Chapitre 20.

Titre
Se le fortezze et molte altre cose che spesse volte i Principi fanno sono utili o dannose Cap .XX .
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
A sçavoir si les forteresses, chasteaux et autres deffenses que font les princes sont prouffictables ou non. Chapitre XX Si les forteresses, et plusieurs autres choses que les Princes, font prouffitent, ou portent dommage. Chap. 20. Si les forteresses, et plusieurs autres choses, que les Princes ont coustume de faire, sont utiles ou dommageables. Chapitre XX. Si les forteresses, citadelles et plusieurs autres choses que les Princes font, leur portent proufit ou dommage. Chap. 20.



Segment 1
Alcuni Principi per tener' securamente lo stato hanno disarmato i lor' sudditi, alcuni altri hanno tenuto divise in parti le terre suggette.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il y a plusieurs princes qui pour tenir plus seurement leur estat, ont totallement désarmé leurs subiectz, il y en a eu plusieurs aultres, qui pour ceste mesme raison ont semé et entretenu les partialitez en leurs terres : Aucuns Princes pour tenir seurement leurs estatz ont oste les armes des mains aux subiectz, les autres ont tenu en bandes et factions leurs villes subiectes, Il y a des Princes, qui pour tenir leur estat en main asseurée, desagguerrissent tant, qu'ilz peuvent leurs subietz : les aucuns ont entretenu leurs païs en partialitez, et divisions : Aucuns Princes pour tenir surement leurs estats ont tiré les armes hors des mains de leurs suiets, les autres ont tenu en bandes & factions leurs villes,



Segment 2
Alcuni altri hanno nutrito inimicitie contro a se medesimi, alcuni altri si sono volti a guadagnarsi quelli che gli erano sospetti nel' principio del' suo stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
aucuns ont entretenu des ennemyz contre eulx mesmes, aucuns se sont efforcez de gaigner par amour ceulx qui leur estoient suspectz et malcontens à l'occupation de la seigneurie, les tiers ont nourry des inimitiez contre euxmesmes, les autres encore ont gaigne le cœur de ceux qui leur estoient suspectz au premier de leur gouvernement, les autres ont nourry les inimitiez, à l'encontre d'eux mesmes. Il s'en treuve aussi, qui se sont appliquez à gagner la faveur de leurs contraires. les troiziemes ont nourry des inimitiez contre eux-mesmes, les autres encore ont gaigné le cueur de ceux qui leur estoient suspectz au commencement de leur regne,



Segment 3
Alcuni hanno edificato forteze, alcuni le hanno rovinate et distrutte.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
aucuns ont édifié des chasteaux et forteresses, les aultres ont destruict celles qu'ilz avoient pour plus grande seureté, et plusieurs aultres ont inventé quelque particulier moyen pour avoir l'obéyssance des subiectz. quelques uns ont basti des forts, et les autres les ont abatus et mis par terre. Aux uns a semblé bon d'edifier forteresses, aux autres de les ruyner, et demolir. aucuns ont basty des forts, & les autres les ont abbatus & mis par terre.



Segment 4
Et benche di tutte queste cose non vi possa dar' determinata sententia, se non si viene a particulari di questi stati dove s' havessi da pigliar' alcuna simil' deliberatione, non dimeno io parlerò in quel' modo largo che la materia per se medesima sopporta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et combien que de tous ces poinctz on ne puisse donner aucune sentence déterminée à en parler ainsy à la volée sans venir au particulier et considérer à l'oeil l'estat sur lequel il faillist prendre délibération, touteffoys pour satisfaire à ceste question j'en parleray le plus largement et générallement que la matière pourra supporter. Et bien que de tout ceux on n'en puisse donner sentence determinee, si on ne vient a particulariser les païs auquelz on prenoit semblables deliberations, neantmoins ie parleray en general de ceste matiere comme elle pourra comporter. Et combien qu'il ne se puisse prescrire reigle determinée à toutes ces choses, si l'on ne vient aux particularitez de ces estatz, esquelz fust de besoing faire le semblable : I'useray toutesfois en mon devis de telle generalité, que la matiere pourra d'elle mesmes comporter. Et bien que sur tout cecy on n'en puisse donner sentence determinée, si on ne vient à particulariser les païs esquels estoient prinses telles deliberations : neanmoins ie parleray en general de cette matiere comme elle pourra comporter.



Segment 5
Non fù mai adunque chè un' Principe nuovo disarmasse i suoi sudditi: anzi, quando gli ha trovato disarmati, gli ha sempre armati, perche, armandosi, quelle armi diventano tue, diventano fedeli quelli che ti son' sospetti, et quelli ch' eron' fedeli si mantengono, et gli sudditi si fanno tuoi partigiani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il est doncques à noter en ceste matière qu'il n'y eust jamais prince nouveau qui feist bien à désarmer et défendre les armes à ses subiectz, ains je treuve que celluy qui les auroit trouvez nudz, les doibt incontinent armer pour son asseurance. Car par ce moyen les subiectz nouvellement armés se tournent tous à la dévotion de leur prince, ilz luy sont féaux et obéyssans, les suspectz deviennent promptz à luy servir, les bons se maintiennent de plus en plus en sa faveur et qui plus est tous les hommes se font partisans pour luy. Doncques un Prince nouveau ne doit point deffendre les armes a ses subiectz, mais au contraire s'il les trouve mal aguerriz il les doit tousiours adresser aux armes, car si les fortiffie les forces se font siennes, et ceux qui luy sont suspectz deviennent fideles, ceux qui l'estoient s'y maintiennent, et ses subiectz se font ses partisans. L'on ne trouvera point doncques, qu'un prudent Prince nouveau ait iamais osté les armes à ses subietz, mais au rebours, quand il les a rencontrez mal duitz, stilez à la guerre, tousiours les y a reduitz, et affaçonnez : parce que si tu les rends exercitez en cela, la force d'eux en est tienne, et deviennent fidelles ceux, qui t'estoient auparavant suspectz : et les anciennement fidelles s'entretiennent en leur bonne volonté, et devoir : si bien que par ce moyen tous tes subietz se formalisent en ton party, comme pour la vie. Le Prince nouveau donques ne doibt point defendre les armes à ses suiets, mais au contraire s'il les trouve mal aguerris il les doibt tousiours adresser aux armes. Car si les fortifie les forces se font siennes & ceux qui luy sont suspectz deviennent fideles, ceux qui l'estoient s'y maintiennent & ses suiets se font ses partisans.



Segment 6
Et perche tutti i sudditi non si possono armare, quando si benefichino quelli che tu armi, con gli altri si può far' più a sicurtà: et quella diversita del' procedere, che conoscono in loro, gli fa tuoi obligati; quelli altri ti scusano, giudicando esser' necessario quelli haver' più merito che hanno più pericolo et più obligo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à cause que l'on ne peult armer tous les subiectz, quand le prince faict du bien à ceulx qu'il mect en armes, il peult jouer à seureté et se gouverner à sa fantasie avec les autres. Au moyen de quoy les armez se voyant estre en prérogative au pris des autres, se rendent de franche volunté plus obligez à luy et plus promptz à luy faire service, et dautrepart ceulx qui n'ont esté mis en armes et qui ne reçoivoient du bien de luy, l'excusent et luy pardonnent, à cause qu'ilz jugent estre raisonnable que les armez ayent plus de mérite, d'autant qu'ilz entrent en plus de dangiers et luy font plus de services. Et pource que tous les subiectz ne se peuvent armer, par le moyen de ceux auquelz on faict plaisir en les aguerrissant on se maintient en plus grande seurete avec les autres : et ce moyen de proceder qui connoissent en un Prince au contraire des autres les luy rend encore plus obligez, les autres s'excusent, estimant que ceux ont mieux merite d'estre armez, auquelz le danger estoit plus grand, et l'obligation aussi. Et parautant que tout le peuple ne se peut pas emploier a la vacation des armes, quand tu gratifieras par bienfaitz privilegiez ceux qui t'y servent, tu t'acquerras, ce faisant, plus d'asseurance à l'endroit des autres. Car l'advantage et preeminence, que les gens de guerre congnoistront avoir receu de toy, les rendra tes obligez, et le reste du peuple de s'agguerry t'excusera assez, voyant estre bien raisonnable, qu'il y aye plus de recompense à l'endroit, ou le peril, et service sont plus grans. Et pource que tous les suiets ne se peuvent armer, par le moyen de ceux ausquels on fait plaisir en les aguerrissant on se maintient en plus grande sureté contre les autres : & ce moyen de proceder qu'ils connoissent en un Prince au contraire des autres les luy rend encore plus obligez, les autres s'excusent, estimant que ceux ont mieux merité d'estre armez, ausquels le danger estoit plus grand & l'obligation aussi.



Segment 7
Ma quando tu gli disarmi, tu incominci ad offenderli, et mostrar' che tu habbi in loro diffidentia, o per viltà o poca fede, et l'una et l'altra di queste opinioni concipe odio contro di te; et perche tu non puoi star' disarmato, convien' che ti volti a la militia mercennaria, de la qual' di sopra habbian' detto quale sia; et quando ella fusse buona, non può esser' tanto che ti defenda da nimici potenti et da sudditi sospetti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais au contraire quand le prince deffend les armes aux subiectz, il les offense et monstre avoir quelque deffiance d'eulx, ou par lascheté de cueur, ou pour ne se fyer en eulx. Lesquelles choses engendrent hayne contre luy. Et pource qu'il ne peult tenir sont estat sans quelque armée, il est contrainct de se jeter sur la gendarmerie mercennaire et estrangière, de laquelle j'ay monstré cy dessus le bien qui en peult provenir, et combien elle soit périlleuse et inutile, à cause qu'elle ne peult défendre ung prince ny contre les puissans ennemyz, ny contre les subiectz qui se révolteroyent. Mais quand on leur oste les armes on commence a les offencer desia estimant qu'on se deffie d'eux, ou pource qu'ilz sont coüars, ou traitres : or l'une et l'autre de ces deux opinions fait concevoir haine envers le Prince. Mais d'autant qu'il faut estre bien garni d'hommes d'armes, il est force d'avoir de la gendarmerie estrangere, de la quelle nous avons dit par ci devant, quelle estoit : et ores qu'elle fut bonne il n'est possible qu'il y en ait tant qu'elle nous puisse deffendre des ennemis puissans, et de subiectz mutins. Mais si tu leur defens l'usage des armes, tu commances a les irriter, et monstrer que tu ne te fies pas en eux, ou pour faute de leur hardiesse, ou peu de loyauté : qui sont deux opinions subiettes à rendre le peuple mal content de toy. Et parce qu'il n'est possible demeurer sans gens de guerre, il faut par necessité, que tu te serves de mercennaires, de la bonté desquelz nous avons cy devant traité : et quand encores ilz seroyent bons, ce ne est point iusques à te pouvoir par l'ayde d'eux defendre d'un puissant ennemy, et de ton peuple rebellé. Mais quand on leur oste les armes, on commence à les offencer desia, estimans qu'on se deffie d'eux, ou pource qu'ils sont coüars ou traitres : or l'une & l'autre de ces deux opinions fait concevoir haine envers le Prince. Mais d'autant qu'il faut estre bien garny d'hommes d'armes, il est force d'avoir de la gend'armerie estrangere, de laquelle nous avons dit cy devant, quelle estoit : & ores qu'elle fut bonne, il n'est possible qu'il y en ayt tant qu'elle nous puisse defendre des ennemis puissans & des suiets mutins.



Segment 8
Però, com' io ho detto, un' Principe nuovo in uno nuovo Principato sempre vi ha ordinato l'armi. Di questi essempi son' piene l'historie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et partant ung nouveau prince pour son asseurance doibt incontinent dresser le faict d'armes entre ses subiectz. Pource un Prince en une nouvelle Principaute a tousiours arme et fortifie ses subiectz, de ces exemples les histoires sont toutes plaines. A ceste cause un nouveau Prince, venant à une nouvelle monarchie, tiendra tousiours ses subietz agguerris le plus qu'il pourra, dequoy les histoires peuvent fournir infinis exemples. Pource le Prince en nouvelle Principauté ha tousiours armé & fortifié ses suiets de ces exemples, les histoires sont toutes pleines.



Segment 9
Ma quando un' Principe acquista uno stato nuovo, che come membro s'aggiunga al' suo vecchio, al'hora è necessario disarmare quello stato, eccetto quelli che nello acquistarlo si sono per te scoperti. Et questi ancora col' tempo et occasioni bisogna render molli et effeminati, et ordinarsi in modo che tutte l' armi del' tuo stato sieno in quelli soldati tuoi proprij che ne lo stato tuo antico vivono appresso di te.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais pour discourir des principautez meslées, quand ung prince conqueste quelque pays qui s'adjoinct comme membre à son vieil héritage, il doibt bien désarmer ce nouveau peuple le plus tost qu'il pourra, excepté ceulx qui luy auroient porté faveur à la prinse du pays. Lesquelz touteffoys il faut aussy désarmer à la longue et les rendre moulz et effeminez. Au demourant qu'il s'ordonne si bien qu'il n'aye aultres gens armez en toutes les seigneuries que ses souldardz propres qui vivent avec luy en son vieil estat. Mais quand un Prince aqueste nouvellement quelques estatz, qu'ilz annexe comme un membre a une autre plus ancienne Principaute, alors il est necessaire d'afoiblir ce païs, hors mis ceux qui en le conquestant se sont decouvers estre pour luy, Et ceux la mesmes avec le temps et aux occasions, il les doit effeminer, bref conduire si bien son affaire que toutes les forces de ses estatz soient en ses propres soldars, qui estant de son ancienne obeissance vivent tousiours aupres de luy. Mais quand un Prince acquiert un estat nouveau, qu'il adioint comme un membre à ses anciennes seigneuries, alors est necessaire oster l'exercice des armes à ce peuple, exceptez ceux, qui se sont declarez pour toy en l'acquerant. Et encores les faut il petit à petit avecques le temps, et les occasions affoiblir, et desarmer, donnant tel ordre à tes affaires, que toutes les forces de ton païs soient constitutées en tes soudars naturelz, lesquelz tu as establis aupres de toy en ton propre et ancien dommaine. Mais quand un Prince aqueste nouvellement quelques provinces qu'il annexe comme un membre à une autre plus ancienne Principauté, alors est necessaire d'affoibloir ce païs, hors mis ceux qui en le conquestant se sont decouvers estre pour luy. Et ceux là mesmes, avec le temps & aux occasions, il les doibt affoiblir, bref conduire si bien son affaire, que toutes les forces de ses estats soient en ces propres soldats, qui estans de son ancienne obeissance vivent tousiours auprez de luy.



Segment 10
Solevano li antichi nostri, et quelli che erano stimati savij, dir come era necessario tener' Pistoia con le parti et Pisa con le forteze; et per questo nutrivano in qualche terra lor' suddita le differentie per possederla più facilmente.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Noz anciens pères qui estoient estimez saiges, souloyent dire communément, et c'est pour parler des partialitez, qu'il estoit nécessaire de tenir en subjection Pistoye par partialitez Guelfes et Gibellines, et Pise par une forteresse et garnyson. Et à ceste cause ilz nourrissoient es villes à eulx subiectes telles diversitez d'humeurs et donnoyent faveur tantost à une partie, tantost à l'autre, et par ce moyen estant les citoyens de celle cité devenuz foibles, pour l'obstacle l'un de l'aultre, ilz ne se revoltoient point et demouroyent plus facilement en l'obéyssance de leurs seigneurs. Noz peres, et ceux qu'on estimoit bien sages souloient dire qu'il falloit tenir Pistoie par factions, et Pise par forteresses : partant ilz nourrissoient en aucunes villes a eux subiectes les divisions, pour un iouir tousiours plus aisement : Noz ancestres de Florence, mesmement ceux, qui pour lors estoient estimez les plus sages, souloient dire, qu'il failloit tenir Pistoie avecques les partialitez, et Pise avecques les forteresses : et nourrissoient à ceste cause en quelque ville leur subiette, les querelles entre les partisans, pour plus facillement la posseder. Noz ancestres & ceux qu'on estimoit bien sages, souloient dire qu'il falloit tenir Pistoie par factions, & Pise par forteresses : partant ils nourrissoient en aucunes villes à eux suiettes les divisions, pour en ioüir tousiours plus aisement.



Segment 11
Questo, in quel' tempo che Italia era in un' certo modo bilanciata, doveva esser' ben' fatto, ma non mi pare si possa dar' hoggi per precetto, perche io non credo che le divisioni fatte faccino mai ben' alcuno, anzi è necessario, quando il nimico s'accosta, che le Cittati divise si perdino subito, perche sempre la parte più debile s' accostera a le forze esterne et l'altra non potrà reggere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Ceste manière de faire pouvoit par advanture estre bonne en ce temps là que l'Italie estoitje ne sçay comment esbranlée et pendue à la volunté de quelques chefz, mais en nostre temps je ne la vouldrois donner pour reigle à ung seigneur, et ne crois pas que telles divisions puyssent jamais apporter aulcun prouffict ; ains il s'ensuit par nécessité que les citez ainsy divisées tumbent soubdainement en ruyne, quand un ennemy estrangier les vient assaillir. Car alors la partie plus foible prendra couraige et se joindra à l'estrangier pour ruyner ses ennemyz. or en ce temps la que l'Italie estoit quasi balancee en deux ce devoit estre bien faict, mais auiourd'huy il ne me semble pas que l'avertissement puisse estre bon. Car ie ne pense point que les parties et ligues puissent iamais aporter quelque proffit, au contraire quand l'ennemi s'approche d'une ville meslee de troubles, il faut qu'elle soit facilement perdue, car ceux qui auront du pire en la ville se ioindront tousiours aux ennemis assaillans, et l'autre part ne pourra se defendre toute seule. Cela possible devoit sembler bon pour ce temps là, que l'Italie n'estoit empeschée qu'aux differens de ces divers partis. Mais ie ne serois point d'advis suivre maintenant ce conseil, par ce que lon ne me fera iamais croire, que ces divisions vallent rien : ainsi faut necessairement que les villes divisées soient si l'ennemy s'approche, soudainement destruites : à cause que la plus foible part se rengera tousiours vers la puissance de l'ennemy, et l'autre par ce moyen ne sera point obeïe. Or au temps que l'Italie estoit quasi balancée en deux, ce devoit estre bien fait, mais aujourd'huy il ne me semble pas que l'avertissement puisse estre bon. Car ie n'estime pas que les partialitez & ligues puissent iamais porter proufit, au contraire quand l'ennemy approche d'une ville meslée de troubles, elle s'en va facilement perdue : car ceux qui auront du pire en la ville, se ioindront volontiers avec les ennemis assaillans, & l'autre part ne pourra se defendre toute seule.



Segment 12
I Vinitiani, mossi (com' io credo) da le ragioni sopraditte, nutrivano le sette Guelfe et Ghibelline ne le Città lor' suddite, et ben'che non le lassasser' mai venir' al' sangue, pur' nutrivan' fra lor' questi dispareri, accioche, occupati quelli Cittadini in quelle differentie, non si movessero contro di loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les Vénitiens nourrissoient à ceste intention mesme, comme j'estime, les parties Guelfes et Gibellines en leurs villes, et combien qu'ilz ne les laissassent jamais venir jusques au sang, touteffoys ilz entretenoient par subtil moyen leurs subiectz en ceste contrariété d'humeurs, à celle fin qu'estant occupez en ces divisions ilz ne feissent quelque tumulte ou révoltement. Ie croy que les Venitiens perduadez de telles raisons entretenoient les sectes des Guelfes et Gibellins aux villes a eux subiectes, et bien qu'ilz ne les laissassent iamais venir iusques a l'effusion de sang, toutesfois ilz nourrissoient entre eux ces diversitez, affin que les citoyens empechez a cela ne se revoltassent. Les Venitiens meus, comme ie pense, des raisons susdites, entretenoient les sectes Guelphes, et Gibellines es villes de leur seigneurie : et nonobstant qu'ilz ne permissent oncq les choses venir entre leurs citadins iusques aux armes, si maintenoient ilz ces differens parmi eux, à celle fin, que leurs subietz estans occupez en ces brigueries, n'eussent le loisir de penser à se rebeller : Ie croy que les Venitiens perduadez de telles raisons entretenoient les sectes des Guelfes & Gibellins és villes à eux suiettes, & combien qu'ils ne les laissassent iamais venir iusques à l'effusion de sang, toutefois nourrissoient entre eux ces partialitez, affin que les citoyens empeschez d'icelles ne se revoltassent.



Segment 13
Il che, come si vidde, non tornò poi loro a proposito. Perche, essendo rotti a Vaila, subito una parte di quelle prese ardire et tolson' lor' tutto lo stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lequel party touteffois estoit inutile et dangereux, comme l'on vit par après quand ilz furent defaictz auprès de Vaylà. Car l'une des partie se leva, et s'estant conjoinctz aux forces estrangières, leur ostèrent en ung instant tout l'estat. Neantmoins il ne leur vint pas bien a propos, comme l'on veid par experience : car aussi tost qu'ilz furent deconfiz a Vaila une partie d'entre eux s'enhardist, et leur osta toute la Seigneurie. ce que toutesfois ne leur succeda pas depuis. Car apres avoir esté defait à Vaile, il y eut une de ces deux ligues, qui s'esleva tout à coup, et chassa messieurs les Venitiens hors de leurs terres. Neanmoins il ne leur succeda pas bien, comme l'on veid par experience : car aussi tost qu'ils furent deconfis à Vaila, une partie d'entre eux s'enhardit & leur tollit la Seigneurie.



Segment 14
Arguiscono pertanto simili modi deboleza del' Principe, perche in un' Principato gagliardo mai si permetteranno tali divisioni, perche le fanno solo profitto a tempo di pace, potendosi mediante quelle più facilmente maneggiare i sudditi; ma venendo la guerra, mostra simil' ordin' la fallacia sua.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il est manifeste que telles manières de gouvernemens démonstrent la foiblesse d'ung prince ou de la républicque qui en use. Car en une bien puissante et forte principauté l'on ne permettra jamais telles divisions des subiectz, à cause qu'elles ne peuvent proufficter au seigneur sinon en temps de paix, affin que par le moyen de telles occuppations, il les puisse plus aisément manyer, mais en temps de guerre elles sont cause de sa ruyne. Semblables exemples donc montrent bien la foiblesse du Prince, car en une Principaute puissante iamais on ne permetroit ces partialitez, a raison qu'elles ne sont bonnes sinon qu'en temps de paix, quand on peut par ce moien plus facilement renger les subiectz, mais survenant la guerre on voit bien qu'il n'y a point grande seurete en ceste façon de faire. Telles modes de faire servent d'indice, pour descouvrir la foiblesse de un Prince, parautant que ces partialitez ne se permettront point soubs un Monarque ayant le sang aux ongles : attendu qu'elles ne sont profitables, qu'en saison de paix, pour pouvoir moyennant icelles plus aisement manier les subietz. Mais advenant la guerre, la tromperie de cest advis se descouvre assez. Sembables exemples donc monstrent bien la foiblesse du Prince, car en une Principauté puissante iamais on ne permetroit ces partialitez, à raison qu'elles ne sont bonnes qu'en temps de paix, quand on peut par ce moyen plus facilement renger ses suietz : mais survenant la guerre, on void bien qu'il n'y gist pas grande sureté.



Segment 15
Senza dubbio li Principi diventono grandi quando superano le difficultà et le oppositioni che son' fatte loro; et però la fortuna (massime quando vuol' far' grande un' Principe nuovo, il qual' ha maggior' necessità d' acquistar' riputatione che uno hereditario) gli fa nascer' de nimici et gli fa far' del' imprese contro, accioche quello habbia cagion' di superarle, et, sù per quella scala che gli hanno portata i nimici suoi, salir' più alto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Il est bien vray que les princes deviennent grandz et estimez, quand ilz montent au dessus de leurs ennemyz et de ceulx qui s'opposent à leur félicité, et à ceste cause la fortune, voulant aggrandir un prince nouveau, qui a plus besoing d'acquérir gloire et réputation qu'ung héréditaire, luy faict sourdre des ennemyz et des menées, à celle fin qu'il les surmonte, et que par l'eschelle des victoires de ses ennemyz, il puisse saulter à plus haute réputation. Pour certain que les Princes quand ilz viennent a bout de leurs entreprises et des fascheries qu'on leur faict ilz en sont plus grands : pource la fortune principalement quand elle veut faire un Prince nouveau puissant (lequel a plus grand besoing d'aquerir reputation qu'un hereditaire) luy suscite des ennemis, faisant naistre des menees contre luy, affin qu'il ait occasion de les surmonter, et par dessus l'echele que ses ennemis luy dresseront, monter plus haut : Certainement les Princes s'aggrandissent, quand ilz viennent au dessus des difficultez, et empeschemens, qui se mettent au devant de leurs desseings : parce que la fortune, lors mesmement qu'elle veut eslever un nouveau Prince, lequel a besoing de se monstrer plus vertueux, que n'a l'hereditaire, elle vous luy fait naistre ennemis, et entreprises contraires de tous costez, à celle fin qu'ayant matiere par là de se monstrer et les surmonter, il se puisse eslever plus haut par le secours de l'eschelle, que ses ennemis luy ont administrée. Pour certain les Princes, quand ils viennent à bout de leurs entreprises & des traverses qu'on leur fait, ils en sont plus grands : pource la fortune principalement quand elle veut faire un Prince nouveau puissant (lequel a plus grand besoin d'aquerir reputation qu'un hereditaire) luy suscite des ennemis, faisant naistre des menées contre luy, afin qu'il ayt occasion de les surmonter, & par l'echelle que ses ennemis luy dresseront, monter plus haut :



Segment 16
Et però molti giudicano che un' Principe savio, quando n' habbia l'occasione, deve nutrirsi con astutia qual'che inimicitia accio che, oppressa quella, ne seguiti maggior' sua grandeza.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à ceste cause l'opinion de plusieurs a esté telle, qu'ung saige prince, avec occasion, doibt nourrir quelque inimitié contre luy avec ruze et cautelle à celle fin que quand le temps de l'amortir et anéantir soit venu, sa grandeur en deviègne plus honorable. mesmes plusieurs estiment qu'un Prince sage quand il en aura l'occasion doit finement nourrir quelques inimitiez, affin que les aiant vaincues il en ait plus grande louenge. A raison dequoy plusieurs ont estimé, qu'un sage Prince doit avec une certaine astuce nourrir quelque inimitié contre soy : à fin que venant à l'opprimer, sa grandeur s'en ensuyve d'advantage. mesmes plusieurs estiment qu'un sage Prince quand il en aura l'occasion doibt subtilement nourrir quelques inimitiez, affin que les ayant vaincues il en rapporte plus grande loüange.



Segment 17
Hanno i Principi, et spetialmente quelli che son' nuovi, trovato più fede et più utilità in quelli huomini che nel' principio del' loro stato son' tenuti sospetti, che in quelli che nel' principio erano confidenti.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les princes, et principallement les nouveaux, se doibvent plus fyer et espérer plus grand prouffit de ceulx qui au commencement estoient tenuz pour suspectz, que de ceulx qui s'estoient déclairez pour eulx. Les Princes, et specialement ceux qui sont nouveaux, ont trouve plus de foy et d'asseurance proffitable en ceux qui au commencement de leur venue aux estatz ont este tenus pour suspectz, qu'en ceux desquelz ilz se fioient le plus. Et y a eu aucuns Princes, speciallement des nouveaux, lesquelz ont trouvé plus de loyauté, et service, à l'endroit de ceux, qui leur estoient suspectz au commencement de leur regne, qu'a leurs premiers fidelles adherans. Les Princes specialement ceux qui sont nouveaux, ont trouvé plus de foy & d'assurance proufitable en ceux qui au commencement de leur venue aux estats ont esté tenus pour suspectz, qu'en ceux desquels ils se confioient le plus.



Segment 18
Pandolpho Petrucci, Principe di Siena, reggeva lo stato suo più con quelli che li furon' sospetti che co gli altri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Comme l'on a veu que Pandolfo Petruccy prince de Siene, gouvernoit tout son estat plus par ceulx qu'il avoit tenu pour suspectz, que par ceulx qui s'estoient déclairez vouloir estre pour luy. Pandolphe Petrucci Prince de Siene gouvernoit ses estatz plus par le moyen de ceux qui luy estoient suspectz, que des autres. Le Seigneur Pandolphe Petrucce Prince de Sienes se servoit plus en l'administration de son estat, de ceux, qu'il pensoit luy estre contraires, que d'autres. Pandolphe Petrucci Prince de Sienne gouvernoit ses estats plus par le moyen de ceux qui luy estoient suspectz, que des autres.



Segment 19
Ma di questa cosa non si può parlar' largamente, perche ella varia secondo el subietto; solo dirò questo, che quelli huomini che nel' principio d'un' Principato erano stati inimici, se sono di qualità che a mantenersi habbin' bisogno d'appoggio, sempre il Principe con facilità grandissima se li potrà guadagnare, et loro maggiormente son' forzati a servirlo con fede, quanto conoscono esser' loro più necessario cancellare con l'opere quella opinione sinistra che si haveva di loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais à cause que de telle matière l'on ne pourroit donner certaine reigle, à cause qu'elle est variable selon le subiect, je diray seullement cecy. Que si ceulx qui au commencement estoient ennemyz sont de telle qualité qu'à se maintenir ilz ayent besoing d'appuy et d'ayde de quelque puissant seigneur, le prince les peult gaigner aiseement en leur portant faveur et les rendre plus promptz à le servir fidèlement, d'aultant qu'ilz congnoissent leur estre nécessaire d'effacer par bonnes oeuvres la mauvaise opinion que l'on avoit conceu de leur courage. Mais on ne peut pas fort generalement parler de ceste matiere, car elle change selon le suiet : Ie diray seulement une chose, que ces personnes qui au commencement estoient ennemies du Prince, s'ilz sont de basse qualite, tellement que pour se maintenir, ilz aient besoing d'appuy, facilement le Prince se les peut gaigner, et eux d'autant plus fort sont il contrains a le servir fidelement, qu'ilz connoissent leur estre necessaire d'abatre avec les œuvres ceste mauvaise opinion qu'on avoit d'eux. Si n'est il possible deviser amplement de ceste matiere, comme elle requiert, parautant qu'elle varie selon le subiet. Et me suffira pour ce coup de dire, que si les hommes, qui ont esté repugnans à la reception d'un Prince, sont de qualité que pour se maintenir ilz ayent besoin de quelque appuy, le Prince les attirera tousiours de son party fort aysément : et eux mesmes de tant plus sont inclinez, et contraintz a loyaument le servir, qu'ilz congnoissent leur estre necessaire d'abolir par fidelle obeïssance l'opinion sinistre, qu'il avoit d'eux. Mais on ne peut pas fort generalement parler de cette matiere, car elle change selon le sujet : Ie diray seulement une chose, que ces personnes qui au commencement estoient ennemies du Prince, s'ils sont de basse qualité, tellement que pour se maintenir ils aient besoin d'appuy, facilement le Prince se les peut gaigner, & eux d'autant plus sont contrains à le servir fidelement, qu'ils connoissent leur estre necessaire d'abbatre avec les euvres, cette mauvaise opinion qu'on avoit d'eux conceuë.



Segment 20
Et così el Principe ne trahe sempre più utilità che di coloro i quali, servendolo con troppa sicurtà, stracurano le cose sue.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et par ainsy ung prince se treuve mieulx de leur service et en tire plus de prouffict que de ceulx qui ne tiennent pas grand compte de ses affaires pour trop de confiance que l'on a sur eulx. Et par ceste maniere le Prince en tire plus de proffit, que de ceux lesquelz le servant en trop grande asseurance manient les affaires par nonchallance. Parainsi le Prince en tire plus de proffit, et commodité, qu'il ne fait des autres, lesquelz servans d'une trop grande asseurance, tombent le plus souvent en nonchallance de ses affaires. Par cette maniere le Prince en tire plus de proufit, que de ceux lesquels le servant en trop grande assurance manient les affaires par nonchalloir.



Segment 21
Et poi che la materia lo ricerca, non voglio lasciar' indrieto il ricordar' a un' Principe che ha preso uno stato di nuovo, mediante i favori intrinsechi di quello, che consideri bene qual' cagion' habbi mosso quelli che l'hanno favorito, a favorirlo,
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veulx obmettre d'advertir ung prince occupateur d'ung estat nouveau, qui y est entré par le moyen des faveurs intrinsècques de là dedans, qu'il considère bien diligemment les causes qui ont esmeu ses amyz à prendre sa faveur, Et puis qu'il vient a propos, ie ne veux pas oublier de ramentevoir a notre Prince qui a gaigne nouvellement quelque seigneurie par l'aide et faveur de ceux du païs, qu'il avise bien qu'elle occasion les a meuz a le favoriser, Mais, puis que nous sommes si avant en propos, ie ne veux point oblier d'advertir le Prince, qui est parvenu à un nouveau regne moyennant l'interieure faveur d'iceluy, de bien considerer le motif de ceux, qui l'ont favorisé : Et puis qu'il vient à propos, ie ne veux pas oublier de ramentevoir à nostre Prince qui a conquis nouvellement quelque seigneurie par l'ayde & faveur de ceux du païs, qu'il avise bien qu'elle occasion les a meuz à le favoriser,



Segment 22
Et se ella non è affettione naturale verso di quello, ma fussi solo perche quelli non si contentavano di quello stato, con fatica et difficultà grande se gli potrà mantener' amici, perche e fia impossibile che lui possa contentarli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
et s'il trouve que cela ne soit advenu d'une naturelle affection de l'aymer, ains seulement d'ung mescontentement et hayne du gouvernement vieil et quasi d'une convoitise de nouveaulté, qu'il tienne pour certain qu'il ne les pourra jamais tenir en amytié, et quoy qu'il leur face il luy sera impossible de les contenter. et si ce n'est point affection naturelle envers luy, mais que ce soit seulement pour ce qu'ilz ne se contentoient pas de la façon de gouverner qui estoit premierement, a grand peine les pourra l'on retenir en amitie, car il luy sera impossible de les pouvoir contenter. et si ce n'est une naturelle affection, qu'ilz luy portent, mais seulement un mescontentement de la precedente domination, à bien grand'peine entretiendra il leur amitié, et bon vouloir : parce qu'il ne faut point qu'il s'attende de mieux les contenter, que l'autre. & si ce n'est point affection naturelle envers luy, mais que ce soit seulement pource qu'ils ne se contentoient pas de la façon de gouverner precedente, à grand peine les pourra l'on retenir en amitié, car il luy sera impossible de les pouoir contenter.



Segment 23
Et discorrendo bene, con quelli essempi che da le cose antiche et moderne si traggono, la cagion' di questo, vedrà esser' molto più facile il guadagnarsi amici quelli huomini che dello stato innanzi si contentavano, et però eron' suoi inimici, che quelli i quali, per non se ne contentare, li diventorno amici et favorirno ad occuparlo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et s'il réduict en mémoire les exemples des anciens et que diceulx il veuille extraire les causes de cecy, il trouvera plus de facilité à gaigner ses adversaires fondez sur le contentement du vieil estat, qu'à entretenir ceulx qui pour désir de nouveauté luy auroient porté faveur à saisir seigneurie. Et si nous discourons bien par les exemples qu'on peut tirer des choses anciennes et modernes la cause de ceci, nous trouverrons qu'il est beaucoup plus facile d'aquerir l'amitie de ceux qui se tenoient pour bien contens du regime qui estoit au paravant, et pource ilz estoient ses ennemis, que de ceux lequelz pour s'en contenter point, luy sont devenuz amis, cherchant a le favoriser pour occuper le païs. Recherchant doncq bien l'occasion de cecy, avec les exemples anciens, et modernes, il se trouvera chose plus facile s'insinuer, et maintenir en la bienveillance de ceux qui se contentoient auparavant de leur premier seigneur, et consequemment estoient contraires à l'élection du nouveau, que des autres, lesquelz l'ont favorisé, pour deposseder celuy qu'ilz n'aymoient point. Et si nous discourons bien par les exemples qu'on peut tirer des choses anciennes & modernes la cause de cecy, nous trouverons qu'il est beaucoup plus facile d'aquerir l'amitié de ceux qui se tenoient pour bien contens du regime qui paravant estoit & pour lequel ils luy estoient ennemis, que de ceux lesquels pour ne s'en contenter point, luy sont devenuz amis, cerchant à le favoriser pour occuper le pais.



Segment 24
È stata consuetudine de Principi per poter' tener' più securamente lo stato loro edificar' forteze che sieno briglia et freno di quelli che disegnasseno far' lor' contro, et haver' refugio securo da un' primo impeto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour venir au dernier poinct et traicter de l'utilité ou dommage des forteresses, c'estoit aussy la costume de noz ancestres et souvent de tous princes, pour estre plus asseurez en leur estat, d'édifier quelque forte place pour tenir la bride à ceulx qui vouldroient faire quelque nouveauté, et aussy pour avoir lieu où se retirer s'ilz estoient assailliz ou pressez des ennemyz. La coustume a este que les Princes pour pouvoir tenir plus seurement leur estatz bastissoient forteresses, qui servissent de bride et de mors a ceux qui penseroient leur resister, et pour avoir un seur refuge contre leur premier assaut : La coustume d'aucuns Princes a esté, pour plus seurement garder leur païs, faire bastir des chasteaux, et forteresses cuydans par là tenir en bride ceux, qui auroient volonté d'entreprendre à l'encontre d'eux, et s'en servir comme d'un seur refuge à une premiere pointe de fureur. La coustume a esté que les Princes pour pouoir tenir plus surement leurs estats, bastissoient forteresses & citadelles, qui servissent de bride & de mors à ceux qui penseroient leur resister, & pour avoir un seur refuge contre leur premier assaut :



Segment 25
Io lodo questo modo, perche gli è usitato antichamente: nondimanco, Misser' Niccolò Vitelli, ne tempi nostri, s' è visto disfare due forteze in Città di Castello per tener' quello stato ; Guido Ubaldo Duca d' Urbino, ritornato nel' suo stato donde da Cesar' Borgia era stato cacciato, rovinò da fondamenti tutte le forteze di quella provincia et giudicò senza quelle havere a riperdere più difficilmente quello stato; i Bentivogli ritornati in Bologna, usorno simil' termine.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
La façon m'en semble bonne et louable pource qu'elle est de toute ancienneté en usaige. Touteffois nous avons veu en nostre temps faire le contraire à Nicolas Vitelly prince bien estimé, qui pour mieulx tenir la seigneurie de la cité de Chastel, feit raser deux forteresses qui y estoient. Pareillement Guidebaut duc d'Urbin, après qu'il fut remys en estat, dont il avoit este chassé par César Borgia, feit abbatre jusques aux fondemens toutes les forteresses de son pays, estimant pouvoir mieulx garder son estat sans chasteaux qu'aultrement. Les Bentivoles, après s'estre remis en la seigneurie de Boulogne, en feirent tout autant de leurs chasteaux. la maniere en est a priser, d'autant que anciennement elle estoit en usage. Neantmoins de nostre temps messire Nicolas Vitelle a rase deux forts en la ville de Castel pour tenir le païs : Guidebaud duc d'Urbin estant remis en ses estatz, desquelz il avoit este chasse par Cæsar Borge, il abastit a fleur de terre toutes les forteresses du païs, estimant que s'il n'y en avoit point il ne l'en perderoit pas de rechef si aiseement : les Bentivoilles retournez en Boulongne en firent de mesme. Ie ne puis bonnement blasmer ceste maniere, parce qu'elle a esté d'ancienneté pratiquée. Toutefois le Seigneur Nicollas Vitelli s'est veu de nostre temps avoir demoly deux forteresses en la ville de Castello, seullement pour asseurer l'estat. Le duc Guidebaut d'Urbin estant retourné en son duché, dont Cesar Borgia l'avoit auparavant chassé, rasa iusques aux fondemens toutes les places fortes d'iceluy païs : estimant sans icelles devoir plus difficillement reperdre son dommaine. Les Bentivolles feirent le semblable, apres qu'ilz furent rentrez dans Bouloingne. la maniere en est à priser, d'autant qu'anciennement elle estoit en usage. Neantmoins de notre temps messire Nicole Vitelle a rasé deux forts en la ville de Castel pour tenir le païs. Guidebaud Duc d'Urbin estant remis en ses estats, desquels il avoit esté chassé par Cesar Borge, il abbatist rez pieds rez terre toutes les forteresses du païs, estimant que s'il n'y en avoit point, il ne l'en perderoit pas de rechef si aisement : les Bentivoilles retournez à Boulongne en firent de mesme.



Segment 26
Sono adunque le forteze utili, o no, secondo li tempi, et se ti fanno bene in una parte, t' offendono in un' altra.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je diz pour briefvement discourir sur ce point et déclairer comment il s'y fault gouverner, que les forteresses sont prouffitables ou dommageables selon la diversité du temps et des hommes. Doncques les forteresses sont proffitables, ou nuisibles, selon le temps, et si elles servent en une chose, elles portent dommage en une autre : Et par ce moyen les forteresses sont utiles, ou non, selon le temps : si elles te profittent en un endroit, elles te nuyront à l'autre. Donques sont les forteresses proufitables ou nuisibles selon le temps, & si elles servent en une chose, elles portent dommage en une autre :



Segment 27
Et puossi discorrer' questa parte così. Quel' Principe che ha più paura de Popoli che de forestieri, deve far' le forteze, ma quello che ha più paura de forestieri che de Popoli, deve lasciarle indrieto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car le prince qui a plus grande crainte des peuples à luy subiectz que des estrangiers, doibt ædifier des forteresses pour son asseurance et pour s'y tenir contre la fureur du peuple, mais celuy qui craint plus l'estrangier ennemy que ses subiectz, il n'en doibt faire cas et ne se fyer sur icelles. sur quoy on pourroit faire ce discours. Le Prince qui a plus grand doute de son peuple que des estrangers doit bastir forteresses, mais celuy qui craint plus les estrangers que les subiectz, ne s'en doit point soucier. Surquoy lon peut faire ceste dinstinction. Que le Prince ayant plus de crainte de son peuple, que des estrangers, doit edifier forteresses : mais celuy qui redoubte plus l'estranger, que le peuple, n'en a point de besoing. sur quoy on pourroit faire ce discours. Le Prince qui a plus grand doute de son peuple que des estrangers doit bastir forteresses, mais celuy qui craint plus les estrangers que les suietz, ne s'en doit point soucier.



Segment 28
A la casa Sforzesca ha fatto et farà più guerra el Castel' di Milano, che ve lo edifico Francesco Sforza, che alcun' altro disordine di quello stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'on veoit clairement aujourdhuy que le chasteau de Milan que Françoys Sforse y édifia, a faict et fera plus de guerre à la maison des Sforses que tous les désordres dicelluy estat, Le chateau de Milan que François Sforce a basti a faict et fera plus grand dommage a la maison des Sforces que nul autre desordre et trouble qui soit advenu en ce païs : Le chasteau de Milan, que Francisque Sforze a basty, donnera plus d'affaires à ses successeurs, que nul autre inconvenient, qui leur advienne. Le chasteau de Milan que François Sforce a basty, a fait & fera plus grand dommage à la maison des Sforces, que nul autre desordre & trouble qui soit avenu au païs :



Segment 29
Però la miglior' forteza che sia è non esser' odiato da Popoli, perche, ancora che tù habbi la forteza et il Popol' t' habbi in odio, le non ti salvano, perche non mancono mai a Popoli (preso che gli hanno l'armi) forestieri che gli soccorrino.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
en sorte que l'on peult bien congnoistre que la meilleure forteresse qu'ung prince sache avoir est n'estre malvolu du peuple. Car jafois qu'il ait les meilleures et plus fortes places du monde, si les subiectz luy portent hayne elles ne le peuvent saulver. Car ilz trouveront toujours des estrangiers pour les secourir contre luy. somme que la meilleure forteresse qui soit, c'est de n'estre point hay du peuple, car encore qu'on tienne les forts, et que le peuple veuile assaillir le Prince, ilz ne le sauveront pas, a raison qu'apres que les subiectz ont pris les armes, il ne faudra iamais qu'il n'y ait des estrangers qui les aident. Parquoy la meilleure forteresse, qui soit, est de n'estre point malvoulu de ses subietz : consideré que la place forte ne te pourra sauver, si le peuple te veut un coup mal. Car le secours estranger ne luy faudra iamais, ayant une fois pris les armes contre toy. somme que la meilleure citadelle qui soit, c'est de n'estre point hay du peuple : car encore qu'on tienne les forts & quel le peuple veuile assaillir le Prince, ils ne le sauveront pas, à raison qu'aprez que les suiets ont prins les armes, ils n'auront iamais faute d'estrangers à venir à leur ayde.



Segment 30
Ne tempi nostri, non si vede che quelle habbin' fatto profitto ad alcun' Principe, se non a la Contessa di Furlì, quando fù morto el Conte Girolamo suo Consorte, perche mediante quella poté fuggir' l'impeto Popolar' et aspettar' il Soccorso da Milano et recuperar' lo stato; et li tempi stavano al'hora in modo che il forestier' non poteva soccorrer' il' Popolo
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et l'on n'a point veu qu'elles ayent porté ayde à aucun prince en nostre temps, sinon à la Contesse de Furly quand le conte Jerosme son mary fut occis par la fureur du peuple et fut le prouffict d'un sien chasteau de telle efficace pour l'heure qu'elle s'y retira et évita la fureur désordonnée des rebelles, jusques à ce que le secours de Milan fust venu pour la remettre en estat. Dautrepart le temps d'alors estoit tel, que les estrangiers n'eussent sceu secourir le peuple. De nostre temps on a point veu qu'elles aient porte grand proffit a nul Prince, sinon qu'a la Comtesse de Furli apres la mort du Comte Hierôme son mari : car par ce moien elle peut se sauver de la fureur du peuple, et attendre le secours de Milan, et puis recouvrer ses estatz : mais lors la chose estoit de telle sorte, que les estrangers ne pouvoient aider le peuple. L'on ne voit point de nostre temps, qu'elles ayant profité a Prince qui soit, fors à la Contesse de Furly apres le decez du comte Hierosme son mary, par l'ayde desquelles elle evita la fureur populaire, et attendit le secours de Milan, dont elle recouvra depuis son authorité de contesse. Aussi le temps, et la fortune estoient pour lors en sorte, que le peuple ne pouvoit estre secouru de dehors. De notre temps on n'a point veu qu'elles aient porté grand proufit à Prince quelconque, sinon à la Comtesse de Furly aprez la mort du Comte Hierôme son mary : car par ce moyen elle peut se sauver de la fureur du peuple, & attendre le secours de Milan, & puis recouvrer ses estats : mais lors la chose estoit de telle sorte, que les estrangers ne pouoient ayder le peuple.



Segment 31
Ma di poi valsono ancor' poco a lei quando Cesare Borgia l'assaltò et ch'el' Popolo, inimico suo, si congiunse col' forestiero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Touteffoys ce prouffict ne fut pas durable et ces chasteaux ne luy sceurent servir de rien quand César Borgia la vint assaillir, et que le peuple de long temps ennemy se revolta de rechief et se joignyt avec luy contre elle. Depuis elles ne luy proffiterent pas beaucoup, quand Cæsar Borge l'assaillit, et que il s'allia de son peuple qui la haioit : Toutefois sa forte place ne luy servit depuis de guerres, quand Cesar Borgia luy feit la guerre, ayant les gens du païs pour luy, qui s'estoient rebellez contre leur maistresse : Depuis elles ne luy proufiterent pas beaucoup quand Cesar Borge l'assaillit, & qu'il s'allia de son peuple qui la hayssoit :



Segment 32
Per tanto, et al'hora et prima, saria stato più securo a lei non esser' odiata dal' Popolo, che haver' le forteze.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il eust sans comparaison esté meilleur pour son mary et pour elle, qu'ilz n'eussent esté pour leur cruaulté malvoluz du peuple, que d'avoir des places imprenables. et pourtant aussi bien a ceste fois ci comme a l'autre premiere il luy eust mieux valu pour le plus seur de tenir l'amitie et bonne grace de son peuple, que les forteresses de son païs. à laquelle il eust esté pour lors beaucoup plus commode avoir l'amitié de son peuple, que la forteresse. parquoy tant à cette fois qu'à l'autre premiere il luy eust mieux valu pour le plus seur de entretenir l'amitié & bonne grace de son peuple, que les forteresses de son païs.



Segment 33
Considerate adunque queste cose, io lodarò chi farà forteze et chi non le farà; et biasmarò qualunque, fidandosi di quelle, stimerà poco lo esser' odiato da Popoli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Considérant doncques ces accidentz je loueray le prince qui fera des forteresses et celuy aussy qui n'en fera point, chascun selon la réputation qu'ilz sçaurons gaigner envers le monde et leur bon portement. Et par le contraire je blasmeray tous ceulx qui pour se fyer trop aux murailles tiendront peu de compte du peuple, et se feront hayr ou mespriser dicelluy. Toutes ces choses considerees, ie priseray de faire des fortresses, et de n'en faire point : mais ie blameray celuy qui se fiant en elles ne faict pas conte d'estre hay du peuple. Ayant doncq bien consideré ces choses ie loueray celuy, qui edifiera la forteresse, et qui avec ne l'edifiera : Mais ie blasmeray quiconque se fiant en icelles, fera peu de cas d'estre haï de son peuple. Toutes ces choses considerées, ie loüeray de faire des forteresses & de n'en faire point : mais ie blasmeray celuy qui se fiant en elles ne fait pas conte d'estre hay du peuple.