estat. Quant a ceux qui par bons moyens et vertueux semblables a ceux que dessus, se gaignent une principaute, ilz l'acquierennt avecques grand'peine, mais apres ilz la tiennent facilement. Et les difficultez qu'ilz ont pour vaincre naissent en partie des nouvelles ordonnances et coustumes qu'ilz sont contrainctz d'introduire, pour bien fonder leur estat en seurete. Doncques ceux, qui par vertueuse voye parviennent comme les dessusditz, travaillent beaucoup en venir au dessus : mais y estans un coup, il leur est aisé d'y perseverer. Et toutes les difficultez, qu'ilz y ont, naissent en partie des nouvelles formes de loix, et ordonnances, qu'ilz sont forcez d'y introduire pour fonder, et establir leur estat en seureté. Quant à ceux qui par bons moyens & vertueux semblables aux precedens s'acquierent une Principauté, ilz l'acquierent avecques grande peine, mais apres ilz la maintiennent facilement. Et les difficultez que ils ont pour vaincre naissent en partie des nouvelles ordonnances & coustumes qu'ils sont contraint d'introduire, pour bien fonder leur estat en sureté.



Segment 17
Et debbesi considerare come non è cosa più difficile a trattar' ne più dubia a riuscire ne più pericolosa a maneggiare, che farsi capo ad introdurr' nuovi ordini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Icy l'on doibt incidemment considérer qu'il n'y a chose plus difficile à manier, ny de plus incertaine yssue, ny plus dangereuse et forte à entretenir que de se faire chef, à introduire en ung peuple quelques nouveaux ordres et statuz. Car il faut penser qu'il n'y a chose a traicter plus fascheuse, a bien revenir plus doubteuse, ny plus a manier dangereuse, que de se faire le capitaine en chef pour eslever nouveaux gouvernemens : Car il faut penser, qu'il n'y a chose plus difficile a entreprendre, ne plus douteuse de son issue, ne plus dangereuse a conduire, que se faire chef, et autheur de quelque secte, ou nouveau changement de loix. Car il fault penser qu'il n'y a chose à traitter plus penible, a bien revenir plus douteuse, ne plus à manier dangereuse, que de soy faire chef a elever nouveaux gouvernemens :



Segment 18
Perche l'introduttor' ha per nimici tutti colloro che degli ordini vecchi fanno bene, ha tiepidi defensori tutti quelli de che gli ordini nuovi farebbon' bene. La qual' tepideza nasce parte per paura de gli aversarij, che hanno le leggi in beneficio loro, parte dalla incredulità de gli huomini, i quali non credono in verita una cosa nuova, se non ne veggono nata esperientia ferma.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car celuy qui se mect à ce faire, tombe en l'inimitié de tous ceulx qui faisoient leur prouffict des anciens ordres, et n'a pour amys, qui sont touttefoys bien froids, que ceulx qui espérent d'amender des nouveaux ; et ceste froideur et défaillance du cueur des amys, provient en partie de la craincte qu'ilz ont des adversaires qui sont en grand nombre, et ont les loix anciennes pour eulx ; en partie aussy de l'incredulité naturelle des hommes qui ne croient pas aiseement une chose, s'ilz n'en voient certaine expérience. pource que celuy qui les introduict a pour ennemis tous ceux auquelz les vieilles manieres estoyent proufitables : et pour defenseurs bien tiedes, ceux auquelz les nouvelles sont bonnes. Laquelle tiedeur vient en partie de la peur qu'on a des adversaires qui font les loix a leur proufict, en partie aussi de l'incredulite des hommes, lesquelz ne croyent point veritablement une chose nouvelle s'ilz n'en voyent desia une certaine epreuve. Parce que l'introducteur a pour ennemis, et contraires tous ceux, qui font leur proffit des vieilles coustumes, et pour froiz suffragans le party de ceux, qui peuvent esperer quelque bien des nouvelles. Laquelle froydeur advient en partie pour la crainte, qu'ilz ont des adversaires, a qui la vieille mode est plaisante, et profitable : partie aussi de l'incredulité des hommes, lesquelz donnent foy bien à tard à une nouvelle opinion, s'ilz ne la voyent premierement confirmée par l'experience de quelque heureux evenement. pource que celuy qui les introduits a pour ennemys tous ceux ausquelz les vieilles manieres estoyent profitables : & pour defenseurs bien tiedes, ceux auquels les nouvelles sont bonnes. Laquelle tiedeur vient en partie de la paour qu'on ha des adversaires qui font les loix à leur proufit, en partie aussi de l'incredulité des hommes, lesquelz ne croyent point veritablement une chose nouvelle s'ils n'en voyent desia une certaine espreuve.



Segment 19
Donde nasce che qualunche volta quelli che sono nimici hanno occasion' d'assaltare lo fanno partialmente et quegli altri difendono tepidamente: in modo che insieme con loro si periclita.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont il advient que touttefois et quantes que les ennemys ont occasion d'assaillir, ilz le font vigoureusement, et ceulx cy ne se deffendent que bien froidement, tellement que tous ensemble sont en bransle et dangier de ruyner. D'ou vient que toutes et quantes fois que les ennemis ont commodite d'assaillir, ilz le font par menees et partialitez, et les autres se defendent tiedement, en sorte que ensemble avec eux on se met en dangier. De là prouvient qu'à la premiere commodite qu'ont les ennemis de leur courir sus, ilz le font partiallement, et la defense des autres est si lasche : que le chef, et ses adherans periclitent le plus souvent tous ensemble. D'ou procede que toutes & quantes fois les enemis ont commodité d'assaillir, ils le font par menées & partialitez, & les autres se defendent tiedement, en sorte que ensemble avec eux on se met en danger.



Segment 20
E necessario per tanto, volendo discorrere ben' questa parte, esaminare se questi innovatori stanno per lor' medesimi o se dependano da altri, cioè se per condurre l'opera loro bisogna che preghino o vero possono forzare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il est donc convenable à celuy qui vouldra diligemment discourir ceste partie d'examiner, si ces innovateurs et nouveaux législateurs se fondent sur eulx mesmes, ou s'ilz deppendent daultruy. Sçavoir est s'il leur est besoing de procedder par amour pour faire admettre leurs loix au peuple, ou s'ilz le peuvent contraindre à faire ce qu'il leur plaira. Si l'on veut donc bien entendre ce poinct, il faut considerer si ceux qui cerchent choses nouvelles peuvent rien d'eux mesmes, ou s'ilz dependent d'autruy, c'est a dire, si pour conduire a chef leur entreprise, il faut qu'il procedent par prieres, ou bien qu'ilz puissent forcer et contraindre. Parquoy il est necessaire, voulant bien discuter ce passage, examiner si ces innovateurs peuvent subsister d'eux mesmes, ou s'ilz dependent du support d'autruy. C'est à sçavoir si pour accomplir leur entreprise, ilz viennent par supplication, et requeste, ou par le moyen de la vraye force. Si l'on veut donc bien entendre ce point, il fault considerer si ceux qui cerchent choses nouvelles peuvent rien d'euxmesmes, ou s'ils dependent d'autruy, c'est a dire, si pour conduire à chef leur entreprise, il faut qu'il procedent par prieres, ou bien qu'ils puissent forcer & contraindre.



Segment 21
Nel' primo caso, capitan' sempre male et non conducon' cosa alcuna, ma quando dependon' da loro proprij et posson' forzare, allhora è che rare volte periclitano. Di qui nacque che tutti li Propheti armati vinsono et li disarmati rovinorono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Au premier cas ilz tumbent en ruine, et ne mettent à fin aucune entreprinse. Au segound et quand ilz se fondent sur eulx mesmes, et qu'ilz peuvent procedder par force, ilz font tenir au peuple tout ce qu'ilz veullent, et n'advient pas souvent qu'ilz encourent aulcun dangier. Et pour ceste raison il advint, que tous les profètes armez et puissans en campaigne furent victorieux, et les désarmez tombèrent en ruine En premier cas ilz finissent tousiours mal, et ne viennent point a bout. Mais quand ilz dependent d'eux mesmes, et peuvent forcer, alors ilz ne sont pas en grand dangier de perir. De la vient que tous les prophetes bien fortifiez ont este les maistres, et ceux qui n'estoyent bien garniz de forces, furent ruinez. Au premier cas il n'en reschappe communément gueres leurs bagues sauves. Mais quand ilz n'empruntent rien que d'eux mesmes, et ont la contrainte en la main pour s'en faire croyre, peu de foys les en voyez vous tomber en inconvenient. Et qu'ainsi soit, il appert par la saincte histoire de la Bible, tous les Prophetes qui ont eu puissance de contraindre, estre venus au dessus de leurs reformations. Et les autres, qui n'estoient garnis que de la simple parolle, et predication, avoir esté martirizez et bannis, En premier cas ils finissent tousiours mal, & ne viennent point a bout. Mais quand ils dependent d'eux-mesmes, & peuvent user de la force, alors ils ne sont pas en grand danger de perir. De la vient que tous les prophetes bien fortifiez ont esté les maistres, & ceux qui n'estoyent bien garniz de forces, furent ruinez.



Segment 22
Perche, oltra le cose dette, la natura de populi è varia et è facile a persuadere loro una cosa. Ma è difficile fermarli in quella persuasione. Et però conviene essere ordinato in modo che, quando non credon' più, si possa far' lor' creder' per forza.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
pour ce que oultre les choses susdictes, il y a cecy, que la nature d'un peuple est variable, et combien qu'il soit aisé leur persuader une chose, il est malaisé de les tenir fermes en celle persuasion. Parquoy il convient estre ordonné en telle sorte qu'on leur puisse faire croire par force, quand ilz commenceroient à mescroire. Car outre les choses dessusdictes la nature du peuple est variable, auquel il est aise de persuader une chose, mais de les arrester en ceste fantasie il y a de l'affaire. Pource il y faut donner si bon ordre, que lors qu'ilz ne croiront plus, on leur puisse faire croire par force. par ce qu'oultre ce, que i'ay desia dit, la nature du peuple est variable, et fort facile à se persuader du commencement quelque nouvelle doctrine. Mais il est extremement malaisé de l'y arrester, et contenir à perpetuité. Parainsi il est de necessité se fortifier en sorte, que quand ilz cesseront de croire, lon leur face reprendre leur foy par force. Car outre les choses dessusdictes la nature du peuple est variable, auquel il est aysé de persuader une chose, mais de les arrester en cette fantasie il y a de l'affaire. Pource il y faut donner si bon ordre, que lors qu'ils ne croiront plus, on leur puisse faire croire par force.



Segment 23
Moyse, Cyro, Theseo, et Romulo non harebbon' possuto fare osservar' lungamente le lor' constitutioni, se fusseno stati disarmati, come ne nostri tempi intervenne a Frate Girolamo Savonarola, il qual' rovinò ne suoi ordini nuovi, come la moltitudine cominciò a non crederli, et lui non haveva el modo da tener' fermi quelli che havevan' creduto ne a far' creder' i discredenti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Moyse, Cyrus, Romulus, Théseus, n'eussent peu longuement faire garder leurs constitutions aux peuples s'ilz eussent esté désarmez. Comme en nostre temps il est advenu à frère Jerosme Savonarola. Lesquel tomba en ruine sur le faict de ces nouveaux statuz, aussy tost que la multitude commenca à ne croire plus à ses parolles. Car il n'avoit le moyen de tenir ferme les croyans, ny de faire croire les mescroyans. Moïse, Cyre, Thesee, et Romule n'auroyent peu faire si longuement garder leurs constitutions, s'ilz fussent este sans armes : comme de nostre temps advint a frere Hierosme Savanarole, duquel la ruine fut en ses nouveaux changemens, aussi tost que la commune commença de ne le croire plus, veu qu'il n'avoyt pas moyen de retenir ceux qui le croyoient, ny de faire croire ceux qui ne le croyoient point. Moyse, Cyrus, Romulus, Theseus n'eussent iamais peu faire observer longuement leurs constitutions, si la contrainte de la main armée leur eust defailly, comme en est advenu de nostre temps a frere Hiérosme Savanorola, lequel tomba en ruyne avecques ses nouvelles ceremonies, et inventions, aussi tost que la multitude de Florence commença de n'en tenir plus compte. Car il avoit faute du moyen pour confirmer ceux, qui avoient suyvi son opinion, et ne pouvoit forcer les incredulles à le croire. Moïse, Cyre, Thesée & Romule n'auroyent peu faire si longuement garder leur establissement, s'ils eussent esté sans armes : comme de nostre temps avint a frere Hierome Savanarole, duquel la ruine fut en ses nouveaux changemens, aussi tost que la commune commença de ne le croire plus, veu qu'il n'avoit pas moyen de retenir ceux qui le croyoient, ne de faire croire ceux qui ne le croyoient point.



Segment 24
Però questi tali hanno nel' condursi gran' difficultà et tutti e lor' pericoli son' tra via et convien' che con la Virtù gli superino;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant ceulx cy ont à se conduire grande diffuculté, et tous les dangiers leur viennent emmy la voye, et convient qu'ilz les surmontent par vertu. Doncques ceux la ont grand peine a se bien conduire, mais tous leurs dangiers sont au milieu, et quasi en chemin : et faut qu'avecques la vertu ilz les surmontent : Telle sorte de gens veritablement travaille beaucoup à se conduyre : et les dangers qui y sont, ne leur peuvent faillir, s'ilz ne les surmontent par une singuliere vertu, et prudence. Donques ceux la ont grand peine a se bien conduire, mais tous leurs dangiers sont au mylieu & quasi en chemin : & faut qu'avec la vertu ils les surmontent :



Segment 25
ma superati che gli hanno et che cominciano a essere in veneratione, havendo spenti quelli che di sua qualità gli havevano invidia, rimangon' potenti, securi, honorati et felici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand ilz en sont venuz au dessus, et qu'ilz commencent à estre en vénération envers le peuple, après avoir exterminé les envieux de leur vertuz et qualitez, ilz demourent puissans et asseurez, plains d'honneur et félicité. les ayant surmontez, et commençans d'estre en estime, ayant abbatu ceux de sa qualite qui luy portoyent envie, ilz demeurent puissans en seurete, et bien heureux en honneur. Mais en estans une fois sortis, et que le monde commance leur porter reverance, apres avoir aboly l'envie d'aucuns de leur equalité, ilz demeurent en puissance, seureté, honneur, et opulence. les ayant surmontez, & commençans d'estre en estime, ayant abbatu ceux de sa qualité qui luy portoyent envie, ils demeurent puissans en sureté & bien-heureux en honneur.



Segment 26
A sì alti essempli io voglio aggiugnere un' essempio minore, ma ben' hara qual'che proportione con quelli, et voglio mi basti per tutti l'altri simili, et questo è Hierone Siracusano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Aux exemples si haultz j'en veulx seullement adjouxter ung moindre, qui me suffira pour tous aultres semblables, et aura quelques ressemblance aux premiers, c'est de Hiéron Siracusain. A si grands exemples i'en adiouteray un autre plus petit, mais qui sera de mesme façon, et qu'il me suffise pour tous les autres semblables. C'est Hieron de Syracuse : A si hautains et divins exemples i'en veux adioindre un de moindre estofe qui aura toutesfois quelque proportion et semblance avecques ceux cy : et me suffira pour tout les autres faisans a ce propos. C'est du bon Hieron le Siracusain : A si grands exemples i'en adiouteray un autre plus petit, mais qui sera de mesme façon, & qu'il me suffise pour tous les autres semblables. C'est Hieron de Sarragouse :



Segment 27
Costui di privato diventò Principe di Siracusa, ne ancor' lui cognobbe altro da la Fortuna che l' occasione, perche essendo li Siracusani oppressi l'elessono per lor' Capitano donde meritò d' esser' fatto lor' Principe.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Cestuy cy de homme privé devint prince de Siracuse, et ne recongnut rien de sa fortune, hormis l'occasion de monstrer sa vertu, qui fut telle, que se trouvant les Siracusains oppressez, l'esleurent pour capitaine, enquoy il se porta si vertueusement qu'il mérita d'estre leur prince. cestuy cy de simple compagnon se feit prince, ne recongnoissant rien de la fortune que l'occasion. Car estant ceux de Syracuse pressez de guerre et d'affaires ilz l'eslevrent pour leur capitaine, depuis il se monstra digne d'estre prince. Cestuy cy devint de personne privée Roy de Siracuse : dont il ne devoit sçavoir bon gré a fortune, fors que de la simple occasion : parce que les Siracusains estans assaillis l'esleurent pour Capitaine, et depuis parvint a estre leur Prince : cestuy-cy de simple personne se feit prince, ne reconnoissant rien de la fortune que l'occasion. Car estant ceux de Saragouse pressez de guerre & d'affaires ils l'eleurent leur capitaine, depuis il se monstra digne d'estre prince.



Segment 28
Et fù di tanta Virtù ancora in privata Fortuna, che chi ne scrive dice che niente gli mancava a regnare eccetto il Regno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lesquel fut mesme en sa privée fortune, si hault et si éminent en vertu que, comme les autheurs disent, pour régner aucune chose ne luy deffalloit fors un royaulme. Davantage sa vertu fut si grande quant il estoit en bas estat, que ceux qui en escrivent disent qu'il ne luy failloit autre chose pour estre roy que le royaume. lequel se monstra homme si vertueux en sa privée fortune, que lon souloit dire de luy, rien ne defaillir en ses qualitez pour regner, qu'un Royaume. D'avantage sa vertu fut si grande quand il estoit en bas estat, que ceux qui en ecrivent dient qu'il ne luy defailloit autre chose de roy que le royaume.



Segment 29
Costui spense la militia vecchia, ordinò la nuova; lasciò le amicitie antiche prese delle nuove; et come hebbe amicitie et soldati che fusser' suoi, possette insù tal' fondamento edificare ogni edificio, tanto che lui durò assai fatica in acquistare et poca in mantenere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il cassa la vieille gensdarmerye, il en ordonna une nouvelle, il laissa les vieulx amys, il en print de nouveaux et si tost qu'il se sentit garny d'amyz et de souldardz qui fussent à luy, il eust puissance de bastir sur telz fondementz toute manière d'édifice et faire tenir ses ordonnances au peuple, tellement qu'il eut grand peine à acquérir et peu de difficulté à maintenir son estat. Il cassa la vieille gendarmerie, il en crea de nouvelle, laissant les vieilles alliances, il s'accointa d'autres, et s'ayant pratique des amitiez et soldarz qui fussent a luy seul, il peut bien sur un tel fondement eslever tout bastiment : tant y a qu'il eut beaucoup de peine pour s'en emparer, mais point ou peu a s'y maintenir. Ce vaillant personnage supprima du tout sa vieille gendarmerie, et en erigea de nouvelle, abandonna les anciennes confederations, et en prit de fresches. Si bien que ayant amitiez et soudars de sa facture, il peut depuis bastir sur tel fondement ce que bon luy sembla. Et parainsi il travailla grandement d'acquerir ce que luy fut depuis fort aisé de conserver. Il cassa la vieille gendarmerie, il en crea de nouvelle, laissant les vieilles alliances, il s'accointa d'autres, & s'ayant pratiqué des amitiez & soldarz qui fussent à luy seul, il peut bien sur un tel fondement elever tout bastiment : tant y a qu'il eut beaucoup de peine pour s'en emparer, mais point ou peu à s'y maintenir.

 

Chapitre 7.

Titre
De principati nuovi che con forze d'altri et per Fortuna s'acquistano Cap .VII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des principaultez nouvelles que l'on conqueste moyennant la force dautruy et par fortune. Chapitre VII Des principautéz nouvelles qui se conquestent par les forces d'autruy. Chap. 7. Des nouvelles principautez, qui s'acquierent par fortune, et le secours d'autruy. Chapitre VII. Des principautez nouvelles qui s'acquierent par les forces d'autruy et par fortune. Chap. 7



Segment 1
Coloro i quali solamente per Fortuna diventano di privati Principi, con poca fatica diventano ma con assai si mantengono; et non hanno difficultà alcuna tra via, perche vi volano. Ma tutte le difficultà nascono dapoi vi son' posti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Par le contraire, ceulx qui d'estat privé seullement par la faveur de fortune deviennent princes, ont peu de travail à parvenir à la principauté, mais ilz en ont beaucoup à s'y maintenir et n'ont difficulté aucune par chemin, pource qu'ilz y vont quasi en volant, mais ilz en ont innumérables après qu'ilz se sont mys en possession dicelle. Ceux qui de simples personnages deviennent Princes par le moyen seulement de fortune n'ont pas grand peine a se faire, mais beaucoup a se maintenir : et ne trouvent pas fort mauvais chemin au commencement, car ilz volent, mais toutes les difficultez naissent apres qu'ilz sont en train. Ceux qui parviennent d'estat privé a quelque monarchie par le seul moyen de fortune, y parviennent fort aisément : mais la difficulté gist a s'y maintenir. Et ont bien peu d'empeschement pour y monter. Car lon y volle proprement par ceste voye. Toute la peine, et malaise ne se monstre, sinon quand l'on y est. Ceux qui de simples personnes deviennent Prince par le moyen seulement de fortune n'ont pas grand peine à parvenir, mais beaucoup à s'y maintenir : & ne trouvent pas fort mauvais chemin au commencement, car ils volent, mais toutes les difficultez naissent apres qu'ils sont en train.



Segment 2
Et questi tali sono quelli a chi è concesso alcuno stato o per denari o per gratia di chi lo concede, come intervenne a molti in Grecia nelle Città di Ionia et del' Ellesponto, dove furon' fatti Principi da Dario, acciò le tenessero per sua sicurtà et gloria; come erano ancora fatti quelli Imperadori che, di privati, per corruttion' de soldati pervenivano allo Imperio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et de telles manières sont ceulx ausquelz quelque estat pourroit estre donné par argent, ou par libéralité d'un empereur comme il advint de plusieurs en Græce es citez d'Ionie et de l'Hellespont, qui furent faictz princes par Darius, affin qu'ilz tinsent les dites citez pour sa gloire et asseurance. Telz estoient aussy ces empereurs romains, qui par corruption ou tumultation des souldardz, de bas estat sautoient jusques l'empire. Comme sont quelques uns auquelz on a donne des estatz, ou par argent, ou par faveur de celuy qui le permet : ainsi qu'il avint a plusieurs de Grece aux villes d'Ionie, et d'Hellespont, la ou Daire fit plusieurs petits roys affin qu'ilz tinssent le païs pour son asseurance et honneur : et comme on faisoit ces Empereurs de Romme qui parvenoient a ce degre prattiquant les souldarz par argent. Ceste sorte de gens, sont communément ceux, qui se preparent l'entrée aux grandes Seigneuries par largesse de deniers, ou bien qui en ont don de quelque liberal, et magnifique Roy : comme il advint a plusieurs au païs de Grece, es villes des Ioniens, et de le Hellespont, qui furent créez Princes par Darius sur certains païs, lesquelles ilz advovoient tenir de luy, tant pour sa seureté, que sa reputation, et gloire. Du nombre desquelz sont pareillement aucuns Empereurs de Rome, qui par corruption des soldatz parvindrent à l'Empire. Comme sont aucuns ausquelz on a donné des estatz, ou par argent, ou par faveur de celuy qui le permet : ainsi qu'il avint à plusieurs de Grece aux villes d'Ionie, & d'Hellespont, là où Darius fit plusieurs petits roys afin qu'ils tinssent le pays pour son assurance & honneur : & comme on fait les Empereurs de Rome qui parvenoient à ce degré prattiquant les soudarts par argent.



Segment 3
Questi stanno semplicemente in sù la volontà et Fortuna di chi gli ha fatti grandi, che son' due cose volubilissime et instabili, et non sanno et non possan' tenere quel' grado. Non sanno, perche, se non è huomo di grande ingegno et virtù, non è ragionevole che essendo sempre vissuto in privata fortuna sappia comandare. Non possono, perche non hanno forze che gli possino essere amiche et fedeli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx cy ne se fondent sinon sur la volunté et fortune de celluy qui les aggrandit, qui sont deux choses très volubiles et instables, dont il est manifeste qu'ilz ne sçavent, et ne peuvent se maintenir en estat. Ilz ne sçavent, pour ce que s'il n'est personnaige de grand esprit et vertu, il n'est raisonnable qu'un homme qui a tousjours vescu en fortune privée, saiche commander au peuple ; ilz ne peuvent, acause qu'ilz n'ont point de forces qui leur puissent estre favorables et fidelles. Ceux la sont fondez seulement sur la fortune, et volunte de ceux qui les ont faictz grans, qui sont deux choses incertaines et legeres. Outre ce qu'ilz ne sçavent, ni peuvent tenir ce reng la : ilz ne sçavent, car si ce n'est un homme de singulier esprit et vertu, il semble qu'aiant tousiours vecu en basse condition, il ne sçache user de l'autre : ilz ne peuvent, car ilz n'ont pas les forces qui leur puissent estre seures, et fideles. Telz personnages vivent simplement à la discretion de la volonté, et fortune de ceux, lesquelz ont moyenné leur grandeur : qui sont deux choses fort legeres, et muables : et ne sçavent, ny ne peuvent s'entretenir longuement en ce degré. Ilz ne le sçavent, parce que si ce n'est un homme de merveilleux entendement, et vertu, iamais ne sçaura bien comme il faut commander, ayant tousiours vescu auparavant en fortune privée. Et ne le peuvent, car ilz n'ont forces aupres d'eux, en l'amitié et fidelité desquelles ilz se doivent beaucoup asseurer. Ceux là sont fondez seulement sur la fortune & volonté de ceux qui les ont faits grans : qui sont deux choses incertaines & legeres. Outre ce qu'ils ne savent, ne peuvent tenir ce rang là : ils ne savent, car si ce n'est un homme de singulier esprit & vertu, il semble qu'ayant tousiours vecu en basse condition, il ne sache user de l'autre : ils ne peuvent, car ils n'ont pas les forces qui leur puissent estre sures & fideles.



Segment 4
Dipoi li stati che vengon' subito, come tutte l'altre cose de la natura che nascono et crescon' presto, non possono haver' le radici et correspondentie loro in modo ch' el primo tempo adverso non le spenga; se gia quelli tali, com' è detto, che sì in un' subito son' diventati Principi non son' di tanta virtù che quello che la fortuna ha messo loro in grembo sappino subito prepararsi a conservare, et quelli fondamenti che gli altri han' fatti avanti che diventino Principi, li faccino poi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Davantaige les estatz qui soubdainement s'eslievent, si comme les autres choses naturelles qui naissent, et croissent legièrement, ne peuvent avoir leurs racines et correspondences si roides, que la première tempeste et adversité ne les froisse et accable. Si ceulx cy, qui legièrement deviennent princes, ne sont de si vigoureuse vertu qu'ilz se sachent sur le champ préparer à la conservation de ce que la fortune leur mect au giron oultre leur espérance, et faire, après estre devenuz princes, les mesmes fondemens pour establir leur estat que font les aultres au paravant. D'avantage les seigneuries qui s'avancent si tost comme toutes les autres choses naturelles qui naissent et croissent soudain ne peuvent avoir les racines si fortes, et le reste de mesme correspondance, que le premier orage ne les abbate : si telles gens qui sont devenuz en peu de temps Princes ne sont (comme i'ay deia dit) de si grand fait, et vertu qu'ilz puissent s'apprester de contregarder ce que la fortune leur a mis dans le sein, & qu'ilz assizent les fondements apres estre parvenuz, ce que les autres font davant. D'avantage les estatz, qui s'acquerent si promptement ne peuvent (comme toutes autres choses de ce monde, qui naissent et croissent à coup) prendre bien leur racine, et vigueur suffisante, que la premiere adversité de temps ne les adnichille. Si ce n'estoit au fort que le Prince ainsi subitement parvenu, fust tant sage, qu'il se preparast en un mesme instant de prudemment conserver ce que la fortune luy auroit mis en la main, et establist apres les fondemens de sa durée, selon que les autres ont apris de faire, comme i'ay dit, avant que devenir Princes. D'avantage les Seigneuries qui s'avancent si tost comme toutes les autres choses naturelles qui naissent & croissent soudain, ne peuvent avoir les racines si fortes & le reste de mesme correspondance, que le premier orage ne les abbate : si telles gens qui sont devenuz en peu de temps Princes ne sont (comme i'ay deja dit) de si grand fait & vertu qu'ils puissent s'apprester de contregarder ce que la fortune leur a mis dans le sein, & qu'ils asseoient les fondements apres estre parvenuz, ce que les autres font davant.



Segment 5
Io voglio a l'uno et l'altro di questi modi circa il' diventar' Principe per virtù o per fortuna, addurre doi essempi stati ne dì della memoria nostra: Questi sono Francesco Sforza et Cesare Borgia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si m'a semblé bon pour exemple de ces deux moyens de devenir prince par vertu, ou par fortune, alléguer les gestes de deux grans hommes qui ont esté au temps de notre mémoire. Ce sont Françoys Sforce et César Borgia. Ie veux produire de nostre souvenance deux exemples sur ces deux manieres de se faire Prince par vertu, ou par fortune : c'est de François Sforce, et de Cesar Borge. Ie veux à ce propos quant à ceux, que la fortune ou vertu esleve à ce haut degré, amener deux exemples de fresche memoire : C'est à sçavoir de Francisque Sforze, et Cesar Borgia. Ie veux produire de notre souvenance deux exemples sur ces deux manieres de se faire Prince par vertu, ou par fortune : c'est de François Sforce & de Cesar Borge.



Segment 6
Francesco, per li debitì mezi et con una gran virtù, di privato diventò Duca di Milano, et quello che con mille affanni haveva acquistato, con poca fatica mantenne.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
D'une part Françoys Sforce usant en tout et partout de bons moyens et grande vertu, de basse et privée condition, devint duc de Milan, et maintint bien aiseement ce qu'avec mille travaulx il avoit conquesté, Sforce d'une excellente vertu, et par bons moyens de pauvre Capitaine devint Duc de Milan, & ce qu'il avoit gangne par mille travaus, il le maintint facilement. Sforze se feit duc de Milan, par les moyens, qu'il failloit, et sa vertueuse diligence. Aussi maintint il fort paisiblement ce, que par mille travaux et fascheries il avoit conquesté. Sforce d'une excellente vertu & par bons moyens de pauvre Capitaine devint Duc de Milan, & ce qu'il avoit acquis par mille travauz, il le maintint facilement.



Segment 7
Da l'altra parte, Cesare Borgia (chiamato dal' vulgo Duca Valentino) acquistò lo stato con la fortuna del' padre et con quella lo perdette, non ostante che per lui' s'usasse ogni opera et facessensi tutte quelle cose che per un' prudente et virtuoso huomo si devevan' fare per metter' le radici sue in quelli stati che l'armi et fortuna d'altri gli haveva concesse.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dautrepart César Borgia qui vulgairement estoit appellé le Duc Valentin acquestat son estat de la Romaigne avec la fortune du père, et avec elle le perdit, combien qu'il employast tous les moyens qu'ung prudent et vertueux hommes doibt faire, pour mectre ses racines es estats que par les armes et la fortune daultruy il avoit acquestés. D'autre part Cesar Borge qu'on appelloit communement le duc Valentin fut pousse a grans estatz par le moyen de la Fortune de son pere, aussi les perdit il avecques luy, nonobstant qu'il feist toutes les choses du monde, et qu'il employast tout son esprit a conduire ce que un sage et vertueux homme doit faire, pour bien enraciner ses estatz, que les armes, et fortune des autres luy avoyent donnez. De l'autre costé Cesar Borgia (appellé autrement le Duc de Valentinois) acquit plusieurs belles Seigneuries, moyennant la fortune de son pere Pape Alexandre : avecques la mort duquel il perdit depuis tout, nonobstant qu'il y employast ses cinq sens de nature, et que par luy se pratiquassent toutes les receptes, qu'un homme prudent, et advisé sçauroit songer, pour trouver remede en semblable accident. D'autre part Cesar Borge qu'on appelloit communement le Duc Valentin, fut poussé à grans estats par le moyen de la Fortune de son pere, aussi les perdit il avecques luy, nonobstant qu'il feist toutes les choses du monde, & qu'il employast tout son esperit à conduire ce que tout sage & vertueux homme doibt faire, pour bien enraciner ses estats, que les armes & fortune d'autruy luy avoient donnez.



Segment 8
Perche, come di sopra si disse, chi non fa i fondamenti prima, gli potrebbe con una gran' virtù fare di poi, ancor' che si faccino con disagio de l'architettore et pericolo de lo edifitio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car on pourroit après l'acquisition de l'estat, faire ses fondementz, quand d'aventure on n'auroit eu le moyen, comme dict est, de les faires au paravant, qui ne se peult touttefoys faire sans travail de l'architecteur, et sans grand dangier de l'édiffice. Car un qui n'assiet (ce que i'ay dict par cy devant) les fondemens premiers il ne le pourra sinon avec une grand vertu faire apres, encore se feront ilz avec grand peine du maistre, et danger de l'edifice. Car selon que i'ay traitté cy dessus, encores que l'on n'aye ietté ses fondemens avant la suitte, de l'edifice, il se pourroit faire que par une soigneuse industrie lon les assoiroit apres, combien que ce ne sçauroit estre sans extreme peine de l'ouvrier, et apparent danger du bastiment. Car un qui n'assiet (ce que i'ay dit par cy devant) les fondemens premiers, il ne le pourra sinon avec une grand vertu faire aprez, encores se feront ils avec grand peine du maistre & danger de l'edifice.



Segment 9
Se adunque si considera tutti i progressi del' Duca si vedrà quanto lui havesse fatto gran' fondamenti a la futura potentia, li quali non giudico superfluo discorrere perche io non saprei quai preccetti mi dar' migliori a un' Principe nuovo che lo essempio de l'attioni sue, et se gli ordini suoi non gli giovorno, non fù sua colpa, perche nacque da una straordinaria et estrema malignità di Fortuna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si doncques l'on considère toutes les entreprises du Duc Valentin, l'on verra quelz fondementz il eust peu faire à la grandeur de son attente. Lesquelz j'estime qu'il ne sera hors de propos de briefvement discourir. Car je ne sçauroys bonnement donner meilleurs enseignemens à ung nouveau prince que les exemples de ses grandz faictz, et combien que ses moyens soient tous venuz à néant, si est ce que ce ne fut par sa faulte, mais par une extraordinaire et extrême malignité de fortune. Si donc nous voulons regarder toutes les entreprises et menees de nostre Duc, nous verrons les grans fondemens, qu'il bastissoit pour sa puissance future. Surquoy si ie fais quelque discours ie ne penseray point estre sorti de propos : car ie ne sçache point meilleurs enseignemens pour un nouveau Prince que l'exemple des faictz de cestuy ci, ausquelz si le bon ordre qu'il y mit ne luy prouficta point, ce ne fut pas sa faute, mais une certaine envie et maligne adversite de Fortune fort estrange. Si lon considere doncques bien les progrès du Duc de Valentinois, il apperra qu'il avoit estably de grans fondemens à sa future puissance : lesquelz ne sera point chose superflue discourir, parce qu'il ne m'est possible donner meilleurs preceptes a un nouveau Prince, que luy mettre devant les yeux pour exemple les gestes de ce personnage. Et si l'ordre, qu'il donna a ses affaires, ne luy servit de rien, ce ne fut pas totallement sa coulpe, ains celle d'une extraordinaire malignité de fortune. Si donc nous voulons regarder toutes les entreprises & menées de notre Duc, nous verrons les grans fondements, qu'il bastissoit pour sa puissance future. Surquoy si ie faits quelque discours, ie ne penseray point estre sorty de propos : car ie ne sache point meilleurs enseignemens pour un nouveau Prince que l'exemple des faits de ce Duc, ausquels si le bon ordre qu'il y meit ne luy proffita point, ce ne fut pas sa faute, mais une certaine envie & malignité de Fortune fort estrange.



Segment 10
Haveva Alessandro Sesto, nel' voler' far' grande el Duca suo figlio, assai difficultà presenti, et future.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Alexandre VI constitué au pontificat, voulant faire grand César Borgia son filz, avoit plusieurs difficultés présentes et à venir, qui donnoient empeschement à son entreprinse. Pape Alexandre VI. pour faire son filz Borge grand Seigneur avoit beaucoup d'empeschemens qui se presentoyent, et fussent advenuz. Le Pape Alexandre vi. prevoyait en luy mesmes infinis empeschemens, tant presens, que futurs, pour faire le Duc son filz grand. Pape Alexandre VI. pour faire son fils Borge grand Seigneur, avoit beaucoup d'empeschemens qui se presentoient & fussent avenuz.



Segment 11
Prima non vedeva via di poterlo far' Signor' d'alcuno stato, che non fusse stato di Chiesa; et volgendosi a torre quel' della Chiesa, sapeva ch' el Duca di Milano et i Vinitiani non gliel' consentirebbeno, perche Faenza, et Rimino eran' già sotto la protettion' de Vinitiani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Premièrement il n'y avoit ordre de le faire seigneur de quelque estat qui ne fust à l'Église, et s'il se fust mys à desnuer le bien de l'Église, pour le donner à son filz, il sçavoit bien que le Duc de Milan et les Vénitiens n'y eussent jamais consenty, pource que Faënce et Riminy, pour ne venir à la puissance du pape, s'estoient desjà mises soubz la protection des Vénitiens. Premierement il ne voyoit point moyen de luy donner quelques Seigneuries lesquelles ne fussent de l'eglise. Or voulant se mettre a reprendre ce qui estoit a l'eglise, il sçavoit bien que les Venitiens et le duc de Milan ne s'y accorderoyent iamais. Car Favence et Rimin estoyent soubz la protection des Venitiens. En premier lieu il ne congnoissoit aucun expedient de l'approprier en seigneuries de terres, qui n'appartinsent à l'Eglise. Et quand il l'eust voulu faire sur le bien de l'Eglise, il faisoit bien son compte, que le Duc de Milan, ne les Venitiens ne luy eussent iamais accordé : parautant que Faenze, et Arimin estoient desia soubz la protection desditz Venitiens. Premierement il ne voyoit point moyen de luy donner aucunes Seigneuries qui ne fussent de l'eglise. Or voulant se mettre à reprendre ce qui appartenoit à l'eglise, il savoit bien que les Venitiens & le Duc de Milan ne s'y accorderoient iamais. Car Favence & Rimini estoient soubz la protection des Venitiens.



Segment 12
Vedeva oltre a questo l'armi d'Italia, et quelle in spetie di chi si fusse possuto servire, esser' ne le mani di coloro che dovevan' temer' la grandeza del' Papa; et però non se ne poteva fidare, essendo tutte ne gli Orsini, et Colonnesi et lor' sequaci.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Oultre, il veoit les gens de guerre et entièrement toutes les armées d'Italie, et principallement les souldardz dont il sembloit qu'il se peut ayder, estre tous soubz la charge de ceulx qui devoient craindre la grandeur du pape, et pour ceste cause il ne s'en pouvoit fier. Cestassavoir es mains des Ursins et Colonnoys et leurs complices qui estoient seulz capitaines des armées de ce temps là. Il voyoit outre cela les forces d'Italie, celles especialement desquelles il se pouvoit servir estre detenues par ceux qui devoyent craindre la grandeur du Pape, pour ceste cause ne se pouvoit bonnement fier, estant toutes entre les mains des Ursins, Colonnois, et leur suite. Oultre cela il voyoit que les forces de l'Italie, speciallement celles dont il se feust peu servir, branloient toutes a la discretion de ceux, qui devoient craindre la grandeur du Pape. Et à ceste cause il n'avoit pas matiere de s'y fier, les voyans mesmement entre les mains des Ursins, ou des Coulonnois, et leurs suffragans. Il voyoit outre cela les forces d'Italie, celles specialement desquelles il se pouoit servir estre detenues par ceux qui devoient craindre la grandeur du Pape, pour ceste cause ne se pouvoit bonnement fier, estant toutes entre les mains des Ursins, Colonnois, & leur sequelle.



Segment 13
Era adunque necessario che si turbassero quelli ordini et disordinare gli stati d' Italia, per potersi insignorir' securamente di parte di quelli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il estoit doncques nécessaire que tous ces estatz se missent en routte, et que les seigneurs d'Italie fussent mys en desroy, pour seurement saisir partie diceux. Il failloit donc que ces gouvernemens fussent troublez, et que tous les estatz d'Italie fussent desordonnez, pour s'en pouvoir seurement emparer d'une partie, Ce qui le contraignoit par necessité tascher à confondre l'ordre de ses ligues, et partialitez ensemble desunir, et troubler tous les estatz de l'Italie, pour se pouvoir seurement saisir de partie d'iceux, Il failloit donc que ces gouvernemens fussent troublez, & que tous les estats d'Italie fussent desordonnez, pour s'en pouvoir surement emparer d'une partie,



Segment 14
Il che gli fù facile, perche trovò Vinitiani che, mossi d' altre cagioni, s' eran' volti a far' ripassar' i Francesi ìn Italia: il che non solamente non contradisse, ma fece più facile con la resolutione del' matrimonio antico del' Re Luigi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laquelle chose luy fut bien aisée à faire, car il trouva son occasion sur ce que les Vénitiens, esmeuz pour quelque autre raison, estoient délibérez et en point de faire descendre les Françoys en Italie. A laquelle entreprinse il ne s'opposa aucunement, ains qui plus est, il y ayda fort en concluant l'ancien traicté de mariage du roy Loys. ce qui fut tresaise. Car il trouva les Venitiens, lesquelz esmeuz pour autres occasions s'estoyent avisez de faire repasser les François en Italie : aquoy non seulement il ne contredict, ains il presta la main, en accordant ce que demandoit le roy Loüys pour son premier mariage. chose qui luy revient a facile effet, parce qu'il trouva apoint les Venitiens sur les termes de faire passer les Françoys en Italie, a l'appetit de quelques autres motifz. Ce que seulement il n'empescha pas, mais plustost en faciliza les menées, soubz couleur de la dispense, qu'il octroya au Roy Loys, pour la separation de son premier mariage. ce qui fut tres-aisé. Car il trouva les Venitiens, lesquelz emeuz pour autres occasions s'estoyent avisez de faire repasser les François en Italie : à quoy non seulement il ne contredit, ains y presta la main, en accordant ce que demandoit le roy Loüys pour son premier mariage.



Segment 15
Passò adunque il Re in Italia con lo aiuto de' Vinitiani et consenso d'Alessandro, ne prima fù in Milano che il Papa hebbe da lui gente per l' impresa di Romagna, la qual' gli fù consentita per la reputatione del' Re.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le roy doncques passa en Italie par l'ayde des Vénitiens et avec le consentement du pape Alexandre, et ne fust pas si tost à Milan qu'il donna secours au pape, pour faire guerre contre les seigneurs de la Romaigne. Laquelle fut incontinent occupée par le pape, sans qu'âme l'empescha de la tenir pour la crainte qu'ung chacun avoit du roy. Le roy donc feit le voyage d'Italie par laide des Venitiens, et consentement du Pape, et ne fut pas si tost a Milan que le pape tira par prieres gens de luy pour l'entreprise de la Romagne, laquelle le roy luy accorda pour sa reputation. Le Roy estant passé en Italie, moyennant l'ayde des Venitians, et le consentement d'Alexandre, ne fut si tost arrivé a Milan, qu'il bailla secours de gens au Pape pour subiuguer la Romaigne, laquelle ne demeura gueres à estre reduitte soubz sa main, pour la reputation de la puissance Françoyse. Le roy donc feit le voyage d'Italie par l'ayde des Venitiens & consentement du Pape, & ne fut pas si tost à Milan, que le Pape tira par prieres gens de luy pour l'entreprise de la Romagne : laquelle le roy luy accorda pour sa reputation.



Segment 16
Acquistata adunque il Duca la Romagna et battuti i Colonnesi, volendo mantenere quella et procedere più avanti, l' impedivano dua cose: l'una l' armi sue che non gli parevano fedeli, l'altra la volunta di Francia; cioè temeva che l'armi Orsine, de le quali s' erà servito, non gli mancassen' sotto et non solamente gl'impedisseno l'acquistare ma li togliesseno l'acquistato, et che il Re ancora non gli facesse il simile.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Adoncques quand le duc eust ainsy acquise la Romaigne, et bien battu les Colonnoys, pour procéder plus avant, deux choses luy donnoient empeschement. Cestassavoir que d'une part il ne se pouvoit fyer de ses gensdarmes, daultre il craignoit la volunté du roy. C'est qu'il craignoit que les Ursins, desquelz il s'estoit servy, ne l'abandonnassent, et que non seulement ilz luy fissent empeschement à conquester, mais qui luy ostassent sa conqueste. De l'autre costé il craignoit que le roy ne luy en feit autant. Apres avoir battu les Colonnois et surmonte la Romagne pour la garder et passer encores oultre, deux articles l'empeschoyent. L'un estoit pour ses soldars, qui ne luy sembloyent pas fort bien encouragez, l'autre estoit la volonte des François. C'est a dire il craingnoit que les gens des Ursins, desquelz il s'estoit servi, ne luy faillissent au besoing, et non seulement l'engardassent de gaigner quelques estatz, mais luy ostassent ce qu'il avoit ia vaincu, et que le Roy ne luy feist la pareille. Le Duc ayant par ce moyen gaigné ce païs, et battu les Colonnois, deux raisons l'empescherent esperer de la tenir longuement, et destendre plus outre ses bornes et limites. L'une procedoit de ses soldatz, esquelz il n'avoit pas grande fiance : et l'autre étoit l'incertaine volonté de France. Car il craignoit, que la puissance des ursins, dont il s'estoit servy, ne luy feist un faux bond au besoing et que non seullement elle l'empeschast d'acquerir, mais luy voulust aussi tollir l'acquest : se doubtant du semblable de la part du Roy. Apres avoir battu les Colonnois & surmonté la Romagne, pour la garder & passer encores outre, deux articles l'empeschoient. L'un estoit pour ses soldarts, qui ne luy sembloient pas fort bien encouragez, l'autre estoit la volonté des François. C'est à dire, il craingnoit que les gens des Ursins, desquels il s'estoit sery, ne luy faillissent au besoin, & non seulement l'empeschassent d'acquerir quelques estats, ains luy ostassent ce qu'il avoit ja conquiz, & que le Roy ne luy feist la pareille.



Segment 17
Degli Orsini n'hebbe un' riscontro quando, doppò la espugnatione di Faenza, assaltò Bologna, che gli vidde andar' freddi in quello assalto. Et circa el Re conobbe l' animo suo, quando, preso el Ducato d'Urbino assaltò la Toscana, da la quale impresa il Re lo fece desistere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De la volunté des Ursins il en eust ung signe très évident, quand après qu'il eust prins Faënce, il se fust mys à assaillir Boulogne et les veit aller froidement à l'assault, dont il congneut leur lascheté. Et touchant au roy il congneut son courage, quand après qu'il eust prins la duché d'Urbin, il se rua sur la Toscane, de laquelle entreprinse le roy le feit retirer. Touchant les Ursins il en apparut quelque chose, quand apres la prinse de Favence il assiegea Boulongne, car il les veit se porter froidement a l'assault. Quant au Roy, il congneut bien sa fantasie lors que apres avoir occupe le Duche d'Urbin, il se iecta sur la Tuscane, dont le roy l'en feit retirer. Les Ursins confirmerent ceste soupson par l'attainte qui luy en donnerent a l'assaut de Bouloingne la grasse, apres la prise de Faenze, ou ilz se monstrerent fort lasches et refroidis. Et quant au Roy, il luy descouvrit son courage lors que le Duc eut pris le duché d'Urbin, et voulut assaillir la Toscane : dont ledict seigneur le divertit. Touchant les Ursins il en apparut quelque chose, quand apres la prinse de Favence il assiegea Boulongne, car il les veit se porter froidement à l'assault. Quant au Roy, il connut bien sa fantaisie lors que apres avoir occupé le Duché de Urbin, il se ietta sur la Tuscane, dont le roy l'en fit retirer.



Segment 18
Onde che il Duca deliberò non dependere più da la Fortuna et armi d'altri. Et la prima cosa, indebilì le parti Orsine et Colonnesi in Roma, perche tutti li adherenti loro, che fussino gentilhomini, si guadagnò, facendoli suoi gentilhomini et dando loro gran' provisioni, gli honorò secondo lor' qualità di condotte et di governi, in modo che in pochi mesi negli animi loro l'affettione de le parti si spense et tutta si volse nel' Duca.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il se délibéra de ne s'appuyer plus à fortune, ny dépendre des forces daultruy, et pour la première entreprinse qu'il feit il affoiblit les parties Ursines et Colonnoyses dans Rome, et gagna tous leurs amyz et adhérenz gentilz hommes, et en leurs donnant grans gaiges et provisions les honora chacun selon la qualité de charges, de conduictes, d'honneurs et gouvernemens, tellement qu'en peu de temps l'affection des parties Ursines et Colonnoises fut anéantye et se tourna à la faveur du duc. Pour ceste cause Borge delibera ne dependre plus de la fortune, ni des forces d'autruy. Donc la premiere chose qu'il feit, ce fut d'affoiblir le party des Colonnois, et des Ursins a Romme. Car il se gaigna tous les gentilz hommes qui tenoyent leur party, et leur donna selon leur qualitez des compaignies et gouvernemens, si bien qu'en peu de mois l'affection premiere s'estaignit, et se tourna toute vers Borge. Au moyen dequoy le Duc delibera depuis en luy mesmes ne vouloir plus dependre de la fortune, et secours d'autruy. Comme tresbien apres l'executa, commançant de premiere entrée a affoiblir dans Rome la faction Ursine, et Coulonnoise, en attirant finement de son costé tous leurs adherans, qui estoient gentilz-hommes, les retenant de sa maison avecques fort honnestes appoinctemens, et leur donnant grosses et honnorables charges, et gouvernemens entre mains selon leur merite, et qualité : de façon qu'en peu de iours l'affection, qu'ilz portoient aux chefz de leurs ligues, se convertit entierement vers le Duc. A cette cause Borge delibera de ne dependre plus de la fortune, ne des forces d'autruy. Donc la premiere chose qu'il fit, ce fut de affoiblir le party des Colonnois & des Ursins à Romme. Car il gaigna tous les gentilz-hommes qui tenoient leur party, & leur donna selon leur qualitez des compaignies & gouvernemens, si bien qu'en peu de mois l'affection premiere s'estaignit & se tourna toute vers Borge.



Segment 19
Doppò questo, aspettò l' occasione di spegnere gli Orsini, havendo dispersi quelli di casa Colonna: la qual' gli venne bene, et lui l'usò meglio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En après il attendit l'occasion de deffaire les Ursins, quand il eust mys en dispersion les Colonnois. Laquelle venue bien à propos, il ne faillit pas à l'exécuter encor plus saigement qu'on n'eust pensé. Oultre plus ayant deia chatie les Colonnois il attendit les occasions pour destruire les Ursins lesquelles luy vindrent, bien a propos, et en usa encores mieux. Cela fait, pensa d'attendre la commodité de pouvoir mettre les Ursins sous le pié, ayant un coup dissipé et fouldroyé la maison Coulonnoise. Ce qui luy vint à propos, comme il voulut, et le meit encores mieux à excecution. Outre plus ayant deja chatié les Colonnois, il attendit les occasions pour destruire les Ursins : lesquelles luy vindrent bien à propos, & en usa encores mieux.



Segment 20
Perche, avvedutisi gli Orsini tardi che la grandeza del' Duca et de la Chiesa era la lor' ruina, fecero una dieta a la Magione nel' Perugino: da quella nacque la rebellione d'Urbino et li tumulti di Romagna et infiniti pericoli del' Duca, li quali superò tutti con l'aiuto de Francesi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource que quand les Ursins s'advisèrent de leur ruyne, qui fut trop tard, provenante de la grandeur du duc et de l'Église, ilz firent entre eulx une diette de conseil en ung lieu de Pérouse, appellé la Maison. De ce conseil nacquist la rébellion d'Urbin et les tumultuations de la Romaigne et plusieurs aultres inconvenientz au grand dangier du duc. Desquelz touttefois il trouva moyen d'eschapper, avec le secours des Françoys Car les Ursins s'estant advisez bien tard que la grandeur de ce duc, et de l'esglise estoit leur ruine, feirent une assemblee a la Magion pres de Perouse, dont vint la revolte d'Urbin, les troubles de la Romagne et infiniz dangiers, ou se trouva Borge : lesquelz toutesfois il surmonta tous avec l'aide des François. Car les Ursins s'estans sur le tard advisez, que la grandeur du Duc et de l'Eglise estoit un apprest de leur ruyne, tindrent diete en une place nommée la Maison située dans le Perusin. Dont nasquit la rebellion d'Urbin, avec les troubles, et esmotions de la Romagne : qui causerent mille dangers et inconveniens au Duc : tous lesquelz il evada gentiment, secouru des Françoys en ceste necessité. Car les Ursins s'estans avisez bien tard que la grandeur de ce Duc & de l'eglise estoit leur ruine, firent une assemblée à la Magion pres de Peruse, d'où vint la revolte d'Urbin, les troubles de la Romagne & infiniz dangers, où se trouva Borge : lesquels toutefois il surmonta tous avec l'ayde des François.



Segment 21
Et ritornatoli la reputatione ne si fidando di Francia ne d'altre forze esterne, per non le havere a cimentare si volse agl' inganni, et seppe tanto dissimulare l'animo suo che gli Orsini, mediante el Signor' Pauolo, si riconciliorno seco, con il quale il Duca non mancò d'ogni ragione d'officio per assicurarlo, dandoli Veste, denari et Cavalli, tanto che la simplicità loro gli condusse a Sinigaglia nelle sue mani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et qui plus est il regaigna sa première réputation. Et pour ce qu'il ne se vouloit fyer aux Françoys ny mectre son espérance en forces estrangiers, il se gecta sur les tromperies pour n'avoir occasion d'esprouver leur fidélité ; dont il sçeut tant faire et si bien dissimuler et cacher son courage que les Ursins se reconcilièrent avec luy par le moyen du seigneur Paule Vitelly, envers lequel le duc usa de toute gratiosité, affin qu'il s'asseurast et se fiast de luy, et en le garnissant d'habillemens, chevaulx et argent, mena si bien ses finesses que par leur simplicité, ilz se laissèrent mener à Sinigallia entre ses mains où ilz furent par luy sur le champ mys à mort. Or estant remonte en sa premiere estime, et ne se voulant plus fier aux François, ny aux autres estrangers, pource qu'il ne les pouvoit faire tenir a chaux ni a ciment, il se tourna a la malice, et sceut tant bien faindre, et commander a son courage, que par le moyen du Seigneur Paule les Ursins feirent leur apoinctement avecque luy, avecques ce que Borge ne laissa rien de son devoir en toute raison pour les asseurer, leur donnant robes, argent, chevaux, si bien que leur simplesse les feit venir a Senegaile entre ses mains. Mais apres avoir recouvré sa reputation, ne se voulant plus fier aux Françoys, ny autres forces estrangeres pour n'avoir plus besoing de les experimenter, se convertit à la pratique des ruses, ou il sceut tant bien user de dissimulation, que les Ursins à l'instance, et sollicitation du Seigneur Paule, se reconcilierent avecques luy : envers lequel il n'espargna aucune espece d'honnesteté, luy donnant precieux habillemens, deniers, et chevaux : si bien que les pauvres simples gens deceuz soubz le pretexte de ce beau semblant, se laisserent sans y penser, mener doucement à Sinygallia, entre ses mains, ou il en feit, et disposa, comme un chacun sçait. Or estant remonté en sa premiere estime, & ne se voulant plus fier aux François, ny aux autres estrangers, pource qu'il ne les pouoit faire tenir à chaux ny à ciment, il se tourna à la malice & sceut tant bien feindre & commander à son courage, que par le moyen du Seigneur Paule des Ursins, firent leur appoinctement avecques luy, ioint que Borge n'oublia rien de son devoir en toute raison pour les asseurer, leur donnant robes, argent, chevaux, si bien que leur simplesse les fit venir à Senegaile entre ses mains.



Segment 22
Spenti adunque questi capi et ridotti li partigiani lor' amici suoi, haveva il Duca gittato assai buoni fondamenti ala potentia sua, havendo tutta la Romagna con el Ducato d' Urbino et guadagnatosi tutti quelli populi per haver' incominciato a gustare il bene esser' loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Quand donc il eust faict mourir tous ses chefs de parties, et qu'il eust reduict leurs amys et partisans de son costé, le duc avoit mys assez bons fondemens, pour establir une grande puissance, ayant la seigneurie de toute la Romaigne, le duché d'Urbin, et gaigné les cueurs de tous les peuples, qui commenceoient à se trouver bien contens d'estre soubz sa domination. Estans donc les chiefz abbatuz, et leurs partisans estant devenuz ses amis, il avoit assez bien commence les fondemens de sa grandeur, tenant toute la Romagne avec le Duche d'Urbin, et gaignant la commune, qui commençoit a gouster le bien qu'elle avoit receu de luy. Ayant doncq par ce moyen supprimé ses Principaux adversaires, et reduict leurs complices en son amitié, le Duc avoit assis fort bons fondemens pour sa future puissance, se voyant toute la Romaigne, et le Duché d'Urbin paisibles, avec le coeur du peuple, qu'il avoit gaigné, pour avoir commancé à luy donner le goust de son humain, et traittable gouvernement. Estans donc les chefs abbatus & leurs partisans estans devenus ses amis, il avoit assez bien commencé les fondemens de sa grandeur, tenant toute la Romagne avec le Duché d'Urbin, & gaignant la commune, qui commençoit à gouster le bien qu'elle avoit receu de luy.



Segment 23
Et perche questa parte è degna di notitia et da esser' imitata d'altri, non voglio lasciar'la in drieto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour ce que ceste partye est digne de mémoire et mérite d'estre ensuyvie par aultres, je ne la veux point obmettre. Et pource que cet endroit est digne de noter, pour ensuyvre, ie ne le veux pas laisser derriere. Et parautant que cest endroit est digne de congnoissance, et imitation, ie ne le veux point passer par connivence. Et pource que cet endroit est digne de noter, pour imitation, ie ne le veux pas laisser derriere.



Segment 24
Preso che hebbe il Duca la Romagna, trovandola esser' stata comandata da Signori impotenti, quali più presto havevano spogliato i lor' sudditi che correttoli, et dato lor' più materia di disunione, non d'unione, tanto che quella provincia era piena di latrocinij, di brighe et d'ogni altra sorte d'insolentia, giudicò necessario a volerla ridurre pacifica et obediente al braccio Regio, darli un' buon' Governo. Però vi propose Misser' Remiro d' Orco, huomo crudele et espedito, al qual' dette pienissima potestà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Quand le duc eût occupé la Romaigne, trouvant qu'elle avoit esté dominé par certains seigneurs de petite puissance, qui avoient plutost pillé leurs subjectz que corrigé, et donné plutost matière de discord que d'alliance, tellement que la province estoit pleine de larcins, bandouliers, brigandises et de toutes insolences, il jugea qu'il estoit nécessaire de luy donner un bon et roidde gouvernement pour la reduire paisible et obéissante au bras royal. Parquoy il y feit aller pour gouverneur du pays un messire Remires Dorque, qui estoit homme cruel et expéditif, luy donnant pleine puissance de haulte et basse justice. Apres que Borge eut surmonte la Romagne, il trouva qu'elle estoit gouvernee par beaucoup de petits seigneurs, lesquelz avoyent plus tost ronge, que range leur subiectz et qui leur avoyent plus donne d'occasion de se diviser, que de s'acorder et maintenir ensemble, si bien que le païs estoit plain de larrecins, de briganderies, et de telles sortes de meschancetez, il pensa estre necessaire pour la reduire en pais, obeissant au bras seculier et royal, de luy donner un bon gouvernement. Doncques il y constitua messire Remi d'Orque homme de cruelle et briefve iustice, auquel il donna entierement plaine puissance. Car apres que le Duc eut pris la Romaigne, trouvant qu'elle avoit auparavant esté gouvernée par seigneurs pauvres, et souffreteux, qui plustost s'estoient adonnez à piller leurs subietz, et plus mis ce faisant de desordre, que de bonne police, tant que la Province estoit remplie de volleries, pragueries, et autres formes d'insolences : advisa qu'il estoit necessaire pour la rendre tranquille, et obeissante au bras de sa iustice, y proposer quelque bon et sage gouverneur. Parquoy il en donna la charge à un nommé Messere Remiro d'orco, homme cruel, et expeditif, auquel il attribua toute puissance. Aprez que Borge eut occupé la Romagne, il trouva qu'elle estoit commandée par beaucoup de petits seigneurs, lesquels avoient plus tost rongé, que rengé leurs suietz & qui leur avoient plus donné d'occasion de se partialiser, que de s'accorder & maintenir ensemble : si bien que le païs estoit plein de larrecins, de briganderies & telles sortes de mechancetez : il pensa estre necessaire pour la reduire en paix obeissant au bras seculier & royal, de luy donner un bon establissement. Parquoy y constitua messire Remi d'Orque homme de cruelle & brefve iustice, auquel il donna entierement pleine puissance.



Segment 25
Costui in breve tempo la ridusse pacifica et unita con grandissima reputatione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Cestuy cy punissant asprement les malfaicteurs en peu de temps la rendit paisible, obéissante et unye avec une grande authorité et renommée de sa vertu. Cestuy ci en peu de temps la remist en tranquilite et union, avec son tresgrand honneur. Cestuy cy ne demeura gueres à la reduire en paix, et union avecques une reputation tresgrande. Cestuy en peu de temps la remit en tranquillité & union, avec son tresgrand honneur.



Segment 26
Dipoi giudicò il Duca non esser' a proposito sì eccessiva autorità, perche dubitava non diventasse odiosa, proposivi un' iudicio Civile nel' mezo della provincia con un' presidente eccellentissimo, dove ogni Città haveva l' avvocato suo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En après le duc jugea, que si excessive authorité d'un seul homme ne luy estoit plus nécessaire, se doubtant qu'elle ne le feist mectre en haine du peuple. Si ordonna un parlement civil au millieu de toute la province, avec un président tresexcellent, où chacune cité avoit son advocat. Mais apres Borge estimant une si excessive authorite n'estre pas encores de saison, pource qu'il se doutoit qu'elle ne tournast en haine, il establit un parlement civil au milieu du païs avecque un sage President, la ou chasque ville avoit son advocat. Depuis le Duc pensant, que l'excessive authorité de son gouverneur n'estoit pas fort convenable doubta qu'elle ne devint à la parfin odieuse. Que feit il ? Il vous erigea au beau milieu de la contrée une chambre de parlement, auquel il presidoit un tresexcellent personnage, et ou chacune ville avit son advocat special pour elle. Mais aprez, Borge estimant une si excessive autorité n'estre encores de saison, pource qu'il se doutoit qu'elle ne tournast en haine, il establit un parlement civil au milieu du païs avecque un sage President, là où chaque ville avoit son Advocat.



Segment 27
Et perche conosceva le regorosità passate haverli generato qualche odio, per purgar' gli animi di quelli Popoli et guadagnarseli in tutto, volse mostrare che, se crudeltà alcuna era seguita, non era nata da lui ma da l' acerba natura del' ministro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et acause qu'il congnoissoit la rigorosité passée luy avoir engendré quelque peu de haine, pour purger la suspeçon des peuples et totallement gaigner les cueurs diceulx, il voulut monstrer que toute la cruaulté qui au paravant avoit esté faicte n'estoit aucunement proceddée de luy, mais de la nature du ministre qui estoit trop cruelle. Et d'autant qu'il congnoissoit bien que la rigueur passee luy avoit engendre quelques inimities, pour la desraciner de leurs fantasies, et les tenir en son amitie par tous moyens, il voulut monstrer, que s'il estoit ensuyvi quelque cruaute, elle n'estoit pas venue de sa part mais de la mauvaise nature de son officier. Et parce qu'il congnoissoit les rigueurs passées luy avoir engendré quelque haine, pour purifier ceste maulvaise opinion, et recouvrer la bonne volonté de son peuple, voulut monstrer, que si auparavant la cruauté s'estoit excercée, elle ne venoit point de luy : ainsde l'aigre, et cruelle nature du ministre. Et d'aütant qu'il connoissoit bien que la rigueur passée luy avoit engendré quelques inimitiez, pour la desraciner de leurs fantaisies & les tenir en son amitié par tous moyens, il voulut monstrer, que s'il estoit ensuivy quelque cruauté, elle n'estoit pas venue de sa part, mais de la mauvaise nature de son officier.



Segment 28
Et preso sopra questo occasione, lo fece mettere una mattina in doi pezi a Cesena in sù la piaza con un' pezo di legno et un' coltello sanguinoso a canto: la ferocità del' qual' spettacolo fece quelli popoli in un' tempo rimanere' satisfatti et stupidi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et après avoir choisy l'occasion bien à propos de mectre son maltalent en exécution, le feist mettre par un matin en deux partz, sur le marché de Césennes avec ung souc de boys, et un large cousteau tout sanglant à costé : dont le regard du spectacle si horrible, en ung mesme instant contenta et estonna lesdictz peuples. Prenant la dessus l'occasion au poil, il feit trencher en deux messire Remi d'Orque au milieu de la place de Cesene, et pres de luy un billot de bois ou pendoit un couteau sanglant la severite duquel espouventable spectacle feit tout le peuple ensemble demeurer estonne, et content. Si bien que prenant occasion sur cela, il luy feit un beau matin couper la teste en la grand place de Cesene. La ferocité, et furie de ce spectacle contenta et espouventa tout a un coup grandement la commune. Prenant là dessus l'occasion au poil, il fit trencher en deux parts messire Remi d'Orque au mylieu de la place de Cesene, & pres de luy un billot de bois où pendoit un couteau sanglant : la severité duquel espouvantable spectacle fit tout le peuple ensemble demeurer estonné & content.



Segment 29
Ma torniamo donde noi partimo. Dico che trovandosi il Duca assai potente et in parte assicurato de presenti pericoli, per essersi armato a suo modo et haver' in buona parte spente quelli armi che vicine lo potevano offendere, li restava, volendo procedere con l'acquisto, el respetto di Francia. Perché conosceva che dal' Re, il qual' tardi s'era avveduto del' error' suo, non gli sarebbe sopportato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais retournons d'où nous sommes partiz. Et je diz que le duc se voyant desjà assez puissant, et en partie asseuré d'avoir pourveu aux présens dangiers, acause qu'il avoit une bonne gensdarmerye sienne et avoit destruict la plupart de ces Ursins qui estoient en armes et luy pouvoient nuyre, il ne luy falloit plus penser qu'à s'asseurer du costé des Françoys. Il congnoissoit bien que le roy ne supporteroit plus ses manières de faire, qui trop tard s'estoit radvisé de sa faulte. Mais retournons d'ou nous sommes partis. Doncques se trouvant Borge assez puissant et asseure en partie des dangers presens, pour s'estre fortifie a sa mode, et pour avoir aboli la plus grand part de ses voisins, qui le pouvoyent offencer, il ne restoit aucune chose pour passer outre affin de gangner païs a quoy il deust avoir esgard, sinon les François. Car il congnoissoit bien que le roy, lequel s'estoit advise bien tard de sa faute ne l'endureroit iamais. Mais en reprenant nostre premier propos : Ie dy que se voyant le Duc desia puissant et exempt des dangers, que pour lors il pouvoit le plus craindre, s'estant fortifié à son advantage, et ayant anneanty toutes les armes, qui luy pouvoient nuyre de pres : il luy restoit, voulant conquerir d'avantage, gagner ce point en ses affaires, que les Françoys ne luy peussent empescher le cours de ses entreprises. Car il faisoit bien son compte, que le Roy (lequel s'estoit un peu trop tard pris garde de sa faute) ne luy donneroit iamais support. Mais retournons d'où nous sommes partiz. Se trouvant donques Borge assez puissant & assuré en partie des dangers presens, s'estant fortifié à sa mode & pour avoir aboly la plus grand part de ses voisins, qui le pouoient offencer, il ne restoit aucune chose pour passer outre affin de gaigner païs à quoy il deust avoir egard, sinon les François. Car il connoissoit bien que le roy, lequel s'estoit avisé bien tard de sa faute ne l'endureroit iamais.



Segment 30
Et cominciò per questo a cercare amicitie nuove et vacillar' con Francia, ne la venuta che feceno i Francesi verso il Regno di Napoli contro a li Spagnoli che assediavon' Gaeta. Et l'animo suo era di assicurarsi di loro, il che gia saria presto riuscito, se Alessandro viveva.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont il commença à chercher nouveaux amiz et monstrer qu'il n'avoit plus que faire de l'alliance des Françoys, qui fut pour lors qu'ilz passèrent au royaume de Naples, contre Hespaignolz qui estoient au siège devant Gaicte. Et à la vérité il estoit délibéré de leur faire quelque bon tour, pour s'asseurer d'eulx, de laquelle sienne fantasie il fust venu au dessus bien tost après, si pape Alexandre eust survécu. A ceste cause il commença de chercher amitiez nouvelles, et bransler quasi pour les François, lors qu'ilz descendirent au Royaume de Naples contre les Espagnolz qui assiegeoyent Gayete. Aussi avoit il en fantasie de affoiblir les François si bien qu'il n'eust aucune peur d'eux : ce qui fut bien tost advenu, si le Pape eust vecu. A ceste cause il commença de la en avant a chercher nouvelles alliances, et vaciller à l'endroit des Françoys, lors qu'ilz vindrent au Royaume de Naples contre les Espagnolz, qui tenoient le siege devant Cayete : ne taschant a autre fin que se ietter hors de leur crainte, et nuisance : ce qu'il eust finablement fait, sans la trop soudaine mort de Pape Alexandre. A cette cause commença de cercher amitiez nouvelles & bransler quasi pour les François, quand ils descendirent au Royaume de Naples contre les Espagnols qui assiegeoient Gayette. Aussi avoit il en deliberation d'affoiblir les François si bien qu'il n'eust aucune paour d'eux : ce qui fust bien tost avenu, si le Pape eust vecu.



Segment 31
Et questi furon' i governi suoi circa le cose presenti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Voylà donc ses gouvernemens et emprinses dont il usa touchant les choses présentes. Et telz ont este ses maniments quant aux affaires de ce temps la qui s'offroyent : Et par là on peut entendre, comme il disposa ses affaires du present. Et tels ont esté ses manimens quant aux affaires de ce temps là qui s'offroient :



Segment 32
Ma quanto alle future, lui haveva da dubitar' prima che un' nuovo successor' alla Chiesa non li fusse amico et cercassi torgli quello che Alessandro gli haveva dato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand aux futures il avoit à craindre qu'un nouveau successeur en l'Église ne fust son ennemy, et n'entreprinst de luy oster ce que Alexandre luy avoit donné. mais au regard de ce qui pouvoit advenir il se doutoit fort en premier lieu que celuy qui succederoit au siege de Romme, ne fust point de ses amis, et qu'il s'efforçast d'oster ce que le Pape Alexandre luy avoir donne. Or quant aux choses qu'il devoit pourvoir sur l'advenir, il luy falloit premierement obvier à ce qu'aucun n'estant point son amy, ne succedast à la Papauté : lequel s'efforçast apres, luy oster ce qu'il avoit acquis par le moyen de son pere. mais au regard de ce qui pouoit avenir, il se doutoit fort en premier lieu que celuy qui succederoit au siege de Romme, ne fust point de ses amis, & qu'il s'efforçast de luy oster ce que le Pape Alexandre luy avoit donné.



Segment 33
Et pensò farlo in quattro modi. Prima, con spegner' tutti i sangui di quelli Signori che lui haveva spogliato, per torre al' Papa quelle occasioni. Secondo, con guadagnarsi tutti i gentilhuomini di Roma per poter' con quelli, et come è detto, tenere el Papa in freno. Terzo, con ridurre il Collegio più suo che poteva. Quarto, con acquistar' tanto Imperio, avanti che' l Papa morisse, che potesse per se medesimo resister' ad un' primo impeto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il pensa d'y pourveoir en quattre manières. Premièrement d'esteindre la lignée de tous ceulx qui avoit offensez, pour priver le pape de telles occasions. Secondement de gaigner tous les gentilshommes de Romme. Tiercement de reduire le collège des cardinaulx le plus qu'il pouvoit à sa faveur. Quartement d'acquérir si grand estat et dommaine avant que le pape mourust, qu'il eust puissance de repoulser avec ses forces propres ung premier rencontre de quelconque ennemy. A quoy il se delibera remedier en quatre sortes. Premierement d'abolir tout le sang et parentage de ces Seigneurs qu'ilz avoit desheritez, pour oster au pape les occasions de les penser remectre. Secondement d'attirer et gaigner a soy tous les gentilz hommes Romains, afin qu'il peut par leur moyen tenir le Pape en bride. Tiercement de reduire le college des Cardinaux le plus qu'il pourroit a son parti. Quartement de se faire si puissant avant que le Pape mourust, qu'il peust luy mesme resister au premier assaut d'un chacun. Et de fait il essaya par quatre manieres. La premiere, en destruisant, et mettant entierement à neant tout le parentage des Seigneurs, à qui il avoit fait tort, pour tollir au nouveau Pape la couleur et occasion, qu'il y eust peu prendre de vouloir venger ceux qui eussent resté. La seconde, en attirant à soy le party de toute la noblesse de Rome, pour pouvoir avecques leur secours tenir le Pape en bride. La tierce, en reduisant le college des Cardinaux le plus de son costé, qu'il pouvoit. Et la quarte, en ce faisant si grand avant la mort de son pere, qu'il peust de luy mesme resister à une premiere venue d'affaires. A quoy il se delibera remedier en quatre sortes. Premierement d'abolir tout le sang & parentage de ces Seigneurs qu'ils avoit saccagez, pour oster au Pape les occasions de les penser remettre. Secondement d'attirer & gaigner à soy tous les gentilz-hommes Romains, afin qu'il peust par leur moyen tenir le Pape en bryde. Tiercement de reduire le college des Cardinaux le plus qu'il pourroit à son party. Quartement de se faire si puissant avant que le Pape mourust, qu'il peust luymesme resister au premier assault d'un chacun.



Segment 34
Di queste quattro cose, a la morte d' Alessandro n'haveva condotte tre, la quarta haveva quasi per condotta. Perche de signori spogliati ne amazò quanti ne potè aggiugnere et pochissimi si salvorono. I gentilhuomini Romani s' haveva guadagnato. Et nel' Collegio haveva grandissima parte. Et quanto al' nuovo acquisto, haveva disegnato diventar' Signor' di Toscana et possedeva già Perugia et Piombino, et di Pisa haveva presa la protettione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De ces quatre moyens il avoit desjà pourveu à trois, et avoit le quatriesme quasi fourny. Pource que des seigneurs par lui desnuez de leur estat, il mist à mort tous ceulx qu'il peust empoigner, tellement que diceulx bien peu se saulvèrent. Il avoit aussi gaigné par argent les gentilz hommes rommains, et de ceulx du Collège la pluspart estoit pour luy, et quand à acquérir quelque grosse seigneurie, il avoit délibéré de devenir seigneur de la Toscane. Il possedoit desjà Pérouse et Plombin, et tenoit Pise soubz sa protection, De ces quatre points sur la mort d'Alexandre il en avoit mis trois a chef, le quatriesme il avoit quasi parfaict. Car des Seigneurs qu'il avoit despouillez il en avoit faict mourir autant qu'il en avoir peu tenir, et ne s'en sauva que bien peu. Touchant les gentilz hommes Romains, il se les avoit attirez. Il avoit la plus grand part des Cardinaux pour luy. Et au regard des nouveaux aquez il avoit pourpense devenir Seigneur de la Tuscane, et tenoit desia Perouse et Plombin, aiant pris la protection de Pise, De ces quatres choses il en auroit accomply les trois, lors qu'Alexandre mourut : et estoit presque venu au bout de la quatrieme : parce que de tous les Seigneurs, qu'il avoit depossedez, il en feit mettre à mort tant, qu'il en peut empoigner, et bien peu se sauverent. Ensemble avoir gaigné tous les Gentils-hommes Romains, et praticqué pour luy une bien grande partie du college. Quant à l'augmentation de ses terres, son entreprise estoit se faire seigneur de la Toscane, et tenoit desia en sa main la ville de Peruse, et Plombin : ayant avec tout cela pris la protection de Pise. De ces quatre points sur la mort d'Alexandre il en avoit mis trois à chef, le quatrieme il avoit quasi parfait. Car des Seigneurs qu'il avoit despoüillez il en avoit fait mourir autant qu'il en avoit peu tenir & ne s'en sauva que bien peu. Touchant les gentilz-hommes Romains, il se les avoit attirez. Il havoit la plus grand part des Cardinaux à sa devocion. Et au regard des nouveaux aquez, il avoit pourpensé devenir Seigneur de la Tuscane, & tenoit deja Peruse & Plombin, ayant pris la protection de Pise,



Segment 35
Et come non havessi havuto haver' respetto a Francia, che non glien'haveva d'havere più, per esser' già i Francesi spogliati del' Regno di Napoli dali Spagnuoli, in forma che ciascuno di loro era necessitato di comperar' l'amicitia sua, saltava in Pisa.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et n'eust esté quelque peu de crainte qu'il avoit des Françoys, combien qu'il ne les craignoit plus guère, acause que les Françoys estoient fraischement chassés du royaume de Naples par les Hespaignolz, tellement que les ungs et les aultres estoient contrainctz d'achepter son amitié, il se fut incontinant rué dans Pise pour s'en faire seigneur. et n'avoit aucun egard aux François, comme s'il n'eust plus a faire d'eux, pource qu'ilz estoient chassez du royaume de Naples par les Espagnolz : en sorte qu'un chacun estoit contraint d'acheter son amitie. Il se iettoit sur Pise : Et comme il n'eust plus occasion de craindre l'empeschement des Françoys, qui estoient ia deschassez par les Espagnolz hors le Royaume de Naples, en forme qu'un chacun d'iceux avoit besoing d'achepter son amitié : la seigneurie de Pise ne luy pouvoit faillir. & n'avoit aucun egard aux François, comme s'il n'eust plus à faire d'eux, pource qu'ils estoient chassez du royaume de Naples par les Espagnols : en sorte que chacun estoit contraint d'achaitter son amitié il se jettoit sur Pise :



Segment 36
Doppò questo, Lucca et Siena cedeva subito, parte per invidia de Fiorentini et parte per paura. I Fiorentini non havevan' rimedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laquelle chose s'il eust faicte, Lucques et Senne se fussent rendues, tant pour la crainte de sa grande puissance comme pour l'envye qu'ilz portoient aux Florentins, tellement que les Florentins mesmes eussent esté troussez et n'eussent eu aulcun remède pour se délivrer de sa main. Apres elle Lucque, et Siene eussent facilement este de la partie, ou par depit des Florentins, ou de peur qu'ilz avoyent : les Florentins ne se fussent peu sauver. Et apres ceste cy Siennes, et Luques se fussent incontinent rendues, partie en hayne des Florentins, partie de belle peur, à quoy les Florentins n'eussent sceu remedier. Aprez elle, Luque & Siene eussent facilement esté de la partie, ou par depit des Florentins ou de paour qu'ils avoient : les Florentins ne se fussent peu sauver.



Segment 37
Il che se li fusse riuscito, che gli riusciva l'anno medesimo che Alessandro morì, s' acquistava tante forze et tanta reputatione che per se stesso si sarebbe retto, senza dependere da la Fortuna o forza d'altri, ma solo da la potentia et virtù sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laquelle chose s'il eust parachevée comme sans point de faulte il en fust venu à bout la mesme année qu'Alexandre mourut, il eust eu tant de forces acquises et si grande réputation qu'il se fust soubstenu sur son estat, sans s'appuyer à la fortune ny aux forces daultruy, ains seullement sur sa puissance et vertu. Faisant cela (ce qu'il eust fait l'annee mesme que Pape Alexandre mourut) il se fut amasse telles forces, et acquis si grande reputation qu'il eust peu maintenir, et gouverner luy mesme sans dependre de la fortune, et forces d'autruy, seulement de sa vertu et puissance. Si tout cela luy eust ensemble succedé, comme il succedoit sans doubte la mesme année, que Alexandre deceda : il s'acqueroit tant de force, et reputation, que, de luy mesme il se fust peu maintenir en vigueur, sans dependre de la fortune, ou renfort d'autruy : ains seullement de sa puissance, et vertu. Faisant cela (ce qu'il eust fait l'année mesme que Pape Alexandre mourut) il eust assemblé telles forces & acquiz si grande reputation, qu'il eust peu maintenir & gouverner luy mesme sans dependre de la fortune & forces d'autruy, ains seulement de sa vertu & puissance.



Segment 38
Ma Alessandro morì doppò cinque anni ch'egli haveva incominciato a trarre fuore la spada, lasciollo con lo stato di Romagna solamente assolidato, con tutti gli altri in aria, intra doi potentissimi eserciti inimici, amalato a morte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais Alexandre mourut cinq ans après qu'il eust commencé à mectre la main à l'espée et le laissa seullement seigneur de la Romaigne toute réduicte et incorporée en ung, tous les aultres estoient encore en herbe, entre deux armées de deux ennemyz trespuissans, malade à mort. Mais Pape Alexandre mourut cinq ans apres que Borge avoit commence a degainer l'epee, laissant la Romagne seulement bien assise et ferme, tous les autres estatz quasi en l'air, entre deux camps ennemis, et trespuissans, malades iusques a la mort : Mais son pere luy faillit cinq ans apres, qu'il commença à desgainer espée, et ne luy laissa rien de solide tenue que la Romaigne : le reste demeurant incertain comme une chose en l'air, et estant mallade au lit de la mort, entre deux trespuissantes armées ennemies. Mais Pape Alexandre mourut cinq ans aprez que Borge avoit commencé à degainer l'epée, laissant la Romagne seulement bien assise & ferme, tous les autres estatz quasi en l'air, entre deux camps ennemis & tres-puissans, malade iusques à la mort :



Segment 39
Et era nel' Duca tanta ferocia et tanta virtù, et sì ben' conosceva come gli huomini s' habbino a guadagnare o perdere, et tanto eron' validi li fondamenti che in sì poco tempo s'haveva fatti, che se non havesse havuto quelli eserciti adosso o fusse stato sano, harebbe retto a ogni difficultà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Touttefois le duc estoit ancor si ardent, si fier et de telle vertu, et si bien sçavoit comment les hommes se doibvent gaigner ou perdre, et si bien fondé se sentoit en si peu de temps, qu'il avoit commencé, que s'il n'eust eu les deux armées sur luy, ou qu'il eust esté sain et délivré de sa personne, il eust surmonté toutes ces difficultez. toutesfois il estoit si brave, et connoissoit si bien les moyens comme il faut gangner, ou perdre les hommes, et les fondemens qu'il s'estoit basti en si peu de temps estoient si fermes, que si deux osts n'eussent este prestz a luy courre sus, ou s'il esut este guari, il eust surmonte tous empeschemens. Ce Duc estoit garny d'un si grand cueur, et hardement, congnoissant si bien par quelles voyes les hommes se devoient gagner, ou perdre, et telz venoient à estre les fondemens qu'il avoit iettez en si peu de temps, que sans l'empeschement de ces deux gros exercites, ou de son extreme malladie, il fust parvenu au dessus de ses affaires. toutefois il estoit si brave & connoissoit si bien les moïens comme il faut gangner ou perdre les hommes, & les fondemens qu'il s'estoit basty en si peu de temps estoient si solides, que si deux osts n'eussent esté prests à luy courre sus, ou s'il eust esté guary, il eust surmonté tous les destourbiers & empeschemens.



Segment 40
Et che li fondamenti suoi fussin' buoni, si vidde: che la Romagna l' aspettò più d'un' mese; in Roma, ancora che mezo morto stette securo, et benche i Baglioni, Vitelli et Orsini venissero in Roma, non hebbon' seguito contro di lui; poté far', se non chi egli volle, almeno che non fusse Papa chi egli non voleva.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et qu'il soit vray que ses fondemens fussent bons, il fut clere à congnoistre de ce que la Romaigne l'attendit plus d'ung moys, mesme dans Romme il estoit en seureté, ancor qu'il fut demy mort, et jafoit que les Baillons, Vitelles, et Ursins vinsent à Romme, touttefoys ilz n'eurent aucune suytte contre luy, il estoit en si grand crédit au Collège des Cardinaulx, que si bien il n'eust sçeu faire eslire pape celuy qu'il eust voulu, pour le moins il pouvoit empescher qu'ung sien ennemy ne l'eust esté. De fait on peut bien veoir que ses fondemens estoyent fort seurs, quant a la Romagne il fust attendu plus d'un mois, encore qu'il fust demi mort : Et si n'osa personne luy faire facherie dans Romme. Et bien que les Baillions, Vitelles, Ursins vinssent a Romme, si n'eurent ilz point de suite contre luy. S'il ne peut faire Pape celuy qu'il eust bien voulu, pour le moins il fit que celuy qui ne vouloit pas ne le fut point. Et que ses fondemens fussent bons, le païs de la Romaigne assez le tesmoigna, laquelle tint bon pour luy plus d'un mois, encores qu'on le veit presque demy mort à Rome, ou il demeura en seureté tant que sa maladie dura. Et bien que les Baglions, Vitellins, et Ursins retournassent à Rome le voyant mallade, comme au desespoir de guerison, ilz ne trouverent oncques, qui se voulust bander pour eux contre luy. Et si eut bien le pouvoir, s'il ne feit eslire Pape celluy qu'il eust voulu, pour le moins d'empescher, que celluy, qu'il ne vouloit pas, le fust. De fait on peut bien veoir que ses fondements estoient fort surs, quant à la Romagne il fut attendu plus d'un mois, encore qu'il fust demy mort : Et si n'osa personne luy faire facherie dans Romme. Et bien que les Baillious, Vitelles, Ursins vinsent à Romme, si n'eurent ils point de suite contre luy. S'il ne peut faire Pape celuy qu'il eust bien voulu, pour le moins il fit que celuy qu'il ne vouloit pas, ne le fust point.



Segment 41
Ma se ne la morte di Alessandro fusse stato sano, ogni cosa gli era facile. Et lui mi disse, ne dì che fù creato Iulio secondo, che haveva pensato a tutto quello che potessi nascere, morendo el padre, et a tutto haveva trovato rimedio, eccetto che non pensò mai, in sù la sua morte, di star' ancor' lui per morire.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et certes s'il eust esté sain quand Alexandre mourut, rien ne luy estoit impossible. Car il me disoit du temps que le pape Jules II fut esleu qu'il avoit pourveu et ordonné bon remède, à tout ce qui pouvoit survenir à la mort de son père, fors qu'il n'avoit jamais pensé qu'en ceste heure là il deust estre luy mesme en dangier de mourir. Mais s'il n'eust este malade, quant Pape Alexandre mourut tout luy eust este facile. Aussi me le dit il le iour que le Pape Iules fut esleu qu'il s'estoit avise de tout ce qui pouvoit survenir a la mort de son pere, trouvant remede par tout, fors qu'a sa propre mort, ne se doutant point qu'il deust encores luy mesme mourir. Mais s'il eust esté en bonne disposition lors qu'Alexandre mourut, toutes choses alloient à son souhait. I'ay souvenance qu'il me dit (es iours, que Iulle second fut esleu) avoir pensé à tous les inconveniens, qui luy pouvoient advenir son pere mourant, et à tous trouvé le remede prest, excepté, qu'il n'avoit iamais estimé, voire sur le point de la mort, devoir si tost mourir. Mais s'il n'eust esté malade, quand Pape Alexandre mourut, tout luy eust esté facile. Aussi me le dit il le iour que le Pape Iules fut eleu, qu'il s'estoit avisé de tout ce qui pouoit survenir à la mort de son pere, trouvant remede par tout, fors qu'à sa propre mort, ne se doutant point qu'il deust encores luy mesme mourir.



Segment 42
Raccolto adunque tutte queste attioni del' Duca, non saprei riprenderlo, anzi mi par' (com' io ho fatto) di preporlo ad imitar' a tutti coloro che per Fortuna et con l'armi d'altri son' saliti a l'Imperio; perche lui, havendo l'animo grande et la sua intention' alta, non si poteva governare altrimenti et solo si oppose alli suoi disegni la brevità della vita d'Alessandro et la sua infirmità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En examinant donc toutes les manières du duc, je ne scauroys bonnement trouver en quoy le reprendre, ains me semble bon, comme j'ay faict, de le mettre pour exemple, devant les yeulx de tous ceulx qui par fortune et armes daultruy veullent parvenir à l'empire, pour ce qu'ung tel homme de si grand couraige, et de haulte entreprinse ne se pouvoit autrement gouverner et rien ne fut contraire à ses entreprinses fors la briefveté de la vie d'Alexandre et sa maladie. Toutes ces entreprises assemblees, et considerees, ie ne voi point en quoy il merite d'estre repriz, ains il me semble qu'il le faut, comme i'ay faict proposer pour exemple a tous ceux qui par fortune, et avec les armes d'autruy sont parvenus a grands estats et seigneuries. Car aiant le cœur grand et l'intention haute, il ne se pouvoit porter autrement, et la mort seulement d'Alexandre et sa propre maladie s'opposa a ses desseins. Pesant doncq, et considerant bien ensemble tous les gestes de ce Duc, ie ne voy point ou lon le puisse reprendre (ienten quant a conduire, et faire ses besongnes) ains il me semble (selon que i'ay dit) devoir estre proposé comme un exemplaire à tous ceux, qui par le moyen de fortune, et secours d'autruy veullent sauter aux principautez. Car ayant le cueur tant magnanime, et les intentions si hautes, ne pouvoit se gouverner autrement. La seulle trop briefve vie de son pere, et sa grande malladie, s'opposerent à l'execution de ses braves entreprises. Toutes ces entreprises assemblées & considerées, ie ne voy point en quoy il merite d'estre repris, ains il me semble qu'il le faut (comme i'ay fait) proposer pour exemple à tous ceux qui par fortune & avec les armes d'autruy sont parvenus à grans estats & Seigneuries. Car ayant le cueur grand & l'intention haute, il ne se pouvoit porter autrement, & la mort seulement d'Alexandre & sa propre maladie s'opposa à ses desseins.



Segment 43
Chi adunque giudica necessario nel' suo Principato nuovo assicurarsi de gli nimici, guadagnarsi amici, vincere o per forza o per fraude, farsi amare et temer' da popoli, seguire et riverire da soldati, spegner' quelli che ti possono o debbono offendere, innovar' con nuovi modi gli ordini antichi, esser' severo et grato, magnanimo et liberale, spegner' la militia infidele, crear' de la nuova, mantenersi l'amicitie de' Re et de li Principi, in modo che ti habbino a benificare con gratia o a offendere con rispetto, non può truovar' più freschi essempi che l' attioni di costui.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si doncques aulcun estime luy estre nécessaire pour establir son nouveau principat de s'asseurer de ses ennemyz, gaigner amys, vaincre par force, ou par tromperye, se faire aymer et craindre des peuples, se faire suyvre, et honorer des gensdarmes, extaindre ceux qui peuvent ou doibvent nuyre, renouveller par nouvelles coustumes les ordres anciens, estre sevère, aggréable, magnanime, hautain et libéral, casser la gensdarmerie desloyalle, créer la nouvelle, maintenir l'amytié des roys et princes en telle sorte qu'ilz se mettent à te faire plaisir avec grâce, ou t'assaillir avec crainte de ta puissance, il ne peult trouver meilleurs exemples que les faictz et gestes de ce duc Borgia. Qui donc pensera estre necessaire en sa nouvelle Principaute, s'asseurer des ennemis, s'acointer des amis, gaigner ou par force ou par finesse, se faire aimer et craindre du peuple, se faire honorer et suyvre des soldars, ruiner ceux qui nous peuvent ou doivent endommager, refrechir par nouveaux moyens les anciennes coustumes, estre rigoureux et gracieux, hautain et liberal, casser les soldars desquelz on ne se peut seurement fier, en apointer de nouveaux, se maintenir en amitie des Roys et des Princes : en sorte que ilz te facent plaisir avec faveur, ou qu'ilz ne t'offencent point sans respect : il ne peut choisir plus frais exemples, que les faicts de cestuy ci. Et pourtant quiconque estimera necessaire, à l'avenement de son regne nouveau, se fortifier en premier lieu contre ses ennemis, gaigner amis, vaincre soit par force, ou par cautelle, se faire aymer et craindre de ses subietz, suivre et reverer de ses soldatz, adnichiller ceux qui te peuvent, ou ont quelque raison de te vouloir nuyre, immuer par nouvelles ordonnances les anciennes formes de vivre, estre severe, gratieux, magnanime, et liberal, supprimer la gendarmerie suspecte, et en establir de nouvelle, s'entretenir en lamitié des Roys, et Princes, en telle façon qu'ilz soyent volontiers promptz à te faire plaisir, et tardifz à t'offencer, il ne pourra trouver plus frais, et convenables exemples, que les actes, et gouvernement de ce Duc. Qui donc pensera estre necessaire en sa nouvelle Principauté, s'assurer des ennemis, s'accointer des amis, gaigner ou par force ou par ruse, se faire aymer & craindre du peuple, se faire honorer & suivre des soldars, ruiner ceux qui nous peuvent ou doivent endommager, refraichir par nouveaux moyens les anciennes coustumes, estre rigoureux & gracieux, hautain & liberal, casser les soldars desquels on ne se peut surement fier, en appointer de nouveaux, se maintenir en amitié des Roys & des Princes : en sorte qu'ils te facent plaisir avec faveur, ou qu'ils ne t'offencent point sans respect : il ne peut choisir plus frais exemples que les faits du Duc Valentin.



Segment 44
Solamente si può accusarlo ne la creation' di Iulio secondo, ne la quale lui hebbe mala elettione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Seullement on le pourroit reprendre en la création de pape Jule en laquelle il eust mauvaise élection. Seulement on ne le peut reprendre en la creation du pape Iules II. Car il le choisit mal : On le peut seullement blamer d'une chose, d'avoir souffert l'election de Iulle second : laquelle luy fut grandement preiudiciable. Seulement on le peut reprendre en la creation de Pape Iules II. Car il le choisit mal :



Segment 45
Perche, come è detto, non possendo fare un' Papa a suo modo poteva tenere che uno non fusse Papa, et non doveva acconsentir' mai al' Papato di quelli Cardinali, che lui havessi offesi o che diventati Pontifici havessino ad haver' paura, di lui. Perche gli huomini offendono o per paura o per odio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car, comme cy dessus nous avons dict, puys qu'il ne pouvoit faire un pape à son grè, il debvoit empescher que ung ne le fust à son malgré. Dont il ne debvoit jamais donner consentement à la papaulté des cardinaulx qu'il avoit offensez, ou qui debvoient, estant papes, avoir crainte de luy : acause que les hommes offensent et nuysent à aultruy de haine ou de crainte. d'autant que ne pouvant ainsi comme i'ay desia dict faire un Pape a sa guise : il pouvoit au moins si bien faire que un tel ne fust point Pape. Et ne devoit iamais consentir que les Cardinaux qu'ilz avoit offensez fussent eleuz, ny ceux qui parvenuz a la Papaute deussent avoir peur de luy. Car les hommes nuisent aux autres ou de peur ou de haine. Car (comme i'ay recité) ne pouvant faire un Pape à sa guise, il luy estoit possible tenir la main a ce, qu'aucun n'y parvint de tous les Cardinaux qu'il avoit auparavant rendus ses ennemis, ou qui estans Papes se fussent peu craindre de luy. Parautant que les hommes ne s'esforcent moins communement de nuyre par crainte, que malveillance. d'autant que ne pouant (comme i'ay desia dit) faire un Pape à sa guise. Il pouoit au moins si bien faire qu'un tel ne fust point Pape, & ne devoit iamais consentir que les Cardinaux qu'ils avoit offencez fussent eleuz, ne ceux qui parvenuz au Papat deussent avoir paour de luy. Car les hommes nuisent aux autres ou de paour ou de hayne.



Segment 46
Quelli che lui haveva offesi eron', tra gli altri, San Pietro ad vincula, Colonna, San Giorgio, Ascanio. Tutti gli altri assunti al Pontificato havevan' da temerlo, eccetto Roano et gli Spagnoli. Questi per coniuntione et obligo, quello per potentia, havendo congiunto seco il Regno di Francia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx qu'il avoit offensé estoient entre plusieurs autres, les cardinaulx de Sainct Pierre ad Vincula, Colonne, Sainct Georges, Ascanio, tous les aultres, s'ilz eussent esté esleuz au pontificat avoient occasion de le craindre, hormis le cardinal de Rouen et les Hespaignolz, l'un pour sa puissance et ayde du royaume de France, les aultres pour la puissance et mérites de son père qui estoit hespaignol. Ceux qu'il avoit fachez estoient entre les autres le Cardinal S. Pierre ad vincula, Colonne, S. George, et Ascaigne : tous les autres, s'ilz fussent eleus, ilz avoient occasion de le craindre fors le Cardinal d'Amboise, et les Espagnols :ceux ci par alliance et amitie, le Cardinal d'Amboise pour sa grande authorite, tirant avec luy tout le royaume de France. Or les Cardinaux qu'il avoit offensez, estoient entre autres, celuy de sainct Pierre ad vincula, le Cardinal Colonne, le Cardinal Sainct George, et Ascanio. Tous les autres, quand ilz eussent esté Papes, avoient matiere se doubter de luy. fors le Cardinal de Rouen, et les Espagnolz : ceux cy à cause de l'alliance, et obligation, qui luy devoient, l'autre pour le regard de l'appuy et support de France. Ceux qu'il avoit offensez estoient entre les autres le Cardinal S. Pierre ad vincula, Colonne, S. George & Ascaigne : tous les autres, s'ils eussent esté eleus, ils avoient occasion de le craindre fors le Cardinal d'Amboise & les Espagnols : ceux cy par alliance & amitié, le Cardinal d'Amboise pour sa grande autorité, tirant avec luy tout le royaume de France.



Segment 47
Per tanto il Duca innanzi ad ogni cosa doveva crear' Papa uno Spagnuolo, et, non potendo, deveva consentire che fusse Roano et non San' Pietro ad vincula.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant le duc avant toutes choses debvoit faire pape ung hespaignol et s'il ne le pouvoit faire, devoit consentir à la papaulté du cardinal de Rouen, et non pas de Saint Pierre ad Vincula. Pour cette cause Borge devant toutes choses devoit faire un Pape Espagnol, et s'il n'eust peu il devoit accorder que ce fust Amboise, et non pas S. Pierre ad vincula. Parquoy sus toutes choses luy falloit briguer l'election d'un Espagnol : ne le pouvant faire, il devoit au fort consentir celle du Cardinal de Rouen, et non de Sainct Pierre ad vincula. A cette cause Borge avant toutes choses devoit faire un Pape Espagnol, & s'il n'eust peu, il devoit accorder que ce fust Amboise & nompas S. Pierre ad vincula.



Segment 48
Et chi crede che nè personaggi grandi i benificij nuovi faccino dimenticare l'ingiurie vecchie s'inganna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car certainement on s'abuse grandement à penser qu'aux grans personnages, les nouveaux bénéfices facent mectre en oubly les anciennes injures. Car celuy qui pense que es grans personnages les nouveaux plaisirs facent oublier les vieilles iniures, il s'abuse. Car c'est simplesse de penser que les nouveaux plaisirs facent oblier aux grandz seigneurs les vieilles iniures, et offenses. Car celuy qui pense que és grans personnages les nouveaux plaisirs facent oublier les vieilles injures, il s'abuse.



Segment 49
Errò adunque il Duca in questa elettione, et fù cagion' de l'ultima rovina sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Voylà doncques comment le duc fist grand erreur en la création de ce pape là, qui fut cause de sa dernière ruyne. Borge donc faillit en ceste derniere election, et fut cause de sa derniere ruine. Et par ainsi le Duc commit une bien lourde faute en la creation de Iulle, moyennant laquelle il appresta l'occasion de sa derniere ruyne. Borge donc faillit en cette election qui fut cause de sa derniere ruine.

 

Chapitre 8.

Titre
Di quelli che per sceleratezze sono pervenuti al' Principato. Cap .VIII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De ceux qui par meschanceté et fraude sont devenuz princes. Chapitre VIII De ceux-la qui par meschancetés sont parvenuz a la Principauté. Chap. 8. De ceux qui par voyes vicieuses sont parvenus au Principat. Chapitre VIII. De ceux qui par vice sont parvenuz à Principauté. Chap. 8



Segment 1
Ma perche di privato si diventa ancora in dui modi Principe il che non si può al tutto o a la fortuna o a la virtù attribuire, non mi par' da lasciar'li indrieto, ancora che de l'uno si possa più diffusamente ragionare, dove si trattasse de le Republiche.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais acause que d'estat privé, l'on devient prince encores de deux aultres manières qui ne se peuvent bonnement atribuer, ny à fortune ny à vertu, je ne veulx oublier à en discourir, combien que de l'une des deux, on puisse plus au long parler en traictant des républiques. Mais d'autant qu'on parvient en deux autres manieres de bas estat estre prince, sans qu'on puisse dire estre du tout ou vertu, ou fortune : il me semble qu'on ne les doit point laisser derriere, encores que de l'une on puisse parler plus au long quand on traitteroit des communautez. Or parautant que de condicion privée lon devient encores Prince en deux manieres, qui ne se peuvent entierement attribuer à la fortune, ou vertu, la raison veut bien que nous en facions quelque mention : combien que le siege d'en deviser plus amplement de l'une, seroit plus propre ou le besoing s'offriroit traitter particulierement des Republiques. Mais d'autant qu'on parvient en deux autres manieres de bas estat à estre Prince, sans qu'on le puisse attribuer du tout à vertu ou fortune : il me semble qu'on ne les doit point laisser derriere, encore que de l'une on puisse parler plus au long quand on traitteroit des communautez.



Segment 2
Questi sono quando o per qualche via scelerata et nefaria s'ascende al' Principato, o quando un' privato cittadino con el favore de l'altri suoi cittadini diventa Principe de la sua patria.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'une est quand par quelque forfaict, meschant moyen, fraude, ou trahison, l'on se faict prince. L'aultre quand ung privé citoyen, par la faveur de ses concitoyens devient prince de la nation. Ces manieres ici sont quand ou par quelque moyen malheureux et meschant on monte a la Principaute, ou bien quand un simple citoyen par la faveur des autres citoyens devient seigneur de son païs. Ces deux manieres sont, quand par quelque vicieuse, et damnable voye lon monte au Principat, et la seconde quand un citoien privé se fait, par la faveur de ses autres Citadins, Seigneur de sa patrie. Ces manieres cy sont quand ou par quelque moyen mal-heureux & meschant on monte à la Principauté, ou quand un simple citoyen par la faveur des autres citoyens devient Seigneur de son païs.



Segment 3
Et parlando del' primo modo si mostrerà con dui essempi, l'uno anticho, l'altro moderno, senza entrare altrimenti ne meriti di questa parte, perche io giudico che bastino a chi fusse necessitato imitarli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour bien entendre la première de ces deux manières, je la déclareray seullement par deux exemples l'un ancien l'aultre moderne, sans autrement entrer aux mérites de ceste partie, car j'estime qu'ilz suffiront pour enseignement à celluy qui seroit contrainct de les ensuivre. Pour commencer a la premiere nous la declarerons par deux exemples, l'un ancien, l'autre de ce temps ci sans entrer autrement sur leur merites et bon droit. Car i'estime qu'il souffiront a celuy qui sera contrainct de les ensuyvre. Parlant de la premiere, ie fonderay mon intention, et la prouveray par deux exemples, l'un ancien, et l'autre moderne, sans autrement entrer sur le merite, et iustice de cest affaire : parce qu'ilz me semblent devoir suffire à celluy, qui s'en voudroit servir en la conduitte de telle entreprise. Pour commencer à la premiere nous la declarerons par deux exemples, l'un ancien, l'autre de ce temps cy, sans entrer autrement sur leur merite & bon droit. Car i'estime qu'il suffiront à celuy qui sera contraint de les ensuivre.



Segment 4
Agathocle Siciliano, non solo di privata ma d'infima et abietta fortuna, divenne Re di Siracusa.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Agatocles Sicilien non seullement d'estat privé, mais d'une paouvre et tresville condicion devint prince de Siracuse. Agatocle de Sicile se fit roy de Syracuse aiant este devant non point de simple et privee condition, mais infime et abiecte, Agathocles de Sicille, non seullement de privée, mais aussi de basse, et vile qualité devint Roy de Siracuse. Agatocle de Sicile se fit Roy de Saragouse, ayant esté paravant non point de simple & privée condition, mais de la plus vile & basse,



Segment 5
Costui nato d' uno orciolaio tenne sempre per i gradi della sua fortuna vita scelerata. Nondimanco accompagnò le sue scelerateze con tanta virtù d' animo et di corpo che, voltosi a la militia, per li gradi di quella pervenne a esser' pretor di Syracusa.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Cestuy cy estant fils d'un potier tousjours mena, selon que son métier et fortune le requéroit, une malheureuse et tresmeschante vye touteffoys il coulora ses meschancetez, avec une si grande vertu de cueur et de corps, qu'en se gectant sur le faict de guerre, suivant les degrès des hommes de gensdarmerye, vint à estre prevost de Siracuse. pource qu'il eut un pere potier, et mena tousiours une vie detestable selon les degrez de fortune. Toutesfois il accompaigna les vices d'une si grande force d'esprit et de corps, que s'estant adonne a la guerre de charge en autre il fit tant qu'il fut Capitaine des Syracusains. Ce galland estant filz d'un potier, continua par tous les degrez de sa fortune une tresmauvaise et reprouvée vie : toutesfois il accompagna ses vices d'une si grande braveté de courage, et de corps, qu'il se mit à suyvre les armes : ou il feit tant petit à petit que, par ses iournées, et diligences il parvint à estre Preteur de Siracuse. comme celuy qui eust un pere potier & mena tousiours une vie detestable selon les degrez de fortune. Touotefois il accompaigna les vices d'une si grande force d'esperit & de corps, que s'estant adonné à la guerre de charge en autre, il fit tant qu'il fut Capitaine des Saragousins.



Segment 6
Nel' qual' grado essendo constituto, et havendo deliberato voler' diventar' Principe et tener' con violenza et senza obligo d' altri quello che d'accordo gli era stato concesso, et havuto di questo suo disegno intelligentia con Amilcare Carthaginese, il quale con gli eserciti militava in Sicilia, congregò una mattina il Popolo et il Senato di Syracusa come s'egli havessi havuto a deliberare cose pertinenti a la Republica.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Auquel degrès quand il se vit constitué ayant délibéré de se faire prince de Siracuse et tenir par force sans estre obligé à aultruy, ce que par accord des citoyens luy avoit esté donné, après avoir communiqué son entreprinse avec Amilcar de Cartage, qui pour lors avec son armée faisoit la guerre en Sicile, par ung matin feit assembler le peuple et le sénat de Siracuse, comme s'il eust voulu consulter de quelque chose d'importance pour la républicque. Apres estre establi en dignite il mist en sa teste de se faire Roy, et tenir par force, sans obligation d'autruy ce qu'on luy avoit accorde par consentement. Aiant aussi des secrettes intelligences de son dessein avec Amilcar de Cartage, lequel acompaigne de grosse puissance menoit guerre en Sicile. Il assembla un beau matin tout le peuple et le Senat de Syracuse, comme aiant a consulter sur les affaires touchant le commun. Se voyant constitué en cest estat, et aspirant secrettement à la Tyrannie, pour tenir violentement, et sans en sçavoir gré à autruy, ce que volontairement luy avoir esté accordé : apres avoir communiqué ceste intelligence avec Amilcar de Carthage lequel tenoit armée en Sicille, assembla un matin le Peuple, et Senat de Siracuse, comme s'il eust eu à mettre affaires en deliberation grandement importantes à la chose publique : Aprez estre estably en dignité, il mit en sa teste de se faire Roy & tenir par force, sans obligation d'autruy ce qu'on luy avoit accordé par consentement. Ayant aussi de secrettes intelligences de son dessein avec Amilcar de Carthage, lequel accompaigné de grosse puissance menoit guerre en Sicile. Il assembla un beau matin tout le peuple & le senat de Saragouse, comme ayant à consulter sur les affaires concernans le public,



Segment 7
Et a un' cenno ordinato fece da suoi soldati uccidere tutti li Senatori et li più ricchi del' Popolo; li quali morti, occupò et tenne il Principato di quella Città senza alcuna controversia civile.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et tout incontinent faisant un certain signe à ses souldards, feit mectre à mort tous les sénateurs et les plus riches du peuple. Lesquels occis il occupa et tint la principaulté de celle cité sans aucun débat de ses citoyens. Et par un signe qu'il avoit donne a ses soldars il fist mettre a mort tous les Senateurs, et les plus riches du peuple. Lesquelz estant tuez, il occupe et tient par force le royaume sans aucun debat entre les citoyens. et à un mot de guet feit mettre a mort par ses satellites tous les Senateurs, et plus riches du Peuple : laquelle execution parachevée, il occupa la souveraineté de la ville sans aucun empeschement. là où par un signe qu'il avoit donné à ses soldars, il fit mettre à mort tous les Senateurs & les plus riches du peuple. Lesquels estant tuez, il occupe & tient par force le royaume sans aucun debat entre les citoyens.



Segment 8
Et benche da i Carthaginesi fusse due volte rotto et ultimamente assediato, non solamente poté difendere la sua Città, ma, lasciata parte de la sua gente a la difesa di quella, con l'altre assaltò l'Affrica et in breve tempo libero Syracusa da l' assedio et condusse i Carthaginesi in estrema necessità, quali furno necessitati ad accordarsi con quello a essere contenti della possessione de l' Affrica, et ad Agathocle lasciar' la Sicilia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et combien que par après il fust deux fois défaict en bataille mys en routte, et finablement assiegé, touttefoys il eust le couraige non seullement de se défendre dans sa ville, mais aussy d'assaillyr aultruy. Car en laissant partie de ses gens pour tenir la ville avec le demourant il donna l'assault à l'Affricque, et en peu de temps contraigny ses ennemys à oster le siège de devant Siracuse, et meit les Cartaginoys en extrême nécessité tellement qu'ilz furent contraictz de s'accorder avec luy, et d'estre contens de leur Affrique, et laisser la possession de Sicile à Agatocles. Et bien qu'il eust eu deux routes des Carthaginois, mesmes a la fin fust assiege, toutesfois il eut le pouvoir et hardiesse non point seulement de se defendre et soy et sa ville, mais aiant laisse une partie de ses gens pour la garde de la ville, avec l'autre partie il envahit l'Affrique, et en peu de temps il mena les Carthaginois en ces termes de quitter le siege, et les reduisit en si extreme necessite qu'il leur fut force d'accorder avec luy qu'il se contenteroyent de l'Afrique, luy laissant la Sicile. Et encores que depuis il perdit deux grosses iournées contre les Carthaginois, iusques à estre finablement assiegé, il ne laissa pourtant à bien defendre sa cité : mais d'avantage y commettant une partie de ses gens pour la garde, passa en Affrique avec le reste de son ost, ou il leur mena si vertement la guerre, qu'en peu de temps les contraignit faire lever le siege devant Siracuse, et les vous conduit à une telle necessité qu'ilz furent à la parfin contraintz demander la paix, luy laissans la Sicile paisible, pour se contenter de l'Affrique. Et combien qu'il eust receu deux routtes des Carthaginois, mesmes à la fin fust assiegé, toutefois il eut le pouoir & hardiesse non point seulement de se defendre & soy & sa ville, mais ayant laissé une partie de ses gens pour la garde de la ville, avec l'autre partie il envahit l'Afrique, & en peu de temps il reduit les Carthaginois en termes de quitter le siege, & les rengea en si extreme necessité, qu'il leur fut force d'accorder avec luy qu'ils se contenteroient de l'Afrique, luy laissant la Sicile.



Segment 9
Chi considerasse adunque l'attioni et virtù di costui, non vedria cose, o poche, le quali possa attribuire a la Fortuna, conciosia che, come disopra è detto, non per favore d'alcuno ma per li gradi de la militia, quali con mille disagi et pericoli si haveva guadagnato, pervenisse al Principato, et quello di poi con tanti animosi partiti et pericolosi mantenesse.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Qui considérera doncques les faictz et vertuz de cestuy cy, il ne trouvera aucunes choses ou bien peu qui se puissent attribuer à fortune, veu que sans la faveur de personne seullement par les degrès de gensdarmerie, qu'il avoit gaigné par mille travaux et dangiers de sa vie, il parvint à la principaulté, et la maintint avec plusieurs entreprinses plaines de péril et d'audace. Qui doncques considerera bien ses œuvres et vertuz il ne verra rien ou bien peu qu'on puisse dire estre de fortune, veu que (comme nous avons dict ci dessus) il estoit parvenu au Royaume non par la faveur de quelcun, mais par charges de la gendarmerie lesquelles il avoit meritees par mille travaux et dangers, ausquelles il s'estoit maintenu par de magnanimes et perilleux actes. Qui doncq prendra bien egard aux gestes, et conduittes de cestuy cy, il ne trouvera rien, ou bien peu, attribuable à la fortune, consideré que ce ne fut point, comme i'ay dit, par la faveur d'aucune chose, qu'il penetra iusques à ce souverain estat, et s'y maintint depuis par si hautes, et perilleuses entreprises. Ains y monta successivement par les degrez des charges, et superintendances, qu'on luy donna à la suitte de la guerre, qu'apres mille travaux et dangers il avoit obtenues. Qui donques considerera bien ses euvres & vertuz, il ne verra rien ou bien peu qu'on puisse dire estre de fortune, veu que (comme nous avons dit cy dessus) il estoit parvenu au royaume non par la faveur de quelqu'un, ains par charges de la guerre, lesquelles il avoit meritées par mille travaux & dangers, esquelz il s'estoit maintenu par de magnanimes & perilleux actes.



Segment 10
Non si può chiamare ancor' virtù amazare li suoi Cittadinì, tradir' gli amici, esser' senza fede, senza pietà, senza religione, li quali modi posson' far' acquistar' Imperio ma non gloria.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dautrepart on ne peult appeler vertu, tuer ses citoyens, trahir ses amyz, estre sans foys, sans pitié, sans religion. Lesquelles manières de vivre peuvent bien faire acquester empire à quelcun, mais gloire non. Dautre part on ne sçauroit dire que ce soit vertu tuer ses citoyens, trahir ses amis, n'avoir point de foy, de pitie, de religion. Par lesquelz moyens on peut conquester quelque Seigneurie mais non pas honneur. Or ne doit on pas appeller vertu, que de tuer ses citadins, trahir ses amis, estre sans foy, sans pitié et religion : qui sont possibles moyens pour acquerir seigneuries, mais non pas avecques gloire et reputation. D'autre part on ne sauroit dire que ce soit vertu tuer ses citoyens, trahir ses amis, n'avoir point de foy, de pitié de religion. Par lesquels moyens on peut conquester quelque Seigneurie, nompas honneur.



Segment 11
Perche se si considerasse la virtù de Agathocle ne l'intrar' et nel' uscir' de pericoli et la grandeza de l' animo suo nel' supportar' et superar' le cose adverse, non si vede perche egli habbi ad esser' tenuto inferiore a qual' si sia eccellentissimo Capitano. Nondimanco la sua efferata crudeltà, et inhumanità con infinite scelerateze non consentono che sia intra li eccellentissimi huomini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource que si l'on a esgard à la vertu de Agatocles à l'entrer et sortir des dangiers, à la grandeur de son courage, à supporter et vaincre les adversitez, l'on ne verra en quoy il doibve estre moins estimé, qu'aucun autre tresexcellent capitaine. Touteffoys sa cruaulté et inhumanité enragée guyde de plusieurs autres meschancetez, ne permettent qu'il soit célébré entre les excellents capitaines. Car si on considere la vertu d'Agatocle de sortir d'affaires, ou d'y entrer, et la grandeur de courage a soutenir, et surmonter les adversitez, on ne trouvera point qu'il ait este moindre que nul autre pour excellent Capitaine qu'il aie este. Neantmoins sa bestiale cruaulte et inhumanite, avec innumerables malheuretes ne permettent point qu'il soit renomme entre les singuliers personnages. Toutesfois si lon considere la prudence qu'eut Agathocles à se fourrer es dangereux hazardz, et s'en retirer, ensemble la grandeur de son courage, pour supporter, et venir au dessus de ses adversitez, lon ne le iugera point inferieur à tout autre excellent capitaine, qui ayt esté. Si est ce que sa brutalle cruauté, et inhumaine nature accompagnée d'infinis autres vices, ne permettent point, qu'il soit mis au nombre des vertueux, et magnanimes Princes. Car si on considere la vertu d'Agatocle de sortir d'affaires, ou d'y entrer & la grandeur de courage à soutenir & surmonter les adversitez, on ne trouvera point qu'il ayst esté moindre que nul autre excellent Capitaine qu'il ayt esté. Neanmoins sa bestiale cruauté & inhumanité, avec innumerables malheuretez ne permettent point qu'il soit renommé entre les singuliers personnages.



Segment 12
Non si può adunque attribuire a la Fortuna, o a la Virtù quello che senza l'una, et l'altra fù da lui conseguito.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy l'on ne peut atribuer à fortune ou à vertu ce que sans l'une et l'aultre luy advint.   A ceste cause lon ne peut iustement attribuer à fortune, ny à la vertu ce, qu'il a de luy mesmes sceu accomplir sans l'une, ne sans l'autre.  



Segment 13
Ne tempi nostri regnante Alessandro Sesto, Oliverotto da Fermo, essendo più anni adrieto rimaso piccolo, fù da un' suo zio materno, chiamato Giovanni Fogliani, allevato, et ne primi tempi de la sua gioventù dato a militare sotto Pauol' Vitelli, accioche, ripieno di quella disciplina, pervenisse a qualche grado eccellente di militia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Daultrepart en notre temps régnant pape Alexandre VI, Oliveroto de Ferme, demouré après ses parents bien petit, fut nourry par ung sien oncle maternel nommé Jehan Fouillan. Si s'adonna sur sa première jeunesse à la guerre, soubz la charge de Paul Vitelly, afin que par le moyen de sa discipline il parvint à quelque dignité ou degrès de gensdarmerye. De nostre temps quand Alexandre VI estoit Pape Oliverot de Ferme estant demoure ia par plusieurs ans petit garson, fut nourri par un sien oncle maternel nomme Iehan Foglian, et des le premier temps de son aage il fut donne a Paule Vitel pour la guerre, affin que estant de luy bien apris, il parvint a quelque honeste commission de gendarmes. De nostre temps regnant Pape Alexandre, Olivier de Ferme estant encores en bas aage, fut eslevé, et nourry par un sein oncle maternel nommé Iehan Foglian, et mis a la guerre aux premiers ans de sa ieunesse, sous la charge de Paule Vitelli : à celle fin qu'ayant bien profitté en telle discipline, il peust une fois en son temps obtenir quelque honneste ranc, et preeminance à la suitte de ceste vacation. De notre temps quand Alexandre VI. estoit Pape, Oliverot de Ferme estant demouré ja par plusieurs ans petit garçon, fut nourry par un sien oncle maternel nommé Iehan Foglian, & dez le premier temps de son aage il fut donné à Paul Vitel pour la guerre, affin qu'estant de luy bien apprins, il parvinst à quelque honneste commission & charge de gend'armerie,



Segment 14
Morto di poi Pauolo, militò sotto Vitellozo, suo fratello, et in brevissimo tempo, per esser' ingenioso et de la persona et de l' animo gagliardo, diventò de primi huomini de la sua militia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et après la mort du dict Paule, il continua le faict de guerre soubz Vitellot son frère, et en peu de temps à cause de la vivacité de son esprit, force de corps et grandeur de courage, il devint des premiers de sa gensdarmerye. Paule estant mort il se mit soubz la conduicte de Vitelosse son frere, ou en peu de temps il devint le premier de ses compaignons au faict de la guerre, d'autant qu'il estoit d'un esprit vif, de corps robuste, et de cœur hautain : Depuis, le seigneur Paule mort, il se mit à suyvre Vitellose frere dudit Paule, soubz lequel il ne demeura gueres, pour estre homme de bon esprit, galant, et dispos de sa personne, à se rendre un des premiers de sa compagnie. que Paul estant mort il se mit soubz la conduitte de Vitelosse son frere, où en peu de temps il devint le premier de ses compaignons au fait de la guerre, d'autant qu'il estoit d'un esperit vif, de corps robuste & de cueur hautain.



Segment 15
Ma parendoli cosa servile lo stare con altri, pensò con l'aiuto d'alcuni citttadini di Fermo, a quali era più cara la servitù che la libertà de la lor' patria, et con il favor' Vitellesco, d'occupar' Fermo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais à cause qu'il luy sembloit que ce fut chose servile, d'estre subject à aultruy, il délibéra d'envahir la seigneurie de Ferme, avec l'ayde d'aucuns fermans, ausquelz la servitude de leur patrie estoit plus aggréable, que la liberté, et avec la faveur de la maison des Vitelles. Mais luy semblant une chose servile d'estre soubz un autre, il delibera d'occuper Ferme par l'aide d'aucuns citoyens qui avoient plus chere la servitute que la liberte de leur païs, et avec la faveur de Vitelosse. Mais luy semblant estre chose trop basse, et serville, que vivre touiours soubz la soude d'autruy, delibera, avecques l'aide d'aucuns citadins de Ferme (auquelz la servituté de leur patrie estoit plus agreable que la liberté) et moyennant le support des Vitelles, surprendre, et occuper ceste ville. Mais luy semblant une chose servile d'estre souz un autre, il delibera d'occuper Ferme à l'ayde d'aucuns citoyens qui avoient plus chere la servitude que la liberté de leur païs & ce avec la faveur de Vitelosse :



Segment 16
Et scrisse a Giovan' Fogliani come, essendo stato più anni fuor' di casa, voleva venir' a veder' lui et la sua Città, et in qualche parte riconoscere il suo patrimonio; et perche non s' era affaticato per altro che per acquistar' honore, accioche i suoi Cittadinì vedessino come non haveva speso il tempo invano, voleva venir' honorevolemente et accompagnato da cento cavagli di suoi amici et servidori, et pregavalo che fusse contento ordinare che da Firmani fusse ricevuto honoratamente, il che non solamente truovava honore a lui, ma a se proprio, essendo suo allievo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Aumoyen de quoy il controuva la subtilité d'escrire à Jehan Fouillan son oncle, disant que pour avoir esté si longuement hors de sa maison il avoit grand désir de le venir veoir, ensemble sa cité, et de reveoir son patrimoyne, et de recongnoistre ses amyz, et à cause qu'il ne s'estoit en toute sa vie travaillé sinon pour acquérir honneur, pour aussy donner à congnoistre à ses citoyens qu'il n'avoit pas en vain consumé sa jeunesse, il adjouxta qu'il y vouloit venir honorablement accompaigné de cent chevaulx de ses amyz et serviteurs, le priant qu'il luy pleust faire tant envers les Fermans qu'ilz le receussent honorablement. Laquelle chose ne redonderoit pas seullement à son honneur, mais à la gloire de luy, duquel il s'estimoit estre filz et nourriture. Ainsi fit sçavoir a son oncle Foglian comme il avoit envie de le venir voir, et sa ville aussi, pource qu'il avoit este fort lontemps dehors, et qu'il vouloit recongnoistre quelque partie de son patrimoine. Et d'autant qu'il ne s'estoit mis en peine pour autre chose, que pour aquerir honneur, affin que ses citoyens connussent qu'il n'avoit point mal emploie son temps, il y vouloit venir honnorablement acompaigne de cent chevaux de ses amis et serviteurs, le priant que fust son bon plaisir d'ordonner que ceux de Ferme le receussent magnifiquement. Ce qui netoit pas seulement gloire a soy, mais a luy mesme, duquel il estoit le nourrisson. Et de fait il escrivit une lettre à son dit oncle Iehan Foglian, comme ayant demeuré longtemps hors son païs, il luy estoit venu envie d'aller à Ferme pour le visiter et recongnoistre un peu son bien et patrimoine. Et parautant qu'il ne s'estoit point en sa ieunesse travaillé d'acquerir autre chose, que l'honneur afin que ceux de Ferme congneussent son temps n'avoir point esté mal employé, il y vouloit bien entrer le plus honorablement, que faire se pourroit, accompagné de cent chevaux de ses amis et serviteurs : le priant qu'il luy pleust pourvoir à ce, qu'on vint au devant de lui en honneste equipage : remonstrant d'advantage, que cela ne reviendroit seullement à son honneur, mais aussi de luy l'avoit nourry. Ainsi fit savoir à son oncle Foglian comme il avoit envie de le venir voir, & la ville aussi, pource qu'il avoit esté fort long temps dehors, & qu'il vouloit reconnoistre quelque partie de son patrimoine. Et d'autant qu'il ne s'estoit miz en peine pour autre chose, que pour acquerir honneur, affin que ses citoyens conneussent qu'il n'avoit point mal employé son temps, il y vouloit venir honnorablement accompaigné de cent chevaux de ses amys & serviteurs, le priant que fut son bon plaisir d'ordonner que ceux de Ferme le receussent magnificquement. Ce qui n'etoit pas seulement gloire à soy, mais à luy mesme, duquel il estoit le nourrisson.



Segment 17
Non mancò per tanto Gíovani d'alcuno officio debito verso il nipote, et, fattolo ricever' honoratamente da Firmani, alloggiò ne le case sue ; dove, passato alcun' giorno et atteso a ordinar' quello che alla sua futura scelerateza era necessario, fece un' convito solennissimo, dove invitò Giovan' Fogliani et tutti li primi huomini di Fermo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sur ces nouvelles ledict Fouillan feit très bien son debvoir envers son nepveu, tellement qu'à son entrée il fut honoré des Fermans, et fut acompaigné d'eulx jusques en sa maison. Où après quelque peu de jours, et qu'il eust donné ordre à se pourveoir de toutes choses appartenantes à sa meschanceté et malheurese entreprinse, il feit un banquet solennel où il convia Jehan Fouillan, et tous les principaultz citoyens de la ville de Ferme. A ceste cause l'oncle ne laissa point, et ne faillist a faire son devoir envers son neveu. Et laiant fait recevoir honorablement de ceux de Ferme, il le logea en sa maison, ou apres aucuns iours passez Oliverot aiant donne ordre a ce qui estoit besoin a sa mechancete pourpensee, il fit un festin fort solennel, auquel il pria son oncle, et les principaux du païs : Parquoy Messere Iehan ne feit aucune faute de devoir envers son neveu, et luy feit user par ceux de la ville d'un fort brave, et honorable accueil, le menant descendre, et loger en sa maison, ou il passa quelques iours, faisant ce pendant ses apprestz de ce, qui estoit necessaire à l'expedition de la trahison, qu'il avoit machinée : pour laquelle mieux executer, il dressa un festin merveilleusement solennel, ou il convia son oncle, avecques tous les plus apparans personnages de Ferme. A cette cause l'oncle ne faillist à faire ce devoir envers son neveu. Et l'ayant fait recevoir honnorablement par ceux de Ferme, il le logea en sa maison : où aprez quelques iours Oliverot ayant donné ordre à ce qui estoit besoing à sa meschanceté pourpensée, il fit un festin fort solennel, auquel il pria son oncle & les principaux du païs :



Segment 18
Et havuto che hebbero fine le vivande et tutti li altri intrattenimenti che in simili conviti si fanno, Oliveroto ad arte mosse certi ragionamenti gravi, parlando de la grandeza di Papa Alessandro et di Cesare suo Figlio et de l' imprese loro, a li quali ragionamenti rispondendo Giovani et gl'altri, egli a un' tratto si rizò, dicendo quelle esser' cose da parlarne in più secreto luogo, et ritirosi in una camera dove Giovani et tutti gli altri Cittadini gli andorono drieto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Auquel après que l'on eust desservy et parachevé tous les aultres entretenemens qui se font en es grandz bancquetz, Olyverot d'une malice et cautelle expressément forgée, commença à parler des affaires d'importance, de la grandeur de pape Alexandre, et de César Borgia son filz, et de leurs entreprinses. Ausquelz propos quand Jehan Fouillan et les aultres conviez eurent respondu, tout à coup, il se leva de table, disant que de telz propos il ne falloit déviser sinon en lieu secret. Si se retira dans une chambre où Jehan et les aultres citoyens le suivirent. et les tables haussees et toutes les autres ioieusetez qui se font vouluntiers en ces magnifiques banquets estant finies Oliverot mit en avant tout expres certains propos d'importance, parlant de la grandesse du Pape Alexandre, et de Borge son filz et de leur entreprises. Son oncle et les autres respondant a ses parolles, luy tout en un instant se leve, disant que c'estoyent matieres desquelles il falloit parler en lieu plus secret, et se retira en une chambre a part, la ou son oncle et tous les autres citoyens le suyvirent Estans venus sur la fin du repas, et autres menus passetemps dont lon use en telz banquetz, Olivier commença industrieusement mettre en avant certains propos de consequence, parlant de la grandeur de Pape Alexandre, et de son filz le Duc de Valentinois, ensemble de leurs entreprises. A quoy son oncle et les autres entremeslant quelque response, il se meit sur l'instant a soubzrire, disant que c'estoient matieres pour estre devisées en lieu plus secret. Et incontinent se retira en une chambre, ou son oncle, et les assistans luy tindrent compagnie : & les tables levées & toutes les autres joyeusetez qui se font volontiers en ces magnificques banquetz estant finies, Oliverot mit en avant tout exprez certains propos d'importance, parlant de la grandeur du Pape Alexandre & de Borge son filz & de leur entreprises. Son oncle & les autres respondans à ses parolles, luy tout en un instant se leve, disant que c'estoient matieres desquelles il faloit parler en lieu plus secret, & se retira en une chambre à part, là où son oncle & tous les autres citoyens le suyvirent :



Segment 19
Ne prima furon' posti a sedere che de luoghi secreti di quella usciron' soldati che amazoron' Giovanni et tutti gli altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lesquelz ne furent pas si tost assiz que des cachettes de là dedans sortirent plusieurs souldardz armez, qui mirent à mort ledict Fouillan, et tous les aultres citoyens de la ville. et ne furent pas si tost assis que voila sortir des soldars de quelques lieux caches qui mirent a mort son oncle et tous les autres. lesquelz ne furent point si tost assis que soudainement quantité de soudars apprestez sortirent de quelques endroitz cachez, qui massacrerent, et mirent à mort en un moment son oncle, et tous ceux de la bande ensemble. & ne furent pas si tost assiz, que voila sortir des soldars de quelques lieux cachez qui mirent à mort son oncle & tous les autres.



Segment 20
Doppò il quale homicidio montò Oliverotto a cavallo et corse la terra et assediò nel' palazo il supremo Magistrato, tanto che per paura furon' constretti obedirlo et fermar' un' governo del' quale si fece Principe; et morti tutti quelli che per esser' mal'contenti lo potevano offendere, si corroborò con nuovi ordini civili et militari in modo che, in spatio d'uno anno che tenne il Principato, non solamente lui era securo ne la Città di Fermo, ma era diventato formidabil' a tutti li suoi vicini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Après lequel homicide Olyverot monta à cheval, et ayant couru et saccagé la ville assiégea le souverain magistrat dans le palais, tellement que par crainte ilz furent contraictz de luy obéyr, et reformer ung nouveau gouvernement duquel il se feit prince. Et après avoir faict mourir tous ceulx, qui par mescontentement luy pouvoient nuyre, se conferma en son estat par nouvelles ordonnances et nouveaux statuz, tant pour la paix que pour la guerre. Si feit si bien son cas, qu'en espace d'un an, qu'il tint la principaulté, non seullement il estoit seigneur paisible de sa cité de Ferme, mais, qui plus est, craint et redoubté de ses voisins, Apres ce meurtre la il monte a cheval, et courut tout le païs assiegant le lieutenant general au Palais, si bien que ceux de Ferme furent contrains par peur de luy obeir, et d'arrester un gouvernement duquel il se fit chef. Aiant aussi faict mourir tous ceux qui pour estre malcontens de cela lui pouvoient nuire, il se fortifia si bien par nouvelles façons tant pour la pais que pour la guerre, qu'en moins d'un an qu'il fust seigneur de Ferme non seulement il y estoit seur et ferme, mais encores il s'estoit eleve iusques la que ses voisins devoient avoir peur de luy : Ce meurtre executé, Olivier monte à cheval suyvi de ses complices, vous ravage, et court toute la ville, assiege le souverain magistrat dans le palais : tellement qu'un chacun fut contraint luy faire obeissance. Ce fait il establit un gouvernement politicq', duquel il se feit souverain. Et apres avoir depesché tous ceux, qui pour en estre mal contans luy pouvoient aucunement nuyre, il consolida son estat par ordonnances, tant civilles, que militaires : en si bonne fortune, qu'en moins d'un an, qu'il tint la seigneurie, non seullement estoit en asseurance dans la Cité de Ferme, mais faisoit desia craindre son nom à tous ses voisins. Aprez ce meurtre il monta à cheval, & courut tout le païs assiegeant le lieutenant general au Palais, si bien que ceux de Ferme furent contrains par paour de luy obeir, & d'arrester un gouvernement duquel il se fit chef. Ayant aussi fait mourir tous ceux qui pour estre malcontens de cela luy pouoient nuire, il se fortifia si bien par nouvelles façons tant pour la paix que pour la guerre, qu'en moins d'un an qu'il fut seigneur de Ferme, non seulement il y estoit sur & ferme, mais encores il s'estoit elevé iusques là, que ses voisins devoient avoir crainte de luy.



Segment 21
Et sarebbe stata la sua espugnatione difficile, come quella di Agatocle, se non si fusse lasciato ingannar' da Cesar' Borgia, quando a Sinigaglia, come di sopra si disse, prese gli Orsini,et Vitelli, dove, preso ancor' lui un' anno doppo el comesso partricidio, fù insieme con Vitellozo (el quale haveva havuto maestro de le virtù et scelerateze sue) strangolato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et eust esté chose mal aisé et forte à le vaincre, comme il fut d'Agatocles, s'il ne se fut laissé tromper par César Borgia, quand par cautelle et grande ruze il saisist au corps les Ursins et les Vitelles à Sénégaille, où de malheur Olyverot fut prins avec eulx, un an après le paricide par luy commys, et fut estranglé avec Vitellozzo Vitelli, qui avoit esté son maistre d'escolle en ces beaux tours de passe passe. Pour lequel surprendre, aussi bien qu'Agatocle, il y eust eu de l'affaire n'eust este qu'il se laissa tromper de Borge, quand il prist les Ursins et Vitelles a Senegagle (comme nous avons desia dict dessus) la ou il fust aussi pris un an apres avoir massacre son oncle et faict le coup et fut ensemble avec Vitelosse (lequel il avoit eu maistre de ses vices et vertuz) estrangle et deffaict. Et eust esté aussi fort à rompre, qu'Agathocles, s'il ne se fut point ainsi laissé tromper au Duc de Valentinois, lors qu'il le feit prendre à Synigallia, comme nous avons cy dessus racompté, avec les Ursins, et les Vitelles : auquel lieu un an apres sa commise meschanseté, ledit Olivier fust pendu, et estranglé, avecques Vitellose, soubz lequel il avoit fait l'apprentisage de ses vertus, et vicieuses complexions. Pour lequel surprendre, aussi bien qu'Agatocle, il y eust eu de l'affaire n'eust esté qu'il se laissa tromper de Borge, quand il print les Ursins & Vitelles à Senegagle (comme nous avons desia dit dessus) là où il fut aussi prins un an aprez avoir massacré son oncle & faict le coup, & fut ensemble avec Vitelosse (lequel il avoit eu maistre de ses vices & vertuz) estranglé & deffait.



Segment 22
Potrebbe alcun' dubitare donde nascesse che Agatocle, et alcun' simile, doppò infiniti tradimenti et crudeltà, potette viver' longamente sicuro ne la sua patria et difendersi dagli nimici esterni, et da suoi Citttadini non gli fù mai conspirato contra: con cio sia che molti altri, mediante la crudeltà, non habbin' mai possuto ancor' ne tempi pacifici mantenere lo stato, non che ne tempi dubiosi di guerra ?
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Icy quelcun me pourroit demander la cause dont il advint qu'Agatocles, et ses semblables, après avoir commys innumérables trahisons et cruaultez ont sçeu vivre longuement asseurez en leurs estatz, et se deffendre des ennemyz estrangiers, mesme que les citoyens n'ayent revolté ny esmeu aucune conjuration oculte pour les occire, veu que plusieurs aultres pour raison de leur cruaulté ne peurent jamais, ancor que ce ne fust en temps de paix, se maintenir en estat, et ancores moins en temps de guerre. Quelcun pourroit douter d'ou venoit cela qu'Agatocle et autres semblables apres infinies trahisons et cruaultez pouvoyent vivre lontemps seurement en leur païs, et qui plus est se pouvoyent defendre des ennemis estrangers, sans que leurs citoyens se bandassent a l'encontre d'eux : veu que plusieurs autres a cause de leur cruaulte n'ont iamais peu maintenir leur estatz, mesme en temps de pais, tant s'en faut que ce fust au temps douteux de le guerre. Quelqu'un se pourroit esmerveiller, dont proceda qu'Agathocles, et quelque autre son semblable, et aussi homme de bien que luy, apres infinies trahisons, et cruautez à peu vivre si longuement en seureté au meilleu de son païs, et se defendre tant bien de ses ennemis estrangers, sans qu'aucuns de ses subietz ayent oncq conspiré à l'encontre de luy : veu que plusieurs autres pour avoir esté cruelz, n'ont peu conserver en temps de paix leurs principautez : tant s'en faut qu'ilz l'eussent peu faire en saison troublée de guerre. Quelqu'un pourroit douter d'où procedoit cela qu'Agatocle & autres semblables aprez infinies trahisons & cruautez pouoient vivre longtemps surement en leur païs, & qui plus est, se pouoient defendre des ennemis estrangers, sans que leurs citoyens se bandassent a l'encontre d'eux : veu que plusieurs autres à cause de leur cruauté n'ont iamais pu maintenir leur estatz, mesmes en temps de paix tant s'en faut que ce fust au temps douteux de la guerre.



Segment 23
Credo che questo avvenga da le crudeltà male o bene usate;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour résolution de ce doubte, je croy que ceste différence advient selon que les cruaultez sont bien ou mal usées. Ie croy certainement que cela vienne de la cruaulte bien ou mal emploiee : Ie croy que cela provient selon, que les cruautez sont, mal ou bien exercées. Ie croy certainement que cela vienne de la cruauté bien ou mal employée :



Segment 24
ben' usate si posson' chiamar' quelle (se del' male è lecito dir' bene) che si fanno una sol' volta per necessità de l' assicurarsi, et di poi non vi s' insiste drento, ma si convertiscono in più utilità de sudditi che si può.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
J'appelle une cruauté bien usée, si d'un grand mal on peult bien dire, quand on la faict une seulle foys quasi par contraincte, pour s'asseurer des ennemys et puys on ne si arreste plus, ains on convertit ce meschef le plus qu'on peult à l'utilité des soubjectz. Or peut on appeller bonne celle cruaulte (si on peut dire y avoir du bien au mal) laquelle s'exerce seulement une fois encores par necessite pour s'asseurer, et puis ne se continue point, mais bien apres se tourne en prouffit des subietz le plus qu'on peut. Or on les peut estimer bien exercées (s'il est permis dire bien du mal) quand elles se commettent une seulle fois, comme par necessité de s'asseurer, taschant à se mettre hors de plus grand inconvenient : et cela fait que lon n'y persiste plus : mais au contraire l'on s'efforce faire resortir ce mal à l'augmentation, du bien public. Or peut on appeller bonne celle cruauté (si on peut dire y avoir du bien au mal) laquelle s'exerce seulement une fois, encore par necessité pour s'assurer, & puis ne se continue point, mais bien apres se tourne en proufit des sujetz le plus qu'on peut.



Segment 25
Le male usate son' quelle, quali, ancora che da principio sien' poche, crescon' più tosto col' tempo che le si spenghino,
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les cruaultez mal usées sont celles qui croissent de jour en jour, jafoit que du commencement il semblast que ce ne fust rien. La mauvaise est celle qui du commencement encores qu'elle soit bien petite croist avec le temps, plus tost qu'elle ne s'abaisse. Les mal exercées sont celles qui du commencement, encores qu'elles soient petites, croissent plustost avecques le temps qu'elles ne se diminuent. La mauvaise est celle qui du commencement encore qu'elle soit bien petite croist avec le temps, plustost qu'elle ne s'abbaisse.



Segment 26
Coloro che osservaranno quel' primo modo, possono con Dio et con li huomini al' stato suo havere qual'che rimedio, come hebbe Agatocle. Quelli altri è impossibile che si mantenghino.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx qui garderoient la première sorte de faire cruaulté, peuvent avec la faveur de Dieu et des hommes avoir quelque remède pour se maintenir en estat, comme eust Agatocles. Mais ceux qui observeroient l'aultre, il est impossible qu'ilz se puissent maintenir. Ceux qui garderont bien cette premiere sorte de cruaulte ilz peuvent avec l'aide de Dieu et des hommes trouver quelque remede, comme eust Agatocle. Quant aux autres, il est imposible qu'ilz se maintiennent. Ceux qui ont observé ceste premiere mode, pour estre, que moyennant la faveur de Dieu, et des hommes, quelquefois ilz treuvent moyen de s'entretenir. Les autres il est impossible qu'ilz ayent longue durée. Ceux qui garderont bien cette premiere sorte de cruauté peuvent avec l'ayde de Dieu & des hommes trouver quelque remede, comme eust Agatocle : quant aux autres, il est impossible qu'ils se maintiennent.



Segment 27
Onde è da notare che, nel pigliar' uno stato, debbe l'occupatore d'esso discorrere et far' tutte le crudeltà in un' tratto, et per non havere a ritornarvi ogni dì et per poter', non l'innovando, assicurar' li huomìni et guadagnarseli con benificarli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si fault noter qu'à occupper une seigneurie l'occupateur doibt discourir et faire toutes ses cruaultez en ung coup, pour n'avoir occasion d'y retourner tous les jours, au moyen de quoy, ne renouvellant plus ces occisions, il peult appaiser l'indignation des hommes, les asseurer et gaigner leur amytié par libéralité. Davantage faut sur ceci noter que a surmonter un païs celuy qui l'occupe doit assembler et prattiquer toutes ses cruaultez en un coup, pour n'y retourner point tous les iours, et ne faisant apres rien de nouveau asseurer les hommes, et les gaigner a soy par bienfaictz. Dequoy il faut noter que parvenant a une souveraineté par les voyes cy dessus declarées, l'occupateur d'icelle doit de premiere entrée expedier toutes les cruautez, qu'il voit estre a faire, pour n'avoir plus l'occasion d'y retourner si souvent : si bien qu'en ne les reïterant plus, ses subietz se puissent par trait de temps apprivoiser avecq luy s'insinuant a l'endroit d'eux par gracieux, et amyables traitemens. D'avantage faut sur cecy notter qu'a occuper un païs, celuy qui l'occupe doit assembler & pratiquer toutes ses cruautez en un coup, pour n'y retourner point tous les iours, & ne faisant apres rien de nouveau assurer les hommes, & les gaigner à soy par bienfaicts.



Segment 28
Chi fa altrimenti, o per timidità o per mal' consiglio, è sempre necessitato tenere el coltello in mano ne mai si può fondare sopra i suoi sudditi, non si potendo quelli, per le continue et fresche ingiurie, assicurar' di lui.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Celuy qui aultrement se gouverne, ou pour une suspeçon naturelle de tout le monde, ou pour estre mal conseillé, est tousjours contrainct de tenir le cousteau en la main, et ne se peult fyer en ses subjectz, acause aussy qu'ilz ne se peuvent asseurer ny contenter de luy, voyant les continuelles injures qu'il leur faict de jour en jour. Qui se gouvernera autrement ou par crainte, ou par mauvais conseil, il sera contrainct de tenir tousiours le couteau en la main, et ne se pourra iamais bien fonder sur ses suies eux ne se pouvant pour les continuelles et fraiches iniures asseurer de luy. Qui fait autrement incité d'une folle timidité, ou mauvais conseil, sera tousiours contraint d'avoir le cousteau en la main, ny ne plantera iamais la racine de son regne dans le coeur du Peuple : lequel demeurera en perpetuelle crainte, et tremeur pour les continuelles iniures, et tyrannises, qu'il souffre soubz un tel Prince. Qui se gouvernera autrement ou par crainte, ou par mauvais conseil, il sera contraint de tenir tousiours le couteau en la main, & ne se pourra iamais bien fonder sur ses sujetz, eux ne se pouant pour les continuelles & fraiches iniures confier en luy.



Segment 29
Perche l' ingiurie si debbon' far' tutte insieme, accioche, assaporandosi meno, offendin' meno; i beneficij si debbon' far' a poco a poco, accio che si àsaporin' meglio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et est à noter que qui veult faire injure à aultruy, les doibt faire toutes ensemble, affin qu'elles facent moindre l'offense, d'autant que moins et rarement on les gouste : et qui veult faire beaucoup de biens à aultruy les doibt faire peu à peu, affin que mieulx et plus souvent on les puisse savourer. Car il faut faire le mal tout ensemble, afin que moins le goutant il semble moins amer. Le bien petit a petit, afin que on le savoure mieux. Car les offenses se doivent commettre ensemble tout a un coup, a celle fin qu'estans moins souvent senties, elles irritent moins aussi. Et faut au rebours faire les plaisirs peu a peu, pour plusieurs fois les iterant en imprimer mieux la saveur dans le courage de ceux, que tu gratifies. Car il faut faire le mal tout ensemble, afin que moins le goustant il semble moins amer : le bien petit à petit, afin qu'on le savoure mieux.



Segment 30
Et deve sopra tutto un' Principe viver' con li suoi sudditi in modo che nessuno accidente o di male o di bene lo habbia a far' variar'; perche, venendo per li tempi adversi la necessità, tù non sei a tempo al' male, et il ben' che tù fai non ti giova perche è giudicato forzato, et non grado alcuno ne riporti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ung prince aussy doibt sur toutes choses vivre avec ses subjectz en telle sorte qu'aulcun accident, bon ou mauvais qu'il soit, ne le face varier : pource que si en quelque adversité de guerre, ou conjuration ou aultre mauvais temps la nécessité te surprend il n'est plus heure de faire aucune cruaulté pour s'asseurer, et pareillement si tu veulx user de libéralité, et procedder par amour à bien faire, cela ne te sert de rien à cause que le bien que tu pourroys faire, est estimé faict par contrainte et simulation, tellement que personne ne t'en sçait bon grè. Outreplus doit sur toutes choses un Prince vivre avec ses subiectz en sorte que nul accident ou de bien ou de mal le face changer. Car si la necessite vient durant le mauvais temps il n'est pas question de faire mal, si tu fais du bien on ne t'en sçaura point de gre : pource que on l'estimera estre contrainct et ne te proffitera rien. Sur tout un Prince se doit gouverner envers ses hommes par telle façon, que nulle bonne ou mauvaise fortune le face varier : parce que si tu es un coup assailli de quelque adversité, la saison n'est pas propre à la cruauté, et a iouer du mauvais. Et quand tu voudras contrefaire le doux, et humain, ton peuple ne t'en sçaura aucun gré, congnoissant que tu ne le fais que par contraincte. Outre plus doibt sur toutes choses un Prince vivre avec ses sujets en sorte que nul accident ou de bien ou de mal le fasse changer. Car si la necessité vient durant le mauvais temps, il n'est pas question de faire mal, si tu fais du bien on ne t'en saura point de gré : pource qu'on l'estimera estre forcé & ne te proufitera point.

 

Chapitre 9.

Titre
Del principato civile Cap .IX.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De la principauté civile d'une république. Chapitre IX De la Principauté civile. Chap. 9. De la principauté civille. Chapitre IX. De la Principauté civile. Chap. 9.



Segment 1
Ma venendo a l'altra parte, quando un' Principe Cittadino, non per scelerateza o altra intollerabil' violentia, ma col' favor' de gli altri suoi Cittadini diventa Principe de la sua patria, il qual' si può chiamar' Principato civile, ne al pervenirvi è necessario o tutta Virtù o tutta fortuna, ma più presto una astutia Fortunata, dico che s'ascende a questo principato o col' favor' del' Popolo o col' favor' de grandi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais pour venir à l'aultre manière qui est quand un tresexcellent citoyen d'une républicque non par voye de cruaulté, ou meschant forfaict, ny par quelconque intolérable violence, mais par la faveur de ses concitoyens vient à estre esleu prince de sa nation. Laquelle dignité se peult appeler une principaulté civile. Je diz que pour y parvenir il n'est pas nécessaire d'avoir totallement ou vertu ou fortune, mais plus tost convient avoir une ruze et subtilité bienheureuse. Et communément on monte à telle principaulté par la faveur du menu peuple, ou par la faveur des grans, qui sont les nobles et plus riches de la ville. Venons a l'autre partie quand un citoyen non par mechancete ou autre force execrable, mais par la faveur de ses autres citoyens devient seigneur de son païs, ce qu'on peut appeller une Principaute civile pour y monter il n'est point besoing d'avoir ou toute vertu, ou toute fortune : mais plus tost une finesse fortunee. Ie di la dessus qu'on monte a ce degre ou par la faveur du populaire, ou des plus grans. Ie parleray maintenant de l'autre maniere, c'est à sçavoir quand un bourgeois vient à se faire seigneur de sa patrie par la faveur de ses concitoiens, et non par voye de meschanceté ou autre violence intollerable. Ceste espece de principauté se peut nommer civille : et pour y parvenir la seulle vertu, ou fortune n'y est point necesaire, mais bien plustost une heureuse astuce, et diligence. Et s'acquiert ou par la faveur de la commune, ou par le support des grans. Venons à l'autre partie, quand un citoyen non par mechanceté ou autre force execrable, mais par la faveur de ses concitoyens devient Seigneur de son païs, ce qu'on peut appeller une Principauté civile. Pour y monter il n'est point besoin d'avoir ou toute vertu ou toute fortune : mais plustost une astuce fortunée. Ie dy la dessus qu'on monte à ce degré ou par la faveur du populaire, ou par des plus grands.



Segment 2
Perche in ogni Città si truovano questi doi humori diversi, et nascon' da questo che il Popolo desidera non esser' comandato ne oppresso da grandi, et i grandi desiderano comandare et opprimere il Popolo, et da questi doi appetiti diversi surge ne le Città uno de tre effetti o principato o libertà o licentia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource qu'en toutes citez l'on treuve ordinairement ces deux humeurs contraires, qui naissent de ce que le peuple demande, et s'efforce de ne pas estre commandé ny foullé des grans, et les grandz désirent dominer et fouller le populaire. De ces divers instinctz quand ilz sont eschauffez, l'on voit naistre communément en la cité ung des trois estatz, ou principauté, ou vray liberté, ou licence, qui veult dire une effrénée dissolution de peuple. Car en toutes les villes on trouve ces deux humeurs diverses desquelles la source est que le populaire n'aime point a estre maitrise ny gourmande des plus gros. Et les gros ont envie de commander et piller. Et de ces deux diverses fantasies s'eleve es villes un de ces trois effectz ou Principaute, ou liberte, ou licence. Parce que ces deux diverses humeurs communément se treuvent, en toutes citez lesquelles naissent de ce que le petit Peuple ne veut point estre commandé, ne suppedité des riches, et les riches desirent commander, et fouller les petitz : en façon que de ces deux contraires affections on voit necessairement sortir es citez l'un de ces trois effectz, ou un Prince, ou une liberté, ou une licence effrenée. Car en toutes citez on trouve ces deux humeurs diverses, desquelles la source est que le populaire n'ayme point a estre maistrisé ne gourmandé des plus gros. Et les gros ont envie de commander & piller. Et de ces deux diverses fantaisies s'eleve es villes un de ces trois effetz ou Principauté ou liberté ou licence.



Segment 3
El Principato è causato o dal' popolo o da grandi, secondo che l'una o l'altra di queste parti n' ha l'occasione, perche, vedendo i grandi non poter' resistere al' Popolo, cominciono a voltar' la reputatione ad un' di loro et lo fan' Principe, per poter' sotto l' ombra sua sfogar' l' appetito loro. El popolo ancora volta la reputatione a un' solo, vedendo non potere resistere alli grandi, et lo fa Principe per esser' con l'autorità sua difeso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La principaulté provient ou par le moyen du peuple, ou par le moyen des grandz selon que l'une ou l'autre de ces deux parties trouve l'occasion de le créer à son advantaige. Car quand les grandz voyent ne pouvoir résister à la fureur du populaire, ilz donnent toute la réputation et honneur à ung d'entre eulx, et le font prince pour pouvoir soubz l'umbre dicelluy desgorger et évaporer leur maltalent sur le peuple. Le peuple au contraire donne toute sa faveur à un seul, et voyant ne pouvoir résister aux grandz, le faict prince pour estre deffendu par son authorité. La Principaute vient ou du peuple, ou des grans, selon que l'une partie ou l'autre en ha l'occasion. Car aucunefois les plus riches voians qu'ilz ne peuvent resister au peuple commencent a donner reputation a quelcun d'entre eux, et le font Prince : affin que soubz l'ombre de luy ilz puissent souler leur appetis. Le peuple d'autre coste adresse toute sa vois a un seul, quant il connoist qu'il ne peut autrement faire teste au plus apparens, et le choisit en Prince, pour estre defendu soubz son aisle. Le Prince y est institué ou par le commun Peuple, ou la Noblesse, selon que l'un, ou l'autre de ces deux differens partis en prend l'occasion. Car les riches quelquefois congnoissans ne pouvoir resister au peuple, attribuent tous d'un accord l'authorité à quelcun de leur compagnie, et le font Prince pour pouvoir soubz son ombre mieux satisfaire à leurs appetitz. Le Peuple, qui pareillement ne peut soustenir la charge intollerable des riches, fait aussi le semblable de son costé, convertissant toute la reputation à un seul, lequel il eslist Prince, à fin d'estre supporté par son authorité. La Principauté vient ou du peuple ou des grands, selon que l'une partie ou l'autre en ha l'occasion. Car aucunefois les plus riches voyans qu'ils ne peuvent resister au peuple, commencent a donner reputation a quelqu'un d'entre eux, & le constituent leur Prince : afin que soubs l'ombre de luy ils puissent saouler leurs appetis. Le peuple d'autre costé adroisse toute sa voix à un seul, quand il connoist qu'il ne peut autrement faire teste au plus apparens, & l'elit Prince, pour estre defendu soubs son aisle.



Segment 4
Colui che viene al Principato con l' aiuto de grandi, si mantiene con più difficultà che quello che diventa con l' aiuto del' Popolo, perché si truova Principe con di molti intorno, che a loro pare esser' equali a lui, per questo non gli può ne maneggiare ne comandar' a suo modo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Celuy qui devient prince par le moyen des grans, a plus de difficulté à se maintenir, que celuy que le peuple eslit, à cause qu'il est constitué au millieu de plusieurs, qui s'estiment pareilz à luy de vertu et mérite. Aumoyen de quoy il ne les peult commander, ny manyer à son plaisir. Celuy qui vient par l'aide des plus riches a estre Prince se maintient avec plus grande difficulte, que celuy qui le devient par la faveur du peuple. Car se trouvant un Prince au meillieur des autres auquelz il semble qu'il soit egal a eux, il ne les peut ny renger, ny façonner a sa guise. Celuy qui obtient la souverainneté moyennant le secours des grans, travaille plus à s'y maintenir, que ne fait l'autre à qui la commune l'a donné : parce qu'il treuve autour soy beaucoup de ses anciens compagnons, qui ne s'estiment de moindre qualité que luy, et sont pour ceste raison moins maniables, et obeïssans. Celuy qui vient par l'ayde des plus riches a estre Prince, se maintient avec plus grande difficulté, que celuy qui le devient par la faveur du peuple. Car se trouvant un Prince au mylieu des autres ausquelz il semble qu'il soit egal a eux, il ne les peut ne renger ne façonner à sa guise.



Segment 5
Ma colui che arriva al' Principato col' favor' Popolare, vi si truova solo et ha intorno o nessuno o pochissimi che non sien' parati a obedire.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais celuy qui le devient par la faveur du peuple, se treuve seul puissant entre plusieurs débiles, et n'a entour soy aulcun qui se veuille mesurer à luy, ne désobéyr en aucune sorte. Mais celuy qui parvient a la Principaute avec la faveur du peuple. Il se trouve tout seul, et n'a personne, ou bien peu a l'entour de luy, qui ne soient prests a luy obeir. Mais celuy, qui l'est par la voix populaire, se treuve seul en ce degré, n'ayant aupres de luy aucuns, ou bien peu, qui ne soient appareillez d'obeïr. Mais celuy qui parvient à la Principauté avec la faveur du peuple, il se trouve tout seul, & n'ha personne ou bien peu a l'entour de luy, qui ne soyent prests à luy obeir.



Segment 6
Oltre a questo non si può con honestà satisfare a grandi, et senza ingiuria d'altri, ma sì bene al Popolo, perche quel' del' Popolo è più honesto fine che quel' de grandi, volendo questi opprimere et quello non esser' oppresso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Davantaige on ne peut bien satisfaire aux grandz sans injurier quelcun, mais il est aisé de contenter le peuple sans faire tort à personne, pource que le but et intention du populaire est plus raisonnable que celle des grandz. Car ceulx cy veullent insolentement fouller le peuple, et le peuple ne demande que n'estre point foullé. Oultre ce que on ne peut honnestement et sans faire tort aus autres contenter les grans, mais le peuple trop bien : car l'intention fin du peuple est plus honeste que celle des grans qui cherchent de tourmenter les petis, et les petis ne le veulent point estre. Et d'avantage il n'est possible contenter les grans du tout honnestement, sans consequence de l'iniure d'autruy : ce qui se peut bien faire aux petitz, l'intention desquelz tend à fin plus raisonnable, que celle des grans, qui tachent à gourmander, et les autres a n'estre point gourmandez. Outre ce qu'on ne peut honnestement & sans faire tort aux autres contenter les grands, mais le peuple trop bien : car l'intention & fin du peuple est plus honneste que celle des grands qui cerchent à tourmenter les petis & les petis ne le veulent point estre.



Segment 7
Aggiungesi ancora che, del' Popolo inimico, il Principe non si può mai assicurare, per esser' troppi; de grandi si può assicurar', per esser' pochi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Outre le prince ne se peult jamais asseurer du peuple s'il luy devenoit ennemy, acause qu'ilz sont infiniz, au contraire il est aisé de s'asseurer des grandz acause qu'ilz sont en petit nombre. Plus y a qu'un Prince ne doit pas craindre son peuple davantage, s'il luy est ennemi, pour estre en grand nombre : des plus gros il en peut bien mieux estre asseure s'il n'y en a gueres : Outre plus le Prince ne peut iamais estre bien asseuré du Peuple, qui est en trop grand nombre, ou il se donnera facilement garde des riches, pour estre petite compagnie. Plus y a qu'un Prince ne doibt pas craindre son peuple d'avantage, s'il luy est ennemy, pour estre en grand nombre : des plus gros il en peut bien mieux estre assuré s'il n'y en ha gueres :



Segment 8
Il peggio che possa aspettar' un' Principe, dal' Popolo inimico, è l' essere abbandonato da lui; ma da grandi inimici, non solo debbe temer' d'esser' abbandonato, ma che ancor' lor' gli venghino contro, perche, essendo in quelli più vedere et più astutia, avanzan' sempre tempo per salvarsi et cercan' gradi con quello che speran' che vinca.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le piz qu'un prince puisse avoir d'un peuple ennemy, est d'estre abandonné de luy, et délaissé sans honneur et authorité, mais si les grandz se formalisoient contre luy, il ne doibt pas tant craindre d'estre abandonné, comme d'estre assailly diceulx pour le faire mourir. Car acause qu'ilz sont plus rusez et cautelleux, ilz gaignent tousjour les devans pour se saulver au tumulte, et cherchent d'acquérir grâce et crédit envers celuy qu'ilz pensent debvoir estre victorieux. le pis que sçauroit attendre un Prince de son peuple ennemi c'est qu'il l'abandonnera, mais si les grans luy sont contraires il ne doit pas seulement craindre d'estre abandonne d'eux, mais encore qu'ilz l'assaudront et poursuyveront, d'autant qu'ilz voient plus loing et plus finement sçavent prevenir le temps pour se sauver, cherchans d'estre en estatz et grace envers celuy duquel ilz esperent qui gaignera. Et qui plus est, le pis qui sçauroit advenïr à un Prince ayant le peuple contre soy, est d'estre abandonné de luy : mais s'il ha l'inimitié des grans, il ne doit point tant avoir peur d'en estre abandonné, que de les voir entreprendre quelque menée à l'encontre de luy : parce qu'estans plus fins et advisez, ilz se sçavent tousiours saulver de bonne heure, et puis cherchent l'alliance de celuy, qu'ilz estiment assez puissant pour te battre. le pis que sauroit attendre un Prince de son peuple ennemy c'est qu'il l'abandonnera : mais si les grands luy sont contraires il ne doit pas seulement craindre d'estre abandonné d'eux, mais encore qu'ils l'envahiront & poursuyvront, d'autant qu'ils voyent plus loing & plus prudemment savent prevenir le temps pour se sauver, cerchans, d'estre en estats & grace envers celuy duquel ils esperent la victoire.



Segment 9
È necessitato ancora il Principe viver' sempre con quel' medesimo Popolo: ma può ben far' senza quelli medesimi grandi, potendo farne et disfarne ogni dì et torre et dare quando gli piace reputation' loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En après le prince est contrainct de vivre avec un mesme peuple continuellement, et ne peult changer ; mais il peult bien changer les grandz, en faire de nouveaux et deffaire tous les jours, oster et donner réputation à qui lui plait. Plus ya qu'il est force au Prince de vivre tousiours avec un mesme peuple : mais il peut bien se gouverner sans les mesmes grans qui sont, en pouvant faire et defaire tous les iours de nouveaux, et leur pouvant donner ou oster puissance et autorite quant il luy plaira. D'abondant le Prince est contraint vivre perpetuellement avec un mesme Peuple, mais il peut bien regner sans ces mesmes riches, les pouvant faire, et defaire toutesfoys, qu'il luy plaira, et leur tollir et donner credit, comme bon luy semblera. Plus y a qu'ils est force au Prince de vivre tousiours avec un mesme peuple : mais il peult bien se gouverner sans les mesmes grans qui lors sont, en pouant faire & defaire tous les iours de nouveaux, & leur pouant donner ou oster puissance & autorité quand il luy plaira.



Segment 10
Et per chiarir' meglio questa parte, dico come i grandi si debbono considerare in doi modi principalmente: cioè si governono in modo col' proceder' loro che s' obligano in tutto a la tua fortuna, o no.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour mieulx déclarer ceste partie, et comment on s'y doibt gouverner, je diz que l'on doibt considérer les grands en deux manières : ou ilz s'assubjectissent à toy et à ta fortune, ou non. Et pour mieux entendre ce point ie di que les grans se doivent prendre en deux manieres principales, c'est asçavoir ou qui se gouvernent en sorte par leur maniere de faire qu'en toutes choses ilz se ioingnent a la fortune du Prince, ou bien qu'ilz n'y soient point tenuz. Et pour mieux déclarer cest endroit, ie dy que le fait des riches se doit principallement considerer en deux sortes: Ou ilz se gouvernent tellement avecques toy, que leur fortune s'oblige entierement à la tienne : ou ilz ne le font pas. Et pour mieux entendre ce point, ie dy que les grands se doivent prendre en deux manieres principales, c'est asavoir ou qui se gouvernent en sorte par leur maniere de faire qu'en toutes choses ils se ioignent a la fortune du Prince, ou bien qu'ils n'y soient point tenuz.



Segment 11
Quelli che s'obligano et non sien' rapaci, si debbono honorare et amare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx qui s'obligent à toy en tout et partout, s'ilz ne sont tyrans, tu les doibs aymer et honorer. Ceux la qui s'y assubiectissent et ne pillent point on les doit honorer, et aimer : Ceux qui l'obligent, et ne sont point exacteurs, doivent estre grandement honnorez, et favorisez. Ceux qui s'y assujettissent & ne pillent point, on les doit honorer, & aymer :



Segment 12
Quelli che non s'obligano, s'hanno ad considerare in doi modi o fanno questo per pusilanimità et defetto naturale d'animo, àlhora ti debbi servir' di loro, et di quelli, massime, che sono di buon' consiglio, perche ne le prosperità te n'honori et ne l'adversità non hai da temere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx qui ne se veullent assubjectir à ta fortune sont de deux manières : ou ilz le font par lascheté de cueur et crainte naturelle, et alors tu te doibs servir d'eulx et en tirer ce peu de prouffict que tu peux et principalement de ce qui sont de bon conseil. Car en la prospérité tu en es honoré, et en l'adversité tu ne doibz avoir crainte diceulx. ceux qui ne s'y obligeront point ilz le font pour deux occasions, ou bien par faute de cœur qui est en eux et naturelle laschete, en ce cas on se doit servir d'eux, principalement de ceux la qui sont de bon conseil, car en la bonne fortune ilz font honneur en aversite ilz ne feront point de mal. Quant aux autres qui ne le veullent faire, il faut considerer leur motif en deux manieres : ou c'est par pusilanimité, et naturel defaut de courage : et allors tu te doiz servir d'eux, mesmement de ceux, qui sont de bon conseil : parce qu'ilz te font honneur en la prosperité, et en l'adversité ilz ne te peuvent nuyre. ceux qui ne s'y obligeront point ils le font pour deux occasions, ou bien par faute de cueur qui est en eux & naturelle lascheté, en ce cas on se doit servir d'eux, principalement de ceux qui sont de bon conseil : car en la bonne fortune ils font honneur, en adversité ils ne feront point de mal.



Segment 13
Ma quando non s'obligano ad arte et per cagion' ambitiosa, è segno come e pensano più a se che a te: et da quelli si deve il Principe guardare, tener'gli come se fusseno scoperti inimici, perche sempre ne l' adversità l'aiuteran' rovinare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ou bien ilz ne si veullent obliger, et le font par malice et ambition, et alors tu doibs faire jugement qu'il pensent plus à eulx mesme, qu'à ton prouffit, et de ceulx cy le prince se doibt donner de garde comme d'ennemyz manifestes, pource qu'en l'adversité, ilz tascheront à te destruire. Mais quand ilz ne veullent point estre tenuz au Prince et pour cause, mesmement pour quelque ambition, c'est signe qu'ilz pensent plus a eux qu'au Prince, et de ceux on se doit garder, et les avoir en telle estime comme s'ilz estoient ennemis descouvers. Car en mauvais temps ilz aideront tousiours a le ruiner. Ou bien ilz refusent dependre de ta fortune par une certaine malice, et ambitieuse occasion, dont tu peux congnoistre un signe evident qu'ilz pensent plus à eux, qu'à toy. De ceux cy le Prince se doit songneusement garder, les tenant au lieu d'ennemis manifestes, et s'asseurant qu'ilz ne faudront en son adversité prester la main à sa ruine. Mais quand ils ne veulent point estre tenuz au Prince & pour cause, mesmement pour quelque ambition, c'est signe qu'ils pensent plus a eux qu'au Prince, & de tels on se doit garder, & les avoir en telle estime comme s'ils estoient ennemys decouvers : Car en mauvais temps ils ayderont tousiours à le ruiner.



Segment 14
Debbe per tanto uno che diventa Principe per favor' del' Popolo mantenerselo amico, il che gli fia facile, non domandando lui se non di non esser' oppresso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant celuy qui devient prince par la faveur du peuple, doibt maintenir par tous moyens le menu populaire en amytié, ce qui ne luy sera malaisé à faire, veu qu'il ne désire aultre chose, qu'estre maintenu en sa liberté ancienne sans concussion ou foullement. Et pourtant un qui devient Prince par l'aide du peuple il se doit tousiours le maintenir en amitie, ce que luy sera bien facile a faire, le peuple ne demandant autre chose sinon qu'a n'estre point tourmente. A ceste cause celuy qui se voit souverain seigneur, par le benefice du Peuple, doit tousiours se continuer en l'amitié et benevolence d'iceluy. Ce qui luy sera de facile acquit, luy tenant seullement la main a ce, que il ne soit gourmandé. Pource quiconque devient Prince par l'ayde du peuple, il se le doit tousiours maintenir en amitié : ce qui luy sera bien facile a faire, le peuple ne demandant autre chose sinon qu'a n'estre point tourmenté.



Segment 15
Ma uno che contro il Popolo diventi Principe col' favore de grandi, deve innanzi a ognaltra cosa cercar' di guadagnarsi il Popolo, il che gli fia facile quando pigli la protettion' sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais celuy qui devient prince contre le peuple, à la faveur des grandz, il doibt avant toutes choses gaigner le peuple, en quoy n'y a aulcune difficulté, s'il veut prendre sa protection. Mais un qui contre le peuple par la faveur des plus grans devient Prince, il doit sur toutes choses chercher de gaigner a soy le peuple, ce qu'il fera bien aisement quand il le prendra soubz sa protection. Mais le bourgeois, qui y est eslevé a la poursuitte des grans, sur toutes choses faut qu'il treuve moyen d'acquerir la grace du Peuple, et sera bien aysé de le faire, prenant sa protection, et defense. Mais celuy qui contre le peuple par la faveur des plus grands devient Prince, il doit sur toutes choses chercher de gaigner a soy le peuple, ce qu'il fera bien aysement quand il le prendra soubs sa protection.



Segment 16
Et perche gli huomini, quando hanno bene da chi credono haver' male, s'obligano più al beneficator' loro, diventa il Popolo suddito più suo benivolo che se si fusse condotto al' Principato per li suoi favori.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à cause que les hommes quand ilz reçoivent du bien de celluy duquel ilz pensoient recepvoir du mal, s'estiment beaucoup plus obligez à leur bienfaiteur, le peuple subject devient plus amy que si par sa faveur, il eust esté conduict à la principaulté. Et pource que les hommes sont de cette nature que quand ilz reçoivent du bien de ceux desquels ilz attendoient du mal ilz se sentent plus obligez a eux qu'autrement le peuple l'en aimera d'avantage et luy en sçaura meilleur gre que si par sa vois et saveur il eust este mene et conduict a estre Prince. Et parautant que les hommes, quand ilz reçoivent bien de quelqu'un, dont ilz n'esperoient que mal, s'estiment beaucoup plus tenus à leur bienfacteur : ses subietz l'aymeront infiniment d'advantage, que si par leur ayde il eust esté crée Prince Et pource que les hommes sont de cette nature que quand ils reçoivent du bien de ceux desquels ils attendoyent du mal, ils se sentent plus obligez a eux qu'autrement, le peuple l'en aymera d'avantage & luy en saura meilleur gré que si par voix & faveur il eust esté mené & conduit a estre Prince.



Segment 17
Et puosselo il Principe guadagnar' in molti modi li quali perche variano secondo el suggeto, non se ne può dar' certa regola, però si lasceranno indietro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Quand à gaigner le peuple, le prince le peult faire en plusieurs sortes, desquelles on ne peult donner certaine reigle, pour la variation du subject. Or le pourra il gaigner en beaucoup de manieres, lesquelles d'autant qu'elles changent selon les occasions et subiet on n'en peut donner certaine regle. l'on peut encores en plusieurs autres manieres gagner le coeur d'une commune, desquelles (parce qu'on les voit changer selon la diversité du subiet) i'en lairray le propos pour ceste fois. Or le pourra il gaigner en beaucoup de manieres, lesquelles d'autant qu'elles changent selon les occasions & sujet, on n'en peut donner certaine regle. Ie me deporteray donc d'en parler,



Segment 18
Concluderò solo, che ad un' Principe è necessario havere amico el Popolo, altrimenti non ha ne l' adversità rimedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si ne veulx consumer le temps à les déclairer ny racompter, et conclueray seullement ce point par une briefve sentence, qu'il est nécessaire à un prince d'avoir le peuple en sa faveur, autrement en ses adversitez il ne trouvera personne qui le deffende. Ie me deporteray donc d'en parler, seulement ie conclueray qu'il est necessaire qu'un Prince se face aimer de son peuple, autrement il n'ha remede aucun en ses adversitez. Ma conclusion sera, qu'il est de besoing à un tel Prince avoir la faveur du Peuple : autrement ie ne luy voy point de remede, pour estre secouru en ses affaires. seulement ie conclueray qu'il est necessaire qu'un Prince se face aymer de son peuple, autrement il n'ha remede aucun en ses adversitez.



Segment 19
Nabide Principe de li Spartani sostenne l'ossidione di tutta Grecia, et d'uno esercito Romano vittoriosissimo, et difese contro a quelli la patria sua et il suo stato, et gli bastò solo, soprevenendo il pericolo, assicurarsi di pochi, che se gli havessi havuto il popolo inimico, questo non li bastava.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nabis tyrant des Lacedæmoniens soustient le siège de toute la Græce, et d'un ost trespuissant des Romains, vainqueurs pour lors de tous ses ennemyz, et contre iceulx défendit son estat et sa cité ; pour laquelle chose faire, il ne luy falut aultre moyen que survenant le dangier s'asseurer des grandz, qui estoient bien peu, où s'il eust eu le peuple ennemy, il n'eust sçeu comment s'asseurer et eust esté incontinent troussé. Nabide roy de Sparte aiant soutenu l'assaut de toute la Grece et d'un camp de Romains enorguilli de plusieurs victoires, il defendit et soy et son païs et ses estatz, luy suffisant contre ce peril survenu estre bien asseure de la foy de peu de ses gens, que s'il eust este hay de son peuple cela ne luy eust iamais suffi. Nabis Roy de Lacedemone soustint le siege de toute la Grece, et une armée victorieuse des Romains, contre lesquelz il defendit bravement son royaume, et patrie, et luy suffit au commencement de ce trouble, faire ruer, et bannir quelques uns de ses citadins à luy suspectz. Dequoy il ne fust pas si tost venu à bout, quand le Peuple luy eust esté contraire, et malveillant. Nabide roy de Sparte ayant soutenu l'assaut de toute la Grece & d'un camp de Romains enorgueilly de plusieurs victoires il defendit & soy & son pays & ses estatz, luy suffisant contre ce peril survenu, estre bien assuré de la foy de peu de ses gens, que s'il eust esté hay de son peuple cela ne luy eust iamais suffi.



Segment 20
Et non sia alcuno che repugni a questa mia opinione con quel' proverbio trito, che chi fonda in sul' Popolo, fonda in sul' fango, perche quello è vero quando un' Cittadin' privato vi fa sù fondamento et dassi ad intendere che' el popol' lo liberi, quando esso fussi oppresso da gli inimici o da magistrati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or si quelqu'un vouloit répugner à mon opinion par ung commun proverbe que l'on dict : Qui en peuple se fye / Sur la boue ædifie. Il auroit tort, à cause que cela est vray quand un citoyen privé faict fondement sur les promesses de quelque populaire, espérant par son ayde estre delivré de l'oppression de ses ennemyz, ou de la main de justice. Qu'on ne m'allegue point pour me reprendre de mon oppinion ce commun proverbe. Qui se fonde sur la tourbe, il batist dessus la bourbe. Car il est bien vray que lors qu'un simple citoyen veut faire son fondement la dessus et donner entendre au peuple de le vouloir mettre en liberte s'il estoit trop foulle des ennemis ou des magistratz. A laquelle mienne opinion ie ne veux point que lon me contredise, par l'allegation d'un vieux proverbe. Que qui se fonde sur le Peuple, se fonde sur la fange. Car ce commun dire n'a lieu, sinon lors qu'un bourgeois privé se veut faire fort du populaire, ou se met en la teste qu'il seroit par lui soustenu, si ses parties adverses, ou les magistratz luy vouloient donner quelque alarme. Qu'on ne m'allegue point pour me reprendre en mon opinion ce commun proverbe. Qui se fonde sur la tourbe, il batist dessus la bourbe. Car bien est vray que lors qu'un simple citoyen veut faire son fondement la dessus & donner a entendre au peuple de le vouloir mettre en liberté, s'il estoit trop foullé des ennemys ou des magistratz :



Segment 21
In questo caso si potrebbe trovare spesso ingannato, come intervenne in Roma a Gracchi et in Firenze a Messer Giorgio Scali.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En tel cas à la vérité il se trouveroit souvent descheu de son espérance, comme il advint aux Gracques à Rome, et à messire George Scaly à Florence. En ce cas la il se pourroit trouver luy mesmes bien souvent abuse. Comme il advint en Romme aux Gracches, et en Florence a messire George Scale. Sans point de faute lon en voit en ce cas de bien trompez : comme il advint aux Gracches à Rome, et a Georges de l'Eschelle à Florence. en ce cas il se pourroit trouver luy-mesmes bien souvent abusé. Comme il avint à Romme aux Gracches, & à Florence a messire George Scale.



Segment 22
Ma essendo un' Principe quello che sopra vi si fondi, che possa comandare et sia un' huomo di cuore, ne si sbigottischa ne l' adversità, et non manchi de le altre preparationi, et tenga con l' animo et ordini suoi animato l'universale, non si truoverà ingannato da lui et gli parrà haver' fatti i suoi fondamenti buoni;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si un prince mect son fondement sur la bienveillance du peuple, qui soit homme de cueur saichant commander, qui ne se trouble soit mesme es adversitez, et ne défaille à faire de sa part les préparatifs nécessaires à sa deffense, entretenant la multitude bien affectionée à soy, il ne se trouvera jamais déceu de s'estre fyé au peuple, et congnoistra les fondemens assis sur luy estre meilleurs que les aultres. Mais estant un Prince qui s'apuie sur son peuple tel qu'il puisse commander, et qu'il soit un homme de cœur, et ne s'etonne point en ces dangers et mauvaises fortunes, et qui ne se mesconte point en ses menees, Ains tienne un chacun en courage par son allegresse d'esprit et bon ordre, il ne se trouvera point abuse de luy, au contraire il semble bien qu'il aura faict de bons fondemens. Mais si c'est un Prince, qui s'arreste sur cest appuy, lequel à puissance de commander, et soit homme de coeur, sans s'estonner es tribulations, estant au reste garny des autres preparatives, qu'il luy faut, et tenant l'universel de ses subietz par son vertueux courage, et prudence conduitte, en bonne esperance, il ne s'en trouvera iamais deçeu, et congnoistra le fondement, qu'il y aura fait, n'estre point mauvais et incertain. Mais estant un Prince qui s'appuie sur son peuple tel qu'il puisse commander, & qui soit homme de cueur & ne s'entonne point en ces dangers & mauvaises fortunes, & qui ne se mesconte point en ses desseins & menées : ains tienne chacun en courage par la vivacité de son esperit & bon ordre, il ne se trouvera point abusé de luy, au contraire il semble bien qu'il aura assiz de bons fondemens.



Segment 23
Sogliono questi Principati periclitare, quando sono per salire da l'ordin' civile allo assoluto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ces princes cy sont en dangier de ruyner, touttefoys et quantes qu'ilz veulent sauter du gouvernement civil à la puissance absolue, Ces principautez la sont en grand bransle quand elles sautent d'un gouvernement civil a une puissance absolue et royalle. Ceste espece de Princes se mettent en grand hazard de faire le saut, quand ilz entreprennent le passage de la puissance civille a l'absoluë Telles principautez sont en grand branle quand elles sautent d'un gouvernement civil a une puissance absoluë & royale.



Segment 24
Perche questi Principi o comandano per lor' medesimi o per mezo di magistrati; ne l' ultimo caso è più debile et più pericoloso lo stato loro, perche gli stanno al tutto con la volonta di quelli Cittadini, che son' proposti a magistrati, li quali, massimamente ne tempi adversi, gli posson' tor' con facilità grande lo stato, o con fargli contro o col' non l'obedire.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
le dangier naist à cause que communément ilz commandent, ou par eulx mesmes ou per les magistrats : en ce dernier cas leur estat est plus débile, et plus dangereux à maintenir, car ilz sont totallement subjectz à la volunté de ceulx qui sont en office, lesquels peuvent, principallement en temps d'adversité, bien aiseement luy oster son estat, ou en dressant eulx mesmes guerre contre luy, ou en luy nyant obéyssance. Car les Princes commandent ou par eux mesmes ou par des officiers. En ce dernier cas leur estat est plus foible et perilleux : car ilz s'en reposent entierement sur la volunte de ceux qui sont establis en ces dignitez lesquelz le peuvent facilement ruiner en temps fascheux, ou en luy faisant la guerre, ou en ne luy obeissant point, parce qu'ilz exercent leur dignité, ou d'eux mesme, ou par l'organe et moyen des magistratz : et en ce dernier cas, leur authorité est beaucoup plus foible, et perilleuse, dependans ainsi entierement de la volonté de ceux, qui sont promeus aux offices publiques : lesquelz peuvent mesmement en fascheuse saison, facillement leur oster la Principauté, ou en resistant a leurs edictz, ou n'y obeissant point. Car les Princes commandent ou par eux mesmes ou par officiers. En ce second cas leur estat est plus foible & perilleux : car ilz s'en reposent entierement sur la volunté de ceux qui sont establiz en ces dignitez, lesquelz le peuvent facilement ruiner en temps turbulent, ou en luy faisant la guerre, ou en ne luy obeissant point,



Segment 25
Et il Principe non è a tempo ne pericoli a pigliar' l'auttorità absoluta, perche li cittadini et sudditi, che sogliono haver' i comandamenti da magistrati, non sono in quelli frangenti per obedire a suoi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En tel advénement le prince n'est plus à heure de pouvoir prendre la souveraine authorité. A cause que les citoyens subjectz, qui ont acoustumés d'estre commandez des magistratz, venant le trouble entre les grandz et le prince, ne sont aucunement disposez d'obéyr au prince, et n'est plus temps de penser pouvoir reprendre l'autorite planiere. D'autant que les citoyens et subiectz qui ont de coustume d'estre gouvernez par les magistratz ne sont pas si faciles de tourner a son obeissance Et n'y a ordre, que le prince en ses perplexitez d'affaires puisse exercer la tyrannie. Car les citadins, et subietz, ausquelz les magistratz ont appris de commander, tiennent tant d'eux, qu'ilz ne veullent point enfraindre leurs ordonnances : & n'est plus temps de penser pouoir reprendre l'authorité plainiere. D'autant les citoyens & subjetz qui ont accoustumé d'estre gouvernez par les magistratz ne sont pas si lasches & bas de cueur d'obeir à un de leur compagnons,



Segment 26
Et harà sempre, ne tempi dubij, penuria di chi si possa fidare, perche simil' Principe non può fondarsi sopra quello che vede ne tempi quieti, quando i cittadini hanno bisogno dello stato, perche àlhora ognun' corre, ognun' promette et ciascun' vuol' morir' per lui, quando la morte è discosto, ma nè tempi adversi, quando lo stato ha bisogno de cittadini, al'hora se ne truova pochi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
lequel se treuve tousjours en telz inconvenientz avoir faulte de gens auquelz il se puisse fyer ; à cause que les promesses qu'on luy faict en temps paisibles, sont vaines et de nulle valeur, lors que les citoyens se sentent avoir besoin de son estat et de l'administration de justice. Car alors chascun court, chascun promect, chascun veult mourir pour luy se voyant loing de la mort. Mais au temps de l'adversité, quand le seigneur a besoing de l'ayde de ses citoyens, il ne s'en treuve que bien peu. tellement qu'il aura tousiours en temps douteux faute de gens auquelz il se puisse fier. Car un semblable Prince ne se peut fonder dessus ce qu'il voit en temps paisible quand on ha besoing de luy, pourceque alors un chacun promet, chacun veut mourir pour luy, quand les occasions de la mort sont loing, mais en mauvaise fortune qu'il a besoin de gens, alors on en trouve peu, et le seigneur en sa necessité aura tousiours faute de gens, à qui il se puisse fier : parautant qu'un Prince de ceste qualité, ne peut se fonder sur les occasions, qui se presentent à luy en temps paisible, lors que les citoyens n'ont besoing que d'un Roy : et adoncq un chacun se vient offrir à luy, un chacun s'efforce de l'enrichir de promesses : bref un chacun veut souffrir la mort pour luy, quand ilz voyent qu'il n'y à point matiere de la craindre. Mais si la chance tourne, et que le Prince aye affaire de ses Citoyens, il se trouvera abandonné de tout le monde, et en rencontrera bien peu qui luy veuillent tenir bon. tellement qu'il aura tousiours en temps douteux faute de gens en qui il se puisse confier. Car tel Prince ne se peut fonder sur ce qu'il voit en temps paisible quand on ha besoin de luy, pource qu'alors chacun luy promet, chacun veut mourir pour luy quand les occasions de la mort sont loing, mais en l'adverse fortune ou il ha besoin de gens, alors on en trouve peu



Segment 27
Et tanto più è questa esperienza pericolosa, quanto la non si può far' se non una volta. Però un' Principe savio deve pensar' un' modo per il quale li suoi Cittadini, sempre et in ogni modo et qualità di tempo, habbino bisogno de lo stato, di lui, et sempre poi gli saran' fedeli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et l'expérience pour esprouver de telles gens en est périlleuse, d'autant quelle ne se peult faire qu'une foys. Parquoy un prince doibt inventer un moyen par lequel ses citoyens tousjours, et en toute heure, et quoy qu'il advienne ayent besoing de son ayde, lequel aussy sera cause qui luy seront féaulx et obéyssans en tout temps. et tant plus l'experience en est dangereuse, d'autant qu'on ne la peut faire qu'une fois. Et pource un Prince sage doit penser un moyen, par lequel ses subiectz tousiours et en toute sortes et fortunes aient a desirer sa prosperite, et luy seront en apres tousiours seurs et feaulx. Et d'autant que ceste experience ne se peut faire qu'une seulle fois, de tant plus est elle a fuyr, et perilleuse. Par ainsi un sage Prince doit adviser quelque expedient, moyennant lequel ses hommes, soit en saison de paix ou guerre, ne se puissent bonnement passer de son gouvernement : et ce faisant, il se les rendera tousiours assez fidelles, et loyaux. & tant plus l'experience en est dangereuse, d'autant qu'on ne la peut faire qu'une fois. Et pource un Prince sage doibt penser un moyen, par lequel ses sujetz tousiours & en toute sortes & fortunes ayent à desirer sa prosperité, & luy seront cy aprez tousiours surs & loyaux.

 

Chapitre 10.

Titre
In che modo le forze de tutti i Principati si debbino misurare Cap .X.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En quelle manière l'on doibt examiner les forces de toutes les principautez. Chapitre X Comme les forces de toutes les Principautéz se doivent estimer et mesurer Chap. 10. Comme les forces de toutes les Principautez se doivent mesurer. Chapitre X. En quelle maniere les forces de toutes Principautez se doivent mesurer. Chapitre 10.



Segment 1
Conviene haver' nel' esaminare la qualità di questi Principati un'altra consideratione, cioè se un' Principe ha tanto stato che possa, bisognando, per se medesimo reggersi o vero se ha sempre necessità della defension' d'altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il convient avoir, pour bien examiner la nature de ces principaultéz, une aultre considération. Cestassavoir si ung prince a si grand estat qu'il se puisse deffendre de tout ennemy de soy mesme sans secour daultruy, ou voyrement s'il a tousjours besoing qu'ung aultre le défende. Pour bien iuger et bien examiner la qualite de ces principautez il convient avoir une autre consideration, c'est asçavoir si un Prince est si puissant qu'il puisse en un besoing se gouverner par soy mesmes, ou bien s'il a tousiours affaire de la defence et protection d'autruy. Il faut encores avoir une autre consideration en examinant la qualité de ces Princes : C'est a sçavoir si un seigneur est si grand terrien que de luy mesmes il puisse remedier aux affaires, qui adviennent : ou bien s'il a pour se faire, mestier du secours d'autruy. Pour bien iuger & examiner la qualité de ces principautez il convient avoir une autre consideration, c'est asavoir si un Prince est si puissant qu'il puisse en un besoin se conduire de luy mesme, ou bien s'il a tousiours affaire de la defence & protection d'autruy.



Segment 2
Et per chiarir' meglio questa parte, dico com' io giudico potersi coloro regger' per se medesimi che possono, o per abundantia de huomini o di denar', metter' insieme uno esercito giusto et far' una giornata con qualunche li viene assaltare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour laquelle différence bien déclairer je dis que ceulx là se peuvent fyer à eulx mesmes, qui peuvent avec suffisante quantité de gensdarmes du pays ou à force de deniers assembler une bonne armée, et faire une journée de bataille contre quelconque ennemy qui les assailliroit. Et pour mieux declarer cette partie, ie di que ceux se peuvent, comme ie pense, regir et maintenir eux mesmes qui ont puissance a force d'hommes ou d'argent mettre aux champs un ost bien fourni et donner iournee contre celuy qui le viendra assaillir, quiconques soit il, Et pour mieux esclarcir ce propos, ie dy, que tout ainsi, que i'estime ceux se pouvoir maintenir d'eux mesmes, qui ont le moyen, pour estre abondans en hommes, et deniers, mettre sur les champs une iuste armée, et donner iournée à quiconque les viendra assaillir : Et pour mieux declarer cette partie, ie di que ceux se peuvent (comme i'estime) regir & maintenir eux-mesmes qui ont puissance a force d'hommes ou d'argent de mettre aux champs un ost bien fourny & donner iournée contre celuy qui le viendra assaillir, quinconques soit il,



Segment 3
Et così giudico coloro haver' sempre necessità d'altri che non posson' comparir' contro gli nimici in campagna, ma sono necessitati rifugirse drento a le mura et guardar' quelle.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et semblablement j'estime que ceulx là ont besoing dautruy, qui ne se peuvent mettre aux champs, ains sont contraictz de se retirer dans les villes et garder les murailles. aussi i'estime ceux estre tousiours en necessite d'autruy qui ne peuvent comparoir en la campagne contre les ennemis mais sont contrains de se retirer aux villes et se garder de murailles. Semblablement ie repute ceux avoit tousiours besoing de l'aide de leurs voisins, qui ne s'osent monstrer en campagne contre la face des ennemis, mais sont forcez chercher leur refuge au dedans des places fortes, pour les garder. aussi i'estime ceux estre tousiours en necessité d'autruy qui ne peuvent comparoir en campagne contre leurs ennemis mais sont contraints de se retirer es villes & se garentir de murailles.



Segment 4
Nel' primo caso, s' è discorso et per l' avenire diremo quello che n' occorre.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des premiers nous en avons assez longuement discouru, et par cy après en toucherons quelque chose, selon ce qu'il nous viendra à propos. Le premier article nous l'avons discouru et par ci apres nous en dirons comme il s'offrira. Nous avons desia parlé des premiers, et en traitterons quelquefois plus amplement ou la commodité s'offrira. Le premier article nous havons discouru & cy aprez nous en toucherons encor ainsi qu'il s'offrira.



Segment 5
Nel' secondo caso, non si può dir' altro, salvo che confortar' tal' Principi a munir' et fortificar' la terra propria, et del' paese non tener' alcun' conto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des aultres je diz que l'on ne pourroit donner aultre remède, que les conseiller de bien munir et fortifier leurs villes en toutes sortes, et ne tenir pas grand compte du plat pays. Du second on n'en peut dire autre chose, que conseiller a telz Princes de munir et fortifier leurs villes, et ne tenir point grand conte du plat païs. Quant aux autres, ie n'en puis dire aucune chose, fors d'admonester semblables Princes à munir, et fortifier leur ville capitalle, sans se soulcier beaucoup du plat païs. Du second on n'en peut dire autre chose, que conseiller a telz Princes de munir & fortifier leur villes, & ne tenir pas grand conte du plat païs.



Segment 6
Et qualunche harà ben' fortificata la sua terra, et circa gli altri governi coi sudditi si sia maneggiato come disopra è detto et disotto si dirà, sarà sempre assaltato con gran respetto, perche gli huomini son' sempre inimici delle imprese dove si vegga difficultà, ne si può veder facilità assaltando uno che habbi la sua terra gagliarda et non sia odiato dal' popolo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car quiconque aura une ville bien fortifiée, et se sera bien porté touchant le gouvernement de ses subjectz, qu'il se tienne seur de n'estre assailly, sinon avec grand esgard et difficulté. Pource que les hommes sont tousjours ennemys des entreprinses, où ilz voyent aucune difficulté, certainement l'on ne peult trouver facilité aucune à assaillir ung prince qui ayt sa ville bien forte et bien remparée, et qui soit au demourant bien aymé du peuple. Tellement que quiconques aura bien fortifie ses places et quand aux autres manimens, d'affaires se sera porte comme nous avons dessus dit et dirons encores apres on ne l'assaudra qu'avec grand respect. Car on ne fait point voluntiers entreprises ausquelles on veoit de la difficulte, or n'y a pas peu d'affaire d'assaillir un qui ait sa ville bien munie et ne soit point hay du peuple. Et quiconque le fera ainsi, se gouvernant au reste de ses affaires envers ses subietz, comme i'ay icy devant remonstré, et diray cy apres, ceux qui le voudront assaillir, y penseront deux fois avant, que de commencer, consideré que les hommes sont tousiours volontiers contraires aux entreprises d'extreme difficulté. Et de fait ie ne sçay, qui estimera facile mener la guerre contre celuy, qui est en forteresse bien remparée, n'estant point mal voulu de son peuple. Tellement que quiconques aura bien fortifié ses places & quand aux autres manimens d'affaires se sera porté comme nous avons dessus dit & dirons encores apres, on ne l'assaudra qu'avec grand respect. Car on ne fait point voluntiers d'entreprises esquelles on veoit beaucoup de la difficulté, or n'y a pas peu d'affaire a assaillir celuy qui ha sa place bien munie & n'est point malvoulu de son peuple.



Segment 7
Le Città d' Alamagna sono liberalissime, hanno poco contado et obediscono a lo Imperadore quando le vogliono, et non temono ne quello ne altro potente che l'habbino intorno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les citez d'Allemaigne sont libres au possible, elles ont peu de pays alentour, et obéyssent à l'empereur quand il leur plaist, et ne craignent ny luy ny aucun autre seigneur qui soyt entour d'eux, Les villes d'Alemagne sont en grand liberte elles ont bien peu de païs, et obeissent a l'Empereur quand il leur plaist, et ne craingnants ne l'un ne l'autre de leur voisins pour puissant qu'il soit. Les villes d'Allemagne sont fort libres, et si ont petite estendue de seigneurie hors leur murailles. Elles obeissent à l'Empereur quand il leur plaist, et ne le craignent ne luy ny autre potentat, qui leur soit voisin : Les villes d'Alemagne sont en grande liberté elles ont bien peu de païs, & obeissent a l'Empereur quand il leur plaist, & ne craignent nul de leurs voisins pour puissance qu'il ayt.



Segment 8
Perche le sono in modo fortificate che ciascun pensa la espugnation' d'esse dover' esser' tediosa et difficile, perche tutte hanno fossi et mura convenienti, hanno artiglieria a sufficientia, et tengon' sempre nelle Canove publiche da mangiar' et da bere et da arder' per uno anno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et ce acause qu'elles sont fortifiées en telle sorte, que chacun pense la prinse dicelles debvoir estre difficile et fascheuse. Car elles ont toutes leurs murailles et fossez convenables, de l'artillerie à suffisance et tiennent ez magasins et caves publiques à manger, boyre et brusler pour ung an, Car elles sont fortifiees en sorte que chacun pense que se doit estre une chose bien longue et fascheuse de les prendre, d'autant qu'elles ont toutes fosses et murs suffisans, de l'artillerie grand quantite, et tousiours en leur magazins communs provisions a manger a boire et a bruler pour un an. parce qu'elles sont tellement fortes, qu'un chacun estime l'expugnation en devoir estre merveilleusement ennuyeuse, et difficile, estans toutes garnies de fossez, murailles, et d'artillerie a suffisance, tenans tousiours en leurs greniers publiques provision de blez, vins, et bois, assez pour une année. Car elles sont fortifiées en sorte que chacun pense que se doibt estre une chose bien longue & penible à les emporter, d'autant qu'elles ont toutes fossez & murs suffisans, de l'artillerie grande quantité & tousiours en leurs magazins communs provisions a manger a boire & a bruler pour un an.



Segment 9
Oltre a questo, per poter' tener' la plebe pasciuta et senza perdita del' publico, hanno sempre in commune per un' anno da poter' dar' lor' da lavorar' in quelli esercitij che siano il nervo et la vita di quella Città et de l'industria de quali la plebe si pasca. Tengon' ancora li esercitij militari in reputatione et sopra questo hanno molti ordini a mantenerli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et d'abondant pour entretenir le menu peuple nourry, sans l'intérest du publicq, ilz ont tousjours en communaulté assez de bésongne pour ung an, pour les faire travailler ez mestiers, qui sont le nerf et la vye dicelle cité, desquelz le populaire gaigne sa nourriture. Davantaige ilz ont le faict de guerre en honneur, et sur ce ont des ordres biens bons à le maintenir. Oultre ce que pour pouvoir entretenir le menu peuple sans nul dechet ou perte du bien public elles ont tousiours en commun dequoy nourrir luy donnant de la besongne en ces mestiers qui sont les nerfz et la vie de la ville et par le moyen desquelz le menu peuple vive. Encore tiennent ilz en grand honneur les exercices de la guerre et ont beaucoup de bonnes manieres de faire pour les maintenir. D'advantage à fin de donner moyen de vivre au menu peuple, et sans dommager le publiq'ilz ne faillent iamais d'avoir en commun matieres, pour le pouvoir toute l'année mettre en besoigne aux ouvrages des choses, qui renforçent, et entretiennent leur cité : tant que de ceste industrie la petite commune se nourrist, et si pratiquent les exercices militaires, sur lesquelz ilz ont plusieurs statuz, et ordonnances, qu'ilz observent ceremonieusement. Outre ce que pour pouoir entretenir le menu peuple sans nul diminution ou perte du bien public, elles ont tousiours en commun dequoy nourrir luy donnant de la besongne en ces mestiers qui sont les nerfz, & la vie de la ville & par le moyen desquelz le menu peuple vive. Encore tiennent ils en grand honneur les exercices de la guerre & ont beaucoup de bonnes manieres de faire, pour les entretenir.



Segment 10
Un' Principe adunque che habbia una Città forte et non si facci odiare, et non può esser' assaltato, et, se pur' fossi chi l' assaltassi, se ne partirebbe con vergogna, perche le cose del' mondo son' sì varie che gli è quasi impossibile che un' possi con l'eserciti stare un' anno ocioso a campeggiarlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy un prince qui a une forte cité, et ne se face hayr, ne peult estre assailly, et s'il se trouvoit aucun qui le voulsist assaillir, il est certain qu'il se retireroit à son déshonneur, pource que les choses mondaines sont si doubteuses et variables, qu'il est quasi impossible qu'un prince avec ses armées puisse demourer tout un an campé contre ung aultre au siège d'une ville. Un Prince donc qui ait une ville forte et ne se face point hair de ses subiectz ne peut estre assailli, et bien qu'il y eust quelcun qui vousist entreprendre de l'envahir, il seroit a la fin contrainct de s'en partir avec sa courte honte. Car en ce monde les affaires sont tant incertaines qu'il est quasi impossible qu'un homme puisse avec un camp estre un an au siege d'une ville sans rien faire. Le Prince doncq qui aura une cité forte, et ne se fera point haïr des siens, ne peut estre assailly, et quand ores il le seroit, l'aggresseur se voirra finablement contraint d'en partir à sa honte : attendu que les affaires de ce monde sont si divers, qu'il est presque impossible, qu'un chef de guerre puisse revenir l'espace d'un an son armée ocieuse, devant une place assiegée. Un Prince donc qui ayt une ville forte & ne se fasse point hair de ses sujetz ne peut estre assailli, & bien qu'il y eust quelqu'un qui vousist entreprendre de l'envahir, il seroit à la fin contraint de s'en partir avec sa courte honte. Car en ce monde les affaires sont tant incertains & variables qu'il est quasi impossible qu'un homme puisse avec un camp estre un an au siege d'une ville sans rien faire.



Segment 11
Et chi replicasse: se il popolo harà le sue possessioni fuor' et veggal' ardere non harà patientia, et il lungo assedio et la charità propria gli farà dimenticare el Principe. Rispondo che un' Principe potente, animoso, supererà sempre quelle difficultà dando hora speranza a sudditi chel' mal' non sia lungo, hora timore de la crudeltà del' nimico, hora assicurandosi con destreza di quelli che gli paresseno troppo arditi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si aucun me réplicquoit que le peuple voyant brusler et gaster le plat pays, où sont ses biens et possessions, n'auroit plus de patience, et que la longueur du siège et sa propre charité luy feroit mectre le prince en oubly, je respondroys qu'ung puissant prince et courageux viendra tousjours au dessus de telles difficultez, une foys en donnant espérance à ses subjectz que ceste tempeste ne sera durable, l'autre en les espoventant de la cruaulté de l'ennemy, ou en chastiant par subtil moyen ceulx qui luy sembleroient trop hardyz à murmurer. Si on me replique, que le peuple aiant des biens et metairies au champs voit qu'on les mete a sac il ne le pourra endurer, ou que le long assaut et le prouffit particulier luy face oublier son Prince. Ie respons a cela qu'un Prince puissant et courageux surmontera tous ses empeschemens, maintenant donnant esperance a ses subiectz que le mal ne durera pas, maintenant crainte de la cruaulte de l'ennemi, aucunefois chastiant finement ceux qui luy sembleront estre trop hardiz. Et si lon me repliquoit, que le Peuple n'aura iamais patience voyant ses biens, et possessions estre brulées sur les champs, tant que le long siege, et amour de soy seront en danger, de luy faire oblier son Prince : ma responce sera qu'un prudent et courageux seigneur demeslera tousiours ces perplexitez, donnant maintenant esperance à ses subietz de la prochaine issue du mal, maintenant crainte de la cruauté de l'ennemy, et donnant ordre avecques prompte dexterité à ceux qui luy sembleront un peu trop hardis, et inclinez à la rebellion. Si on me replique, que le peuple ayant des biens & metairies au champs veoit qu'on les mette a sac il ne le pourra endurer, ou que le long siege & le proufit particulier luy fasse oublier son Prince. Ie respons à cela qu'un Prince puissant & courageux surmontera toutes ces difficultez, maintenant donnant esperance à ses sujetz que le mal ne durera pas, maintenant crainte de la cruauté de l'ennemy, aucunefois chastiant finement ceux qui luy sembleront estre trop hardiz.



Segment 12
Oltre questo il nimico deve ragionevolmente arder' et rovinar' el paese loro in sù la gionta sua et ne tempi quando li animi de gli huomini sono ancora caldi et volonterosi a la difesa, et però tanto meno il Principe deve dubitare, perche doppò qualche giorno, che gli animi sono raffredi, sono digia fatti i danni, son' ricevuti i mali et non v' è più rimedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Oulstre ce communément tout ennemy sur sa première arrivée brusle et gaste le pays, où il entre lors que les hommes sont encore chauldz et promptz à défendre leur prince. Au moyen dequoy il se doibt moins deffier d'eulx, à cause que quelques jours après que les cueurs sont refroidiz, les ennemyz ont faict du piz qu'ilz ont peu, le peuple a souffert tous les maulx du monde, et voit bien qu'il n'y a plus de remède. Avec ce que l'ennemi doit selon raison bruler et gaster le païs au commencement qu'il y arrive et quand les hommes sont chaux et ont bon cœur ilz se defendent voluntiers, et pource tant moins un Prince se doit deffier : quelque temps apres les courages sont rafroidis d'autant que le dommage est fait, les maux sont receus, et n'y a plus de remede. Et qui plus est, la coustume des ennemis est brusler, et gaster tout le païs à leur premiere arrivée, et au temps que les courages des hommes sont encores chautz, et ardans a la resistance. Parquoy un Prince se doit moins travailler l'esprit de celà, parce que les pertes, et dommages sont desia faitz, et les maux receus, sans qu'il y aye plus de remede, avant que les coeurs du peuple se commancent à refroidir, et s'en resentir. Avec ce que l'ennemy doibt selon raison bruler & gaster le pays au commencement qu'il y arrive & quand les hommes sont chaudz & ont bon cueur ils se defendent voluntiers, & pource tant moins un Prince se doit defier : quelque temps aprez les courages sont refroidis d'autant que le dommage est fait, les maux sont receus & n'y a plus de remede.



Segment 13
Et al'hora tanto più si vengono ad unir' collor' Principe, parendo che esso habbia con loro obligo, essendo state loro arse le case, et rovinate le possessioni per la difesa sua. Et la natura de gli huomini è così obligarsi per li beneficij che essi fanno, come per quelli che essi ricevono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont il advient qu'ilz se joignent d'autant plus à leur prince, et semble qu'il soit en partie obligé à eulx, de ce que leurs maisons ont estés pour luy bruslées, et leurs possessions gastées pour sa deffense. Car la nature des hommes est telle qu'ilz s'obligent autant à aultruy pour les biens et services qui luy font, comme pour ceulx qui reçoivent de luy. Car alors tant plus ilz se viennent accorder et assembler avec leur Prince, leur estant advis qu'il soit fort tenu et oblige a eux, pour ce qu'a son occasion et pour le deffendre leurs maisons ont este destruites et leur terres saccagees. Car les hommes sont de ceste nature de s'obliger et sçavoir bon gre aussi tost pour les plaisirs qu'ilz ont faicts, comme pour ceux qu'ilz ont receus. Et alors tant plus fort se reünist il, et approche de son seigneur, le pensant avoir grandement obligé à soy, de voir leurs maisons arses, et possessions champestres destruites pour sa defense. Car le naturel des personnes est de sçavoir autant bon gré a ceux, qui leur sont tenus pour service fait, qu'aux autres de qui ilz ont reçeu plaisir. Car alors tant plus ils se viennent accorder & assembler avec leur Prince, leur estant avis qu'il soit fort tenu & obligé a eux, pource qu'à son occasion & pour sa defence leur maisons ont esté destruittes & leur terres saccagées. Car les hommes sont de cette nature de s'obliger & savoir bon gré autant pour les plaisirs qu'ils ont faits que pour ceux qu'ils ont receuz.



Segment 14
Onde se si considera ben' tutto, non fia difficile a un' Principe prudente tenere, prima et poi, fermi l'animi de suoi Cittadini ne la' ossidione, quando non gli manchi da viver' ne da difendersi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy si l'on considère bien à tout, il ne sera malaisé à un prudent prince d'entretenir avant et après telz inconvenientz les cueurs des citoyens en amour et fermeté, à supporter le siège des ennemyz pourveu qu'il ayt de quoy vivre et de quoy se deffendre. Doncques tout bien advise, il ne sera pas difficile a un Prince qui soit sage de tenir premierement, et puis asseurer ses gens a la deffence de sa ville quand il aura vivres et munitions. Et parainsi considerant bien le tout, il ne sera point malaisé à un sage Prince entretenir du commancement, et apres, le courage de ses subietz à la longueur du siegé, pourveu que les vivres, et moyens de se defendre ne luy defaillent point. Donques tout bien avisé : il ne sera pas difficile a un Prince prudent de tenir premierement, & puis assurer ses gens à la deffence de sa ville quand il aura vivres & munitions.

 

Chapitre 11.

Titre
De principati ecclesiastici Cap .XI.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des principautez d'Église. Chapitre XI De la principauté de l'eglise Chap. 11. Des principautez Ecclesiastiques. Chap. XI. De la principauté de l'Eglise. Chap. 11.



Segment 1
Restaci solamente al' presente a' ragionare de' Principati Ecclesiastici, circa quali tutte le difficultà sono avanti che si possegghino, perche s'acquistano o per Virtù o per Fortuna, et senza l'una et l'altra si mantengono, perche sono sustentati dagli ordini antichati ne la religione, quali sono tutti tanto potenti et di qualità che tengono i lor' Principi in stato in qualunche modo si procedino et vivino.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il ne reste sur ceste matière qu'à parler des principaultez d'esglise, esquelles il n'y a aucune difficulté sinon celle qui est auparavant qu'on se soyt saisy de la possession dicelles. Elles s'equestent ou par vertu ou par fortune, et toutefoys il est aysé de les maintenir sans toutes deux. Car l'on se soustient en estat par les ordres qui sont de toute ancienneté tenuz en la religion, lesquelz sont de si grande puissance et de telle qualité, qu'ilz tiennent leurs princes en estat, en quelconquz manière qu'ilz veuillent vivre, ou gouverner, sans aucune contradiction. Il ne reste plus a parler pour le present que des principautez ecclesiastiques, esquelles toute la difficulte est avant qu'on les tienne. Car elles s'acquierent ou par vertu, ou par fortune, et se maintiennent sans l'une ny sans l'autre. Car elles sont soutenues d'une grande anciennete qui est aux ordres de la religion, lequelz sont si puissans et de telle qualite qu'ilz tiennent leurs maistres en estat en quelque sorte que se soit qu'ilz si portent et qu'ilz vivent. Il reste seullement en cest endroit deviser des Principautez Ecclesiastiques, autour desquelles n'y a difficulté, sinon durant la poursuitte d'y parvenir : dautant qu'elles s'acquierent, ou par vertu, ou par fortune, et se conservent sans l'une, ne l'autre, estans assez soustenues par les statuz inveterez en la religion Chrestienne, lesquelz sont tous de telle puissance et authorité, qu'ilz maintiennent d'eux mesmes leurs prelatz en possession paisible de leurs estatz, quelque mode de faire ou vivre qu'ilz tiennent. Il ne reste plus à parler pour le present que des principautez ecclesiastiques, esquelles toute la difficulté est avant qu'on les tienne. Car elles s'acquierent ou par vertu ou par fortune & se maintiennent sans l'une ne l'autre. Car elles sont soustenuës d'une grande ancienneté qui est és ordres de la religion, lesquelz sont si puissans & de telle qualité qu'ils tiennent leurs maistres en estat en quelque sorte que se soit qu'ils si portent & qu'ils vivent.



Segment 2
Costoro soli hanno stato et non lo difendano, hanno sudditi et non gli governano;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Entre tous les seigneurs du monde les princes d'esglise tant seullement ont estat et ne le deffendent, ont subiectz et ne les gouvernent, Ceux la seulement ont des païs et ne le defendent point, ilz ont des subiectz et ne les gouvernent point, Ceste seule sorte de gens ont seigneuries, et ne les defendent point : ont subietz, et ne les gouvernent point. Ceux-là seulement ont des païs & ne les defendent point, ils ont des sujetz & ne les gouvernent point :



Segment 3
et gli stati, per esser' indifesi, non son' lor' tolti, et li sudditi per non esser' governati, non se ne curano, ne pensano, ne posson' alienarsi da loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et les estatz ne leur sont ostez, pource aussy qu'ilz ne sont deffenduz, et les subiectz n'en ont aucune cure, pource qu'ilz ne sont pas eulx gouvernez, et ne pensent jamais à révolter ny à se soubstraire d'eulx. et pource qu'ilz ne defendent point leurs estatz, on ne leur oste point, et d'autant qu'ilz ne gouvernent point leur subiectz ilz ne s'en soucient point, ny pensent ny peuvent s'aliener de leur gouvernement. Et toutesfois leurs seigneuries ne leur sont iamais ostées, encores que iamais on ne les defende, ny n'ont soucy leurs subietz si on les laisse sans gouvernement. Lesquelz ne pensent, et ores quand ilz le penseroient, ne peuvent s'alliener aucunement de leurs superieurs. & pource qu'ils ne defendent point leurs estats, on ne leur oste point, & d'autant qu'ils ne gouvernent point leurs sujetz ilz ne s'en soucient point, ne pensent ne peuvent soy soustraire de leur gouvernement.



Segment 4
Solo adunque questi Principati son' securi et felici, ma essendo quelli retti da cagioni superiori a le quali mente humana non aggiugne, lascerò il parlarne, perche, essendo esaltati et mantenuti da Dio, sarebbe officio d' huomo presuntuoso et temerario el discorrerne.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tellement qu'il fault juger que se sont les plus heureux et asseurez princes du monde. Laquelle chose advient de ce qu'ilz sont dressez par causes supérieures, ausquelles l'esprit humain ne peult parvenir, mais à cause que Dieu est celuy qui les exalte et maintient en felicité, se seroit office d'homme oultrecuidé et temeraire, d'en vouloir discourir, et n'en parleray aucunement. Ces principautez la donc seulement sont seures et heureuses, mais pource que cela est gouverne de causes superieures ausquelles l'esprit humain n'y peut advenir, ie laisseray d'en parler, car estans elevees et maintenues de Dieu seroit bien a faire a un homme temeraire d'en discourir. Ces seules principautez sont doncques asseurées et heureuses : mais au moyen de ce qu'elles sont conduites, et guidées par divins iugemens, dont l'esprit, et sens humain ne peut approcher, ie me deporteray d'en parler : parce qu'estans exaltées, et entretenues de Dieu, seroit l'acte d'un homme presumptueux, et temeraire, d'en vouloir faire discours. Ces principautez donc seules sont sures & heureuses, mais pource que cela est gouverné des causes superieures ausquelles l'esperit humain ne peut attaindre, ie laisseray d'en parler, car estant elevées & maintenues de Dieu seroit un tour d'homme temeraire d'en discourir.



Segment 5
Nondimanco se alcuno mi ricercasse donde viene che la Chiesa nel' temporale sia venuta a tanta grandeza (con cio sia che da Alessandro indrieto i potentati Italiani, et non solamente quelli che si chiamano potentati, ma ogni Barone et Signore benche mimino quanto al temporale, la stimava poco, et hora un' Re di Francia ne trema, et l' ha possuto cavare d' Italia et rovinar' i Vinitiani) ancora che cio noto sia, non mi par' superfluo ridurlo in qualche parte a la memoria.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Touteffois si quelcun me demande dont il est advenu que l'Église soit parvenue à si grand bien temporel, veu que devant le règne d'Alexandre VI, les potentaz d'Italie, et non seullement ceulx qui se peuvent dire potentatz, mais chasque baron et seigneur bien petit, quant au temporel ne l'estimoit pas beaucoup. Mais à présent ung roy de France le craint bien fort, tellement ung pape seul l'a chassé hors d'Italie, et a peu mettre les Vénitiens en ruyne. Et combien que cela soit assez notoire, si est ce qu'il ne me semble hors de propos de reduyre en mémoire une partie des causes de tel accroissement. Neantmoins si quelcun me demandoit et pressoit dont vient cela que l'Eglise soit devenue si grande et si puissante en temporel, veu que devant Pape Alexandre les potentatz d'Italie et non pas seulement ceux qui s'appellent potentatz mais un petit baron un simple seigneur en faisoit peu de cas quand au temporel, maintenant soubz un Roy de France tremble d'elle, et peut le chasser d'Italie et ruiner les Venitiens : ce qu'encores qu'il soit assez commun, si est ce qu'il me semble n'estre pas impertinent de le reduire en partie en memoire. Neantmoins si quelqu'un me demandoit, d'ou est procedé, que l'Eglise soit, quant au temportel, venue à telle grandeur, attendu qu'auparavant Alexandre sixiesme les potentatz d'Italie, et non seulement ceux, qui s'appellent potentatz, mais tant petit baron ou seigneur qui eust peu estre, ne tenoit compte d'elle au regard de la temporalité, et depuis elle est devenue si puissante, qu'elle a peu ietter un Roy de France hors de l'Italie, avecques toute sa puissance, et abbaisser la reputation des Venitiens. Lesquelles choses bien que soient notoires. Si ne me semble il point superflu, de les reduyre aucunement en memoire. Neantmoins si quelqu'un me demandoit & pressoit, d'ou vient cela que l'Eglise soit devenue si grande & si puissante en temporel, veu que devant Pape Alexandre les potentatz d'Italie & non pas seulement ceux qui s'appellent potentatz mais un petit baron, un simple Seigneur en faisoit peu de cas quant au temporel, maintenant un Roy de France en tremble & le peut chasser d'Italie & ruiner les Venitiens : ce qu'encores qu'il soit assez commun, si est-ce qu'il ne me semble pas superflu de reduire en quelque partie en memoire.



Segment 6
Avanti che Carlo Re di Francia passassi in Italia, era questa provincia sotto l'Imperio del' Papa, Vinitiani, Re di Napoli, Duca di Milano, et Fiorentini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Au paravant que Charles roy de France passast en Italie, toute la province estoit soubz l'empire du pape, des Vénitiens, roy de Naples, duc de Milan et des Florentins. Avant que le Roy Charles passast en Italie ce païs la estoit soubz le gouvernement du Pape, des Venitiens, Roy de Naples, Duc de Milan, et Florentins. Avant que le Roy Charles huitiesme passast en Italie, toute la province estoit divisée en subiection du Pape, des Venitiens, du Roy de Naples, du Duc de Milan, et des Florentins. Avant que le Roy Charles passast en Italie, le païs estoit sous le gouvernement du Pape, des Venitiens, du Roy de Naples, du Duc de Milan, & des Florentins.



Segment 7
Questi potentati havevano haver' due cure principali. L'una, che un' forestiero non intrassi in Italia con l' armi. L'altra, che nessun' di loro occupassi più stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ces potentatz icy avoient deux principalles choses à penser, l'une qu'ung estrangier puissant en armes n'entrast en Italie, l'aultre que pas ung d'entre eulx n'occupast l'estat de son compaignon. Ces potentatz devoient prendre garde a deux choses, l'une qu'un estranger n'entrast point en Italie pour batailler, l'autre que nul d'eux usurpast plus de païs qu'il n'en tenoit. Ces cinq potentatz devoient avoir deux soings en principalle recommendation, l'un, d'empescher qu'un estranger n'entrast iamais en armes dans l'Italie l'autre, que nul d'eux dilasta plus outre les limites de son Empire. Ces potentatz avoyent a prendre garde a deux choses, l'une qu'un estranger n'entrast en Italie pour y mener guerre, l'autre que nul d'eux usurpast plus de païs qu'il n'en tenoit.



Segment 8
Quelli a chi s' haveva più cura erano il Papa et Vinitiani; et a tener' indrieto i Vinitiani, bisognava l'union' di tutti gli altri, come fù ne la difesa di Ferrara; et a tener' basso il Papa, si servivano de i Baroni di Roma, li quali essendo divisi in due fattioni, Orsini et Colonnesi, sempre v'era cagion' di scandoli fra loro, et, stando con l' armi in mano insù gli occhi del' Pontifice, tenevano el Pontificato debole et infermo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceulx dont il se falloit plus donner de garde estoient le pape et les Vénitiens, pour reculler les Vénitiens il failloit que tous les autres soient uniz, comme il advint pour deffendre Ferrare et pour tenir le pape bas, ils se servoient des barons de Rome. Lesquelz estant divisez en deux factions et parties, l'une des Ursins, l'aultre des Colonoys, tousjours y avoit quelque cause de scandalle entre eulx, et ayant continuellement l'espée au poing sur les yeux du pape, ténoient le pontificat débile et sans force. Ceux qui en avoient plus d'interest estoient le Pape et les Venitiens, et pour tenir les Venitiens en subiection il falloit que tous les autres fussent d'acord comme avint a la defence de Ferrare. Pour tenir en bride le Pape ilz se servoient des barons de Romme, lequelz estans divisez en deux bandes, Ursins et Colonnois ilz estoient cause de scandales entre eux car aiants les armes au poing en presence du Pape ilz le faisoient plus foible et moins puissant. Ceux qui failloit plus reigler en cecy, estoient le Pape, et les Venitiens. Or pour brider les Venitiens, l'union de tous les autres ensemble suffisoit, comme l'on feit à la deffense de Ferrare. Quant a renger le Pape, ilz se pouvoient servir des barons de Rome, lesquelz estans divisez en deux diverses factions, Ursines, et Collonnoises, nourrissoient perpetuellement matiere de divorces, et esmeutes entr'eux : et consequemment se faisans tous les iours la guerre devant les yeux du Pape, debilitoient grandement son authorité : Ceux qui y avoyent plus d'interest estoyent le Pape & les Venitiens & pour tenir le Venitiens en sujection faloit que tous les autres fussent d'accord comme avint a la defence de Ferrare. Pour tenir en bryde le Pape ils se servoyent des barons de Romme, lesquels estans divisez en deux bandes, Ursins & Colonnois ilz estoient cause de seditions entr'eux, car ayants les armes au poing en presence du Pape ilz le rendoient plus foible & moins puissant.



Segment 9
Et benche surgessi qualche volta un' Papa animoso, come fù Sisto, pure la fortuna o il saper' non lo potè mai disobligare da queste incommodità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et jafoit qu'il nacquist quelque pape courageux, comme fut Sixte, touteffoys la fortune ou son sçavoir ne le purent jamais délivrer de ces incommoditez, Et bien qu'encores quelque fois il s'elevast un Pape courageux comme a este Pape Siste, si est ce que ny toute la fortune ny tout leur sçavoir ne les peut onques exempter de ces incommoditez, en sorte qu'encores il se trouvast parfois quelque Pape de coeur, et entreprise, comme sur Sixte, ce neantmoins la fortune, et le sçavoir ne le peut oncques depestrer de ceste incommodité : Et combien qu'encore quelquefois il s'elevast un Pape courageux comme a esté Pape Sixte, si est ce que ne toute la fortune ne tout leur savoir ne les peut onques exempter de ces incommoditez,



Segment 10
Et la brevità della vita loro n' era cagione, perche in .X. anni che, raguagliato, viveva un' Papa, affatica che potessi sbassare l'una de le fattioni, et se per modo di parlar' l'uno haveva quasi spenti i Colonnesi, surgeva un' altro inimico a gli Orsini, che gli faceva risurgere et non era a tempo a spegnerli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dont la briefveté de leur vie en estoit la cause. Pource qu'en dix ans que à tout prendre ung pape vivoit, à grand peine pouvoit il abbatre l'une de ces parties, et si par manière de parler ung pape avoit destruict les Colonnoys, il s'en levoit après luy un autre ennemy aux Ursins, qui les faisoit revenir, et n'estoit jamais assez puissant pour les destruire du tout. la cause est qu'ilz vivoient trop peu. Car en dix ans que un Pape vivoit apres estre bien arreste et paisible, a grand peine pouvoit il apaiser une de ces factions, et si par maniere de parler, un Pape eust ruine les Colonnois il survenoit un autre ennemi des Ursins qui les faisoit relever et ne pouvoit abattre les autres. dont la briefveté de leur vie estoit la pluspart en cause : parautant que tout ce que pouvoit faire un Pape en dix ans, que le plus communément ilz vivoient, estoit de remettre ceux de son costé en egallité de vigueur à ses adversaires, sans qu'a peine le reste de son vivant suffist pour abbaisser la ligue contraire. Et si par maniere de dire l'un avoit anneanty le party des Colonnois, il en venoit successivement un autre ennemy des Ursins, qui les faisoit ressusciter : auquel toutefois le temps estoit semblablement trop court, pour adnichiller du tout la faction Ursine. la cause est qu'ils vivoyent trop peu. Car en dix ans qu'un Pape vivoit aprez estre bien arresté & paisible, à grande peine pouoit il assoupir une de ces factions, & si par maniere de parler, un Pape eust ruiné les Colonnois il survenoit un autre ennemy des Ursins qui les faisoit relever & ne pouoit abbatre les autres.



Segment 11
Questo faceva che le forze temporali del' Papa eron' poco stimate in Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont il advenoit que les forces temporelles du pape n'estoient pas fort estimées en Italie. Cela faisoit que les forces temporelles du Pape estoient bien peu estimees en Italie. Celà causoit, que la puissance temporelle du Pape estoit pour lors peu estimée en Italie. Cela faisoit que les forces temporelles du Pape estoyent bien peu estimées en Italie.



Segment 12
Surse di poi Alessandro Sesto, il qual', di tutti li Pontefici che son' stati mai, mostrò quanto un' Papa et con il Danaio et con le forze si poteva prevalere, et fece, con l'instrumento del' Duca Valentino et con l'occasion' de la passata de Francesi, tutte quelle cose che io ho discorse disopra ne l'attioni del' Duca.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Depuis se leva pape Alexandre VI lequel sur tous les papes que jamais furent, monstra combien ung pape se pouvoit faire valoir par force des deniers et des armes. Car ayant le duc Valentin son filz pour instrument et conducteur de ses entreprinses, prenant occasion sur la venue des Françoys, feit toutes les choses que j'ay cy dessus discourues en racomptant les gestes du duc Borgia. Depuis s'eveilla Alexandre Sixiesme, lequel entre tous les Papes qui furent iamais, a bien monstre combien un Pape pouvoit par argent ou par force se faire valoir, et par moien du Duc Valentin, et a l'occasion de la descente des François en Italie. Or fit il toutes les choses que i'ay dites en parlant des fais de Borge. Depuis Alexandre sixiesme se meit en avant, lequel, de tous ses predecesseurs qui furent oncques monstra le mieux ce qu'un Pape pouvoit faire employant le denier, et la force : comme il le declara tresbien es gestes, qu'il feit par les mains du Duc son filz, et moyennant l'occasion, dont il se sçeut fort bien servir à la venue des Françoys, tout ainsi que i'ay cy dessus racompté, parlant des affaires de Cesar Borgia. Depuis s'eveilla Alexandre sixieme, lequel entre tous les Papes qui furent iamais, a bien monstré combien un Pape pouoit par argent ou par force se faire valoir, & par moyen du Duc Valentin, & à l'occasion de la descente des François en Italie. Or fit il toutes les choses que i'ay dites en parlant des gestes faitz de Borge.



Segment 13
Et benche l'intento suo non fusse di far' grande la Chiesa, ma il Duca, nondimeno ciò che fece tornò a grandeza de la Chiesa, la qual, doppò la sua morte, spento el Duca, fù herede de la fatiche sue.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et jafoit que son intention ne fust pas d'agrandir l'Église, mais son filz seullement, touteffoys ce qu'il feit tourna à la grandeur de l'Église, laquelle après sa mort et celle du duc, fut heritière de ses travaulx. Et bien que son intention ne fut pas de mettre cela au proffit de l'eglise, mais de son filz : neantmoins cela qu'il fit tourna a la grandesse de l'eglise, laquelle apres la mort du Pape et de son fis fut heritiere de ses peines et fascheries. Et combien que son intention fust d'agrandir son dit filz, non pas l'Eglise : si retournerent pourtant ses conquestes à l'augmentation d'icelle, qui succeda apres sa mort, et la ruyne du Duc, au profit de toutes ses peines et conquestes. Et combien que son intention ne fust pas de mettre cela au proufit de l'eglise, mais de son fils : neantmoins ce qu'il fit tourna à la grandesse d'icelle, laquelle apres la mort du Pape & de son filz fut heritier de ses peines & travaux.



Segment 14
Venne dipoi papa Iulio et trovò la Chiesa grande, havendo tutta la Romagna, et essendo spenti tutti li Baroni di Roma et, per le battiture d'Alessandro, annullate quelle fattioni, et trovò ancor' la via aperta al' modo del' raccumular' denari, non mai più usitato d'Alessandro indrieto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Après luy fut crée pape qui trouva l'Église puissante dame de toute la Romaigne, les barons de Rome destruictz, les factions et partialitez de Rome toutes anéanties, par les continuelles batteries d'Alexandre, et trouva d'abondant la voye faicte de faire deniers qui n'avoit jamais estée usitée auparavant qu'Alexandre la meist en oeuvre. Succeda Pape Iules 2. et trouva l'eglise ia fort puissante ayant toute la Romagne, les barons de Romme tous ruinez, et les factions abolies, tant avoyent este batus d'Alexandre, encores trouva il le chemin ouvert, et moyen pour amasser deniers qui n'avoit iamais este pratique devant Alexandre. Apres luy Iulles second vint à la papauté, lequel trouva l'estat de l'Eglise fort opulent, ayant toute la Romaigne subiete, et estans ces barons de Rome entierement mis soubz le pié, ensemble leurs factions annullées par les persecutions, et menées d'Alexandre. Il rencontra aussi la porte ouverte à nouvelles inventions d'amasser deniers, non pratiquées auparavant Alexandre : Succeda Pape Iules 2. & trouva l'eglise ia fort puissante ayant toute la Romagne, les barons de Romme tous ruinez, & les factions abolies, tant avoyent esté battus par Alexandre, encores trouva il le chemin ouvert & moyen d'amasser deniers qui n'avoit iamais esté pratiqué avant Alexandre.



Segment 15
Le qual' cose Iulio non solamente seguitò, ma accrebbe, et pensò guadagnarsi Bologna et spegner' Vinitiani et cacciar' i Francesi d' Italia; et tutte queste imprese gli riuscirno, et con tanta più sua laude, quanto fece ogni cosa per accrescer' la Chiesa et non alcun' privato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lesquelles choses non seullement le pape ensuyvit, mais les augmenta bien fort. Car il se délibéra de conquester Boulogne, repoulser les Vénitiens, et chasser les Françoys hors d'Italie, et vint au dessus de toutes ces entreprinses, et d'autant plus cela redonda à sa grande louenge, qu'il le faisoit en l'intention d'accroistre l'Église et non aucun particulier amy. Ce que Pape Iules non seulement continua, mais augmenta : mettant en sa teste d'avoir Boulongne, de ruiner les Venitiens, et de chasser les François. Lesquelles entreprinses vindrent toutes a bien et avec tant plus de louange, d'autant qu'il fist tout ce qu'il estoit possible pour acroistre l'eglise et non pas quelque autre tiers. lesquelles Pape Iulle non seulement ensuivit mais les accreut grandement : et se proposa de gaigner Bouloingne, roigner les aisles des Venitiens, et chasser les Françoys de l'Italie. Dont il vint heureusement à bout, avec d'autant plus de louanges, qu'il entreprenoit ces choses pour l'accroissance de l'Eglise, et non d'aucun particulier. Ce que Pape Iules non seulement continua, mais augmenta : mettant en sa teste d'avoir Boulongne, de ruiner les Venitiens & de chasser les François. Lesquelles entreprinses eurent toutes succez & avec tant plus de loüange, d'autant qu'il fit tout ce qu'il estoit possible pour acroistre l'eglise & non pas quelque autre tiers.



Segment 16
Mantenne ancor' le parti Orsine et Colonnese in quelli termini che le trovò.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si maintint aussy les parties Oursines et Colonnoyses en l'estat qu'il les trouva. Outre cela il maintint les factions des Ursins et Colonnois comme il les avoit trouvees. Outreplus il rengea tousiours les partialitez Ursines, et Coulonnoises à la raison, qu'il les avoit trouvées. Outre cela il maintint les factions des Ursins & Colonnois comme il les avoit trouvées.



Segment 17
Et benche tra loro fussi qual'che capo da far' alteratione, nientedimeno due cose gli ha tenuti fermi: l'una, la grandeza de la Chiesa che gli sbigotisce ; l'altra, il non haver' loro Cardinali, quali sono origine de tumulti intra loro: ne mai staranno quiete queste parti qualunque volta habbino Cardinali, perche questi nutriscono, in Roma et fuori, le parti. Et quelli Baroni son' forzati a defenderle, et cósì, da l' ambition' de Prelati, nascono le discordie et tumulti intra Baroni.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Entre lesquelles combien que tousjours y aist quelque chef pour faire quelque brouilliz, si est ce qu'ilz se tindrent coy, pour deux causes : l'une pour la puissance de l'Église qui les espoventoit, l'aultre pource qu'ilz n'avoient plus leurs cardinaulx qui sont tousjours la cause et l'embrasement des tumultes entre eulx. Et ne fault penser que ces partialitez soient jamais en paix et tranquillité pendant qu'ilz auront des cardinaux. Car ce sont ceulx qui nourrissent dedans et dehors de Rome les partisans, tellement que les barons sont contraictz de les défendre, et par ainsy toutes les discordes et brouilleries des barons naissent de l'ambition des prélatz. Et bien que ilz eussent un chef entre eux pour renouveler quelque trouble, toutefois deux points les ont tenuz en crainte, l'un est la grandeur de l'eglise qui les estonnoit, l'autre qu'ilz n'avoyent point de Cardinaux des leur, car c'est la source des tumultes entre eulx, et iamais ces deux bandes ne seront bien appaisees, toutes et quantes fois qu'elles auront ung Cardinal de leur coste : car sont ceux qui nourrissent et en Romme, et dehors les parties et factions, les seigneurs etans contraints de les defendre, ainsi par l'ambition de ces Prelatz les discordes et noises sourdent entre les barons. Et encores qu'il s'eslevast parmi eux quelque autheur de nouvelle sedition, est ce que deux causes les feirent tousiours reserrer, l'une, la grandeur de l'Eglise, qui les tenoit en crainte, l'autre se voyans sans Cardinal de leur party : dont tous leurs troubles, et differens ont cy devant pris, et le plus souvent prennent origine : ny ne seront iamais en repos tant qu'il y aura Cardinal en l'une de ces deux bandes : parce que soubz ce moyen ilz entretiennent leurs partisans dans la ville de Rome, et dehors. Et les Gentilz-hommes sont forcez d'adherer a eux. De maniere que par là congnoist on les discordes, et tumultes naistre de l'ambition des prelatz. Et neantmoins qu'ils eussent un chef entre eux pour renouveler quelque trouble, toutesfois deux poins les ont tenuz en crainte, l'un est la grandeur de l'eglise qui les estonnoit, l'autre qu'ils n'avoyent point de Cardinaux des leur ligue, car c'est la source des tumultes entre eux, & iamais ces deux bandes ne seront bien assoupies, toutes & quantesfois qu'elles auront un Cardinal de leur costé : car sont ceux qui nourrissent & a Romme & dehors les partialitez, les Seigneurs estans contraints de les defendre : ainsi par l'ambition de ces Prelatz, les discordes & debatz sourdent entre les barons.



Segment 18
Ha trovato adunque la Santita di Papa Leone questo Pontificato potentissimo, del' qual' si spera che se quelli lo fecero grande con l'armi, esso con la bontà et infinite altre sue virtù lo fara grandissimo et venerando.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Puys doncques que la saincteté de pape Léon à présent a trouvé le pontificat trespuissant, tout le monde s'est esmeu en quelque espérance de quelque grand bien, dont chacun espère, que tout ainsy que les autres devant luy l'ont agrandy par armes, il le fera tresgrand et vénérable par la bonté et plusieurs autres grandes vertuz. Or maintenant la saintete de pape Leon a trouve cette Papaute fort puissante, duquel on espere tant que si les autres l'ont fait grande par les armes, luy par sa bonte, et autres vertuz infinies luy donnera tresgrande force et reputation. Or maintenant la saincteté de Pape Leon a trouvé le pontificat merveilleusement riche : duquel nous esperons, que si ses predecesseurs l'ont augmenté par les armes, cestuy cy l'accroistra d'advantage par la bonté, se rendant à la parfin grand et venerable par infinies siennes vertuz. Or maintenant la sainteté de Pape Leon a trouvé cette Papauté fort puissante, duquel on espere tant que si les autres l'ont fait grande par les armes, luy par sa bonté & autres vertuz infinies en accroistra sa grandeur & veneration.

 

Chapitre 12.

Titre
Quante siano le spetie della militia et de soldati mercennarij Cap .XII .
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De toutes les sortes des gens de guerre, et speciallement des soudardz mercennaires. Chapitre XII Combien il y a de forces de faire la guerre et des soldars estrangers. Chap. 12. Quantes especes y a de gens de guerre : et des Soldatz Mercennaires. Chapitre XII. combien y'a d'especes de gens de guerre & des soldats mercenaires ou soudoyez. Cha. 12.



Segment 1
Havendo discorso particolarmente tutte le qualità di quelli Principati de quali nel' principio proposi di ragionare, et considerato in qualche parte le cagioni del' bene et del' male esser' loro, et monstri i modi con li quali molti han' cerco d' acquistarli et tenerli, mi resta hora a discorrer' generalmente l'offese, et difese che in ciascun' de prenominati possono accadere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Après avoir particulièrement discouru les qualitez de toutes les principautez dont au commencement j'avois proposé de parler, et en partie examiné les causes de leur bien et de leur mal, et monstré les manières que plusieurs ont usé pour les conquester et retenir, il me reste encore à discourir des choses appartenantes aux défenses et offenses daultruy, qui peuvent survenir à chascun desdictz estatz. Apres avoir discouru particulierement toutes les sortes de ces principautez desquelles au commencement i'avois delibere de parler, aiant conioint en partie la cause de leur avancement ou ruine et monstre les manieres par lesquelles plusieurs ont essaie de les acquester et tenir, il me reste encore a traicter generalement des empeschemens et remedes qui a chacune d'elles sçauroient survenir. Ayant particulierement discouru toutes les qualitez des principautez, dont i'avois au commancement deliberé parler, et remonstrer en partie dont procedent les occasions de leur bon ou mauvais estat, ensemble declaré les moyens avec lesquelz plusieurs se sont esvertuez les acquerir, et conserver. Reste presentement d'escrire en general les offenses, et defenses qui peuvent advenir en chacune d'icelles. Aprez avoir discouru particulierement toutes les sortes de ces principautez desquelles au commencement i'avois projetté de parler, ayant conioint en partie la cause de leur avancement ou ruine & monstré les manieres par lesquelles plusieurs ont essayé de les acquester & maintenir, il me reste encore a traiter generalement des empeschemens & remedes qui a chacune d'elles pourroient survenir.



Segment 2
Noi habbian' detto di sopra come ad un' principe è necessario havere li suoi fondamenti buoni, altrimenti di necessità convien' che rovini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Nous avons dict cy dessus qu'il est nécessaire à un prince d'avoir bons fondemens pour establir son estat, aultrement par nécessité il convient qu'il tende à ruyne. Nous avons dict ci devant qu'il faut qu'un Prince soit bien fonde, autrement qu'il sera perdu. Nous avons cy devant dit, comme il est necessaire à un Prince avoir ses fondemens bons : autrement faut de necessité qu'il tombe en decadence. Nous avons dit cy devant qu'il faut qu'un Prince soit bien fondé, autrement qu'il sera perdu.



Segment 3
E principali fondamenti che habbino tutti gli stati, così nuovi come vecchi o misti, son' le buone leggi et le buon' armi; et perche non possono buone leggi dove non sono buone armi, et dove son' buon' armi conviene che siano buone leggi, io lasserò indrieto il ragionar' de le leggi et parlerò de l' armi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les principaulx fondemens que tous les estatz vieux et nouveaux ou meslez, doibvent avoir sont les bonnes loys et les bonnes armes, par laquelle diction j'entendz bons hommes de guerre. Et à cause que les bonnes loix ne peuvent estre où il n'y ayt bonnes armes, et où les bonnes armes sont, il est convenable qu'il y ayt bonnes loix, je ne traicteray point des loix et parleray seulement des armes. Or les principaux fondemens qu'aient point tous les estatz aussi bien les nouveaux comme les vieux, et les meslez, sont les bonnes lois et bonnes armes. Et pource qu'il n'est possible d'avoir de bonnes lois ou les forces ne vallent rien et ou les armes sont bonnes, il est aussi bien raisonnable que les lois soyent bonnes : ie laisseray de parler des lois et traiteray des armes. Les principaux fondemens que tous les potentaz se puissent voir, soient Nouveaux, Anciens, ou Mixtes, sont les bonnes loix, et les bonnes armes. Et parautant que les bonnes loix demeurent sans effet, ou les bonnes armes sont defaillantes, et ou les bonnes armes regnent, il est aussi de besoing que les loix y soient bonnes. Ie me deporteray de disputer des loix, et dresseray mon propos des armes : Or les principaux fondemens qu'ayent tous les estats aussi bien les nouveaux comme anciens, & les meslez, sont les bonnes lois & bonnes armes. Et pource qu'il n'est possible d'avoir de bonnes loix là où les forces ne valent rien : & où les armes sont bonnes, il est aussi raisonnable que les loix y soyent bonnes : ie laisseray de parler des loix & traiteray des armes.



Segment 4
Dico adunque che l' armi, con le quali un' Principe defende el suo stato, o le son' proprie, o le son' mercennarie o ausiliarie o miste.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je diz doncq que les gens de guerre, dont ung prince se sert pour la deffense de son estat sont ou proppres à luy, ou estrangiers prins à la soulde, que j'appelle mercennaires, ou auxiliaires, ou meslez. Mon opinion est donc que les armes par lesquelles un Prince deffend son païs ou sont les siennes propres, ou bien soudoiees des etrangers, ou de quelque Prince son ami qu'il luy envoye secours, ou meslees des uns et des autres. Disant, que les armes, avec lesquelles un Prince defend ses terres, sont ou Propres ou Mercennaires, ou Auxiliaires, ou Mixtes. Mon opinion est donc que les armes par lesquelles un Prince defend son païs ou sont les siennes propres ou des estrangers soudoyez, ou de quelque Prince son amy quy luy envoye secours, ou meslées des uns & des autres.



Segment 5
Le mercennarie et ausiliarie son' inutili et pericolose, et se un' tiene lo stato suo fondato insù l'armi mercennarie non starà mai fermo ne sicuro, perche le son' dis'unite, ambitiose et senza disciplina, infedeli, gagliarde fra gli amici, fra gli inimici vili, non hanno timor' di Diò, non fede con gli huomini ; et tanto si differisce la rovina, quanto si differisce lo assalto, et ne la pace sei spogliato da loro, ne la guerra da inimici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les mercennaires et auxiliaires sont inutiles et dangereux pour celluy qui s'en sert, et si quelcun tient son estat fondé sur la foy des estrangiers mercennaires, jamais ne sera asseuré ou ferme en icelluy. Pource qu'ilz ne sont jamais d'accord entre eulx mesmes, et sont ambitieux, desloyaux, sans discipline de guerre, braves entre amyz, lasches entre les ennemys, ilz n'ont ny crainte de Dieu, ny foy envers les hommes, tellement que tu ne peulx différer d'estre ruyné sinon d'autant que tu demoures à estre assailly d'ailleurs. Dont tu te treuves en temps de paix estre déstroussé par eulx, en temps de guerre par tes ennemyz. Les soudoiez d'etrangers et le secours ne vallent rien, et si sont bien fort dangereuses. Et si un homme veut fonder l'asseurance de ses estatz sur les forces des etrangers, seurement il ne s'y pourra maintenir. Car elles ne s'accordent pas facilement entre elles et si sont tout pour l'honneur et ne sont point bien ordonnees ny obeissantes. D'autre part elles ne sont pas trop fideles, entre amis fort brave entre ennemis point de cœur, elles n'ont point la crainte en Dieu ny la foy aux hommes, et d'autant on retarde a les deconfire qu'on retarde a les assaillir en temps de pais tu seras pille d'eux, en temps de guerre des ennemis. Les Mercennaires, et Auxilliaires sont dangereuses, et de peu de profit, tant que si un seigneur fonde la durée de son estat sur telles forces, il n'aura iamais ferme ny asseurée domination : parce qu'elles sont seditieuses, ambitieuses, sans aucune discipline, et peu fidelles, braves avec leurs amis, et contre les ennemis lasches : n'ont aucune crainte de Dieu, ne foy envers les hommes : et de tant se differe seulement la ruyne, de celuy qui s'en sert, que l'assaut est differé. En saison de paix tu es mangé d'eux, en la guerre par tes ennemis. Les soudoiées d'estrangers ne valent rien, & sont fort dangereuses. Et si un homme veut fonder l'asseurance de son estat sur les forces mercenaires, ne sera iamais soustenu ferme. Car elles sont desunies, ambitieuses sans discipline, desloiales, entre amis sont braves, entre ennemis peu de cueur, elles n'ont point de crainte de Dieu ne de foy aux hommes, & d'autant on retarde a les deconfire qu'on retarde a les assaillir en temps de paix tu seras pillé d'eux, en temps de guerre des ennemis.



Segment 6
La cagion' di questo è che non hanno altro amore ne altra cagione che le tenga in campo che un' poco di stipendio, il quale non è sufficiente a fare che li voglion' morir' per te.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La cause de cecy est, qu'ilz n'ont autre amour ny autre cause qui les retienne en camp, sinon une petite soulde qui n'est pas suffisante à les induyre qu'ilz veuillent mourir pour toy ; La raison et cause de cela est qu'il n'ont autre amour et chose qui les tienne au camp qu'un peu de gages. Ce qui n'est pas suffisant a faire qu'il meurent pour toy : La cause de tout cecy est, qu'ilz n'ont autre affection, ne raison pour les retenir en un camp, à ton service, fors la friandise de quelque peu de soulde, laquelle n'est sufisante à les faire vouloir mourir pour toy. La cause de cela est qu'il n'ont autre amour & ny occasion qui les tienne au camp qu'un peu de gages. Ce qui n'est pas suffisant a faire qu'il meurent pour toy :



Segment 7
Voglion' ben' essere tuoi soldati mentre che tu non fai guerra, ma, come la guerra viene, o fugirse o andarsene.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
ilz sont bien contents d'estre à tes gaiges pendant que tu ne feras la guerre, mais icelle venue, ou il faille jouer des cousteaux, ilz se délibèrent tousjours ou de fuyr, ou de t'abandonner. ilz veullent bien estre a toy pendant que tu ne fais point la guerre, mais aussi tost que la guerre est revenue ilz veullent ou s'enfuir, ou se desapointer. Ilz veullent bien estre tes pensionnaires tant, que tu ne feras point la guerre : mais elle venant Messieurs s'enfuyent ou se retirent : ilz veulent bien estre a toy pendant que tu ne fais point la guerre, mais aussi tost que la guerre est revenuë ne desiroyent que fuir ou se desapointer.



Segment 8
La qual' cosa deverei durar' poca fatica a persuadere, perche la rovina d' Italia non è hor' causata da altra cosa che per esser' in spatio di molti anni riposatasi insù l' armi mercennarie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour laquelle chose prouver et faire clairement apparoistre, ne me fault grandement efforcer : pource que la ruyne d'Italie n'est proceddée d'ailleurs que de s'estre jectée par plusieurs années sur les armes mercennaires. Ce qui ne deveroit pas estre fort difficile a faire croyre, car la destruction d'Italie qui est pour le present n'est advenue d'autre chose que pour s'estre par long espace repose sur les armes estrangeres et soudoiees, Chose qui nous devroit facillement persuader la destruction d'Italie n'avoit esté d'ailleurs occasionée, que pour s'estre, l'espace de plusieurs ans, reposée sur les armes de louage : Ce qui ne devroit pas estre fort difficile a faire croire : car la destruction d'Italie qui est a present n'est advenuë d'autre chose que de s'estre par long espace reposé sus les armes estrangeres & soudoyées,



Segment 9
Le quali fecion gia per qualcuno qualche progresso, et parevan' gagliarde infra loro, ma come venne il forestiero, elle mostroron' quel' che l'erano. Onde che a Carlo Re di Francia fù lecito pigliar' Italia col' gesso. Et chi diceva che n'eran' cagion' i peccati nostri diceva il vero, ma non eran' gia quelli che credeuan', ma questi ch' io ho narrato. Et perche gli eran' peccati di Principi, n' hanno patito la pena ancora loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Bien est vray que telles gens feirent jadiz quelque beaux faict d'armes à la faveur de quelcun, et sembloit à les veoir qu'ilz fussent hardiz et de grand valeur, mais quand se vint à donner sus aux ennemyz, ilz monstrèrent bien que ce n'estoit rien qui vaille. Au moyen dequoy, il fut loysible à Charles roy de France de prendre toute l'Italie et la saccager entièrement. Et ceulx qui disoient en criant que c'estoient nos péchez qui en estoient la cause, disoient bien la vérité, mais ilz estoient abusez en la qualité des péchez. Car c'estoient ceulx que j'ay cy dessus racomptez, et non pas ceulx qu'ilz pensoient et pource que cela advenoit par la faulte et ignorance des princes, ilz en ont aussy souffert condigne recompense. lesquel les firent pour aucuns quelque avancement, et sembloit bien que ce deust estre quelque chose : mais aussi tost qu'il y vint un autre estranger elles monstrerent ce qu'elles estoient. D'ou vint que le roy Charles peut bien courir toute Italie avec la craie (cest a dire que sans aucune resistance ne faisoit qu'envoier marquer ses logis) et ceux qui disoient que noz pechez en estoient cause disoient bien vray, mais ce nestoient pas les pechez qu'ilz perisoient, plustost ceux la que i'ay raconte et d'autant que c'estoient pechez et fautes des Princes ilz en ont porte la peine eux mesmes aussi bien que les autres. lesquelles ont fait possible autresfois bonne preuve au service de quelqu'un, et par la desrobé la reputation de vaillantes. Mais quand les puissances estrangeres vindrent deça les mons, elles monstrerent bien tost ce, qu'on en devoit pour l'advenir estimer. Au moyen dequoy il fut aisé, et permis au Roy Charles huitiesme prendre l'Italie avecques le bouclier sans l'espée. Et celluy qui disoit noz pechez en estre cause, il disoit bien verité : mais ce n'estoient seullement ceux qu'il pensoit, ains les autres que ie vien de reciter. Et procedans lesdites fautes, et pechez des Princes, aussi raisonnablement en ont ilz porté la peine. lesquelles firent pour aucuns quelque avancement, & sembloit bien que ce deust estre quelque chose : mais aussi tost qu'il y vint un autre etranger, elles monstrerent ce qu'elles estoient. D'où vint que le Roy Charles peut bien prendre toute Italie avec la craie ceux qui disoient que noz pechez en estoient cause disoient bien vray, mais ce n'estoient pas les pechez qu'ilz pensoient, ains ceux que i'ay raconté & d'autant que c'estoient pechez & fautes des Princes ils en ont porté la peine eux-mesmes aussi bien que les autres.



Segment 10
Io voglio dimostrar' meglio la infelicità di queste armi. I capitani mercennarij o sono huomini eccellenti, o no; se sono, non te ne puoi fidare, perche sempre aspireranno a la grandeza propria o con l'opprimer' te, che li sei padrone, o con l'opprimer' altri fuor' de la tua intentione; ma se non è virtuoso, ti ruina per l'ordinario.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je vueil encores plus clairement démonstrer la malheurté de ces armes mercennaires par ce qui s'ensuit. Les capitaines mercennaires ou ilz sont hommes excellens au faict de guerre, ou ilz ne le sont pas. S'ilz le sont, c'est follye à toi de te fyer en eulx. Car ilz aspireront tousjours à s'enrichir et remonter eulx mesmes, ou en opprimant toy mesme qui est leur maistre, ou en combattant quelque aultre hors de ton intention. Mais si le capitaine n'est vertueux, ordinairement il perd les batailles, et par cela te mect en ruyne. Ie veux bien davantage monstrer la malheurete de cette sorte de gendarmes. Les Capitaines soudoies sont ou tresexcellens homms, ou non : s'ilz le sont, tu ne t'y dois pas fier. Car ilz tacheront a se faire grans eux mesmes ou en te ruinant toy qui es leur maistre, ou en destruisant d'autres contre la volunte : et si le Capitaine n'est pas vertueux il sera cause de ta perdition. Or pour monstrer encores plus clairement l'imperfection, et malheureté de ses armes, il faut entendre que les Capitaines Mercennaires ou sont personnages excellens, ou gens de peu de fait. S'ilz vallent quelque chose, tu n'as occasion de t'y fier beaucoup, parce qu'ilz aspirent tousiours à leur grandeur, ou en entreprenant sur toy, qui es leur maistre, ou en opprimant quelqu'un contre ton intention ; mais si c'est un homme de petite valleur, il ne peut faillir te destruire par la voye ordinaire. Ie veux bien d'avantage monstrer la malheureté de cette espece de soldatz. Les Capitaines soudoiés sont ou tresexcellens hommes, ou non : s'ils le sont, tu ne t'y dois pas fier. Car ils tacheront à se faire grands eux-mesmes ou en te ruinant toy qui es leur maistre, ou en destruisant d'autres contre ton intention : & si le Capitaine n'est pas vertueux il sera cause de ta perte.



Segment 11
Et se si risponde che qualunche harà l'arme in mano farà questo medesimo, o mercennario o no, replicherei come l'armi hanno ad esser' adoperate o da un' Principe o da una .republica. Il Principe deve andar' in persona a far' lui l'officio del' Capitano; la Republica ha da mandare i suoi Cittadini, et, quando ne manda un' che non riesca valente, debbe cambiarlo; et, quando sia, tenerlo con le leggi che non passi el segno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si aucun me mectoit en avant que l'on ne peult éviter ce dangier, acause que tout homme qui aura la charge de telles gens entre les mains fera le semblable, ou mercennaire, ou autre qu'il soit, je luy respondroys que personne ne se doibt mesler de faire mestier des armes, si ce n'est ung prince ou une républicque : le prince y doibt aller en personne, et faire luy mesme l'office de capitaine. Les républicques y doibvent envoyer pour capitaines en chef leurs citoyens, et s'ilz s'y portoient mal, y en envoyer dautres ; s'ilz s'y portoient honnestement, leur faire faire le debvoir, et les contraindre par les loys du pays à n'entreprendre rien oultre ce qu'il leur seroit commandé. Et si on me respond que tout Capitaine qui aura les armes au poing, quiconques soit il ou soudoie ou autre en pourra faire le semblable, ie repliqueray que c'est ou un Prince ou une republique qui faict la guerre : le Prince y doit aller luy mesmes en personne et faire le devoir d'un bon Capitaine. Une Republique envoira de ses citoyens, et quand elle en aura mande un qui ne s'y porte pas vaillamment le changera, et s'il est vaillant le tiendra de court avec les lois, si bien qu'il ne les puisse enfraindre. Et si l'on me respondoit, que tout autre, qui aura les armes en maniment, peut faire le semblable, soit Mercennaire, ou non : Ie repliqueray que la guerre se fait ou par un Prince, ou une Republicque. Le Prince, y doit aller en personne, et faire luimesmes l'office de Capitaine. La Republicque y envoye ses citadins. Et quand elle en donne la charge à un qui ne se monstre homme de bien, promptement le doit changer, ou l'y laissant, le regler si etroitement en sa commission, qu'il ne puisse oultrepasser les bornes à luy presises. Et si on me respond que tout Capitaine qui aura les armes au poing, quiconque soit ou soudoyé ou autre en pourra faire le autant, ie repliqueray que c'est ou un Prince ou une republique qui fait la guerre : le Prince y doibt aller luy-mesme en personne & faire le devoir de bon Capitaine. Une republique envoyra de ses citoyens, & quand elle en aura mandé un qui ne s'y porte pas vaillamment elle le changera, & s'il est vaillant le tiendra de court avec les lois, si bien qu'il ne les puisse enfraindre.



Segment 12
Et per esperienza si vede i Principi soli et Republiche armate far' progressi grandissimi, et l'armi mercennarie non far' mai se non danno ; et con più difficultà viene a la obedienza d'un' suo Cittadino una Republica armata d'armi proprie che una armata d'armi forestiere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'on a veu par expérience qu'il n'y a eu que les princes, qui d'eulx mesmes se sont mys à la guerre, et les républicques armées, qui ayent faict grandz gestes, et que les mercennaires ne font jamais que dommage, mesme qu'à plus grande difficulté, une républicque armée d'armes propres vient à l'obéyssance d'ung sien citoyen, qui se vueille saisir de la seigneurie, qu'une qui est armée de gens estrangiers. Mesmes on voit par experience, les Princes seuls, et les Republiques bien aguerries faire grandes choses : mais les armees soudoiees ne faire iamais que mal et dommage. Davantage a plus grand peine cherra soubz la tirannie d'un de ses citoyens une Republique fournie de ses propres armes, qu'une autre defendue de forces etrangeres. Lon voit par experience que les Princes, et Republicques n'empruntans rien de leurs voisins, et estans d'eux mesmes agguerris, font, et executent de grandes entreprises : et qu'au contraire les armes Mercennaires ne servent que de dommage. Ioint qu'une Republicque fondée sur ses propres forces, s'assubiectist plus difficillement soubz l'obeissance d'un sien citadin, que celle qui depend du secours estranger. Mesmes on void par experience, les Princes seuls & les Republiques bien aguerries accomplir de grandes choses : mais les armées soudoyées ne faire iamais que mal & dommage. D'avantage a plus grand peine cherra soubz la tyrannie d'un de ses citoyens une Republique fournie de ses propres armes, qu'une autre defendue de forces etrangeres.



Segment 13
Sterono Roma et Sparta molti secoli armate et libere. I Svizeri sono armatissimi et liberalissimi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les républicques de Rome et Sparte demourèrent libres par plusieurs siècles, pource qu'elles entretenoyent la discipline militaire. Les Souysses aussy sont armez, et à ceste cause sont libres au possible. Romme et Sparte furent long temps en armes, et en liberte : Les Suisses sont fort aguerriz, et en tresgrande liberte. Rome, et Sparte se maintindrent plusieurs siecles en liberté par le moyen de leurs propres puissances. Les Suysses sont semblablement fort agguerris, et libres. Romme & Sparte furent long temps en armes, & en liberté : Les Suisses sont fort aguerriz, & en tresgrande liberté.



Segment 14
De l'armi mercennarie antiche per essempi ci sono li Cartaginesi, li quali furno per esser' oppressi da lor' soldati mercennarij, finita la prima guerra co i Romani, ancora che i Cartaginesi hauesser' per Capitani proprij Cittadini.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Du malheur des armes mercennaires nous avons pour exemple les Carthaginoys, qui furent presque defaictz et oppressez par les souldards mercennaires, après la première guerre contre les Romains, combien que les capitaines fussent de leur propre cité. Des armes soudoiees du temps passe nous avons pour exemple les Carthaginois, lesquelz furent a peu pres destruiz par leur soldars etrangers, apres qu'ilz eurent finy la premiere guerre contre les Rommains, bien qu'ilz eussent de leurs propres citoyens pour Capitaines. Mais nous avons, pour un ancien exemple des armes Mercennaires, les Carthaginois, qui se veirent une fois sur le point d'estre saccagez par leurs soudars pensionnaires, leur premiere guerre contre les Romains finie, encores que leurs propres citadins en fussent capitaines. Des armes soudoyées du temps passé nous avons pour exemple les Carthaginois, lesquelz furent a peu pres destruictz par leurs soldars estrangers, aprez qu'ilz eurent finy la premiere guerre contre les Rommains, bien qu'ilz eussent de leurs propres citoyens pour Capitaines.



Segment 15
Philippo Macedone fù fatto da Thebani, doppò la morte di Epaminunda, Capitano de la lor' gente, et tolse lor', doppò la vittoria, la libertà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Philippe de Macedoyne après la mort de Épaminondas fut par les Thébains esleu capitaine de leur armée, et après la victoire leur osta la liberté. Philippe de Macedoine fut faict apres le deces d'Epaminonde par les Thebains Capitaine de leurs gens, aussi la victoire emportee il leur osta la liberte. Phelippe de Macedoine fut lieutenant general sur l'armée des Thebains depuis la mort d'Epaminondas et leur osta la liberté, apres la victoire. Philippe de Macedoine fut fait aprez le decés d'Epaminonde par les Thebains, Capitaine de leur armée, aussi la victoire gaignée, il leur tollist la liberté.



Segment 16
I Milanesi, morto el duca Philippo, soldorno Francesco Sforza contro a Vinitiani, il quale superati l'inimici a Caravaggio, si congionse con loro per opprimere i Milanesi suoi patroni.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les Milanoys après la mort du duc Philippe souldoyèrent Françoys Sforce contre les Vénitiens, lequel après avoir vaincu les ennemyz à Caravage se joignit avec eulx pour opprimer les Milanoys qu'il servoit. Les Milanois apres que leur Duc Philippe fut mort soudoierent François Sforce pour mener la guerre contre les Venitiens, lequel apres avoir vaincu les ennemis a Caravage, tourna sa robe se ioignant avec eux pour donner sus les Milanois ses seigneurs. Les Milannois, mort que fut le Duc Phelippe viscontin, souldoierent Francisque Sforze contre les Venitiens, lequel ayant vaincu ses ennemis à Caravais, se rallia depuis avecques eux pour asservir ses Seigneurs et maistres à luy. Les Milanois apres que leur Duc Philippe fut mort, soudoierent François Sforce pour mener la guerre contre les Venitiens, lequel aprez avoir vaincu les ennemis à Caravage, tourna sa robe se ioignant avec eux pour donner sus les Milanois ses Seigneurs.



Segment 17
Sforzo suo padre, essendo Soldato de la Regina Giovana di Napoli, la lasciò in un' tratto disarmata, onde lei per non perder' il Regno, fù costretta gittarsi in Grembo al' Re D'Aragona.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sforce son père estant à la soulde de la royne Jehanne de Naples, la laissa soubdainement sans armée, dont elle fut contraincte, pour ne perdre le royaume, de se mectre à la miséricorde du roy d'Arragon. Sforce son pere estant aux gages de la Royne Iehanne de Naples la laissa en un instant toute depourvue de gensdarmes, si bien qu'elle fut contrainte de se getter au sein du Roy d'Arragon. Sforze son pere estant soudard de la Royne Iehanne de Naples, abbandonna sa maistresse en un moment : tant que pour sauver son Royaume elle fut contrainte se ietter entre les bras du Roy d'Arragon. Sforce son pere estant aux gages de la Royne Ianne de Naples, la laissa en un instant toute depourveue de gens de guerre, si bien qu'elle fut contrainte de se getter au sein du Roy d'Arragon.



Segment 18
Et se i Vinitiani et Fiorentini hanno accresciuto per lo adrieto lo Imperio loro con queste armi, et li lor' Capitani non se ne son' però fatti Principi ma li hanno difesi, rispondo che li Fiorentini in questo caso son' stati favoriti da la sorte, perche de Capitani virtuosi, li quali potevon temer', alcuni non han' vinto, alcuni hanno havuto oppositioni, altri han' volto l'ambitioni loro altrove.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et jafoit que les Vénitiens et les Florentins par cy devant ayent augmenté leur estat par telles armes, et que leurs capitaines ne se soient pourtant saisiz de la principaulté, à cela je respondz que les Florentins en ce cas ont esté plus heureux que saiges, et que la fortune leur a porté grande faveur. Pource que des vertueux capitaines dont ilz se pouvoient doubter, les ungs ne gaignoient point les batailles, les aultres avoient des oppositions, les aultres tournoyent ailleurs leur ambition, et convoitise de dominer. Et si les Venitiens et Florentins ont par le passe augmente leur seigneuries en ceste sorte d'armes, et neantmoins leurs Capitaines ne s'en sont point faict leurs Seigneurs, mais les ont trebien deffendus : Ie responds que les Florentins en ce cas ont este favorisez de l'adventure : car de leur Capitaines vertueux lesquelz ilz pouvoient craindre les aucuns n'ont pas eu du meilleur, les autres ont eu quelques contradictions, les autres ont tourne leur convoitize d'un autre coste. Et si les Venitiens, et Florentins ont cy devant augmenté leur empire par le service de telz chefz de guerre, sans que pourtant leurs Capitaines se soient faitz leurs maistres, mais au rebours les ayent tresbien servis. Ie respondz, que les Florentins ont esté en ce cas favorisez de la fortune, parautant que de tous les excellens Capitaines, dont ilz se sont servis, les uns n'ont pas esté vaincqueurs à la guerre, les aucuns ont eu des oppositions et contrarietez à leurs entreprises, les autres ietterent ailleurs le feu de leur ambition. Et si les Venitiens & Florentins ont par le passé augmenté leurs seigneuries en ceste sorte d'armes : & neanmoins leurs Capitaines ne s'en sont point fait emparez, mais les ont tresbien deffendus : Ie responds que les Florentins en ce cas ont esté favorisez de l'aventure : car de leurs Capitaines vertueux lesquels ils pouoient craindre, aucuns n'ont pas eu du meilleur, les autres ont eu quelques contradictions, les autres ont tourné leur convoitize d'un autre costé.



Segment 19
Quello che non vinse fù Giovanni Acuto, del' qual', non vincendo, non si potea conoscer' la fede, ma ognun' confessa che, vincendo, stavano i Fiorentini a sua discretione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Celluy qui en combattant ne gaigna point la bataille pour les Florentins, fut un Jehan Aigu l'angloys, duquel la foy pour n'avoir point vaincu ne pouvoit estre congneue, si est ce que l'on ne peult nyer que s'il eust vaincu, les Florentins eussent esté contrainctz de demourer à sa discrétion. De ceux qui n'ont pas este victorieux vous avez Iehan Acut, duquel ne congnoissant point la victoire, on ne pouvoit congnoistre la loiaute, mais un chacun me confessera que s'il eust gaigne la iournee les Florentins estoient a sa discretion. Iehan l'Aigu, fut de ceux qui ne vainquirent pas, la foy duquel ne peu : estre congneue, veu sa fortune : mais un chacun confessera, que s'il eust vaincu, les Florentins s'en alloient inevitablement soubz sa discretion. De ceux qui n'ont pas esté victorieux, vous avez Iehan Acut, duquel ne connoissant point la victoire, on ne pouoit connoistre la loyauté, mais un chacun me confessera que s'il eust gaigné la iournée, les Florentins estoient à sa discretion.



Segment 20
Sforzo hebbe sempre i Bracceschi contrarij, che guadagnorno l'un' l'altro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sforce eut tousjours les Brassesques contre luy, tellement qu'ilz s'empeschoient l'un l'autre. Sforce le pere a tousiours eu les Bracchesques contraires, si bien qu'ilz se sont gardes lun lautre, Francisque Sforze eut tousiours les Brascheques pour contraires, qui se servirent d'épeschement l'un à l'autre. Sforce le pere a tousiours eu les Bracchesques contraires, si bien qu'ils se sont gardez l'un l'aure.



Segment 21
Francesco volse l'ambition' sua in Lombardia ; Braccio contro la Chiesa et il' Regno di Napoli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais Françoys, son fils tourna son ambition sur la Lombardie, et Braccio contre l'Eglise, et le royaume de Naples. François Sforce a decharge son ambition sur la Lombardie : Bracche contre l'Eglise et le roiaume de Naples. Francisque appliqua ses desseins vers la Lombardie, et Nicolas Picenin à l'encontre de l'Eglise, et le Royaume de Naples. François Sforce a dechargé son ambition sur la Lombardie : Bracche contre l'Eglise & le royaume de Naples.



Segment 22
Ma vegnamo a quello, ch' è seguito poco tempo fà. Fecero i Fiorentini Pauol' Vitelli lor' Capitano, huomo prudentissimo et che di privata fortuna haveva preso riputatione grandissima; se costui espugnava Pisa, nessuno sarà che nieghi come è conveniva a Fiorentini star' seco, perche, se fusse diventato Soldato de lor' nimici, non havevan rimedio, et, tenendolo, havevano ad obedirlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Venons à ce qui est advenu de naguères les Florentins prindrent pour capitaine ung Paulo Vitelly homme tresprudent, et qui de privée fortune par sa vertu avoit acquis grande réputation en faict de guerre. Si cestuy cy eust prins Pise, les Florentins eussent estés contrainctz de faire ce qu'il eust voulu, et ce pour cause qu'il se pouvoit mectre aux gaiges des Pisans, laquelle chose s'il eust faicte ilz estoient troussez, ou en demourant avec eulx les forcer de le faire prince. Mais venons a ce qu'il n'y a pas long temps qui a este faict. Les Florentins firent Paul Vitel leur Capitaine, homme fort sage et qui de basse fortune estoit devenu en tresgrande estime, lequel surmontant Pise comme il pretendoit, personne ne me niera qu'il estoit force que les Florentins fussent de son coste, car s'il se fust voulu mettre pour les ennemis il ny avoit aucun remede, qu'ilz n'eussent este contrains de luy obeir. Or venons à ce, que puis peu de temps en ça nous avons veu advenir. Les Florentins esleurent Paulle Vitelli pour leur Capitaine, homme tresprudent, et qui de basse qualité estoit monté à une merveilleuse reputation s'il eust pris la ville de Pise, il n'y a personne osant nyer, que les Florentins ne fussent contraintz le retenir perpetuellement avecques eux, par ce que s'il eut esté pour autruy, ce leur estoit dommage irreparable, mais le retenant, il leur eust falu consequemment par succession de temps luy obeïr, Mais venons à ce qu'il n'y a pas long temps qui a esté fait. Les Florentins firent Paul Vitel leur Capitaine, homme fort sage & qui de basse fortune estoit monté en tresgrande estime, lequel emportant Pise comme il pretendoit, personne ne me niera qu'il estoit force que les Florentins fussent de son costé, car s'il se fust voulu mettre pour les ennemis, il n'y avoit aucun remede qu'ils n'eussent esté contraints de luy obeir.



Segment 23
I Vinitiani, se si considera i progressi loro, si vedrà quelli securamente et gloriosamente haver' operato mentre che fecion' guerra ì lor' proprij, che fù avanti che si volgessino con l' imprese in terrà, dove comuni gentilhuomini et con la plebe armata operorno virtuosamente; ma come cominciorno a combattere in terra, lasciorno questa virtù et seguitorno i costumi di Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quand aux Vénitiens si l'on considère bien leur manière de procéder, l'on verra qu'ilz ont tousjours usé de grande vertu et saigesse, pendant qu'ilz ne se servoient que d'eulx mesmes à la guerre, qui fut avant qu'ilz entreprinsent sur terre ferme, et trouvera qu'avec leurs gentilz hommes et le populaire armé ilz se portèrent vertueusement par la mer. Mais depuis qu'ilz commencèrent à combattre par terre, leur première vertu fut anéantye, dont ilz suivirent le train des coustumes d'Italie. Quand aux Venitiens si on considere bien leur avancements, on verra qu'ilz ont et plus seurement, et avec plus grand honneur guerroie pendant qu'ilz faisoient la guerre eux mesmes, avant qu'ilz eussent tourne leurs entreprises en terre ferme : car au lieu que leur gentilz hommes avec le populaire bien equippe batailloit vaillamment, depuis qu'ilz ont commence de combatre sur terre ilz ont perdu cette vertu, suyvant les coutumes d'Italie. au regard des Venitiens, si lon contemple bien leurs progrès, ilz se trouveront avoir seurement, et vertueusement operé tant qu'ilz ont mené la guerre par leur gent naturelle. Ce qui à esté avant qu'ilz entreprissent iamais rien sur terre ferme lors, que leur seulle noblesse, et populaire estoient employez en leurs batailles, ou ilz feirent merveilles. Laquelle vertu commença à leur defaillir, quand ilz commencerent de combatre en terre, et qu'ilz se meirent à suivre la mode d'Italie. Quant aux Venitiens si on considere bien leur avancement, on verra qu'ils ont & plus surement & avec plus grand honneur guerroié pendant qu'ils faisoient la guerre eux-mesmes, avant qu'ils eussent tourné leurs entreprises en terre ferme : car au lieu que leurs gentilz-hommes avec le populaire bien equippé batailloit vaillamment, depuis qu'ils ont commencé de combattre sur terre, ils ont perdu cette vertu, suivant les coustumes d'Italie.



Segment 24
Et nel' principio dello augumento loro in terra, per non vi haver' molto stato et per esser' in gran' riputatione, non havevon' da temer' molto i lor' Capitani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Bien est vray que sur leurs premiers acquestz en terre ferme, pour n'y estre séjournez longuement, et pour la grande réputation que dès longtemps ilz avoient acquise, ilz n'avoient point d'occasion de craindre leurs capitaines, Et au premier de leur accroissement a cause qu'ilz n'avoient sur terre pas grand chose, et pource qu'ilz estoient en grande reputation, l'occasion de craindre leur Capitaines n'estoit pas grande, Toutesfois sur le principe de leurs conquestes terrestres, pour n'y avoir pas encores beaucoup de domination, et estre d'ailleurs grandement redoubtez, la matiere ne les convioit pas de craindre fort leurs Capitaines. Et en leur premier accroissement à cause qu'ils n'avoient sur terre pas grand chose, & qu'ils estoient en grande reputation, l'occasion de craindre leurs Capitaines n'estoit pas grande,



Segment 25
Ma come essi ampliorno, che fù sotto el Carmignola, hebbono un' saggio di questo errore, perche vedutolo virtuosissimo, battuto che hebbono sotto il suo governo il Duca di Milano et conoscendo da l'altra parte come egli era freddo ne la guerra, giudicorno non poter' più vincere con lui, perche non voleva; ne potean licenciarlo per non perder' cio che havevan' acquistato, onde che furono necessitati per assicurarsi di amazarlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
mais quand ilz se commencèrent à estendre et amplyer en dommaine, qui fut soubz le Carmagnole leur Capitaine, ilz receurent ung évident guerdon de leur téméraire entreprinse. Car le voyant homme tresvertuex, et après que par sa conduicte ilz eurent battu le duc de Milan, et dautrepart coingnoissant qu'il alloit froidement à la guerre, ilz jugèrent qu'ilz ne gaigneroient plus rien avec luy. Parquoy ilz ne se pouvoient se deffaire de luy, et pareillement n'osoient luy donner congé, pour ne perdre ce que par luy ilz avoient conquesté tellement que pour s'en asseurer ilz le feirent mourir. mais aussi tost qu'ilz vindrent a croistre, comme dessous le Carmignole, ilz eurent un presage de cette faulte : car le cognoissant estre homme fort vaillant, apres ce qu'il eust si bien accoustre le Duc de Milan, et voiant d'autre coste comme il se portoit froidement en la guerre, ilz penserent qu'ilz ne pourroient plus rien gaigner avec luy, et d'autant qu'ilz ne vouloient ne pouvoient aussi le casser, de peur qu'ilz ne perdissent ce qu'ilz avoient ia conqueste, ilz furent contrains pour s'asseurer de luy le faire mourir. Mais comme ilz vindrent à se dilater, qui fut au temps de Carmignolle, ilz feirent un essay de cest erreur : parce que l'ayant congneu homme de souveraine vertu, veu les grosses victoires, qu'ilz eurent soubz la conduite contre le Duc de Milan, et advisant d'autrepart, comme il se refroidissoit à la longue, penserent, qu'ilz ne feroient plus iamais beaufait par son moyen, puis que son vouloir estoit aliené : et ne pouvoient franchement luy donner congé, pour peur de perdre ce qu'il leur avoit acquis : tant que finablement ilz furent forcez de le faire mettre à mort pour s'en asseurer. mais aussi tost qu'ils vindrent à croistre, comme dessous le Carmignole ils eurent un presage de ceste faute : car le connoissant estre homme fort preux & hardy, aprez ce qu'il eust si bien accoustré le Duc de Milan, & voiant d'autre costé comme il se portoit froidement en la guerre, ils penserent qu'ils ne pourroient plus rien gaigner avec luy, & d'autant qu'ils ne vouloient ne pouoient aussi le casser, de paour de perdre ce qu'ils avoient ja conquesté, ils furent contraints pour s'assurer de luy, le faire mourir.



Segment 26
Hanno di poi havuto per lor' Capitano Bartolomeo da Bergamo, Roberto da Sanseverino, Conte di Pitigliano et simili, con li quali havevan da temer' de la perdità, non del guadagno loro, come intervenne di poi a Vailà, dove in una giornata perderon' quello che in .VIII. cento anni con tante fatiche havevon' acquistato, perche da queste armi nascon' solo i lenti, tardi et deboli acquisti et le subite et miracolose perdite.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Depuys leurs capitaines ont esté Barthélémy de Bergame, Robert de Sainct Séverin, comte de Pétillan, et autres, soubz la charge desquelz ilz ne debvoient pas tant craindre l'ambition diceulx, que leur propre perte en bataille, comme après il advint à Vayla où en une seule journée ilz perdirent tout ce que par grandz travaulx et grandz fraiz en DCCC ans ilz avoient conquesté. Car à la vérité de telles gens mercennaires s'il y a des acquestz, ilz sont longs et débiles, et s'il y a perte elle est soubdaine et incomparable. Ilz ont depuis eu pour Capitaine Barthelemi de Bergame, Robert de Sainct Severin, le Conte de Petigliane et autres semblables : avec lesquelz ilz devoient plustost craindre qu'ilz ne perdissent que non pas qu'ilz gaignassent quelque chose, comme il advint depuis a Vaïle la ou en une iournee ilz perdirent tout ce qu'ilz avoient en huict cens ans gaigne par si grand peine. Car de cette maniere de gensdarmes il en vient de longues, et foibles conquestes, mais les pertes en sont soudaines et merveilleuses. Depuis ilz ont euz pour conducteurs de guerre Messire Bartholomne Coyon de Bergame, Robert de sainct Severain Conte de Periglian, et autres semblables : se servans desquelz ilz leur failloit plus craindre la perte, que le gaing : selon que bien tost apres advint à Vaile, ou ilz perdirent en une seulle iournée ce, qu'en huit cens ans avoient par tant de peines conquesté. Dont ne se faut esbahir, attendu que de ceste sorte d'armes procedent les tardifz et foibles acquestz, et les soudaines, et miraculeuses pertes. Ils ont depuis eu pour Capitaine Barthelemi de Bergame, Robert de Saint Severin, le Comte de Petiglian & autres semblables : avec lesquels ils devoient plustost craindre qu'ils ne perdissent, que qu'ils gaïgnassent quelque chose, comme il avint depuis à Vaïle, là où en une journée ils perdirent tout ce qu'ils avoient en huict cens ans acquiz à si grand peine. Car de cette maniere de gend'armerie il en sort de longues & foibles conquestes, mais les pertes en sont soudaines & merveilleuses.



Segment 27
Et perche io son' venuto con questi essempi in Italia la quale è stata governata già molti anni da l'armi mercennarie, le voglio discorrer' più d'alto, accio che vedute le origini, et progressi di esse si possin' meglio corregger'.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et puys que par ces exemples je suis venu à parler d'Italie, laquelle par plusieurs années s'est gouvernée par mercennaires, j'en veulx parler plus au long, et commencer de plus haut la raison de leur procédure, à celle fin qu'en ayant congneu l'origine on les puisse plus aiseement corriger. Et pource que les exemples m'ont mene iusques en Italie gouvernee ia long temps a par les armes etrangeres ie les veux discourir un peu plus haut affin que leur source et acroissement connuz on les puisse mieux corriger. Et parautant que ie suis allé chercher mes exemples iusques en Italie, ou les soudars Mercennaires ont eu tant de cours, i'en veux prendre mon propos de plus loing, afin que leur origine et progressions congneues, on les puisse mieux corriger. Et pource que les exemples m'ont mené iusques en Italie gouvernée ja long temps a par les armes etrangeres, ie les veux discourir un peu plus haut afin que leur source & accroissement connuz, on les puisse mieux corriger.



Segment 28
Havete da intender' come, tosto che in questi ultimi tempi lo Imperio cominciò ad esser' ributtato di Italia et che il Papa nel' temporale vi prese più reputatione, si divise la Italia in più stati. Perche molte de le Città grosse preson' l'armi contro i lor' nobili, li quali prima, favoriti da lo Imperadore, le tenevan' oppresse, et la Chiesa le favoriva per darsi reputation' nel' temporale. Di molte altre lor' Cittadini ne diventaron' Principi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Vous debvez entendre que depuis que l'empire dernièrement a esté rebouté hors d'Italie, et que le pape a commencé à prendre authorité temporelle, l'Italie se divisa en plusieurs estatz : car plusieurs grosses citez prindrent les armes alencontre de leurs seigneurs, qui soubz la faveur de l'empereur les tenoyent oppressées, et aussy l'Église leur aydoit pour prendre plus grande authorité au temporel. Et de plusieurs autres citez les citoyens mesmes se feirent seigneurs. Vous devez entendre qu'aussi tost qu'en ces derniers temps l'Empire commença d'estre reboutte et chasse d'Italie, et que le Pape eust pris plus de reputation en cas du temporel, l'Italie fut divisee en plusieurs estatz : car la plus part des grosses villes prindrent les armes contre leur gentilz hommes, lesquelz premierement par la faveur de l'Empereur les tenoient en oppresse : et l'Eglise en soutenoit d'aucuns pour augmenter son credit en temporel : de quelques autres, leur citoyens s'en firent Seigneurs. Vous devez entendre, que tost apres, que l'empire fut transporté hors l'Italie, et que le Pape commença prendre grandeur sur le temporel, la province se divisa en plusieurs estatz, à cause que maintes citez s'estoient rebellées contre leur noblesse, qui les avoit auparavant foullées et opprimées soubs la faveur, que l'Empereur luy portoit, ausquelles l'Eglise tenoit la main au contraire, pretendant par là s'aggrandir en la temporalité. Plusieurs autres furent assubiecties par leurs mesmes citoyens, qui s'en feirent Princes : Vous devez entendre qu'aussi tost qu'en ces derniers temps l'Empire commença d'estre reboutté & chassé d'Italie, & que le Pape eut pris plus de reputation en cas du temporel, l'Italie fut departie en plusieurs estats : car la plus part des grosses villes prindrent les armes contre leurs gentilz-hommes, lesquels premierement par la faveur de l'Empereur les tenoit en oppression : & l'Eglise en soutenoit d'aucuns pour augmenter son credit en temporel : de quelques autres leurs citoyens s'impatroniserent.



Segment 29
Onde che, essendo venuta l' Italia quasi in mano de la Chiesa et di qualche Republica, et essendo quelli preti et quelli altri Cittadini usi a non conoscer' arme, incominciorno a soldar' forestieri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Au moyen dequoy, estant l'Italie reduicte soubz la puissance de l'Eglise, et de peu de républicques, et de ceulx cy les ungs estoient prestres, les autres citoyens non accoustumez aux armes, par nécessité ilz se ruèrent sur les armes mercennaires, et soubdoyèrent des estrangiers. Ainsi estant l'Italie venue quasi en la main de l'Eglise, et de quelques Republiques, et n'estant point ces Prestres et autres citoyens apris a manier les armes, ilz commencerent a soudoier des etrangers. tellement que l'Italie tomba presque toute soubz la subiection du Pape, et de quelque autre particuliere Republicque : et estans ceux cy prebstres, et ceux là simples citadins, espece de gent non pratiquée en la congnoissance des guerres, leur fut besoing soudoier les estrangers. Ainsi estant l'Italie venue quasi en la main de l'Eglise, & de quelques Republiques, & n'estant point ces Prestres & autres citoyens aprins à manier les armes, ils commencerent à soudoyer des etrangers.



Segment 30
El primo che dette riputation' a questa militia fù Alberigo da Cómo Romagnuolo. Da la disciplina di costui discese, fra gli altri Braccio et Sforzo, che ne lor' tempi furono arbitri di Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le premier qui donna réputation à ses armes mercennaires, fut ung Alberic de Conio romagnol, de la discipline duquel sont descenduz Braccio et Sforce, qui furent en leur temps les plus grandz capitaines et quasi les arbitres d'Italie. Le premier qui donna bruict a cette sorte de faire la guerre ce fut Auberi de Come de la Romaigne, de l'escole duquel descendirent entre autres Bracche et Sforce qui en leurs temps tenoient toute l'Italie a leur discretion : Et le premier, qui donna bruit à ceste forme de faire, fut un nommé Albert de Come Romagnolle. De l'escolle de cestuy cy sortirent entre plusieurs, Bracche, et Sforze, soubz la volonté desquelz l'Italie bransla, tant qu'il vesquirent. Le premier qui donna bruit à cette espece de soldars fut Auberi de Come de la Romagne, de l'escole duquel descendirent entre autres Bracche & Sforce, qui en leurs temps tenoient toute l'Italie à leur discretion :



Segment 31
Doppò questi venerò tutti gli altri, che fino a nostri tempi hanno governate l'armi d' Italia, et il fin' de le lor' virtù è stato che quella è stata corsa da Carlo, predata da Luìgi, sforzata da Ferrando et vituperata da Svizeri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Après ceulx cy sont venuz les aultres qui ont jusques à nostre temps gouverné les armes d'Italie, la vertu desquelz luy a esté si peu duysante et proufitable qu'elle a esté courue par Charles, saccagée par Loys, forcée par Ferrand, et déshonorée par les Souysses. Apres ceux la vindrent tous les autres qui iusques a nostre temps ont este les chefz des armees d'Italie. La fin de si belles prouesses est qu'elle a este courue du Roy Charles, pillee du roy Loüys, forcee du roy Fernand, et villenee des Suisses. Apres eux sont venus tous les autres qui ont iusques à nostre temps gouverné les armes de ceste contrée : et l'effet de leur prouesse s'est déclaré en ce, que la province a esté ravagée par Charles, saccagée par Loys, forcée par Ferdinand, et diffamée par les Suysses. Aprez eux vindrent tous les autres qui iusques à nottre temps ont esté les chefs des armées d'Italie. La fin de si belles proüesses est, qu'elle a esté courue par le Roy Charles, pillée par le Roy Loüys, forcée par le Roy Fernand, & villanée par les Suisses.



Segment 32
L'ordine che loro hanno tenuto è stato prima, per dar' riputation' a lor' proprij, haver' tolto riputatione a le fanterie. Fecion questo perche, essendo senza stato et in sù l'industria, i pochi fanti non davon lor' riputation' et li assai non potevon nutrire; et però si ridussero a cavalli, dove con numero sopportabile eron' nutriti et honorati; et eron' ridotte le cose in termine che, in un'esercito di vinti milia Soldati, non si truovavan' duo milia fanti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'ordre que ces gentilz capitaines tenoient estoit tel, que pour faire valloir leur marchandise, ilz ostèrent le crédit aux gens de pied du premier sault. La cause de cela est pource qu'ilz estoient sans estat, et sur la poincte de leur industrie, et pour cela les gens de pied en petit nombre ne leur donnoient aucun crédit, dautrepart à en prendre grand nombre, ilz ne les pouvoient nourrir ; au moyen dequoy ilz se reduysirent aux chevaulx où avec un nombre supportable ilz estoient nourryz honorablement. Et qui plus est en une armée de vingt mil hommes, l'on n'eust pas trouvé deux mil hommes de pied. L'ordre qu'ilz ont tenu est tel que premierement pour s'acquerir honneur a eux mesmes, ilz l'ont oste aux fanteries : Ilz faisoient cela car n'aiant point de païs et s'avançant par invention, peu gens de pie n'eussent sçeu faire grande faction, d'en norrir beaucoup ilz ne pouvoient, et pource ilz se reduisirent aux gens de cheval, desquelz d'un nombre competant ilz estoient entretenus et honorez, et les matieres estoyent venues en ces termes, qu'en un camp de vingt mille soldars il ne s'en fust pas trouve deux mille de pied. La façon, dont ilz userent, est d'avoir de premiere entrée tollu la reputation de la fanterie, pour l'attribuer à la cavallerie. Et feirent cela, parce que n'estans fondez de biens, horsmis leur industrie, une petite trouppe de gens de pié ne leur pouvoit pas acquerir grand bruit : ny advancement : et en avoir quantité, la difficulté estoit de les soudoier et nourrir. Au moyen dequoy ilz s'adonnerent aux gens de cheval, dont ilz s'entretenoient plus honorablement, avec provision de competant nombre, et vindrent les choses iusques là, qu'en une armée de vingt mille combatans, on n'y eust point trouvé mil hommes de pié. L'ordre qu'ils ont tenu est tel que premierement pour s'acquerir honneur à eux-mesmes, ils l'ont osté aux fanteries : Ils faisoient cela car n'aiant point de païs & s'avançant par invention, peu de gens de pié n'eussent sceu faire grande faction, d'en nourrir beaucoup ils ne pouoient, & pource ils se reduirent aux gens de cheval, d'esquels d'un nombre competant ils estoient entretenuz & honnorez ; & les matieres estoient venues en ces termes, qu'en un camp de vingt mille soldars il ne s'en fust pas trouvé deux mille de pié.



Segment 33
Havevan' oltre a questo usato ogni industria per levar' via a se et a soldati la fatica et la paura, non s' amazando ne le zuffe ma pigliandosi prigioni et senza taglia; non traevan' di notte alle terre; quelli de le terre non traevon' di notte alle tende; non facevan' intorno al campo ne steccato ne fossa; non campeggiavon' il verno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Oultre plus, pour faire toutes choses sans grand travail des souldards, et sans aucune crainte de mort, ez batailles ilz ne s'entretuoyent point, mais seullement se prenaient prisonniers et sans rançon, de nuict ilz ne faisoient point de batterie aux villes, ceulx des villes pareillement ne tiroient point aux tendes, entour leur camp ilz ne faisoient ny lice ny fossay, et ne campoient jamais en temps d'hyver. Oultre ce qu'ilz avoient emploie tout leur esprit et diligence pour oster et a eux et a leur gens la peine et la peur, ne se tuant point l'un l'autre a la bataille, mais se prenans prisonniers et sans rançon. Ilz ne tiroient point de nuict ny ceux du camp contre la ville ny ceux de la ville au camp : Ilz ne faisoient point a lentour du camp ny rempar ny fosse. Ilz ne tenoient point les champs en yver, Outre tout cela ilz s'esvertuerent par toutes les voyes, qu'il leur fut possible, d'esloingner d'eux, et de leurs soudars la peine, et la peur, ne s'entretuans point aux batailles, mais se prenans prisonniers, et sans aucune rançon. Ilz ne venoient point de nuit donner allarmes aux villes assiegées, ne ceux des villes ne sortoient point à ces heures pour aller à l'escarmouche sur les tentes des ennemis. Leur camp n'estoit point environné de barrieres, ne tranchées, et ne campegoient point le temps d'hyver. Outre ce qu'ils avoient emploié tout leur esperit & diligence pour oster & à eux & à leurs gens la peine & la paour, ne se tuant point l'un l'autre à la bataille, mais se prenans prisonniers & sans rançon. Ils ne tiroient point de nuit ne ceux du camp contre la ville, ne ceux de la ville au camp : Ils ne faisoient point à l'entour du camp ne rempar ne fossé. Ils ne tenoient point les champs en hyver,



Segment 34
Et tutte queste cose eran' permesse ne lor' ordini militari et trovati da lor' per fuggir', come è detto, et la fatica et pericoli, tanto che essi hanno condotta Italia Schiava, et vituperata.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lesquelles choses estoient toutes accordées entre eulx en leurs ordres militaires, et furent par eulx articulées pour éviter, comme dict est, la peine et les dangiers de la guerre tellement qu'ilz ont rendu l'Italie esclave et déshonorée. et toutes ces choses la estoient inventees et promises entre eux et observees par leur statutz pour eviter, comme i'ay desia dict, et le travail et le danger : tant y a qu'ilz ont faict l'Ialie serve et villenee comme elle est. Toutes ces choses estoient obmises par nonchallance en leur discipline militaire, et par eux introduites pour eviter, comme i'ay dit, le travail et les dangers : si bien qu'ilz ont à la parfin rendu l'Italie esclave et descriée. & toutes ces choses estoient inventées & monopolées entre eux & observées par leurs statuz pour eviter, comme i'ay desia dit, & le travail & le danger : tant y a qu'ils ont rendu l'Italie serve & honnie comme elle est.

 

Chapitre 13.

Titre
De soldati ausiliarii misti et Proprij Cap .XIII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des gensdarmes auxiliares, meslez et propres. Chapitre XIII Des soldars qui viennent au secours, des meléz, et des propres. Chap. 13. Des Soudars Auxiliaires, Mixtes et Naturelz. Chapitre XIII Des soldats de secours meslez et propres. Chap. 13.



Segment 1
L'armi ausiliarie, che sono le altre armi inutili, son' quando si chiama un' potente, che con le armi sue ti venga ad aiutare et difendere, come fece ne prossimi tempi Papa Iulio, il qual' havendo visto ne l'impresa di Ferrara la trista pruova de le sue armi mercennarie, si volse a le ausiliarie et convenne con Ferrando Re di Spagna che con le sue genti et eserciti dovesse aiutarlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les armes auxiliaires, que cy dessus j'ai dict estre aussy inutiles, sont quand tu requiers secours à ung seigneur puissant, affin qu'avec ses gens de guerre il te viegne ayder et défendre, comme de naguères a faict le pape, lequel après avoir congneu par expérience l'inutilité des gens mercennaires à l'entreprinse de Ferrare, se jecta sur ses auxiliaires et feit convention avec Ferrand roy d'Hespaigne, affin qu'il luy donnast secours. Les armes qui sont du secours, qui est l'autre sorte d'armes inutiles, c'est quand on appelle quelque potentat lequel avec ses forces nous vienne aider et deffendre comme a fait dernierement Pape Iules lequel voyant le pauvre chef d'euvre qu'avoient faict ses armes soudoiees au siege de Ferrare, se mist a demander secours, et de faict conclut avec Ferrand roy d'Espaigne qu'il le viendroit aider avec ses gens et son armee. Les armes Auxiliaires (qui est l'autre espece d'armes inutilles) sont quand tu appelles un tien puissant voisin pour te venir secourir, et defendre avecques ses gens, comme feit n'a pas longtemps, Pape Iulle : lequel ayant veu au voyage de Ferrare la meschante preuve de son armée Mercennaire, eut son refuge aux Auxiliaires, et feit paction avec Ferdinant Roy d'Espagne, pour luy donner secours de sa gendarmerie. Les armes qui sont de secours appellées auxiliaires, qui est l'autre sorte d'armes inutiles, c'est quand on appelle quelque potentat, lequel avec ses forces nous vienne aider & defendre, comme ha fait dernierement Pape Iules, lequel voyant le povre exploit qu'avoient fait ses bandes soudoiées au siege de Ferrare, se mit à demander secours, & de fait conclud avec Ferrand Roy d'Espaigne qu'il le viendroit ayder avec son armée.



Segment 2
Queste armi posson' esser' utili et buone per lor' medesime, ma son', per chi le chiama, sempre dannose, perche, perdendo, rimani disfato, et vincendo, resti lor' prigione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Telz souldardz peuvent estre prouffitables à eulx mesmes, mais à celluy qui les faict venir ilz sont tousjours dommageables. Car en perdant une bataille il est destruict, et en gaignant il demoure leur prisonnier. Ceste maniere de gensdarmes peut bien estre bonne et prouffitable pour eux mesmes, mais a ceux qui les appellent est tousiours dommageable. Car si on perd, on demoure deffaict, et si on gaigne on demoure leur prisonnier. Ces armes peuvent estre pour leur propre faict bonnes, et profitables, mais elles sont tousiours dommageables à celuy, qui s'en sert : parce que s'il est vaincu, il demeure deffait avecques eux, et ayant victoire par leur moyen, il tombe en leur misericorde, et discretion. Cette maniere de gensd'armes peut bien estre bonne & profitable pour eux-mesmes, mais à ceux qui les appellent est tousiours dommageable. Car si on perd, on demeure deffait, & si on gaigne on demeure leur prisonnier.



Segment 3
Et ancora che di questi essempi ne sien' piene l'antiche historie, nondimanco io non mi voglio partir' da questo esempio di Papa Iulio Secondo, quale è ancor' fresco; il partito del ' quale non potè esser' manco considerato, per voler' Ferrara mettendosi tutto ne le man' d'un' forestiero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et combien que de telz exemples les anciennes hystoires soient pleines, touteffoys je me veulx tenir à l'exemple de pape Jules qui est encore bien fraiz. Lequel ne sçeut prendre party plus inconsideré, que cestuy cy, quand pour convoitise de prendre Ferrare, il se meit entièrement entre les mains d'ung estrangier. Et bien que les anciennes histoires soient pleines d'exemples pour cette matiere si est ce que ie ne me veux point partir de cestuy du Pape Iules II. car il est encores frez, duquel l'entreprise pour vouloir avoir Ferrare ne doit pas estre moins consideree, que ce qu'il a fait, se met tant entierement entre les mains d'un etranger : Et bien que les anciennes histoires soient farcies de ces exemples, si ne partiray ie point encores du propos de pape Iulle, lequel est fort frais, et recent, et digne d'esbahïssement sur tous autres, s'estant ainsi osé commettre entre les mains d'un estranger, à l'appetit d'une ambitieuse volonté, ou il estoit d'empietter Ferrare. Et bien que les anciennes histoires soient plaines d'exemples pour cette matiere, si est-ce que ie ne me veux point partir de cettuy du Pape Iules II. car il est encores frais, duquel l'entreprise de vouloir emporter Ferrare ne doit pas estre moins considerée que ce qu'il a fait, de se mettre entierement entre les mains d'un etranger :



Segment 4
Ma la sua buona fortuna fece nascer' una terza causa, accio non cogliessi il frutto della sua mala elettione, perche, essendo li ausiliarij suoi rotti a Ravenna, et surgendo i Svizeri che caccioron' i vincitori fuor' d' ogni opinione et sua et d'altri, venne a non rimanere prigione delli inimici, essendo fugati, ne de gli ausiliarij suoi, havendo vinto con altre armi che con le loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais sa bonne fortune remédiant à sa folye feit naistre ung tiers accident, qui luy fut prouffitable, à celle fin qu'il ne receut condigne recompense de sa maulvaise élection. Car quand ses auxiliaires furent defaictz à Ravenne, les Souysses y survindrent qui chassèrent soubdainement les vainqueurs contre son espérance et contre l'opinion d'ung chascun, tellement que par tel accident il ne fut prisonnier des ennemyz, qui furent chassez, ny des auxiliaires aussy qui n'avoient pas vaincu : tellement qu'il fut victorieux par autres gens que par eulx. mais sa bonne fortune fit naitre une tierce cause affin qu'il ne portast point la peine d'avoir mal choisi. Car estant son secours rompu a Ravenne et survenans les Suisses qui chasserent ceux qui avoient gaigne contre toute esperance, et de luy et d'un chacun, il advint qu'il ne demoura point prisonnier des ennemis, car ilz avoient este chassez, ny de ceux qui luy avoient porte secours, car ilz avoient gaigne avec autres forces que les siennes. Mais sa bonne fortune feit naistre un tiers accident, afin de luy tollir l'occasion de cueillir le mauvais fruit de son indiscrette election. Car apres que sa gent auxiliaire fut defaite à Ravenne, et la survenue des Suysses eut mis contre l'esperance de tout le monde, et la sienne, en fuitte les vaincqueurs Françoys, il evada la prison de ses ennemis, à cause qu'ilz furent ainsi repoulsez, ensemble celle de ses soudars auxiliaires, lesquelz avoient vaincu par autres armes que les leur. mais sa bonne fortune fit naistre une tierce cause à ce qu'il ne portast la peine d'avoir fait mauvaise election. Car estant son secours rompu à Ravenne & survenans les Suisses qui chasserent ceux qui avoient gaigné contre toute esperance & de luy & d'un chacun, il avint qu'il ne demoura pas prisonnier des ennemis (car ils avoient esté chassez) ne de ceux qui luy avoient porté secours, car ils avoient gaigné avec autres forces que les siennes.



Segment 5
I Fiorentini, essendo al tutto disarmati, condussero .X. milia Francesi a Pisa per espugnarla, per il qual' partito portorno più pericolo che in qualunche tempo de' travagli loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les florentins aussy estant totallement désarmez feirent venir pour eulx dix mille Françoys à Pise pour la prendre, pour laquelle follye ilz tumbèrent en plus grand dangier de perdre leur estat que jamais auparavant ilz n'avoient esté. Les Florentins n'aiant assez de gens pour mener la guerre, conduisirent dix mille François a Pise pour la prendre, et par ce parti la ilz se mirent en plus grand danger qu'en quelque autre temps de leur entreprises. Les Florentins se trouvans totalement nuz, et destituez de compagnons de guerre, emprunterent dix mil Françoys pour prendre la ville de Pise : Qui fut un advis dont ilz emeurent plus de dangers, et inconveniens, qu'ilz n'avoient iamais fait auparavant en tous leurs affaires. Les Florentins n'aiant assez de gens pour mener la guerre, conduirent dix mille François à Pise pour la prendre & par ce party se mirent en plus grand danger qu'en quelque autre temps de leurs entreprinses.



Segment 6
Lo Imperadore di Constantinopoli, per opporsi alli suoi vicini, misse in Grecia dieci milia Turchi, li quali finita la guerra non se ne volser' partire, il che fù principio de la servitù de la Grecia con l' infideli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'empereur de Constantinople voulant combattre ses voisins, meit en Græce dix mille Turcz, lesquelz après la guerre finie, ne s'en voulurent départir : qui fut la première cause de faire la Græce esclave aux infidelles. L'Empereur de Constantinople pour resister a ses voisins il mit en Grece dix mille Turcs, lesquelz la guerre finie ne s'en voulurent partir, ce qui fut commencement que les infideles subiugurent la Grece. L'Empereur de Constantinople pour resister à ses voisins, fit descendre dix mille Turcs en la Grece, dont ilz ne voulurent partir, nonobstant la guerre finie. Ce qui donna le commancement à la servitute, et captivité, ou les infidelles ont reduit ceste miserable contrée. L'Empereur de Constantinoble pour resister à ses voisins il mit en Grece dix mille Turcs, lesquels la guerre finie ne s'en voulurent partir, ce qui fut commencement que les infideles subiuguerent la Grece.



Segment 7
Colui adunque che vuole non poter' vincere, si vaglia di queste armi, perche sono molto più pericolose che le mercennarie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Celluy doncques qui a envie de ne vaincre jamais, qu'il se serve de telles gens. Car ilz sont beaucoup plus dangereux que les mercennaires, Celuy donc qui veut ne pouvoir point gaigner, se face fort de ses armes la qui sont encores beaucoup plus dangereuses que les soudoiees : Qui doncques à volonté de ne pouvoir vaincre faut qu'il se serve de ces armes, lesquelles sont encores plus perilleuses que les Mercennaires, Celuy donc qui veut ne pouoir gaigner, se fasse fort de ces armes qui sont encores beaucoup plus dangeureuses que les soudoyées :



Segment 8
Perche in queste è la rovina fatta, son tutte unite, tutte volte a la obedientia d'altri, ma ne le mercennarie ad offenderti, vinto che l'hanno, bìsogna più tempo et miglior' occasione et non essendo tutte un corpo, et essendo et trovate, pagate da te; ne le quali un' terzo che tù facci capo non può pigliar' subito tanta autorità che t' offenda.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
pource qu'en iceulx la ruyne est toute preste : ilz sont uniz, tous enclins et tournez à l'obéissance daultruy. Mais aux mercennaires pour t'opprimer après la victoire il est besoing d'avoir plus de temps et plus grande occasion, pour raison qu'ilz ne sont pas tout ung corps, et qu'ilz sont trouvez et payez par toy tellement que un tiers que tu face chef, ne peult soubdainement acquérir envers eulx si grande authorité qu'il te puysse nuyre. car en celles ci la destruction est toute preste, pource qu'elles sont toutes unies et toutes accoustumees d'obeir a un autre qu'a toy. Mais les soudoiees quand bien elles auroient emporte la victoire si elles nous veullent nuire, il faut plus long temps et plus grandes occasions, n'estant point toutes en un corps, et puis qu'elles sont appellees et paiees de nous, envers lesquelles un tiers qu'on aura faict chef ne pourra pas si tost prendre si grande autorite qu'il les puisse tourner a nostre dommage. parce que ta ruyne est en elles plus prompte, et appareillée. Elles sont toutes unies, et inclinées à l'obeissance d'un autre, que toy. Mais il est de besoing aux Mercennaires, si elles ont vaincu, avoir du temps d'avantage, et plus grande occasion pour te nuyre, n'estans toutes un mesme corps, ains une bande par toy ramassée de divers endroitz, et soudoyée : sur lesquelles si tu preposes un tiers, qui en soit chef, il n'y peut pas si soudainement acquerir tant d'authorité, qu'il aye le moyen de te pouvoir fascher. car en celles-cy la destruction est toute preste, pource qu'elles sont toutes unies & toutes accoustumées d'obeir à un autre qu'à toy. Mais les soudoyées quand bien elles auroient emporté la victoire si elles nous veulent nuire, il faut plus long temps & plus grandes occasions, n'estant point toutes en un corps, & puis qu'elles sont appellées & paiées de nous, envers lesquelles un tiers qu'on aura fait chef ne pourra pas si tost prendre si grande autorité qu'il les puisse tourner à nostre dommage.



Segment 9
In somma, nelle mercennarie, è più pericolosa la ignavia et pigritia al conbattere, nelle ausiliarie, la virtù.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En somme je concluz que es mercennaires il y a plus grand dangier pour leur grande lascheté, ez auxiliaires pour leur vertu. Bref es armees soudoiees la paresse et lachete a batailler est plus dangereuse, au secours la vaillance et courage. Pour conclusion il faut craindre la lascheté des Mercennaires, et la promptitude des Auxilaires. Bref és armées soudoiées la paresse & lacheté à batailler est plus dangereuse, au secours la vaillance & le courage.



Segment 10
Un' Principe pertanto savio sempre ha fuggito queste armi et voltosi a le proprie, et ha voluto più tosto perdere con le sue che vincer' con l'altrui, giudicando non verà vittoria quella che con le armi d'altri s'acquistasse.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy ung saige prince doibt tousjours fuyr l'usage de telles armes et se fonder sur les propres, et plustost se contenter de perdre avec les siens, que gaigner avec ceulx daultruy. Donc un Prince sage tousiours evitera ces armes et se rengera au siennes mesmes, voulant plus tost perdre avec les siennes, que gaigner avec les etrangeres, estimant cette victoire n'estre point vraye quand on l'aqueste par les forces d'autruy. Parquoy un sage Prince les fuyra tousiours pour emploier les siennes propres avec lesquelles il aimera mieux perdre, que vaindre, par l'ayde des empruntées : estimant n'estre point vraye victoire, celle qui s'acquiert par les armes d'autruy. Donc un Prince sage tousiours evitera telles armes & se fondera sur les siennes propres, voulant plus tost perdre avec les siennes, que gaigner avec les etrangeres, estimant la victoire n'estre point vraye qui est acquise par les forces d'autruy.



Segment 11
Io non dubiterò mai di allegar' Cesare Borgia, et le sue attioni. Questo Duca entrò in Romagna con l' armi ausiliarie, conducendovi tutte genti Francese, et con quelle prese Imola et Forlì; ma non li parendo poi tal' armi sicure, si volse a le mercennarie, giudicando in quelle manco pericolo, et soldò gli Orsini, et Vitelli; li quali poi nel' maneggiare truovando dubie et infideli et pericolose le spense et volsesi a le proprie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si allégueray sur ce point César Borgia et ses gestes, et n'auray jamais honte de le mectre en avant. Ce Duc entra en Romaigne avec les auxiliaires qui estoient tous Françoys et avec eulx print Imola. Mais acause qu'il sçavoit que telles gens ne sont jamais fidèles, il se meit à prendre les mercennaires, jugeant qu'en iceulx il y eust moins de dangier, et souldoya les Ursins et les Vitelles et au manier les trouvant desloyaux, variables et périlleux, les cassa, et print ses propres souldardz. Ie ne feray point difficulte d'alleguer Cæsar Borge ses œuvres et fais, Borge entra en la Romagne avec les soldars François qui luy estoient venuz au secours, et par leur aide il prist Imole et Furli : mais ne luy estant point avis que telles armes fussent fort seures il se mist en avoir de soudoiees, pensant qu'il y eust moins de danger, et soudoia des Ursins et des Vitelles, lesquelz apres (quand ce venoit a les employer) trouvant doubles, sans foy, et fort perilleux, les cassa, et pensa d'avoir des gens de ses propres païs, Ie ne crainderay iamais d'alleguer Cesar Borgia, et ses gestes, lequel entra en la Romaigne accompagné seullement de forces Auxiliaires : car tous ses soudars estoient Françoys, par le moyen desquelz il prit Immole, et Furly. Toutesfois ne se fiant pas beaucoup en eux, il les licentia, et se meit apres les Mercennaires, pensant en icelles avoir moins de danger, et soudoia les Ursins, et Vitelles. Depuis les trouvant à l'espreuve doubles, et infidelles, il les vous cassa incontinent, et convertit de là en avant son esprit au service des Propres, et Naturelles. Ie ne feray point difficulté d'alleguer Cesar Borge & ses gestes. Borge entra en la Romagne avec ses soldats François qui luy estoient venuz au secours, & par leur ayde print Imola & Furli : mais ne luy estant point avis que telles armes fussent fort sures, il se mit à en avoir de soudoyées, pensant qu'il y eust moins de danger & soudoya des Ursins & des Vitelles : lesquels apres (quand ce venoit à les employer) trouvant doubles, sans foy, & fort perilleux, les cassa, & avisa d'avoir des gens de ses propres païs,



Segment 12
Et puosi facilmente vedere che differentia è fra l'una et l'altra di quest' armi, considerato che differentia fu da la reputation' del' Duca quando haveva i Francesi soli, et quando haveva gli Orsini et Vitelli, et quando rimase con li soldati suoi et sopra di se stesso, si truoverrà sempre accresciuta, ne mai fù stimato assai se non quando ciascun' vedde che gl' era intero possessor' delle sue armi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or l'on peult veoir aiseement quelle différence il y a des ungs aux aultres, si l'on considère quelle différence il y eut de la réputation et puissance du Duc, quand il tenoit les Françoys, ou les Ursins et Vitelles, à quand il faisoit la guerre avec ses propres souldardz, se fyant à soi mesmes, et l'on trouvera qu'elle fut tousjours augumentée. Car il ne fut oncq bien redoubté sinon après que tout le monde le veid paisible possesseur de ses armes. et pouvoit on bien facilement voir quelle difference il y avoit entre l'une et l'autre de ces armes. Considere combien il y avoit a dire de sa reputation quand il avoit les François seulement, et quand il avoit les Ursins et Vitelles, et quand il demoura avec ses soldars ne dependant que de luy mesmes, et trouvera on qu'elle est tousiours augmentee, et iamais ne fut beaucoup estime sinon quand un chacun vid qu'il tenoit entierement ses forces en sa main. En quoy il feit clairement congnoistre la diversté, qui est entre ces deux manieres d'armes, veu la difference de reputation qu'il eut du temps que les Françoys le servirent, et quand il s'accomoda depuis des Ursins, et Vitelles. Et lors qu'il demeura content de ses soudars Naturelz, ne s'appuiant que sur soy. Certes on l'estima bien plus le voyant en ce dernier estat, et n'en avoit on auparavant iamais fait grand compte, iusques à ce, que l'on veit entier possesseur de ses forces. & pouoit on bien facilement voir quelle difference il y avoit entre l'une & l'autre de ces armées. Consideré combien y avoit à dire de sa reputation quand il avoit les François seulement, & quand il avoit les Ursins & Vitelles, & quand il demeura avec ses soldats ne dependant que de soy-mesme. Or se trouvera qu'elle a esté tousiours augmentée, & que iamais ne fut beaucoup estimé sinon quand chacun veid qu'il tenoit entierement ses forces en sa main.



Segment 13
Io non mi volevo partir' da li essempi Italiani et freschi, pur' voglio non lasciar' indrieto Hierone Siracusano, essendo uno de sopra nominati da me.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je disoys cy dessus que ne me départiroys des exemples d'Italie, touttefoys je ne veulx obmettre Hyéron Syracusain qui a esté cy dessus mentionné. Ie ne me voulois pas encores partir des exemples Italiens et nouveaux, toutesfois ie ne veux point oublier derriere Hieron de Syracuse estant un de ceux la que i'avois devant nomme. Ie n'avois point volonté sortir hors des exemples Italiens, qui sont de fresche memoire : toutesfois ie ne puis laisser en arriere Hiero le Siracusain, duquel i'ay cy dessus fait mention. Ie ne me voulois pas encores elogner des exemples Italiens & nouveaux, toutefois ie ne veux point oublier derriere Hieron de Saragouse, estant un de ceux que i'avois devant nommé.



Segment 14
Costui come di già dissi, fatto da li Siracusani capo de li eserciti, conobbe subito quella militia mercennaria non esser' utile, per esser' conduttori fatti come li nostri Italiani, et parendoli non li poter' tener' ne lasciar', gli fece tutti tagliar' a pezi, di poi fece guerra con l'armi sua et non con l'altrui.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Cestuy cy comme dict est, estant chef des armes Syracusaines, cogneut du premier coup la gensdarmerie mercennaire estre inutile à cause que leurs Capitaines estoient comme sont aujourdhuy les nostres d'Italie. Si congneut aussy qu'il ne les pouvoit honnestement casser, ny seurement tenir, tellement qu'il trouva que c'estoy le meilleur de les mectre tous en pièces, comme il feit, et depuis feit une nouvelle armée de ses gens, sans se servir des armes daultruy. Cestuy cy donc comme i'ay desia dit fut faict chef du camp de ceux de Syracuse. Or conneust il incontinent que cette gendarmerie soudoiee n'estoit point fort proufitable, d'autant que les gouverneurs en estoient fais comme sont les nostres d'Italie, et luy estant bien advis qu'il ne les pouvoit bonnement ny retenir ny casser, il les fit tous tailler en pieces : et par apres il mena guerre de ses propres forces, et non pas etrangeres. Cestuy cy (comme vous avez cy dessus peu entendre) se voyant lieutenant general de l'armée des Siracusains, ne tarda gueres à congnoistre l'inutilité de la gendarmerie Mercennaire, voyant les Capitaines d'icelles estre tous telz, que sont les nostres Italiens. Et iugeant en luy mesmes, qu'il ne les pouvoit ne profitablement retenir, ne seurement envoyer, les vous feit mettre un beau iour tous en pieces. Depuis il mena la guerre avecques ses simples forces, sans se servir du secours d'autruy. Il fut donc (comme i'ay desia dit) fait chef du camp de ceux de Saragouse. Or connut il incontinant que cette gend'armerie soudoyée n'estoit pas fort utile, d'autant que les gouverneurs en estoient faits comme sont les notres d'Italie, & luy estant bien avis qu'il ne les pouoit bonnement ne retenir ne casser, il les fit tous tailler en pieces : & aprez il mena guerre avec ses propres forces nompas etrangeres.



Segment 15
Voglio ancora ridurre a memoria una figura del' testamento vecchio fatta a questo proposito.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il y a une figure au vieil testament, qui sert à mon jugement à ce propos. Encores veux ie bien remettre en memoire une histoire du viel testament faisant a ce propos : Ie veux outre cecy reduire en souvenance une figure du vieux testament accommodable à ce propos. Encores veux-ie bien remettre en memoire une histoire du viel testament faisant à ce propos :



Segment 16
Offerendosi Davit a Saul d'andar' a combattere con Golia provocatore Filisteo, Saul, per dar'li animo, l' armò de l'armi sue, le quali, come Davit hebbe in dosso, recusò, dicendo con quelle non si poter' ben' valere di se stesso, et però voleva truovar' il nimico con la sua fromba et con il suo coltello.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Quand David se vint offrir à Saul d'aller combattre Goliath Philistin provocateur en bataille de seul à seul, Saul pour luy faire couraige l'arma de son harnoys : lequel David, après l'avoir essayé sur son doz, refusa tout à plat, allégant qu'il n'estoit pas là dedans à son aise et delivré de sa personne, et qu'il ne vouloit que son cousteau et sa fronde. Quand David s'offrit a Saul d'aller combatre Goliath Philistien, qui avoit deffie Saul, pour luy donner courage il l'arma de ses armes lesquelles aussi tost que David eut endossees, il refusa disant qu'il ne s'en pouvoit bien aider, pource qu'il vouloit aller trouver son ennemi avec sa fronde et son glaive. Qui est que se presentant David au Roy Saül pour aller combatre Goliath le provocateur Philistin. Saül pour l'enhardir d'avantage, luy feist vestir ses armes, lesquelles David refusa, les ayant une fois mises sur ses espaules, disant ne se pouvoir aucunement ayder ne manier en icelles : Et partant il ne vouloit affronter son ennemy, qu'avecques sa fonde, et son braquemard. Quand David s'offrit à Saul d'aller combatre Goliath Philistien, qui avoit deffié Saul, pour luy donner courage il l'arma de ses armes, lesquelles aussi tost que David eut endossées, il refusa disant qu'il ne s'en pouvoit bien ayder, parce qu'il vouloit aller trouver son ennemy avec sa fronde & son glaive :



Segment 17
In somma, l' armi d' altri o le ti cascon' di dosso o le ti pesano o le ti stringono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Somme toute les armes daultruy te cheoient des espaules, ou te foullent, ou t'estraignent. Conclusion, les armes d'autruy ou te cheent du dos ou te pesent trop, ou te serrent fort. Dont allegoriquement nous pouvons tirer, que les armes d'autruy ou te sont trop amples, ou trop estroittes, ou bien trop pesantes. Conclusion, les armes d'autruy ou te cheent du dos, ou te poisent trop, ou te serrent fort.



Segment 18
Carlo Settimo, padre del' Re Luigi .XI., havendo con la sua fortuna et virtù liberata Francia da gli Inghilesi, conobbe questa necessità d' armarsi d' armi proprie et ordinò nel' suo regno l'ordinanze de le genti d'arme et de le fanterie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Charles VII père de Loys XI, roy de France, ayant par sa vertu et fortune, delivré la France des Angloys, congneut qu'il estoit nécessaire d'avoir des gens de guerre de son pays propre, et à ceste cause ordonna en son royaulme les ordonnances des hommes d'armes, et de gens de pied. Charles VII. pere du Roy Loüys aiant par sa grande fortune et vertu delivre la France des Angloys, il conneust bien qu'il estoit necessaire de se garnir de ses forces, instituant en son roiaume les ordonnances des hommes d'armes, et compagnies des gens de pied. Charles septiesme pere de Loys onziesme, apres avoir, moyennant sa bonne fortune, et vertu, delivré la France des Anglois, entendit fort bien, qu'elle estoit la necessité s'armer de ses propres armes. Au moyen dequoy il institua en son Royaume les ordonnances de sa gendarmerie et gens de pié. Charles VII. pere du Roy Loüys ayant par sa grande fortune & vertu delivré la France des Anglois, il connut bien qu'il estoit necessaire de se garnir de ses forces, instituant en son roïaume les ordonnances des hommes d'armes & compagnies des gens de pied.



Segment 19
Dipoi el Re Luigi suo figliolo spense quella de fanti et cominciò a soldare Svizeri, il qual' error' seguitato da gli altri è (come si vede hora in fatto) cagion de' pericoli di quel' regno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Depuis le roy Loys son filz, cassa l'ordonnance de gens de pied, et au lieu diceulx commença à souldoyer les Souysses, laquelle faulte suyvye par les aultres roys, est cause, comme l'on veoit de faict, que ledict royaulme est subiect à plusieurs dangiers Depuis le roy Loüys son filz abolist ceste la des gens de pied, et commença de soudoier les Suisses : laquelle faute que les autres Roys ont suyvie, est cause (comme on le voit auiourd'huy par experience) des perilz de ce roiaume. Depuis son filz Loys supprima la fanterie de ses païs, et commença à soudoier les Suysses : qui est un faute, laquelle suyvie par ses successeurs donne occasion (comme de fait il se voit mesmes auiourd'huy) à tous les dangers, et inconveniens, ou ce Royaume est subiet. Depuis le roy Loüys son fils abolist celle des gens de pied, & commença de soudoyer les Suisses : laquelle faute que les autres Roys ont suyvie, est cause (comme on le void auiourd'huy par experience) des perilz de ce royaume.



Segment 20
Perche, havendo dato reputatione a Svizeri, ha invilito tutte l'armi sue, perche le fanterie ha spente et le sue genti d'armi ha obligate a l'armi d' altri, perche essendo assuefatti a militar' con Svizeri, non par' lor' di poter' vincer' senza essi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car en donnant grand vogue aux Souysses, ilz ont totallement osté le credit aux armes propres, n'ayant point de fanterie de leur royaulme, et ont tellement asservy leurs hommes d'armes aux gens de pied estrangiers, que pour estre accoustumez à combattre avec les Souysses, ilz pensent ne pouvoir gaigner une bataille sans eulx. Car donnant reputation aux Suisses, il abatardit ses forces, et aneantist sa fanterie obligeant a d'autres ses gens de cheval : pource que estant accoustumez a combatre quantetquant les Suisses il leur est a ceste heure avis qu'ilz ne pourront gaigner s'il ne sont avec eux. Car ayant mis en reputation les Suysses, il annonchallit, et anneantit toutes ses forces naturelles : parce qu'il cassa entierement ses gens de pié, et obligea et rendit affectez ses gens de cheval aux armes d'aultruy : lesquelz pour estre accoustumez de batailler avecques les Suysses, se sont desia persuadez ne pouvoir vaincre sans iceux. Car donnant reputation aux Suisses, il abatardit ses forces, & aneantist sa fanterie obligeant à d'autres ses gens de cheval : pource qu'estant accoustumez à combatre avec les Suisses, il leur est à cette heure avis qu'ils ne pourront iamais bien faire sans eux.



Segment 21
Di qui nasce che li Francesi contro a Svizeri non bastino, et senza Svizeri contro ad altri, non pruovano.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Voylà aussy d'où il advient que les Françoys ordinairement ne sont assez fortz contre les Souysses, et sans les Souysses aussy ne sont rien qui vaille contres les aultres. De la vient que les François ne sont pas pour les Suisses, et sans eux ilz ne s'essaient point contre les autres. De là procede que les Françoys ne peuvent suffire, seulz contre les Suysses, et si ne font pas grand exploit sans leur ayde contre autruy. De là vient que les François ne sont pas pour les Suisses, & sans eux ils ne s'essaient point contre les autres.



Segment 22
Sono adunque stati li eserciti di Francia misti, parte mercennarij et parte proprij, le quali armi tutte insieme son' molto megliori che le semplici mercennarie o le semplici ausiliarie, et molto inferiori a le proprie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les armées doncq des Francoys ont esté meslées, partie des mercennaires, partie des propres. Lesquelles ensemble sont beaucoup meilleures que les mercennaires ou auxiliaires, et beaucoup moindre que les propres : Doncques les ostz des François sont melez en partie d'etrangers soudoiees, en partie de propres, lesquelles armees toutes ensemble sont beaucoup meilleures que les pures etrangeres, ou le simple secours : aussi ne sont elles pas si bonnes que celles qui sont de propres subiectz et gens du païs mesme seulement, Parainsi l'excercite de France à presque tousiours esté meslée, partie de gent Mercennaires, partie de Naturelle : lesquelz ensemble sont encores meilleurs, que les simples Mercennaires, ou Auxiliaires : et beaucoup inferieurs aux propres, Donques les ostz des François sont meslez en partie d'etrangers soudoyez, en partie des propres, lesquelles armées toutes ensemble sont beaucoup meilleures que les pures etrangeres, ou le simple secours : aussi ne sont elles pas si bonnes que celles qui sont de propres suietz & gens du païs mesme seulement,



Segment 23
Et basti l' essempio detto, perche il regno di Francia sarebbe insuperabile se l'ordin' di Carlo era accresciuto o preservato, ma la poca prudentia de gli huomini comincia una cosa che, per saper' al'hora di buono, non manifesta il veleno che v' è sotto, com' io dissi disopra de le febri ettice.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et sur ce n'allégueray aultre exemple que le susdict. Car à la vérité le royaulme de France seroit insupérable, si les ordonnances de Charles eussent esté gardées comme il falloit, mais l'imprudence des hommes commence souvent une chose, laquelle pour avoir quelque odeur de bien en soy, ne manifeste point le venin dessoubz caché, comme cy dessus j'ay dict des fiebvres éthiques. et sufise pour ceci l'exemple que i'en ay donne : car le roiaume de France seroit invincible si le bon ordre qu'establist le roy Charles estoit augmente ou continue. Mais le peu de iugement et sagesse qui est aux personnes leur faict commencer une chose, laquelle par sembler estre bonne ne montre point encores son venin, qui est dessoubz cache : comme i'ay devant dict des fiebvres ethiques. comme l'exemple dessudict assez le tesmoigne. Et n'y a point de doubte, que la puissance Françoise seroit invincible, si l'institution de Charles septiesme estoit augmentée, ou bien entretenue. Mais la petite prudence des hommes met volontiers choses en avant, qui pour avoir quelque apparence de bonté, cachent soubz elles leur venin : ainsi que nous avons cy devant parlé des fievres etiques. & suffise pour cecy l'exemple que i'en ay donné : car le royaume de France seroit invincible si le bon ordre qu'establit le roy Charles estoit augmenté ou continué. Mais le peu de iugement & sagesse qui est aux personnes leur fait commencer une chose, laquelle par semblance d'estre bonne, ne montre point encores son venin, qui est dessoub caché : comme i'ay devant dit des fievres ethiques.



Segment 24
Pertanto colui che in un' Principato non conosce i mali se non quando essi nascono, non è veramente savio; et questo è dato a pochi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ung prince qui ne s'apperçoit du mal sinon quand il apparoit n'est pas vraiment saige, et à la verité ceste grâce est donnée à bien peu de gens. Pour ceste cause celuy qui en une Principaute ne congnoist point les dangers et maux sinon quand ilz sont grans, certainement il n'est pas sage : Mais peu de gens ont ceste grace. Parquoy si celuy qui est constitué en principauté ne congnoist les maux avant leur origine, il n'est point veritablement sage, chose qui toutesfois est de Dieu donnée à bien peu. A cette cause celuy qui en une Principauté ne connoist point les dangers & maux sinon quand ils sont grandz, certainement il n'est pas sage : Mais peu de gens ont ce don de grace.



Segment 25
Et se si considerassi la prima rovina del' Imperio Romano, si truoverrà esser' stato solo il cominciar' a soldar' Gothi, perche da quel' principio cominciorno ad enervare le forze del' Imperio Romano, et tutta quella virtù, che si levava da lui, si dava a loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Davantaige si l'on considère d'où est procédée la première ruyne de l'empire romain, on trouvera que ce fut dès le premier souldoyement des Goths. Pource qu'alors on commenca à énerver et affoiblir les forces de l'empire Romain et toute la vertu qui en leur deffalloit se augmentoit aux estrangiers. Et si on veut bien considerer la premiere destruction de l'Empire de Romme on trouvera que c'a este d'avoir soudoie des Goths. Car des ce commencement ilz abastardirent les forces de l'Empire, et toute ceste vertu qui se perdoit de la part des Rommains s'aioustoit a l'endroit des Goths : Et si lon veut considerer la premiere ruyne de l'Empire Romain, elle se trouvera n'estre venue d'ailleurs que pour avoir soudoyé les Gotz : parce que de ceste entrée ilz commencerent à enerver les forces de l'Empire, et osterent aux Romains leurs ancienne vertu, pour se l'aproprier. Et si on veut bien considerer la premiere destruction de l'Empire de Romme, on trouvera que ç'a esté d'avoir soudoyé des Goths. Car des ce commencement ils abastardirent les forces de l'Empire, & toute cette vertu qui se perdoit de la part des Rommains, s'aioustoit aux Goths :



Segment 26
Conchiudo adunque che, senza havere' armi proprie, nessun' Principato è securo, anzi è tutto obligato a la fortuna, non havendo virtù che ne l' adversità lo difenda. Et fù sempre opinione et sententia de gli huomini savij che niente sia così infermo et instabile com' è la fama della potentia, non fondata ne le forze propie,.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont je concludz qu'il n'y a principauté asseurée sans avoir des gens de son pays, ains est totallement subjecte à la fortune, n'ayant aucune vertu qui la défende en temps d'adversité. Car l'opinion des saiges a tousjours esté telle qu'il n'y a rien si débile que la renommée de grande puissance non fondée sur forces propres. Somme que si une Principaute n'est bien garnie des propres gensdarmes, iamais ne sera seure, mais est toute dependante de la fortune, n'aiant point autre vertu qui la defende en l'adversite. Mesmes a este tousiours une opinion et dict on des gens sages, qu'il n'y a rien plus incertain, et moins seur que le bruit d'estre puissant et n'estre point fonde en forces propres. Ma conclusion sera doncques, que le Prince n'estant fort de ses propres armes, ne peut bien estre asseuré : ains tiendra perpetuellement de la fortune, n'ayant aucun certain moyen, dont il doive esperer secours en adversité. Et à tousiours esté l'opinion et commun dire des sages, qu'il n'y a rien si foible, et muable comme est la renommée d'une puissance, non fondée sur les propres forces, Somme que si une Principauté n'est bien garnie de propres gensd'armes, iamais ne sera sure, ains est toute dependante de la fortune, n'aiant point autre vertu qui la defende en l'adversité. Mesmemment a esté tousiours une opinion & dicton des sages, qu'il n'y a rien plus incertain, & moins sur que le bruit d'estre puissant & n'estre point fondé en forces propres.



Segment 27
Et l'armi proprie son' quelle che son' composte di sudditi o di Cittadini o di creati tuoi, tutte l' altre sono mercennarie o aussiliarie, et il modo ad ordinar' l'armi proprie sara facile a truovare, se si discorreranno gli ordini sopranominati da me, et se si vedrà come Philippo, padre di Alessandro Magno, et come molte Republiche et Principi si sono armati, et ordinati a quali ordini io mi rimetto al tutto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les armes propres sont les gens de guerres qu'ung prince choisist de se subjects, ou de ses citoyens ou de ceulx qu'il a nourryz, tous aultres souldards sont mercennaires ou auxiliaires. Et quand à la manière de créer une armée propre elle seroit aysée à trouver si l'on discouroit les ordonnances cy dessus par moy touchées et si l'on se mectoit en imitation des ordres que Philippe père d'Alexandre le Grand, et plusieurs aultres Républiques et princes ont inventé pour s'armer, ausquelz totallement je me refère. Les propres forces sont celles qui sont assemblees de tes subiectz ou citoyens, ou d'autres gens que tu auras faicts : toutes les autres especes sont soudoiees, ou de secours etranger. Et la maniere comment il faut songner pour avoir des propres gensdarmes sera facile a trouver si on discourt les ordres et bons gouvernemens que i'ay dessus nommez, et si on considere comment Philippe pere d'Alexandre le grand, et comme beaucoup d'autres Republiques et Princes se sont fortifiez et armez : Vous remettant a ces institutions la. lesquelles se font, et composent de tes subietz, citadins, ou gens par toy nourris, et eslevez : toutes les autres ont la nature de Mercennaires, ou Auxiliaires. La maniere de les ordonner, et establir sera de facile invention, si lon regarde bien à la façon, que i'en ay cy devant designée. Et comme Phelippe pere d'Alexandre le grand, et plusieurs autres Princes et Republicques se sont fortifiez et mis en ordre : à quoy ie me remetz du tout. Les propres forces sont celles qui sont assemblées de tes suiets ou citoyens, ou d'autres gens que tu auras faits : toutes les autres especes sont soudoyées, ou de secours etranger. Et la maniere comme il faut songner pour avoir de propres gensd'armes sera facile à trouver, si on discourt les ordres & bons gouvernemens que i'ay dessus nommez, & si on considere comme Philippe pere d'Alexandre le grand, & comme beaucoup d'autres Republiques & Princes se sont fortifiez & armez : Vous remettant à telz establissemens.

 

Chapitre 14.

Titre
Quello che al' principe si appartenga circa la Militia Cap .XIIII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Du debvoir et office d'un prince touchant le faict de la guerre. Chapitre XIV L'office d'un Prince au faict de la guerre. Chap. 14. Comme il faut qu'un Prince se gouverne au fait et maniment de la guerre. Chapitre XIIII. De ce qui concerne le Prince touchant le fait de la guerre. Chap. 14.



Segment 1
Deve adunque un' Principe non haver' altro oggetto, ne altro pensiero, ne prender' cosa alcuna per sua arte, fuora della guerra et ordini et disciplina di essa, perche quella è sola arte che si aspetta a chi comanda, et è di tanta virtù che non solo mantiene quelli che son' nati Principi, ma molte volte fa gli huomini di privata fortuna salir' a quel' grado.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour raison de tout ce que dessus il est manifeste qu'ung prince ne doibt avoir aultre obiect, ny autre pensée ou fin, ni prendre aucune chose pour son art et possession que la guerre, et les ordres et dicipline dicelle. Car c'est proprement le mestier de celuy qui veult commander, lequel est de telle vertu et puissance, que non seulement il maintient en estat ceulx qui dès leur naissance sont princes, mais bien souvent faict monter à celle dignité ceulx qui sont de basse condition. Un Prince donc ne doit avoir autre but ne prendre autre matiere a cœur, que le faict de la guerre, et la discipline militaire. Car c'est la seule science qui touche ceux qui commandent, aiant si grand puissance que non pas seulement elle maintient ceux qui de race sont Princes, mais bien souvent de simple fortune les faict sauter a ce degre : Un Prince ne doit avoir autre obiet, ne pensement, ne s'appliquer à aucune vacation hors mis la guerre, et les regles, et discipline d'icelle : parautant que c'est la seulle science appartenant à celuy, qui commande : et est de telle vigueur, qu'elle ne maintient seulement en leur estat ceux, qui sont nez Princes, mais les fait aussi monter de qualité privée à ce souverain degré. Un Prince donc ne doit avoir autre but, ne prendre autre matiere à cueur, que le fait de la guerre & la discipline militaire. Car c'est la seule science qui appartient à ceux qui commandent, ayant si grand puissance que non seulement elle maintient ceux qui de race sont Princes, mais bien souvent de simple fortune les fait monter à ce degré :



Segment 2
Et per contrario si vede che, quando i Principi hanno pensato più a le delicateze che a l' armi, hanno perso lo stato loro, et la prima cagion' che ti fà perdere quello è il disprezar' questa arte, et la cagion' che te lo fà acquistar' è l' esser' professo di questa arte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et l'on veoit communément que si ung prince pense plus à ses plaisirs qu'aux armes, il pert en un instant son estat. Et la première cause de la perte, ne consiste sinon au desprisement de l'art de la guerre, comme aussy la cause des conquestes, est faire profession dicelle. au contraire on voit que quand les Princes se sont plus adonnez aux voluptez, qu'aux armes, ilz ont perdu leurs estatz. Or la principalle chose qui les peut faire perdre c'est ne tenir conte de ceste science, et la cause qui t'en fera gaigner d'autres, c'est d'en faire mestier. Et se voit au contraire, que quand les Princes se sont plus amusez à leurs delices, et voluptez qu'au fait des armes, ilz n'ont sceu longuement garder le leur. Car la premiere raison qui leur peut faire perdre, ou acquerir, est despriser cest art, ou en faire profession. au contraire on void que quand les Princes se sont plus adonnez aux voluptez qu'aux armes, ils ont perdu leurs estatz. Or la principale chose qui les peut faire perdre, c'est ne tenir conte de cette science, & la cause qui en fera gaigner d'autres, c'est d'en faire mestier.



Segment 3
Francesco Sforza, per esser' armato, diventò di privato Duca di Milano; e figli, per fuggir' le fatiche et disagi de l'armi, di Duchi diventorno privati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Francois Sforce pour raison qu'il estoit armé, d'homme privé se feict duc de Milan, et au contraire ses filz pour éviter les peines et fascheries de la guerre, de ducz sont devenuz pauvres et sans estat. François Sforce pour estre vaillant, de simple soldart, il devint Duc de Milan, et ses enfans pour eviter la fascherie et travail des armes de grans seigneurs et Ducz sont devenuz simples gentilz hommes. Francisque Sforze par la seulle suitte des armes, d'homme privé se feit Duc de Milan : Et ses enfans qui ont fuy le travail, et ennuy de la guerre, de ducs se sont rendus personnes privées. François Sforce par sa vaillance de simple soldat devint Duc de Milan, & ses enfans pour eviter la peine & travail des armes, de grans seigneurs & Ducz sont revenuz à simples gentilz-hommes.



Segment 4
Perche, intra l' altre cagioni di male che t'arreca l'esser' disarmato, ti fà contennendo. La qual' è una di quelle infamie delle quali il Principe si debba guardare come disotto si dirà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car oultre les aultres incommoditez et encombres que l'estre desarmé meine avec soy, cela rend homme vile et desprisé, qui est ung des plus grandz diffames, qu'ung Prince puisse encourir, et dont il se doibt bien garder comme cy après nous dirons. Car entre les autres maux qui aviennent pour n'estre pas aguerri, c'est un depris de la personne, ce qui est une des grandes infamies de laquelle un Prince se deveroit garder, comme ie diray par apres. Car entre les autres maux, et inconveniens, qui t'adviennent pour estre desaguerry, faut compter que tu te rens desprisable à un chacun, qui est une des choses, dont le Prince se doit plus soigneusement garder (comme nous dirons cy apres.) Aussi entre les autres maux qui aviennent pour n'estre pas aguerry, c'est un mépris de la personne, ce qui est une des grandes infamies de laquelle un Prince se devroit garder, comme ie diray cy aprez,



Segment 5
Perche da uno armato a un' disarmato non è proportion' alcuna, et la ragion' non vuole che chi è armato obedisca volentieri a chi è disarmato et che il disarmato stia securo intra i servitori armati. Perche, essendo ne l'uno sdegno et ne l'altro sospetto, non è possibile operino bene insieme.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car d'un armé à un desarmé il n'y a aucune proportion, et n'est raisonnable qu'ung homme desarmé obéisse de son bon gré à ung desarmé et qu'ung homme desarmé soit asseuré entre les serviteurs armez. Car il y a en l'un du desdaing, en l'autre de la souspeçon et de la crainte, tellement qu'il n'est possible qu'ilz se supportent l'un l'autre. D'autant que d'un homme qui est puissant et fort en armes a un qui ne l'est point il n'y a nulle comparaison. Et la raison ne veut pas qu'un bien arme obeisse a celuy qui est desarme, ny qu'un homme nud puisse estre seurement entre ses serviteurs armez. Car aiant d'un coste le dedain, et de l'autre le souspeçon, il n'est possible qu'ilz s'accordent ensemble. Parautant qu'il n'y a aucune comparaison du desaguerry a l'aguerry : la raison ne permettant point que le vaillant homme obeïsse volontiers à l'effeminé, ne que un Prince coyon vive en seureté entre subietz duitz a la guerre : consideré qu'ayant contemnement d'une part, et souspeçon de l'autre, il n'est possible qu'ilz façent rien de bon mesnage ensemble. d'autant que de l'homme puissant & preux aux armes à un qui ne l'est point, il n'y a nulle comparaison. Et la raison ne veut pas qu'un bien armé obeisse à celuy qui est desarmé, ny qu'un homme nu puisse estre surement entre ses serviteurs armez. Car ayant d'un costé le dedain, & de l'autre le souspeçon : il n'est possible qu'ils s'accordent ensemble.



Segment 6
Et però un' Principe che de la militia non s'intende, oltre a l' altre infelicità, come è detto, non può esser' stimato da suoi soldati ne fidarsi di loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour ceste cause ung prince qui ne s'entend du faict de guerre oultre les aultres malheurtez qui lui adviennent, ne peult estre honoré ny prisé ny fidèlement servy de ses souldardz. Pour ce un Prince qui ne s'entend point au faict de la guerre, outre les autres malheuretes que i'ay desia dictes, iamais ne sera fort estime de ses soldars, ny se pourra fier en eux. Et parainsi un Prince non entendu en matiere des armes, outre infinies autres malheuretez, ne peut estre estimé de ses gens, ne se fier aucunement en eux. Parquoy le Prince qui ne s'entend point au fait de la guerre, outre les autres inconveniens que i'ay desia ditz, iamais ne sera fort estimé de ses soldats ne se pourra fier en eux.



Segment 7
Non deve per tanto mai levar' il pensier' da questo esercitio della guerra; et nella pace vi si deve più esercitare che nella guerra, il che può far' in doi modi: l'uno con l'opere; l'altro con la mente.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il ne doibt jamais penser en autre chose qu'à l'exercice de guerre, mesme en temps de paix, il s'y doibt plus exerciter qu'à la guerre. Laquelle chose il peult faire en deux sortes, l'une par oeuvres l'aultre par exercice de l'entendement. Doncques il ne doit iamais oster sa fantasie de cet exercice de la guerre, et s'y doit plus exerciter en temps de pais, que nonpas durant la guerre mesmes. Ce qu'il peut faire en deux sortes, l'un avec l'effect, l'autre avec l'esprit. Au moyen dequoy il ne doit iamais divertir son entendement de ceste science, ains s'y exerciter presque plus en temps de paix, que de guerre : ce qui se peut faire en deux manieres, l'une, avec l'operation corporelle, et l'autre, par l'exercice de l'esprit. Donques il ne doibt iamais oster son intention de l'exercice de la guerre, & s'y doibt plus exerciter en temps de paix, que durant la guerre mesme. Ce qu'il peut faire en deux sortes, l'un avec effect, l'autre avec l'esperit.



Segment 8
Et quanto a l'opere, deve, oltre al' tener' bene ordinati et esercitati li suoi, star' sempre insù le caccie et mediante quelle assuefar' il corpo a disagi, et parte imparar' la naturà de siti et conoscer' come surgono i monti, come imboccon' le valli, come iacciano i piani, et intender' la natura de fiumi et delle paludi; et in questo porre grandissima cura.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quand aux oeuvres oultres les bons ordres et exercices, esquelz il doibt tenir ses gens occupez, il se doibt adonner aux chasses, et par tel exercice accoustumer son corps à endurer les malaises, et en partie aprendre la nature des pays, et congnoistre la haulteur, le saillir des montaignes, l'emboucher des vallées, l'estendue des pleines, et entendre la nature des fleuves et maraiz, et à la congnoissance de toutes ces choses user grande diligence. Quand est des œuvres, outre ce qu'il doit tenir ses gens en bonne discipline et exercice, faut qu'il soit tousiours a la chasse, et par ce moyen aguerrir son corps, et l'endurcir au peines, apprendre aussi la nature et l'assiete des lieux, et congnoistre comment s'eslevent les montaignes, comment les vallees pendent, comment les campaignes sont couchees, sçavoir la nature des rivieres et des marecages, et en cela mettre un grand soing. Or quant aux actions du corps est convenable, qu'outre ce qu'il tiendra ses ordonnances en bon ordre, et continuelle exercitation, il suyve tous les iours la chasse, et venerie : moyennant laquelle il s'endurcira au travail, et apprendra semblablement les situations des païs, pour congnoistre l'élevation des montagnes, l'embouchement des valées, l'estandue des plaines, la natures des fleuves, et marescages, dont il se enquerra par grande curiosité. Quant est des euvres, outre ce qu'il doibt tenir ses gens en bonne discipline, convient qu'il hante la chasse, & par ce moyen aguerrisse son corps & l'endurcisse à la peine, appregne aussi la nature & l'assiete des lieus, & à connoistre comme s'elevent les montaignes, comme les vallées pendent, comme les campaignes sont estendues, à savoir la nature des rivieres & des marecages, & en cela mettre un grand soing.



Segment 9
La qual' cognition' è utile in doi modi: prima, s'impara a conoscer' el suo paese et può meglio intender' le difese d' esso; di poi, mediante la cognitione et pratica di quelli siti, con facilità comprende un'altro sito che di nuovo gli sia necessario speculare, perche li poggi, le valli, et piani, et fiumi, et paludi che son', per modo di dire, in Toscana hanno con quelli de l' altre provincie certa similitudine, tal' che da la cognitione del' sito d'una provincia si puo facilmente venire alla cognitione de l'altre.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La science de ces choses est prouffitable en deux sortes : car premièrement l'on apprend à congnoistre son pays et à mieulx entendre les défenses et lieux fortz dicelluy, et en après par le moyen de telle congnoissance et pratique des situations, l'on peult aiseement comprendre la nature d'un aultre, sur lequel il faille penser. Pource que les coupletz des montaignes, les vallées, pleines, fleuves et maraiz qui sont par manière de parler en Toscane, ont avec ceulx des aultres pays une certaine ressemblance, tellement que par la congnoissance d'un pays, on peult facillement venir à la congnoissance d'ung autre. Ce qui est prouffitable en deux sortes : premierement on apprent a congnoistre son païs, & peut on mieux sçavoir comment il le faut deffendre. Par mesme moyen aiant bien la pratique de ce païsage, il comprendra facilement la situation d'un autre lieu qui luy sera quelque fois necessaire a considerer. Car les vallees, campaignes, et rivieres qui sont (prenez le cas) en la Tuscane, ont quelque ressemblance et certaine affinite avec celles des autres provinces, tellement que la congnoissance du proiet d'un païs faict grand bien a la prattique d'un autre. Et est ceste congnoissance profitable en deux sortes : car premierement lon vient a entendre par là les assiettes de son païs, et consequemment à mieux congnoistre par ou il faut defendre. Et ayant bien compris la situation d'une contrée, lon peut facillement apres concevoir celle de une autre, qu'on aura besoing de descouvrir. Les terres, valées, plaines, rivieres, et marestz de la Toscane ont une certaine resemblance et proportion, à ceux des autres provinces : tellement que la pratique, et intelligence de une region, donne plus aisée conception des autres. Ce qui est proufitable en deux sortes : premierement on apprend à connoistre son païs, & peut on mieux savoir comme il le faut defendre. Par mesme moyen ayant bien la pratique du païsage, il comprendra facilement la situation d'un autre lieu qui luy sera quelque fois necessaire à considerer. Car les vallées, campaignes & rivieres qui sont (prenez le cas) en la Tuscane, ont quelque ressemblance & certaine affinité avec celles des autres provinces, tellement que la connoissance du projet d'un païs fait grand bien à la pratique d'un autre.



Segment 10
Et quel' Principe che manca di questa peritia, manca de la prima parte che vuol' haver' un' Capitano. Perche questa insegna trovar' il nimico, pigliar' gli allogiamenti, condurr' gli eserciti, ordinare le giornate, campeggiar' le terre con tuo vantaggio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ung prince qui n'a ceste expérience des pays, est privé de la première vertu qui doibt avoir un capitaine. Laquelle luy enseigne trouver l'ennemy, prendre logis, conduyre les armées, ordonner une journée de bataille, assiéger les villes à son advantage. De maniere que si le Prince deffaut en ceste partie, il n'a pas la premiere et principale vertu que doit avoir un bon Capitaine. Car c'est elle qui enseigne a trouver l'ennemi, se camper et conduire un ost, arrenger les bataillons pour la iournee, prendre l'avantage au siege d'une ville. Et celuy qui sera defaillant de ce sçavoir, ha defaut de la plus importante astuce, qu'un Capitaine doive point avoir, parce qu'elle t'enseigne a trouver ton ennemy, assoir ton camp comme il faut, conduire les armées, ordonner les batailles, et assieger les villes a ton advantage. De maniere que si le Prince defaut en cette partie, il n'a pas la premiere & principale vertu que doit avoir un bon Capitaine. Car c'est elle qui enseigne à trouver l'ennemy, se camper, & conduire un ost, arrenger les bataillons pour la iournée, prendre l'avantage au siege d'une ville.



Segment 11
Philopomene Principe delli Achei, intra l'altre laudi che da li scrittori li son' date, è che ne' tempi de la pace non pensava mai se non a modi de la guerra, et quando era in campagna con gli amici, spesso si fermava et ragionava con quelli:
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Philopæmènes prince des Achées, comme les autheurs en le louant l'escripvent, en temps de paix ne pensoit jamais sinon aux tours de la guerre, et estant parmy les champs avec ses amyz s'arrestoit souvent et dévisoit avec eulx disant : Entre les louenges que les autheurs attribuent a Philopœmene Prince des Achees, cela estoit en luy que durant la paix il ne s'estudioit d'autre chose sinon qu'aux moyens pour mieux mener la guerre. Et quand il estoit aux champs avec ses amis il s'arrestoit souvent et devisoit avec eux de semblables propos : Entre les louanges que les historiographes ont attribuées à Philopoemenes prince des Achées, ilz disent qu'en saison de paix, tout son pensement n'estoit que au fait de la guerre : et quelquefois, en chevauchant par la campagne, accompagné de ses familiers il s'arrestoit le plus souvent tout court, et devisoit un long temps avecques eux en telz termes : Entre les loüenges que les auteurs attribuent à Philopemene Prince des Achées, il havoit en luy que durant la paix il ne s'estudioit à autre chose qu'aux moyens de bien mener la guerre. Et quand il estoit aux champs avec ses amis il s'arrestoit souvent & devisoit avec eux de semblables propos :



Segment 12
se gli nimici fusseno in quel' colle et noi ci trovassimo qui, col' nostro esercito, chi di noi harebbe vantaggio? come sicuramente si potrebbe ire a trovargli, servando gli ordini? Se noi volessimo ritirarci, come haremmo a fare? Se loro si ritirasserno, come haremmo a seguirli?
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
« Si nos ennemyz estoient sur celle montaigne, et nous icy avec nos armées, qui auroit du meilleur ? Comment les pourroit on assaillir en gardant l'ordonnance ? S'il nous falloit retirer, comment le fauldroit -il faire ? Et si noz ennemyz se retiroient, comment les fauldroit-il suyvre ? ». comme, si les ennemis estoient en ceste montaigne et nous nous trouvissions icy avec nostre camp qui auroit l'avantage, comme y pourroit on aller pour les trouver marchant en bataille ? si nous nous voulions retirer, comment deverions nous faire ? s'ilz se retiroient comment aurions nous a les suyvre ? Si les ennemis estioent campez sur ceste montagne, et que nous les trouvassions icy avec nostre armée, lesquelz de nous, et d'eux seroient les plus advantagez ? comme les pourrions nous aller ioindre gardans bien nos rancz ? Si nous voulions retirer comme faudroit il faire ? S'ilz se retiroient, comme les suyvrions nous ? comme si les ennemis estoient en cette montaigne & nous trouvissions icy avec notre camp qui auroit l'avantage, comme y pourroit on aller pour les trouver marchant en bataille ? si nous nous voulions retirer, comment devrions nous faire ? s'ils se retiroient comme aurions nous à les suivre ?



Segment 13
Et preponeva loro, andando, tutti i casi che in uno esercito possono occorrere, intendeva l' oppinion' loro, diceva la sua, corroboravala con le ragioni, tal' che per queste continue cogitationi non poteva mai, guidando li eserciti, nascer' accidente alcuno che egli non vi havessi el remedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et par telz deviz leur proposoit en cheminant tous les accidentz qui peuvent survenir à une armée, il entendoit leur opinion, il exposoit la sienne et par raisons la confermoit, tellement qu'en ayant continué longuement semblables pensées, il ne pouvoit estre surpris d'aucun accident en guydant son armée auquel il n'eust appareillé le remède. et leur proposoit au chemin tous les accidens qui peuvent advenir en un camp : il escoutoit leur opinions, il disoit la sienne, la confirmant par raisons : si bien que par ces continuelles disputes et pensees il ne luy pouvoit iamais, en guidant une armee, avenir quelque empeschement auquel il n'y trouvast remede. Et leur mettoit devant les yeux en chevauchant tous les occurrens, qui peuvent advenir à un exercite : demandoit leur opinion, et donnoit la sienne, avec allegation de ses raisons, si bien que par ceste continuelle cogitation, il ne luy pouvoit, en guydant une armée, survenir empeschement, auquel il ne fournist de prompt remede. & leur proposoit en chemin tous les accidens qui peuvent avenir en un camp : il escoutoit leurs opinions, il disoit la sienne, la confermant par raisons : si bien que par ces continuelles disputes & pensées, il ne luy pouoit iamais, en guidant une armée, avenir empeschement ou destourbier auquel il ne trouvast remede.



Segment 14
Ma quanto al' esercitio de la mente, deve il Principe legger' le historie et in quelle considerar' l' attioni de gli huomini eccellenti, veder' come si son' governati nelle guerre, esaminar' le cagioni de la vittoria et perdità loro, per poter' queste fuggir', quelle imitar'; et sopra tutto far' come ha fatto per lo adrieto qualche huomo eccellente che ha preso ad imitar' se alcuno è stato inanzi a lui lodato et glorioso et di quello ha tenuto sempre i gesti et attioni appresso di se: come si dice ch' Alessandro Magno imitava Achille; Cesare, Alessandro; Scipione, Cyro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quand à l'exercice de l'esprit le prince doibt lire beaucoup d'hystoires, et en icelles discourir sur les gestes des hommes excellentz, veoir comment il se sont gouvernez es guerres, et examiner les causes des victoires ou pertes, pour pouvoir fuyr les ungs et imiter les autres. Et sur toutes choses entreprendre de suyvre la vie de quelque homme excellent, qui ait esté en grande réputation et louenge par tout le monde, et en tenir sur soy les faictz et gestes : comme l'on dict qu'Alexandre le Grand ensuyvoit Achille, et César Alexandre, et Scypion Cyrus. Quant a l'exercice de l'esprit, un Prince doit lire les histoires, et la dessus considerer les actions des singuliers personnages, veoir comme ilz se sont gouvernez aux guerres, examiner les causes de leur victoire ou defaite, pour fuir les unes et suyvre les autres, et sur toutes choses il doit faire comme quelque excellent du temps passe qui se proposoit d'ensuivre quelque grand homme fort renomme devant luy, aiant tousiours sa vie et croniques aupres de luy, comme on dict qu'Alexandre le grand ensuyvoit Achille : Cæsar, Alexandre, Scipion, Cyre : Au regard de l'exercice spirituel, le Prince doit lire les histoires, et en icelles contempler les gestes des excellens hommes, voir comme ilz se sont conduitz au maniment des guerres, examiner les causes de leurs victoires et pertes, pour fuir l'un, et ensuyvre l'autre, et faire sur tout comme un grand et notable personnage a fait cy devant lequel s'est adonné a l'imitation grand. de celuy, qui luy a semblé avoir eu plus de gloire, et louange par le passé : se esvertuant le ressembler en tous ses gestes, et façons au plus pres, qu'il a peu, comme l'on dit qu'Alexandre imitoit Achilles, Cesar Alexandre, et Scipion Cyrus. Quant à l'exercice de l'esperit le Prince doibt lire les histoires, & sur icelles considerer les actions des singuliers personnages, veoir comme ils se sont gouvernez en guerre, examiner les causes de leur victoire ou defaitte, pour fuir les unes & suivre les autres, & sur toutes choses il doibt faire comme quelque excellent du temps passé qui se proposoit d'ensuivre aucun personnage de grand renom, ayant tousiours sa vie & cronique aupres de luy, comme on dit qu'Alexandre le grand ensuivoit Achille : Cæsar, Alexandre : Scipion, Cyre :



Segment 15
Et qualunche legge la vita di Cyro sopradetto scritta da Xenophonte, riconosce di poi ne la vita di Scipione quanto quella imitation' gli fù di gloria, et quanto ne la castità, affabilità, humanità, et liberalità. Scipion' si conformassi con quelle cose che di Cyro sono da Xenophonte scritte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et quiconque lit la vie de Cyrus escripte par Xénophon, il recongnoit après facilement en la vie de Scipion combien celle imitation luy soit venue à gloire, et comment en chasteté, humanité, doulceur et libéralité Scipion se conformoit aux choses qui de Cyrus avoient esté par Xénophon escriptes. si bien que lui lira la vie de Cyre escripte de Xenophon recognoistra en lisant apres celle de Scipion combien cest exemple luy apporta d'honneur, et combien Scipion s'est essaie de ressembler a Cyre en chastete, debonnairete, preud'hommie, liberalite, pareillement aux autres choses que Xenophon a escript de luy. Et de fait qui lira la vie de Cyrus escritte par Xenophon, il recongnoistra combien Scipion accreut sa renommée par ceste imitation, et quelle conformité y a de sa continence, affabilité, humanité, et liberalité a celle que Xenophon recite de Cyrus. si bien que qui lira la vie de Cyre escritte par Xenophon, reconnoistra en lisant aprez celle de Scipion combien cet exemple luy apporta d'honneur, & combien Scipion s'est essayé de ressembler à Cyre en chasteté, debonnaireté, preud'hommie ; liberalité, pareillement és autres choses que Xenophon a escrittes de luy.



Segment 16
Questi simil' modi deve observare un' Principe savio; ne mai ne tempi pacifici star' ocioso, ma con industria farne capitale per potersene valere nel' adversità, accioche quando si muta la Fortuna lo truovi parato a resistere a li suoi colpi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Voylà les manières de faire que un prince sage doibt garder, et jamais en temps de paix ne demourer oysif, mais par son industrie en faire son principal, pour s'en pouvoir ayder es adversitez ; à celle fin que quand la fortune se change, il se trouve tout prest et garny de deffense pour résister à ses assaultz. Ceste mesme maniere doit garder un Prince sage et ne doit iamais en temps de paix estre oysif : mais faire sa principale profession de ces vertuz, pour s'en pouvoir aider en aversite, affin que quand la fortune tournera le doz elle le trouve prest a resister a sa furie. Un Prince vertueux doit avoir esgard en toutes ces choses icy, et n'estre iamais ocieux en temps de paix, ains mettre tout expres ces exercices au ranc des premiers et plus capitaux affaires, pour s'en pouvoir servir au besoing, a celle fin, quand la fortune se changera, elle le treuve prest a lyu resister. Cette mesme maniere doibt garder le Prince sage sans estre iamais en temps de paix oysif : ains faire sa principale profession de ces vertuz, pour s'en pouvoir ayder en adversité, afin que quand la fortune tournera le doz elle le trouve prest à resister à sa furie.

 

Chapitre 15.

Titre
Delle cose mediante le quali gli huomini, et massimamente i Principi, sono laudati o vituperati. Cap. XV.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Par quelles oeuvres les hommes et sur tous les princes sont loüez ou diffamez. Chapitre XV Des choses par lesquelles les hommes, et principalement les Princes sont louéz, ou blasméz. Chap. 15. Des choses, qui rendent les hommes, et speciallement les Princes louables, ou vituperables. Chapitre XV. Des choses par lesquelles les hommes principalement les Princes acquierent blasme ou loüange. Chap. 15.



Segment 1
Resta hora a vedere, quali devono esser' i modi et governi d'un' Principe con li sudditi et con gli amici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il nous reste à considérer les manières de faire et gouvernements que doibt user ung prince envers ses subjectz et amyz. Il reste maintenant a veoir quelz doivent estre les manieres et façons de se gouverner d'un Prince avec ses subiectz et amis. Il est convenable de voir maintenant, comme un Prince se doit gouverner à l'endroit de ses subietz, et amis. Reste maintenant à veoir quelz doivent estre les manieres & façons du Prince à soy gouverner envers ses subietz & amis.



Segment 2
Et perche io so che molti di questo hanno scritto, dubito, scrivendone ancor' io, non esser' tenuto presuntuoso, partendomi massime nel' disputar' questa materia da gli ordini de gli altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et acause que je sçay que plusieurs en ont escript, je me doubte de n'estre reputé temeraire, si après tant d'autheurs je me mect à escripre, veu mesme qu'en mes disputations de ceste matière, je suys différent de l'institution des aultres. Et pour ce que ie sçay bien que plusieurs autres ont escript de la mesme matiere. Ie doute que moymesmes si i'en escri ie sois estime presumptueux, principalement si ie m'esloingne en traictant de cet article de l'opinion des autres. Et parautant que i'en sçay plusieurs autres avoir traitté cest argument, ie crains estre estimé presumptueux d'en parler aussi : considéré mesmes qu'au discours de cette matiere ma traditive est differente de la leur. Et pour ce que ie sçay bien que plusieurs autres ont escrit de la mesme matiere. Ie doute que moy-mesme si i'en escry, ie sois estimé presumptueux, principalement si ie m'elongne en traitant cet article de l'opinion des autres.



Segment 3
Ma essendo l'intento mio scriver' cosa utile a chi l'intende, m'è parso più conveniente andar' drieto a la verità effettual' de la cosa che al' imaginatione di essa.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Touteffoys puis que mon intention est d'escripre quelque chose qui soyt prouffitable aux lecteurs, il m'a semblé plus convenable d'ensuyvre l'effectuelle vérité de la matière que l'imagination dicelle. Mais estant mon intention d'escrire choses prouffitables a ceux qui l'entenderont, il m'a semble plus convenable de suyvre la verite et l'effet que non pas certaines fantasies. Mais puisque mon intention est de proposer enseignemens profitables à celuy, qui les entendra, il m'a semblé plus pertinent me conformer à la verité effectuelle de la chose, qu'a l'imagination d'icelle. Mais estant mon intention d'ecrire choses proufitables à ceux qui l'entendront, il m'a semblé plus convenable de suivre la verité & l'effet que certaines fantasies.



Segment 4
Et molti si sono imaginati Republiche et Principati che non si son' mai visti ne conosciuti esser' in vero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car plusieurs ont imaginé des républiques et principaultez qui jamais au vray n'ont esté vues ny congneues. Plusieurs se sont imaginez des Republiques et Principautez qui ne furent iamais veues n'y connues pour vraies. Plusieurs ont figuré des Republiques et Monarchies, dont il me s'en veit oncques en nature de semblables, Plusieurs se sont imaginez des Republiques & Principautez qui ne furent onques veües ny connües pour vrayes.



Segment 5
Perche egli è tanto discosto da come si vive a come si doverria vivere, che colui che lascia quello che si fa per quello che si doverria fare, impara più tosto la rovina che la preservation' sua. Perche un' huomo che voglia far' in tutte le parti profession' di buono, convien' che rovini infra tanti che non son' buoni.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource qu'il y a si grand différence entre la manière comme l'on vit, et celle comme l'on debvroit vivre, que si aulcun laisse ce qui se faict, pour suyvre ce qui se debvroit faire, suyt plustost sa ruyne que sa conservation. Car celluy qui totallement veult faire profession d'homme de bien, ruyne incontinent entre tant daultres qui sont meschans. Mais il y a autant a dire de la sorte qu'on vit a ceste la selon laquelle on deveroit vivre, que celuy qui laissera ce qui se faict pour cela qui se deveroit faire, il aprent plustost a se destruire qu'a se maintenir. Pource que un qui veut faire entierement profession d'homme de bien, il faut qu'il soit destruict entre tant d'autres qui ne vallent rien. parce qu'il y a si grand difference de ce que lon vit, et ce qu'on devroit vivre, que qui mesprisera ce qui se fait, pource qui se devroit faire, apprend plus tost sa ruyne, que sa conservation. Pourtant celuy, qui voudroit tenir en toutes choses estroitte profession d'homme de bien, il ne pourroit avoir longue durée en la compagnie de tant d'autres, qui ne vallent rien. Mais il y a autant à dire de la sorte qu'on vid à celle selon laquelle on devroit vivre, que celuy qui laissera ce qui se fait pour cela qui se devroit faire, il apprend plustost à se destruire qu'à se maintenir. Pource que qui veut faire entierement profession d'homme de bien, comment qu'il soit destruit entre tant d'autres qui ne valent rien.



Segment 6
Onde è necessario a un' Principe, volendosi mantenere, imparare a potere esser' non buono, et usarlo et non usarlo secondo la necessità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy convient qu'ung prince, s'il se veult maintenir en estat, apreigne à estre bon et maulvais, et user de l'ung et de l'autre selon ce que la nécessité le requiert. Parainsi il est necessaire a un Prince qui se veut entretenir, qu'il apreigne a pouvoir estre bon et mauvais, et l'user et n'en user pas selon les affaires. A raison dequoy il est necessaire à un Prince, qui se veut maintenir, apprendre a pouvoir quelquefois n'estre bon, et le pratiquer, selon l'exigence des affaires. Par ainsi est necessaire au Prince qui se veut conserver, qu'il apreigne à pouoir estre bon & mauvais, & d'en user & n'user pas selon les occurrences.



Segment 7
Lasciando adunque indrieto le cose circa un' Principe imaginate, et discorrendo quelle che son' vere, dico che tutti li huomini, quando se ne parla, et massime i Principi, per esser' posti più alti, son' notati di alcuna di queste qualità che arrecano loro o biasimo, o laude.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laissant donc aux aultres les choses appartenantes à ung prince qui sont imaginées, et discourant celles qui sont vrayes, je diz que tous les hommes, et principallement les princes, pour estre constituez en lieu plus éminent, sont notez de ces qualitez qui leur apportent louenge ou blasme. Laissant donc a part les choses qu'on peut imaginer pour un Prince, et discourant celles qui sont vraies : ie di que quand on parle des hommes, et principalement des princes, pour estre plus souverains, on les congnoist par une de ces qualitez qui leur aporte ou blasme ou louange : Laissant doncq en arriere tout ce que lon a imaginé en la perfection d'un Prince, et discourant a part ce qui est vray, et subiet à l'experience : Ie dy que tous les hommes, quand lon en devise, et les Princes en especial, pour estre eslevez en plus haut degré, sont volontiers notez de quelque une des qualitez, qui leur donne blasme, ou louange. Laissant donc à part les choses qu'on peut imaginer pour un Prince, & discourant celles qui sont vrayes : ie dy que quand on parle des hommes, principalement des Princes qui sont en plus hault degré, on les connoist par une de ces qualitez qui leur apporte ou blasme ou loüange :



Segment 8
Et questo è che alcuno è tenuto liberale, alcuno misero (usando un' termin' Toscano, perche avaro, in nostra lingua, è ancor' colui che per rapina desidera d' haver'; misero chiamiamo noi quello che troppo si astiene allo usar' il suo), alcun' è tenuto donatore, alcun' rapace, alcun' crudele, alcun' pietoso;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
C'est qu'aucun est estimé liberal, aucun chiche, qui vault autant que misère en langue Toscane, et la différence entre l'avare et le chiche est que l'avare signifie aussy celluy qui désire d'acquérir par rapine, misère ou chiche qui se garde trop de despendre son bien. Aucun est estimé grand donneur, ou pilleur, l'ung cruel l'autre pitoyable, c'est a dire que quelcun sera tenu liberal, un autre chiche (usant d'un terme Tuscan, car avaricieux en nostre langue signifie celuy qui par larcin veut en avoir : nous appellons celuy la chiche qui s'espargne trop de dependre le sien) quelcun sera estime, quelcun ravisseur, quelqu'autre cruel, quelqu'autre pitoyable, Et de là vient qu'aucuns sont estimez liberaux, et les autres chiches et tenans : L'un a le bruit de donner, et l'autre de piller ; cestuy cy d'estre cruel, et celuy là misericordeux : c'est à dire, que quelqu'un sera tenu liberal, un autre chiche : quelqu'un sera estimé donneur, quelqu'un ravisseur, quelqu'autre cruel, quelqu'autre pitoyable,



Segment 9
l'uno fedifrago, l'altro fedele, l'uno effeminato et pussillanimo, l'altro feroce et animoso, l'uno humano, l'altro superbo, l'un' lascivo, l'altro casto: l'uno intero, l'altro astuto; l'un' duro, l'altro facile, l'un' grave, l'altro leggiere, l'un' religioso, l'altro incredulo, et simili.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
aucun est estimé rompeur de foy, aucun loyal, l'ung efféminé et lasche, l'autre fier et hardy, l'ung humain, l'autre haultain, l'ung lascif, l'autre chaste, l'ung entier, l'autre fin, l'ung dur, l'autre facile, l'ung grave et constant, l'autre légier et variable, l'ung religieux, l'autre infidèle et semblables. l'un trompeur, l'autre homme de parole, l'un effemine et de lasche courage, l'autre hardi et courageux, l'un glorieux, l'autre humble, l'un paillard, l'autre chaste, l'un entier et rond, l'autre fin et ruze, l'un opiniatre, l'autre doulx et facile, l'un grave, l'autre legier, l'un de bonne foy, l'autre de nulle, et pareillement des autres. l'un ne garde point sa foy, l'autre sy : les aucuns sont effeminez, et pusillanimes : les autres sont viriles et hardis : l'un est humain, l'autre superbe : l'un luxurieux, l'autre chaste : l'un va rondement, et l'autre cauteleusement : l'un est dur, l'autre facile : l'un est grave, et l'autre inconstant : l'un est devotieux, et l'autre n'a point de Dieu, et ainsi des semblables. l'un trompeur, l'autre homme de parole, l'un effeminé & de lache courage, l'autre hardy & courageux, l'un glorieux, l'autre humble, l'un paillard, l'autre chaste, l'un entier & rond, l'autre fin & rusé, l'un opiniastre, l'autre doux & facile, l'un grave, l'autre leger, l'un de bonne foy, l'autre de nulle, & pareillement des autres.



Segment 10
Io so che ciascun' confesserà che sarebbe laudabilissima cosa un' Principe trovarsi, di tutte le sopradette qualità, quelle che son' tenute buone;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je sçay bien que c'est le meilleur et ce que le monde désire plus que de trouver ung prince qui ait les bonnes qualitez susdictes, Ie sçay bien qu'un chacun confessera que ce seroit une chose treslouable, qu'un Prince se trouvast aiant de toutes les susdictes natures celles qui sont tenues les meilleures : Et n'ignore point, que tout le monde confessera estre chose treslouable voir un Prince garny de toutes les qualitez precedentes, qui sont au ranc des bonnes : Ie sçay bien que chacun confessera que ce seroit une chose tresloüable qu'un Prince se trouvast ayant de toutes les susdites natures celles qui sont tenues des meilleures :



Segment 11
ma perche non si posson' haver' ne interamente osservare, per le conditioni humane che non lo consentono, gli è necessario esser' tanto prudente che sappia fuggir' l'infamia di quella che gli torrebbon' lo stato, et de quelle che non gliel' tolgono, guadagnarsene se gli e possibile; ma non possendovi, si può con minor' rispetto lasciar' andar'.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
touteffoys pource qu'il est impossible de les avoir toutes, ny de les observer à cause que les conditions de la fragilité humaine ne le permectent, il convient que le prince soit si prudent qu'il sache fuyr le diffame seulement de ces vices, qui luy feroient perdre l'estat, et touteffoys qu'il tasche de tout son pouvoir d'éviter les aultres qui seroient de moindre importance, mais si son naturel ne se pouvoit adonner à se garentir de tous péchez, qu'il passe oultre et n'en tienne pas aultrement grand compte. mais pource qu'elles ne se peuvent toutes avoir, ny entierement garder, a cause que la condition humaine ne le porte pas, il luy est besoing qu'il soit sage iusques la, qu'il sçache eviter l'infamie de ces vices qui luy seroient cause de perdre ses estats, et de ceux qui ne luy osteroient point, qu'il s'engarde s'il est possible : mais s'il ne peut, il n'y a pas si grand respect ny danger de les laisser passer, mais parce qu'il n'est possible les posseder toutes ensemble, et entierement les observer pour la fragilité de la condition humaine, qui ne le peut consentir, il luy est de besoing avoir tant de prudence, qu'il puisse a tout le moins eviter l'infamie de ces vices, mesmement de ceux, qui luy pouroient faire perdre son estat. Et quant aux autres, qui ne sont subietz à ce malheur, s'en abstenir du tout, s'il est possible : Sinon, il s'y peut laisser quelque fois couler avec moindre respect. mais pour ce qu'elles ne se peuvent toutes avoir ny entierement garder, à cause que la condition humaine ne le porte pas, il luy est besoin qu'il soit sage iusques là, qu'il sache eviter l'infamie de ces vices qui luy seroient cause de perdre ses estats, & de ceux qui ne luy tolliroient point, qu'il s'engarde encore s'il luy est possible : mais s'il ne peut, il n'y a pas si grand respect ne danger de les laisser passer :



Segment 12
Et ancora non si curi di incorrer' nel'infamia di quelli vitij, senza i quali possa difficilmente salvare lo stato, perche se si considerra ben' tutto, si truoverrà qualche cosa, che parrà virtù, et seguendola sarebbe la rovina sua, et qual'cun altra che parrà vitio, et seguendola ne resulta la sicurtà et il ben' esser' suo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et davantaige fault qu'il ne craigne point d'encourir le blasme de quelques vices sans lesquelz il ne puisse bonnement saulver son estat. Car si l'on regarde de bien près aux affaires mondains l'on trouvera quelques vertuz si très inutiles à ung prince, que s'il se mectoit à les faire, elles seroient indubitablement cause de sa ruyne, et pareillement quelques vices si nécessaires qu'en les suyvant il mectroit aiseement paix, seureté, bon heur et tranquilité en son estat. mesmes qu'il ne se soucie pas d'encourir le blasme de ces vices, sans lequelz il ne peut aisement sauver ses estats. Car si on regarde bien a tout on trouvera des choses qui semblent estre vertu, lesquelles si on pratique ce sera la ruine. Et quelqu'autre qui semble estre vice, mais a la fin la seurete et la commodite en viennent. Et encores ne se tormentera pas beaucoup, d'encourir le bruit d'en estre entaché, si autrement ne pouvoir conserver sa souveraineté. Car si lon considere bien le tout, quelque chose se rencontrera avoir apparence de vertu, et toutefois estant suyvie, sera cause de destruction : et au contraire une autre, qui semblera vice, la pratique de laquelle moyennera l'asseurance et felicité du Prince. mesmement qu'il ne se soucie pas d'encourir le blasme de ces vices, sans lesquelz il ne peut aisement conserver ses estats. Car si l'on regarde bien à tout, on trouvera des choses qui semblent estre vertu, lesquelles si on pratique ce sera la ruine. Et quelque autre qui semble estre vice, mais à la fin la sureté & la commodité en viennent.

 

Chapitre 16.

Titre
Della liberalita et miseria Cap .XVI.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De libéralité & avarice. Chapitre XVI De la liberalité et chicheté Chap. 16. De la liberalité, et chicheté. Chapitre XVI. De la liberalité & bonne epargne. Chap. 16.



Segment 1
Cominciandomi adunche a le prime soprascritte qualità, dico come sarebbe bene esser' tenuto liberale.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour déclairer donc au menu le bien et le mal de toutes les meurs et qualités des hommes, que cy dessus ont esté touchées, je diz, en commencant à la première, qu'il seroit bien bon d'estre estimé liberale, Pour commencer doncques a ces qualitez que i'ay premierement nommees, c'est bien le meilleur d'estre tenu liberal : Commençant donq aux premieres qualitez susdictes, mon opinion est, qu'il seroit bon d'estre estimé liberal. Pour commencer donques à ces qualitez que i'ay premierement nommées, c'est bien le meilleur d'estre tenu liberal :



Segment 2
Nondimanco la liberalità, usata in modo che tù sia temuto, ti offende, perche, se la s' usa virtuosamente et come la si deve usare, la non fia conosciuta et non ti cadrà l'infamia del' suo contrario. Et però, a volersi mantenere infrà li huomini il' nome del' liberale, è necessario non lasciar' indrieto alcuna qualità di suntuosità, talmente che sempre un' Principe così fatto consumerà in simili opere tutte le sue facultà,
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
touteffoys il faut bien noter que telle libéralité le plus souvent tourne à nuysance au prince, si pour user dicelle il se faict craindre ou malvouloir du peuple. Car la libéralité bien usée, comme à la vérité il en fault user, n'est jamais grandement congneue en ung prince : à cause que plusieurs s'en sentiront à la longue et le blasme d'avarice ou de chicheté ne tumbera sur luy. Mais pour maintenir le nom de libéral entre les hommes il convient monstrer toute qualité de magnificence tellement qu'en telles oeuvres, qui doibvent estre estimées grandes et magnificques, ung prince employra tout le revenu de son estat. toutesfois la liberalite emploiee de sorte que tu en sois craint te nuit, si elle est vertueuse et comme on en doit user elle ne sera pas connue, et l'infamie de son contraire ne cherra point sur toy, et pource a se vouloir maintenir entre les hommes le nom de liberal, est bien requis de n'oublier aucune sorte de magnificence. Si bien qu'un Prince de ceste nature consumera en semblables choses tout son bien, Si est ce, que la liberalité exercée en maniere, que lon s'en face craindre plus, qu'on ne doit, est fort dangereuse. Et est besoing, pour en user prudemment, la manier de sorte, qu'elle n'apparoisse, que bien peu par ce seul moyen tu peux evader l'infamie de son contraire. Car un Prince, qui a deliberé maintenir entre les hommes le nom de liberal, il faut necessairement, qu'il n'obmette aucune espece de sumptuosité, si bien que continuant ce train, se voirra incontinent au bout de ses finances, toutefois la liberalité employée de sorte que tu en sois craint, te nuit si elle est vertueuse & comme on en doit user elle ne sera pas connüe, & l'infamie de son contraire ne cherra point sur toy. Pource à se vouloir maintenir entre les hommes le nom de liberal est bien requis a n'oublier aucune sorte de magnificence. Si bien qu'un Prince de cette nature consumera en semblables choses tout son bien



Segment 3
et sarà necessitato a la fine, s' el si vorrà mantenere il nome del' liberale, gravare i Popoli estraordinariamente et esser' fiscale et far' tutte quelle cose che si posson' far' per haver' denari. Il che comincia a farlo odioso con li sudditi, et poco stimar' da ciascuno diventando povero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lequel consumé, pour entretenir ce fumeux tiltre de libéral, il sera contraint de fouller extraordinairement le bon homme par tailles, empruns, et confisquations rigoureuses, et par tous aultres moyens que l'on peult imaginer pour faire deniers. Dont il commencera à estre en partie hay du peuple, pour sa tyrannie, et en partie desprisé, pour sa pauvreté ; et sur la fin il sera contraint s'il se veut maintenir le nom de liberal de grever et fouller son peuple extraordinairement, et chercher les confisquations, et piller ce qui pourra pour recouvrer argent. Ce qui commence a le faire haïr des subiectz, et d'estre en petite estime d'un chacun, puis qu'il devient pauvre. et finablement contraint, pour entretenir cette reputation, fouller excessivement son peuple, et employer tous ces moyens, qui se pratiquent a fin d'accumuler deniers. Ce qui ne tardera gueres à luy acquerir la haine de ses subietz, et le faire peu estimer d'un chacun, le voyant devenu pauvre : & sur la fin sera contraint s'il se veut maintenir le nom de liberal de grever & fouler son peuple extraordinairement & cercher les confiscations & piller ce qui pourra pour recouvrer argent. Ce qui commence a le faire haïr des sujetz & d'estre en peu d'estime de chacun, puis q'il devient poure.



Segment 4
In modo che, havendo con questa sua liberalità offeso molti et premiato i pochi, sente ogni primo disagio et periclità in qualunche primo pericolo. Il che conoscendo lui et volendosene ritrarre, incorre subito ne l' infamia del' misero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
en sorte que pour avoir par telle libéralité offensé plusieurs et recompensé bien peu, il s'en trouvera mal, et tumbera en dangier de ruyner sur la première nécessité ou adversité qui lui adviegne. En sorte qu'aiant avec sa liberalite offense plusieurs, et donne a peu : il sentira le premier dommage et sera en grand branle au premier danger, s'il le congnoist et qu'il s'en veuille retirer, il encourra le bruit d'estre chiche. tellement que faisant tort à beaucoup pour fournir à sa liberalité, et enrichisant bien peu de gens moyennant icelle, sera au danger de voir sa ruyne au premier inconvenient qui adviendra. Et prevoyant cela, si apres il a volonté de s'en retirer, le mauvais bruit de chiche et avare ne luy peut faillir. En sorte qu'ayant avec la liberalité offensé plusieurs & donné a peu : il sentira le premier dommage & sera en grand branle au premier danger, s'il le connoist & qu'il s'en vueille retirer, il encourra le bruit d'estre chiche.



Segment 5
Un' Principe adunche, non potendo usare questa virtù del' liberale, senza suo danno, in modo che la sia conosciuta, deve, s' egli è prudente, non si curar' del' nome del' misero, perche col' tempo sarà tenuto sempre più liberale veggendo che, con la sua parsimonia, le sue intrate li bastano, può difendersi da chì gli fà guerra, può far' imprese senza gravar' i Popoli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy ung prince qui voit ne pouvoir user de la vertu de la libéralité, sans son évident dommage, en sorte qu'elle soit congneue et magnifiée, s'il veult saigement se gouverner ne se doibt pas beaucoup se soucyer d'estre estimé chiche, pource qu'avec le temps il sera trouvé en effect libéral plus qu'il ne monstre, si le monde commence à congnoistre que par sa grande espargne, il se contente de ses rentes à s'entretenir, et a de quoy se défendre contre ses ennemyz et de quoy fournir à toutes ses entreprinses, sans fouller son peuple. Un Prince donc ne pouvant user de ceste vertu d'estre liberal, tellement qu'elle soit connue sans son dommage, doit, s'il est sage, ne se soucier point beaucoup du nom de chiche, car avecques le temps il en sera plus estime liberal voiant que par son espargne son revenu luy suffist. Il se peut deffendre de qui luy faict guerre, il peut faire entreprises sans grever son peuple, Un Prince doncq ne se pouvant accoustrer de la liberalité sans son dommage, pour la vouloir rendre trop evidente, il ne se doit grandement soucier, s'il est sage, que lon l'estime chiche, et petit donneur : parce qu'avecques le temps on le tiendra tousiours pour assez liberal, voyant que sa petite despence le fait contenter de son revenu, et qu'il se peut defendre de celuy qui l'assaut, et faire entreprises, sans charger son peuple de subsides. Tout Prince donc ne pouvant user de cette vertu de liberalité, tellement qu'elle soit connue sans son dommage, doibt s'il est prudent, ne se soucier gueres du nom de chiche, car avecques le temps il en sera plus estimé liberal voyant que par son espargne son revenu luy suffit. Il se peut defendre de qui luy fait guerre, il peut faire entreprinses sans grever son peuple,



Segment 6
Talmente che viene a usar' la liberalità a tutti quelli a chi non toglie, che sono infiniti, et miseria a tutti coloro a chi non da, che sonno pochi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tellement qu'on le jugera humain et libéral envers ceux qu'il ne pille, qui sont infiniz, et sera tenu chiche de ceulx ausquelz il ne donne qui sont en petit nombre. tellement qu'il use de sa liberalite vers tous ceux ausquelz il n'oste point, qui sont infinis : mais la chichete devers tous ceux auquelz il ne donne point, qui sont peu. Et en ce faisant il use de liberalité envers tous ceux, qu'il n'exige point, dont le nombre est infiny, et semble avare seullement a un tas de mignons de court, qui n'enrichissent point de ses presens : lesquelz ne sont qu'une petite trouppe de courtisans. tellement qu'il use de sa liberalité envers tous ceux ausquelz il n'oste point, qui sont infinis : mais la chicheté devers tous ceux ausquelz il ne donne point, qui sont peu.



Segment 7
nostri tempi noi non habian' visto far' gran' cose se non a quelli che son' stati tenuti miseri, gli altri esser' spenti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
En nostre temps nous n'avons veu faire grandes entreprinses sinon à ceulx que le monde blasmoit comme chiches, et ruyner ceulx que l'on estimoit libéraux. De nostre temps nous n'avons pas veu faire grans choses sinon que a ceux lesquelz on estimoit chiches, tous les autres ont este ruinez. Nous n'avons point veu de nostre temps faire grandes choses, sinon à ceux, qui ont esté reputez chiches : tous les autres sont venuz à neant. De nostre temps nous n'avons pas veu faire grans choses sinon qu'a ceux lesquelz on estimoit chiches, tous les autres ont esté ruinez.



Segment 8
Papa Iulio Secondo, come si fù servito del' nome di liberale per aggiogner' al' Papato, non pensò poi a mantenerselo, per poter' far' guerra
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pape Jule II quand il eust assez bien faict son prouffict du nom de libéral et magnificque, pour parvenir à la papaulté, ne le voulut en après maintenir, et tourna la chanse faisant du chiche et scarse, pour avoir de quoy faire la guerre Pape Iules II. apres qu'il se fust servi du nom de liberal pour parvenir a la Papaute, il ne se soucia pas apres grandement de le maintenir, pour avoir le moyen de faire la guerre Apres que Pape Iulle second eut fait, pour monter à la papauté, son profit de non liberal, il en abbandonna depuis le mestier, a fin de pouvoir mener la guerre Pape Iules. II. apres qu'il se fust servy du nom de liberal pour parvenir a la Papauté, ne se soucia pas aprez grandement de le maintenir, pour avoir le moyen de faire la guerre



Segment 9
al' Re di Francia; et ha fatto tante guerre senza porre un' datio estraordinario, perche alle superflue spese ha sumministrato la lunga sua parsimonia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
au roy de France. Et à la vérité c'est grand merveille comment il a sçeu maintenir la guerre si longuement sans mectre une taille extraordinaire sur les peuples, mais sa longue espargne et bon ordre à filer menu, fournissoit aux despenses extraordinaires. au Roy de France. Et a mene plusieurs guerres sans mettre une imposition extraordinaire. Car les despences superflues il a fournies de son espargne qu'il faisoit de longue main. au Roy de France : et entretint toutes celles qu'il feit sans imposer iamais tribut extraordinaire sur ses païs, fournissant par sa longue parsimonie a ses innumerables depenses. au Roy de France. Et a mené plusieurs guerres sans mettre une imposition extrordinaire. Car les despences superflues il a fournies de l'espargne que il faisoit de longue main.



Segment 10
Il Re di Spagna presente se fusse tenuto liberale, non harebbe fatto ne vinto tante imprese.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le roy d'Hespaigne, qui est à présent, jamais ne fust venu au dessus de tant d'entreprinses, s'il eust voulu estre estimé libéral et somptueux. Le roy d'Espaigne qui est a present s'il eust este estime liberal, il n'auroit pas tant faict, et ne seroit pas venu au bout de ses entreprises : Si le Roy d'Espagne, qui est a present, eust affecté d'estre estimé liberal, il ne fust si heureusement venu au dessus de tant d'entreprises. Le Roy d'Espaigne qui est a present s'il eust esté tousiours liberal, il n'auroit pas tant fait, & ne seroit pas venu au bout de ses entreprises :



Segment 11
Per tanto un' Principe deve stimar' poco, per non haver' a rubar' i sudditi, per poter' difendersi, per non diventar' povero, et contennendo, per non esser' forzato diventar' rapace, d'incorrere nel' nome di misero, perche questo è un' di quelli vitij che lo fanno regnare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Partant ung prince doibt tenir de peu de compte si l'on l'estime chiche ou avare, à celle fin qu'il n'aye occasion de désrober ses subjectz, et se puisse soustenir des ses rentes, et ne devienne pauvre et vil, et soit contrainct de devenire tyrant. Car à la vérité, chicheté est ung petit vice, et qui ne luy donne ne luy oste l'estat. pourtant un Prince pour n'avoir point d'occasion de piller ses subiectz, pour avoir moyen de se deffendre, pour ne devenir point pauvre et meprise, pour n'estre point contraint de ravir et forcer, il doit faire peu de cas d'estre appelle chiche, car c'est un de ces vices qui le font regner. Parquoy un Prince doit faire peu de compte, s'il a le bruit de mecanique (pourveu qu'a l'occasion de ce il se passe de ne manger point ses subietz, et puisse resister à ses ennemis, se gardant de tomber en pauvreté, et mesprisance de chacun, et devenir ravisseur des biens d'autruy) parautant que c'est l'un des vices le plus sortable pour le faire regner. pourtant un Prince pour n'avoir point d'occasion de piller ses subjetz, pour avoir moyen de se defendre, pour ne devenir point poure & mesprisé, pour n'estre point contraint de ravir & forcer, il doibt faire peu de cas d'estre appellé chiche, ou echars, car c'est un des vices qui le font regner.



Segment 12
et se alcun' dicesse: Cesare con la liberalità pervenne al' Imperio, et molti altri, per esser' stati et esser' tenuti liberali, son' venuti a gradi grandissimi ;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'on me pourroit alléguer au contraire que César par sa grande libéralité parvint à l'empire, et que plusieurs autres pour avoir esté de faict et de nom libéraux, ont acquis tresgrandz estatz. Et si quelcun disoit que Iules Cæsar par sa liberalite est parvenu a l'Empire, et plusieurs autres pour avoir este de faict et en l'estime de magnifiques sont montez a tresgrans estatz. Et si lon me disoit, que Cesar se prepara le chemin à l'empire par la liberalité, et que plusieurs autres ayant fait le semblable, sont parvenus aux souveraines dignitez. Et si quelqu'un disoit que Iules Cesar par sa liberalité est parvenu à l'Empire & plusieurs autres par avoir esté de fait & d'estime magnifiques sont montez à tres-grans estatz.



Segment 13
rispondo o tù se Principe fatto o tù sè in via di acquistarlo. Nel' primo caso questa liberalità è dannosa; nel' secondo è ben necessario esser' tenuto liberale; et Cesar' era un' di quelli che voleva pervenire al' Principato di Roma. Ma se, poi che vi fù venuto, fusse sopravissuto et non si fusse temperato da quelle spese, harebbe distrutto quello Imperio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Aquoy je respondz, qu'à ceulx qui sont princes faictz, et en possession de leur estat ceste libéralité est dommageable, mais à ceulx qui sont en voye pour le devenir et se veulent faire grandz, il est nécessaire d'estre estimez libéraux, pour mieulx acquérir la faveur des hommes. Or est il vray que César vouloit en toutes sortes se faire empereur de Rome, et pour ceste cause il estoit libéral, mais si après qu'il se fut saisy de l'empire il n'eust modéré ces grandez somptuositez, et qu'il eust survécu, certainement il eust consumé et destruict toute la puissance de son estat. Ie respon ou que tu es Prince desia tout faict, ou que tu es en chemin pour le devenir : Au premier cas ceste liberalite ne vaut rien : Au second il est besoing d'estre estime liberal. Cæsar donc estoit un de ceux la qui vouloient parvenir a la Principaute de Romme : mais si apres estre parvenu il eust survescu long temps, et ne se fusse point retire de ces grandes depences, il eust destruit cet empire. Ie distingueray en cela ou que tu es Prince desia fait, ou à faire. Au premier cas, la liberalité n'est pas profitable : au second si Cesar pretendoit a se faire Empereur de Rome : mais s'il eust vescu longuement en ce degré, continuant ceste excessive largesse, qui doute que la monarchie ne fust finablement par luy consumée, et destruitte ? Ie respon ou que tu es Prince desia tout fait, ou que tu es en chemin pour le devenir : Au premier cas cette liberalité ne vaut rien : au second il est besoin d'estre estimé liberal. Cesar donc estoit un de ceux qui vouloyent parvenir à la Principauté de Romme : mais si aprez estre parvenu il eust survecu long temps, & ne se fust point retiré de ces grandes despences, il eust destruit l'Empire.



Segment 14
Et se alcun' replicasse: molti sono stati Principi et con gli eserciti han' fatto gran' cose, che son' stati tenuti liberalissimi; ti rispondo: o il Principe spende del' suo et de suoi sudditi, o di quel' d'altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'on pourroit encore réplicquer que plusieurs estant princes, ont faict merveilles avec leurs armées, seulement pource qu'ilz estoient estimez libéraux, et par cela inférer que la libéralité soit prouffitable. Si on me replique que beaucoup de Princes ont faict grandes choses au faict de la guerre qui furent estimez tresmagnifiques, ie respondray que le Prince depend ou du sien et de celuy de ses subietz, ou de l'autruy. Et a ce qu'on me pourroit repliquer, que plusieurs ont esté Princes, et executé merveilleux gestes au fait de la guerre, nonobstant qu'ilz fussent grandissimes despensiers : Ie feray responce que le Prince depend du sien et de ce qu'il leue de son peuple, ou de l'autruy. Si l'on me replique que beaucoup de Princes ont fait de grandes choses au fait de la guerre qui furent estimez tres-magnifiques, ie respondray que le Prince despend ou le sien & celuy de ses sujetz ou l'autruy.



Segment 15
Nel' primo caso deve esser' parco ; nel' secondo, non deve lassar' indrieto parte alcuna di liberalità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceste question se peult souldre ansy : que le prince doibt estre chiche à despendre du sien et des biens de ses subjects, mais à despendre et donner les biens des ennemyz, il doibt estre libéral et magnificque. Au premier cas, il doit estre chiche. Au second point, il ne doit rien oublier de magnificence a faire. Quant à l'un, il en doit estre chiche, et mesnager : au regard de l'autre, luy convient le dependre avecques toute profusion, et liberalité. Au premier cas, il doibt estre chiche, au second point, il ne doibt rien oublier de la magnificence.



Segment 16
Et quel' Principe che va con gli eserciti, che si pasce di prede, di sacchi et de taglie, et maneggia quel' d' altri, gli è necessaria questa liberalità, altrimenti non sarebbe seguito da soldati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car le prince qui marche par pays avec son ost et s'entretient de proyes, tailles, rançons, saccagements et aultres droictz de guerre, manye le bien daultruy et se doibt faire aymer et priser des souldardz par magnificence pour avoir la suyte diceulx. Comme ce Prince la qui conduict un camp qui se paist de pillage, de sacs de ville, de rançons, et iouit du bien d'autruy, ceste liberalite luy sert beaucoup, autrement il ne seroit pas suyvi des soldars. Car celuy qui mene tousiours armée, ne l'entretenant que de saccagemens, butins et rançonnemens, disposant par ce moyen du bien de son voisin, il faut necessairement qu'il exerce la liberalité : autrement ses soudars ne le suivroient pas : Comme le Prince qui conduit un camp qui se paist de pillage, de sacs de villes, de rançons, & iouït du bien d'autruy, cette liberalité luy sert beaucoup, autrement il ne seroit pas suyvy des soldars.



Segment 17
Et di quello che non è tuo o de tuoi sudditi si può esser' più largo donatore, come fù Ciro, Cesare et Alessandro, perche lo spender' quel' d'altri non toglie reputatione, ma te ne aggiugne; solamente lo spender' il tuo è quello che ti nuoce.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et comme l'on dict en commung proverbe, du cuyr daultruy large courroye, la despense du bien daultruy donne plus de réputation au prince et luy augmente la puissance, comme il advint à Cyrus, César et Alexandre, mais la despense du bien propre est dommageable. Car de ce qui n'est pas a toy ou a tes soldars tu en peus faire large courroie, comme a faict Cyre, Cæsar, et Alexandre. Car de prendre de l'autruy, ne t'oste pas la bonne renommee, ains t'en faict de nouvelle. et peut bien estre prodigue donneur de ce qui ne vient du sien, ne de ses subietz : tout ainsi que feit Cyrus, Cesar, et Alexandre : et parce que la despence de l'autruy accroist plus tost ta reputation, qu'elle ne la diminue. Car de ce qui n'est pas à toy ou à tes soldars tu en peus faire large courroie, comme a faict Cyre, Cesar, & Alexandre. Car de prendre de l'autruy, ne t'oste pas la bonne renommée, ains t'en cause de nouvelle.



Segment 18
Et non c'è cosa che consumi se stessa quanto la liberalità, la qual', mentre che tù l'usi, perdi la facultà d' usarla et diventi o povero o contennendo o, per fuggir' la povertà, rapace et odioso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car il n'y a au monde chose qui se consume plus de soy mesme que la libéralité, et d'autant plus qu'ung homme en use, d'autant plus en luy se diminue la puissance d'en pouvoir user, et devient ou pauvre, ou vil et meschaincque, ou bien, pensant fuyr la pauvreté devient pillart et tyrant, et conséquemment hay du peuple. Il n'y a que dependre du tien qui te nuise n'y aiant chose au monde qui se consume elle mesmes, tant que la liberalite. Laquelle pendant que tu emploies, tu pers le moyen d'en plus user, et deviens ou pauvre ou contemne, ou pour fuir la pauvrete tu commences d'estre pillart et hay. Et n'y a seullement que la prodigalité du tien, qui te soit nuisible. Il ne se voit chose, qui se consume tant de soymesmes, que la largesse, laquelle ainsi qu'on la pratique, perd les moyens d'estre pratiquée : et ce pendant tu deviens pauvre, et moqué : ou bien pour fuir la pauvreté, tu te rens pilleur, et consequemment malvoulu. Il n'y a que despendre du tien qui te nuise n'y ayant chose au monde qui se consume elle-mesmes, tant que la liberalité. Laquelle pendant que tu employes, tu pers le moyen d'en plus user, & deviens ou poure ou contemné, ou pour fuir la poureté tu commences a estre pillart & hay.



Segment 19
Et intra tutte le cose da che un' Principe si debbe guardare è l' esser' contenendo et odioso, et la liberalità a l'una et l'altra di queste cose ti conduci.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sur toutes les choses du monde ung prince se doibt garder de la malveillance et de la désestimation du peuple, ausquelles deux malheuretez la libéralité seule le conduict. Or sur toutes les choses desquelles un Prince se doit bien garder c'est d'estre hay et deprise, et la liberalite conduict a ces deux points. Certainement ce sont les deux pointz ou le Prince se doit le plus garder de choir, que d'estre mesprisé, et haï : ausquelz la liberalité ne peut faillir de te conduire. Or sur toutes les choses desquelles le Prince se doit bien garder c'est d'estre hay & desprisé, & la liberalité l'a conduit à ces deux points.



Segment 20
Per tanto è più sapientia tenersi il nome di misero, che partorisce una infamia senza odio, che, per voler' il nome di liberale, incorrer' per necessità nel' nome di rapace, che partorisce una infamia con odio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy c'est bien plus saigement faict de se laisser appeler chiche qui engendre un petit diffame sans hayne du peuple, que pour convoitise d'estre estimé libéral devenir pillard et cruel, qui engendre diffame de tyrannie conjoincte avec la hayne et malveillance du peuple. Parainsi c'est plus sagement avise d'estre appelle chiche qui t'engendre une petite infamie, sans hayne, que pour vouloir maintenir le nom de liberal, encourir necessairement celuy de pillart, qui te causera une hayne et infamie. A ceste cause il vaut beaucoup mieux avoir le bruit de mechanique, qui est un deshonneur sans malveillance, que pour affecter le nom de liberal, encourir par necessité la reputation de pillard, ce qui engendre un deshonneur accompagné de malveillance. Parainsi c'est plus sagement avisé d'endurer le nom de chiche (qui t'engendre une legere note sans hayne) que pour vouloir maintenir le nom de liberal, encourir necessairement celuy de pillart, qui te causera une hayne & infamie.

 

Chapitre 17.

Titre
Della crudelta et clementia et se gli è meglio esser' amato o temuto Cap .XVII.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
De la cruauté & clémence, et s'il vault mieux avoir l'amour que la crainte de ses subiectz. Chapitre XVII De la cruaulté et misericorde, et s'il vaut mieux estre aimé que craint Chap. 17. De la cruauté, et clemence, et qui est le meilleur d'estre aymé, ou craint. Chapitre XVII. De la cruaute & clemance, & quel est le meilleur d'estre aymé ou craint. Chap. 17.



Segment 1
Descendendo appresso a l'altre qualità preallegate, dico che ciascuno Principe deve desiderar' d' esser' pietoso tenuto et non crudele. Nondimanco, deve advertir' di non usar' male questa pietà.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il est certain et hors de contention, que tous les princes doibvent désirer la louenge de pitié et clémence, plustost que le blasme de cruaulté. Touteffoys l'on doibt bien prendre garde que celle clémence ne soit mal usée, et qu'elle ne cedonde à plus grand diffame. Descendant aux autres qualitez dessus nommees ie di que chasque Prince doit grandement souhayter d'estre tenu pitoyable et non pas cruel : neantmoins il se doit bien prendre garde de n'appliquer point mal ceste misericorde. Descendant par le menu aux autres qualitez cy dessus mentionnées, ie dy que le Prince se doit faire sus toute choses estimer pitoyable, et non cruel : ce neantmoins il aura esgard a n'user mal a propos de ceste pitié. Descendant aux autres qualitez dessus nommées ie dy que tout Prince doit grandement souhayter d'estre tenu pitoyable non pas cruel : neantmoins il se doibt bien prendre garde de n'appliquer mal cette misericorde.



Segment 2
Era tenuto Cesare Borgia crudele, nondimanco quella sua crudeltà haveva racconcia la Romagna, unitola, ridottola in pace et in fede.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
César Borgia estoit estimé cruel, touteffoys l'on a congneu par expérience que sa rigorosité, qui estoit appelée cruaulté, avoit esté la principalle cause de pacifier et réünir la Romaigne, et de la reduyre en paix et obéyssance. Cæsar Borge fut estime cruel, et toutesfois sa cruaute a redresse toute la Romaigne, l'a unie et reduitte en paix, et fidelite. Cesar Borgia estoit reputé cruel, toutesfois sa cruauté remit en ordre, reünit, et reduisit le païs de la Romaigne. Cesar Borge fut estimé cruel : toutefois sa cruauté a redroissé toute la Romagne, l'a unie & reduitte en paix & fidelité.



Segment 3
Il che, se si considerrà bene, si vedrà quello esser' stato molto più pietoso che il Popol' Fiorentino, qual', per fuggir' il nome di crudele, lasciò distrugger' Pistoia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Laquelle chose bien considerée fera juger à ung chacun qu'il fut beaucoup plus pitoyable et humain en effect, que le peuple florentin, lequel pour estre estimé pitoyable en fumee, et n'encourir le blasme de cruaulté, laissa mettre Pistoye en ruyne et désolation. Ce que bien considere il se trouverra estre beaucoup plus pitoiable que non pas le peuple Florentin qui pour eviter le nom de cruaute laissa destruire Pistoie. Et si lon considere bien cecy, on le trouvera beaucoup plus piteux, que ne furent les Florentins : lesquelz pour n'oser apparoistre cruelz, laisserent destruire la ville de Pistoie. Ce qui bien consideré il se trouvera estre beaucoup plus pitoyable que le peuple Florentin qui pour eviter le nom de cruauté laissa destruire Pistoie.



Segment 4
Deve pertanto un' Principe non si curar' de l'infamia di crudele per tener' i sudditi suoi uniti et in fede. Perche con pochissimi essempi sarà più pietoso che quelli li quali per troppa pietà lasciono seguir' i disordini, onde naschino occisioni o rapine, perche queste sogliono offendere una università intiera, et quelle esecutioni che vengono dal' Principe offendono un' particular'.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ung prince donc ne se doibt pas grandement soucyer de ceste vaine gloire de pitié, ny d'estre pour peu de temps diffamé pour cruel, affin que par sa sévérité il tienne ses subjectz en union et obéyssance, pource que par le chastiement de peu, faict avec quelque griefve punition, on le verra estre en effect plus pitoyable, que ceux qui par trop grande pitié envers les maulvais, laissent naistre les séditions et désastres dont les occisions, ravissementz, pilleries, et larcins proviennent. Entre lesquelles choses il y a bien grande différence, pource que ces choses icy ont accoustumé d'offenser et endommager toute la communauté, mais les exécutions provenantes du prince ne touchent jamais qu'ung homme particulier. Un Prince donc ne se doit point soucier de la renommee de la cruaute pour tenir tous ses subiectz en union et obeissance. Car avec bien peu de graces et misericordes tu seras estime plus clement que ceux qui pour estre trop misericordieux et doulx laissent ensuyvre desordres et debaux, desquelz naissent meurdres, et rapines, qui font mal entierement a tous : mais les punitions que faict le Prince ne nuisent sinon qu'a un particulier. Parquoy le Prince ne se donnera pas grand soucy de se voir tenir pour tel, mais que par ce moyen il entretienne son peuple en fidelle union et obeïssance. Car usant seullement de cinq ou six exemples de cruelle rigueur ou il sera necessaire, ne lairra pour cela d'estre iugé autant, ou plus piteux, que ceux, lesquelz par leur pitié malmesurée, souffent pululler mille abus en leurs terres, qui donnent matiere a infinis meutres, et volleries, dont toute une patrie est interessée : et les executions rigoureuses d'un Prince ne viennent qu'a l'interest de quelques particuliers. Le Prince donc ne se doibt point soucier de la renommée de la cruauté pour tenir tous ses sujetz en union & obeissance. Car avec bien peu de graces & misericordes il sera reputé plus clement que ceux qui par estre trop misericordieux & doux laissent ensuivre des desordres & esclandres desquelz naissent meurdres & rapines, qui font mal entierement à tous : mais les punitions que fait le Prince ne nuisent sinon qu'a un particulier.



Segment 5
Et infra tutti e Principi al Principe nuovo è impossibile fuggir' il nome di crudele per esser' li stati nuovi pieni di pericoli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or est il ainsy qu'à tous princes il est difficile, mais au nouveau prince il est totallement impossible, d'éviter le renom de cruel, à cause que les nouveaux estatz sont remplyz de grandz dangiers et révoltemens. Entre autres a un Prince nouveau il est impossible d'eviter le nom de cruel, pource que les nouveaux estatz sont fort perilleux. Mesmement le Prince nouveau, entre tous les autres, ne peut fuir le nom de cruel, parce que les nouveaux estatz sont subietz à tant d'inconveniens, Entre autres au Prince nouveau est impossible d'eviter le nom de cruel, parce que les nouveaux estatz sont fort perilleux.



Segment 6
Onde Virgilio per la bocca di Didone escusa le inhumanità del' suo Regno, per essere quel' nuovo, dicendo: « Res dura, et Regni novitas me talia cogunt, Moliri, et late fines custode tueri ».
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
À raison dequoy Vergille par la bouche de Dido, excuse l'inhumanité de son royaulme nouvellement fondé en disant à Jhoneus : Res dura et regni novitas me talia cogunt Moliri et late fines custode tueri Comme s'il eust voulu dire : Mon nouveau règne et affaires urgens Ce que tu vois m'ont contraincte entreprendre Et par ma terre en armes tenir gens Pour mon passaige et entrée défendre Et de la Virgile par la bouche de Didon excuse la cruaute dont elle usoit en son roiaume, d'autant qu'il estoit nouveau, disant, Le dure besoing ioint a la nouveaute Du regne mien me contraint d'entreprendre Garnir de gens au large tout coste De mon païs, pour la marche deffendre. que Virgile à ce propos excuse par la bouche de Dido l'inhumanité de son Royaume, pour estre freschement estably, en disant : Res dura, et regni novitas me talia cogunt Moliri, et laré fines custode tueri. L'aversité, et mon regne frais né Font, qu'ainsi pres à mon fait ie regarde, Et que ie tien puissante et sevre garde Autour des fins de ce peuple estonné. Et de la Virgile par la bouche de Didon excuse la cruauté dont elle usoit en son royaume, d'autant qu'il estoit nouveau, disant, Le dur estat ou mes affaires sont Et de mon regne aussi la nouveauté Telz cas cruelz ores faire me font Et garnisons mettre de tout costé.



Segment 7
Nondimeno deve esser' grave al' creder' et al' moversi, ne si deve far' paura da se stesso, et proceder' in modo temperato con prudentia et humanità, che la troppa confidentia non lo faccia incauto et la troppa diffidentia non lo renda intollerabile.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Touteffoys il ne doibt point estre légier, ains grave et posé à croyre ce qu'on lui diroit, et tardif à s'esmouvoir, et sur tout qu'il ne s'estonne soy mesme en aucune chose, ains doibt procéder en température de la prudence meslée avec l'humanité, en sorte que trop de confiance ne le face décepvable, et trop de deffiance ne le rende insupportable Toutesfois il ne doit pas croire de leger ny se colerer si tost n'y s'efaroucher soi mesme, ains s'y porter d'une maniere attrempee, avec sagesse et humanite de peur que trop de confiance ne le face mal songneux, et trop de defiance ne le rende insupportable. Ce néantmoins il ne se doit addonner à croire, et s'esmouvoir legerement, ne se faisé peur de son ombre sans apparence, et proceder avec une telle temperation de prudence, et humanité, que la trop grande confiance ne l'endorme point, et la defiance excessive ne le rende intollerable. Toutefois il ne doibt pas croire de leger ne se colerer si tost ne s'efaroucher soymesme : ains s'y porter d'une maniere attrempée avec sagesse & humanité de paour que trop de confiance ne le fasse mal-songneux & trop de de fiance ne le rende insuportable.



Segment 8
Nasce da questo una disputa, se gli è meglio esser' amato che temuto o temuto che amato,
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Sur ceste matière l'on faict communément une question, à sçavoir si pour se maintenir en estat il vault mieulx estre aymé que craint et redoubté des subjectz, ou s'il vault mieulx se faire craindre que de se faire aymer. La dessus on pourroit faire une question s'il est meilleur d'estre aime ou craint, ou au contraire. De cecy naist une commune dispute, à sçavoir s'il vaut mieux estre aimé, que craint, ou l'un, que l'autre. La dessus on pourroit faire une question s'il est meilleur d'estre aymé ou craint, ou au contraire.



Segment 9
Respondesi che si vorrebbe essere l'uno et l'altro, ma perche gli è difficile che gli stiano insieme, è molto più securo l'esser' temuto che amato, quando s' habbi a mancar' de l'un' de doi.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Aquoy l'on pourroit respondre que l'on doibt désirer tous les deux, et qu'ung prince soit pareillement aymé et redoubté. Touteffois pource qu'il est impossible qu'ung homme soit tous les deux ensemble, il est beaucoup plus seur d'estre craint que d'estre aimé, s'il falloit estre privé de l'ung des deux. Ie respons qu'il fauldroit estre et l'un et l'autre : Mais pource qu'il est bien difficile qu'il soient ensemble, il est beaucoup plus seur de se faire craindre, que non pas aimer, s'il faut qu'il n'y ait seulement que l'un des deux. Ie respondray, que c'est beaucoup le meilleur d'avoir les deux ensemble, qui peut : mais estant chose fort difficile d'embrasser le tout, c'est bien le plus asseuré d'estre craint, qu'aymé : puis qu'il te faut manquer de l'un des deux. Ie responds qu'il faudroit estre & l'un & l'autre : Mais pource qu'il est bien difficile qu'ilz soyent ensemble, il est beaucoup plus seur de se faire craindre, qu'aymer, s'il faut qu'il n'y ait seulement que l'un des deux.



Segment 10
Perche de gli huomini si può dir' questo generalmente, che sieno ingrati, volubili, simulatori, fuggittori de pericoli, cupidi di guadagno, et mentre fai lor' bene son' tutti tuoi, ti offeriscono il sangue, la robba, la vita, et i figli, come di sopra dissi, quando il bisogno è discosto, ma quando ti s' appressa, si rivoltano. E quel' Principe che' si è tutto fondato in su le parole loro, truovandosi nudo d' altri preparamenti, rovina.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La principalle cause qui m'esmeut à dire ainsy est que l'on peult générallement dire cecy des hommes, qu'ilz sont tous ingratz, variables, dissimulateurs, fuyartz des dangiers, convoiteux de gaigner, promptz à servir, quand le seigneur leur faict du bien, ilz sont tous siens, ilz offrent le sang, les biens, la vie et les enfans à son commandement quand le dangier et la nécessité est loing, mais aussi tost qu'ilz voyent le dangier estre près d'eulx, ilz se révoltent incontinent. Tellement que si ung prince n'est fondé que sur leurs parolles et promesses, se trouvant nud et dépourveu d'autres préparations pour sa seureté sur le champ tumbe en ruyne. Car on peut dire generalement une chose de tous les hommes, qu'ilz sont ingratz, changeurs, deguiseurs, feignant le danger, desirans de gaigner, ausquelz ce pendant que tu fais du bien ilz sont tous a toy, ilz t'offrent le sang et les biens, la vie et les enfans, comme i'ay dessus dict, quand il n'en est pas besoing, mais quand l'affaire presse ilz se revoltent. Donc le Prince se ruine qui se fonde seulement sur leur parolle, se trouvant tout nud des autres appareilz. La raison y est, parce que les hommes sont en general plains d'ingratitude, variables, similateurs, fuyans les dangers, et cupides de gain. Et tant qu'ilz profiteront avecque toy, tu les tiendras en ta manche : te faisans offre de leur sang, leurs biens, leur vie, leurs enfans, selon que i'ay dit cy dessus, lors qu'il n'en est point de besoin. Mais quand l'affaire s'approche, tu les voirras incontinent tourner leur robe à l'envers, si bien que le Prince qui s'arreste sur leurs parolles, sans se preparer d'autre renfort, tombera du premier coup en ruyne : Car on peut dire generalement une chose de tous les hommes, qu'ilz sont ingratz, changeurs, deguiseurs, feignans le danger, desireux de gaigner : ausquelz ce pendant que tu fais du bien ilz sont tous à toy, ilz t'offrent le sang & les biens, la vie & les enfans (comme i'ay dessus dit) quand il n'en est pas besoin, mais quand l'affaire presse ilz se revoltent. Donc le Prince se ruine qui se fonde seulement sur leur parolle, se trouvant tout denué d'autres appareilz.



Segment 11
Perche l' amicitie che s'acquistan' col' prezo, et non con grandeza et nobilità d' animo, si meritano, ma le non s' hanno, et a tempi non si possono spendere. Et gli huomini hanno men' rispetto d'offender' uno che si facci amare, che un' che si facci temere. Perche l'amor' è tenuto da un' vinculo d' obligo, il qual', per esser' li huomini tristi, da ogni occasione di propria utilità è rotto. Ma il timor' è tenuto da una paura di pena che non abbandona mai.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car les amitiéz qui s'acquièrent par argent et non par grandeur et noblesse de cueur, sont de bon gaing, mais de mauvaise garde, et ne les peut on employer au besoing. Il y a ce dangier davantaige, que communément les hommes ont moins d'esgard d'offenser ung prince qui se face aimer, qu'ung qui se face craindre. Car l'amour est seulement retenue par ung lyen d'obligation que l'on rompt incontinent que l'on trouve quelque petite occasion du prouffict privé, et en ce n'y a jamais faulte, pource que les hommes sont par ordinaire meschans. Mais la crainte est retenue par une pæur de punition que jamais n'abandonne l'homme. Car les amitiez qui s'acquierent avec argent, et non par avoir le cœur noble et hautain, elles se meritent bien, mais on ne les tient pas, et au besoing on ne les peut emploier : d'autant que les hommes n'ont pas si grand respect d'offencer un homme qui se face aimer qu'un autre qui se face craindre : car l'amitie est tenue par un lien d'obligations lequel (d'autant que les hommes sont meschants) la ou l'occasion s'offrira de proffit particulier il est rompu. Mais la crainte est tenue d'une peur de peine, qui ne faut iamais. parce que les amitiez, que lon a gagnées avec de l'argent, et non par la grandeur, et noblesse de courage, sont bien meritées, et achaptées mais elles ne se peuvent garder, ny emploier a la necessité. D'advantage les hommes font moindre cas d'offenser celuy qui se fait aimer, qu'un autre, de qui on a crainte. Car l'amitié ne tient qu'à un lieu d'obligation, lequel pour la mauvaitié des hommes est rompu à la premiere occasion, qui s'offre, de faire son particulier profit en te nuysant. Mais la crainte est fondée sur une peur de punition, laquelle n'abandonne iamais. Car les amitiez qui s'acquierent avec argent & non par cueur noble & hautain, elles se meritent bien, mais on ne les tient pas, & au besoin on ne les peut employer : d'autant que les hommes n'ont pas si grand respect a offencer un homme qui se fasse aymer qu'un autre qui se fasse redouter : car l'amitié est tenue par un lien d'obligations lequel (d'autant que les hommes sont meschans) la ou l'occasion s'offrira de proufit particulier il est rompu. Mais la crainte est tenue d'une paour de peine, qui ne faut iamais.



Segment 12
Deve nondimeno il Principe farsi temer' in modo che, se non acquista l'amor' e fugga l'odio, perche può molto ben' star' insieme esser' temuto et non odiato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Si fault il que le prince preigne garde à ne se porter trop asprement pour se faire craindre, et que s'il n'acquiert l'amour, à tout le moins qu'il fuye la malveillance des hommes. Et si ne fault penser que ce soient deux choses incompatibles l'estre craint et non hay. Neantmoins le Prince se doit faire craindre en sorte que s'il n'aquiert point l'amitie, pour le moins qu'il fuie l'inimitie : car il peut bien avoir tous les deux ensemble, d'estre craint, et n'estre point hay, Toutesfois le Prince se doit faire craindre en mode, que s'il n'acquiert l'amour, pour le moins il evite la haine : estans choses qui se peuvent mout bien compatir ensemble, que d'estre craint, et non haï. Neantmoins le Prince se doibt faire craindre en sorte que s'il n'aquiert point l'amitié, pour le moins qu'il fuye l'inimitié : car il peut bien avoir tous les deux ensemble, d'estre craint & n'estre point hay :



Segment 13
Il che farà sempre che s' astenga da la robba de suoi Cittadini et de suoi sudditi et da le donne loro, et quando pure gli bisognasse proceder' contro al' sangue di qualcuno, farlo quando vi sia giustification' conveniente et causa manifesta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car cela peut advenir toutes foys et quantes qu'il ne touchera aux biens de ses citoyens et subjects, ny à leurs femmes. Et quand ores il fauldroit procéder par exécution contre le sang de quelcun, qu'il le feist avec convenable justification et à juste cause qui fust notoyre. Et sur tout qu'il s'abstienne des biens daultruy. ce qui aviendra tousiours s'il se garde de prendre les biens et richesses de ses citoyens et subiectz, et leur femmes. Et quand bien il seroit force de proceder contre le sang de quelcun, ne le faire point sans l'ouir en ses iustifications convenables, ny sans forme de procez : mais sur toutes choses s'abstenir du bien d'autruy, Ce qu'il fera tousiours aisément, ne touchant point aux biens, ny aux femmes de ses citoyens, et subietz. Et quand encores il luy feroit necessaire poursuivre la mort de quelqu'un faudroit attendre la commodité de quelque iuste couleur, et cause manifeste, pourveu que ce faisant il s'abstienne de la confiscation : ce qui aviendra tousiours s'il s'abstient de prendre les biens & richesses de ses citoyens & sujetz & leurs femmes. Et quand bien il seroit forcé de proceder contre le sang de quelqu'un, ne le faire point sans l'ouïr en ses iustifications convenables, ne sans forme & figure de procez :



Segment 14
Ma sopra tutto astenersi da la robba d' altri, perche gli huomini dimenticano più presto la morte del' padre che la perdita del' patrimonio; di poi le cagion' del' tòr' la robba non mancono mai, et sempre, colui che comincia a viver' con rapina, truova cagion' d'occupar' quel' d'altri; et per adverso contro al sangue son più rare, et mancan' più presto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car communément les hommes mectent plus tost en oubly la mort du père que la perte du patrimoyne. En après les causes d'envahir le bien daultruy par confisquation ne déffaillent jamais, et qui commence à vivre de pilleries treuve d'ung jour à l'autre nouvelles occasions d'occuper les biens de qui il luy plaist ou au contraire les causes de mectre à mort homme sont plus rares et déffaillent plus tost. car les hommes oublient plustost la mort de leur pere, que la perte de leur patrimoine. D'avantage les occasions ne faillent iamais pour oster le bien d'autruy, et celuy qui a commence de vivre de pillage trouve de nouvelles occasions pour occuper le bien des autres, mais d'autre coste on n'en a pas si tost pour les faire mourir. parce que les enfans, qui restent, oublient plus tost la mort de leur pere, que la perte de leur patrimoine. Outre cela les raisons de tollir, et ravir les biens ne defaillent iamais a celuy, qui a un coup appris le train de vivre par rapine : ou les causes de faire mourir un homme sont plus rares, et moins aisées a trouver. mais sur toutes choses s'abstenir du bien d'autruy, car les hommes oublient plus tost la mort de leur pere que la perte de leur patrimoine. D'avantage les occasions ne faillent iamais pour oster le bien d'autruy, & celuy qui a commencé de vivre de pillage trouve de nouveaux moyens pour occuper le bien des autres, mais d'autre costé on n'en a pas si tost pour les faire mourir.



Segment 15
Ma quando il Principe è con gli eserciti et ha in governo moltitudine di Soldati, al'hora è al tutto necessario non si curar' del' nome di crudele, perche senza questo nome non si tiene un' esercito unito ne disposto ad alcuna fattione.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand le prince est sur le champs et qu'il gouverne une multitude de souldardz, il est nécessaire qu'il soit expéditif et cruel, à cause que sans cruaulté l'on ne peult tenir un camp uny, sans tumultes et mutineries, ny bien disposé à faire faict d'armes. Or quand un Prince conduict un camp, gouvernant une grande compaignie de soldars, lors il ne se faut nullement du monde se soucier du nom de cruel : car sans ce nom un exercite n'est point bien renge ny appareille a faire quelque faction. Mais quand le Prince est au camp, et à multitude de soudars en gouvernement, il faut par force allors, qu'il ne craigne point d'estre estimé sanguinaire : autrement s'il ne est reputé tel, son exercite ne demeure