Chapitre 3.

Titre
De' principati misti Cap .III.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Des principautez meslées. Chapitre III Des Principautez meslées Chap. 3. Des Principautez mixtes. Chapitre III. Des Principautez meslées.



Segment 1
Ma nel' Principato nuovo consistono le difficultà. Et prima (se non è tutto nuovo, ma come membro, che si può chiamare tutto insieme quasi misto) le variationi sue nascono in prima da una natural' difficultà, quale è in tutti li Principati nuovi, perche li huomini mutano volentieri Signore credendo megliorare et questa credenza gli fa pigliar l'arme contro a chi regge; di che s'ingannano, per che veggono poi per esperientia haver' peggiorato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais à maintenir une principauté nouvelle, il y a grande difficulté. Et pour premièrement traicter quand l'estat n'est pas du tout nouveau, mais comme ung membre adjoinct au viel estat du conquérant, laquelle chose ensemble mixtionnée se peut appeler une principautée meslée. Les variations d'un tel estat naissent d'une difficulté qui est naturellement en tous les nouveaux principatz, pource que les hommes changent voluntiers de seigneur en espérant méliorer leur condition, et ceste faulse oppinion leur mect les armes en main, contre celuy qui domine sur eux, de laquelle par après ilz se treuvent déceuz. Car par expérience ilz voyent et congnoissent évidemment avoir choisy le piz, Mais bien la peine gist en une Principaute nouvelle. Premierement s'elle n'est pas toute nouvelle, mais comme partie ou membre d'une autre : Laquelle principaute se peut appeller tout ensemble quasi meslee. La brouillerie vient premierement d'une certaine et naturelle difficulte, qui est, en toutes les nouvelles principautez, d'autant que les hommes changent voluntiers de maistre, pensans rencontrer mieux. Laquelle opinion est cause qu'il courent aux armes contre leur Seigneur, en quoy ilz se trompent : car ilz congnoissent depuis par experience qu'ilz ont empire de condition : Mais les difficultez consistent en la nouvelle seigneurie, mesmement en celle qui n'est du tout nouvelle, ains est comme membre, lequel ioint ensemble avecques les anciens païs de l'usurpateur, se peut appeller mixte principauté. Les variations de ceste monarchie naissent en premier lieu d'une naturelle difficulté, qui est en toutes les terres nouvellement acquises : parautant que les hommes changent volontiers de seigneur pensans y amender : et ceste opinion les induict communement se revolter contre celuy qui gouverne. En quoy il se deçoivent le plus souvent, se voyans apres par l'experience de beaucoup empirez. Mais bien y a de la difficulté en une Principauté nouvelle. Premierement s'elle n'est pas toute nouvelle, mais comme partie ou membre d'une autre : laquelle principauté se peult appeller tout ensemble quasi meslée. La variation vient premierement d'une certaine & naturelle difficulté, qui gist en toutes les nouvelles principautez, d'autant que les hommes changent volontiers de maistre, pensans rencontrer mieux. Laquelle opinion est cause qu'ils courent aux armes contre leur Seigneur, en quoy ils l'abusent : car ils connoissent apres par experience qu'ils ont empiré de condition :



Segment 2
Il che depende da un'altra necessità naturale et ordinaria, quale fa che sempre bisogna offendere quelli di chi si diventa nuovo Principe et con gente d'arme et con infinite altre ingiurie che si tira drieto il nuovo acquisto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
laquelle chose aussy dépend d'une autre nécessité naturelle, qui est ordinairement en l'acquest de tous nouveaux estatz. C'est que communément l'on est contrainct d'offenser et fouler ceulx que l'on commence à opprimer et dominer, par foulement de gensdarmes tenans les champs et autres infinies injures qui nécessairement suyvent ce nouvel acquest de seigneurie : ce qui depend d'une autre necessite naturelle et ordinaire, c'est qu'il est impossible qu'on ne traitte mal et foule ceulx desquelz on devient nouveau Prince, soit par gendarmes, soit d'infiniz autres griefz, qui s'ensuivent d'une conqueste nouvelle : Ce qui depend d'une autre naturelle et ordinaire necessité, qui fait que tousiours on est contrainct fouller ceux, de quoi lon se voit devenu nouveau Seigneur, soit par continuelles compagnies de gens de guerre, ou aultres infinies oppressions qui suivent communement un nouvel acquest : ce qui depend d'une autre necessité naturelle & ordinaire, c'est qu'il est impossible qu'on n'offence ceux desquels on devient nouveau Prince, soit par garnison de gens de guerre, soit par infinis autres griefs, qui ensuyvent d'une conqueste nouvelle :



Segment 3
Di modo che ti truovi haver' nimici tutti quelli che tu hai offesi in occupare quel' Principato, et non ti puoi mantenere amici quelli che vi t'hanno messo, per non li potere satisfare in quel modo che si erano presuposto et per non poter' tu usare contro di loro medicine forti, essendo loro obligato; perché sempre, ancora che uno sia fortissimo in sulli eserciti, ha bisogno del favore de' provinciali ad entrare in una provincia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
de sorte que tu te treuves avoir encouru l'inimitié de tous ceulx que tu as offensez à l'occupation dicelluy, et davantaige tu ne peuz maintenir en amytié ceulx qui t'ont donné l'entrée à y mettre le pied, à cause que l'on ne peut jamais satisfaire et assez complaire à iceulx selon ce qu'ilz avoient présupposé en leur espérance, et à cause aussy que tu n'oses user contre eulx d'aucune médecine de rigueur, pour raison que tu te sens obligé à eux. Et fault noter que l'on est contrainct de se servir de telles gentz pour faciliter l'entrée en quelque estat, pource que tousjours ung assaillant combien qu'il soit puissant en campaigne a besoing de la faveur de quelque provincial, pour entrer en une province. tellement qu'on treuve s'estre faict ennemis, tous ceulx qu'on a troublez en occupant ce païs : et qu'on ne peut maintenir en amitie ceulx la qui nous y ont faict entrer, tant pour ne les pouvoir recompenser si haultement qu'ilz s'estoyent imaginez, qu'aussi pour ne pouvoir user contre eulx de reformations et medecines violentes, puis qu'on est leur oblige. Car bien qu'un homme soit maistre de la campagne, si a il tousiours bon besoing de la faveur des gens du païs pour s'en emparer. De façon que tu te trouves avoir pour ennemis tous ceux que tu has vexez, et molestez en l'occupation de ce nouveau principat. Et ne peux retenir pour amis ceux, qui ont aydé a t'y mettre, pour ne pouvoir si bien les recompenser qu'ilz s'attendoient de l'estre, ny user envers eux de remede rigoureux, te sentant leur estre obligé. Par ainsi encores qu'un tel entrepreneur soit merveilleusement fort, et fondé sur nombre de gens, si a il besoing pratiquer la faveur de ceux du païs, qu'il a conquis. tellement qu'on trouve s'estre rendus ennemis, tous ceux qu'on a troublez en occupant le païs : & qu'on ne peult maintenir en amitié ceux qui nous y ont faict entrer, tant pour ne les pouoir recompenser si haultement qu'ils s'estoient presupposé, qu'aussi pour ne pouoir user contre eux de reformations & fortes medecines, puis qu'on est leur obligé. Car combien qu'un homme soit fort en armée, si a il tousiours besoin de la faveur des gens de la province pour y entrer.



Segment 4
Per queste ragioni Luigi XII Re di Francia occupò subito Milano, et subito lo perdè; et bastorno a torgnene la prima volta le forze proprie di Lodovico, perche quelli Popoli che gli havevano aperte le porte, trovandosi ingannati de la opinione loro et di quel' futuro bene che' s'havevano presuposto, non potevano sopportare fastidii del nuovo Principe.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour les raisons cy dessus déduictes, Louys XIIe roy de France en ung instant occupa l'estat de Milan, et en ung moment le perdit. Et pour l'en désemparer la première foys, les forces et armes de Louys Sforce seules sans aultres secours furent plus que suffisantes, pource que les peuples luy avoient ouvert les portes de l'estat se trouvant par après déceuz de ce grand bien qu'ilz avoient esperé leur devoir advenir en changeant de seigneur, ne peurent supporter les molestations et foulements de ce nouveau prince. A ces mesmes raisons le Roy Loüys douziesme conquist bien tost Milan, et bien tost le perdit. pour lui oster la premiere fois, il ne fallut que la seulle puissance de Loüys Sforce, d'autant que ce peuple qui luy avoit ouvert les portes se trouvant abuse de son opinion, et de ce bien a venir qu'il s'estoit presuppose, ne pouvoit endurer les fascheuses manieres de faire de ce nouveau Prince. Et pour ceste seulle faulte le Roy Loys xii. Roy de France, perdit en aussi peu d'espace de temps le Duché de Milan, qu'il avoit auparavant occupé. Et n'en fut la premiere fois deietté que par ses propres forces, a cause que les Milannois, qui l'avoient au commancement receu, se trouvans deceuz de leur opinion, et frustrez des advantages et commoditez qu'ilz esperoient de luy, ne pouvoient souffrir le superbe traictement dont le nouveau Prince leur usoit. Par telle raison le Roy Loüis douzieme conquist bien tost Milan, & bien tost le perdit : pour luy oster la premiere fois, il ne falut que la seule puissance de Loüis Sforce, d'autant que ce peuple qui luy avoit ouvert les portes se trouvant deceu de son opinion, & de ce bien à venir qu'il s'estoit presupposé, ne pouoit supporter les facheries de nouveau Prince.



Segment 5
È ben vero che acquistandosi poi la seconda volta e paesi rebellati si perdono con più difficultà, perche il Signor', presa occasione dalla rebellione, è meno respettivo ad assicurarsi con punire e delinquenti, chiarire e sospetti, provedersi nelle parti più deboli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Bien est vray que quand les pays qui ont rebellé sont de rechief subjuguez, et reviennent en la puissance de celuy qui les avoit perduz, il y a bien plus grande difficulté à l'en chasser pour la seconde fois. À cause que prenant occasion sur ladicte rébellion, le prince est moins respectif et plus roide à s'asseurer de ses subjectz, punissant les rebelles, faisant déclarer les suspectz, et pourvoyant aux parties plus foibles : Bien est il vray que regaignant pour la seconde fois les païs revoltez, on les pert plus malaisement : pource que le Seigneur ayant congneu la cause de la rebellion, il a moins de respect de s'asseurer des subiectz, chastiant ceulx qui ont failli et d'entendre la verite des soupçons, s'accointant des parties plus foibles, Bien est vray que les païs rebellez estans pour la seconde fois recouvrez et reconquis, se perdent apres beaucoup plus malaisément : d'autant que le seigneur retourné, prenant couverture sur la derniere rebellion, lasche avec moindre respect la bride a la cruauté, affin de s'en asseurer pour l'advenir, punissant les coupables, descouvrant les suspectz, et renforsant les plus foibles endroictz de son estat. Bien est vray que reconquerant pour la seconde fois les païs revoltez, on les perd plus malaisément : pource que le Seigneur ayant connu la cause de la rebellion, il a moins de respect de s'asseurer des suiets, chastiant ceux qui ont failly & d'entendre la verité des soupçons, s'accointant des parties plus foibles,



Segment 6
In modo che, se a far' perdere Milano a Francia bastò la prima volta un' Duca Lodovico che romoreggiasse in sù confini, a farlo di poi perder' la seconda gli bisognò havere contro il mondo tutto et che gli eserciti suoi fussero spenti et cacciati di Italia: il che nacque da le cagioni sopra dette,.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
en sorte que s'il ne fallut pour la première foys que ung petit Duc Louys, qui feit sur ses frontières quelques legières alarmes pour faire perdre l'estat de Milan aux françoys : pour les en chasser de rechef, après qu'ilz eurent regaigné ledict estat, il fallut que tout le monde s'en meslat et se ruast sur eulx, et que leurs armées fussent mises en routte froissées et chassées hors d'Italie. Laquelle difficulté n'advint sinon pour les raisons cy dessus declairées. de maniere que si pour faire perdre Milan aux Françoys suffisoit premierement ung Duc Loüys Sforce, qui menoit quelque bruit sur les frontieres. A luy faire perdre secondement, il fut force que tout le monde se bendast contre luy, et que son camp fust rompu par plusieurs fois et chasse d'Italie. Ce qui descend des raisons dessusdictes, Tellement qu'ayant esté suffisant un conte Ludovic de faire perdre Milan aux François pour la premiere fois, en mutinant seulement les estatz sur les confins et frontieres du Duché, il luy fallut pour la seconde empescher tout le demourant du monde contre le Roy, et que toutes les forces de l'armée françoise fussent premierement desconfittes, et chassees de l'Italie. Ce qui provint par l'aide, et moyen des occasions susdictes, en sorte que si pour faire perdre Milan aux François suffisoit premierement un Duc Loüis Sforce, qui emouvoit quelque bruit sur les frontieres à luy faire perdre secondement, il fut force que tout le monde se bandast contre luy, & que son camp fust rompu par plusieurs fois & chassé d'Italie : ce qui proceda des raisons susdites,



Segment 7
Nondimeno et la prima, et la seconda volta li fù tolto. Le cagioni universali de la prima si sono discorse; resta hora a vedere quelle della seconda et dire che remedij egli haveva et quali può hauere un' che fusse ne termini suoi, per potersi meglio mantenere nello acquistato che non fece il Re di Francia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et non obstant toutes ces difficultés, ilz le perdirent par deux foys. Les causes généralles de la première perte dudict estat aux françoys, ont cy dessus esté discourues, il reste à veoir celles de la seconde, et déclairer les remèdes qu'il eust peu user, et quelz moyens pourroit avoir ung conquérant, qui seroit en semblable cas pour se maintenir en sa conqueste mieulx, que ne feist le susdict roy de France. neantmoins l'une et l'autre fois il luy fut oste. Les causes universelles de la premiere perte sont dechiffrees : Il reste maintenant discourir celles de la seconde, monstrant quelz remedes il avoit, ou pourroit avoir ung autre Prince qui se trouvast sur les mesmes termes, de se pouvoir mieulx maintenir dans ung païs gaigne, que n'a faict le Roy Loüys. et par ainsi les françois en furent par deux diverses fois depossedez. Or quant a la premiere perte de Milan, les causes universelles s'en sont desia assez discourues : Reste a entendre celles de la seconde, et declarer quelz remedes pouvoit avoir le Roys Loys, ou un autre qui seroit en semblables termes, pour se pouvoir mieux et plus longuement maintenir en la chose conquise, qu'il ne feit, neantmoins l'une & l'autre fois il luy fut osté. Les causes universelles de la premiere perte sont discourues : reste maintenant à veoir celles de la seconde, monstrant quels remedes il avoit, ou pourroit avoir un autre Prince qui se trouvast sur les mesmes termes à se pouvoir mieux maintenir en un païs de conqueste, que n'a fait le Roy de France.



Segment 8
Dico per tanto che questi stati, quali acquistandosi si aggiungono a uno stato anticho di quello che gli acquista, o sono della medesima provincia et de la medesima lingua, o non sono.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je diz, que telz estatz qui s'adjoingnent en les acquérant comme membres à quelque vieux estat du vaincqueur, sont ou d'une mesme province, et de semblable langue, ou bien de diverse. Doncques ie pense que ces estatz et provinces la, lesquelles estant conquises, s'incorporent avecques une Seigneurie plus ancienne que celle qu'on a surmonte, ou sont de la mesme nation et de la mesme langue, ou elles n'en sont pas : Ie dy donq'que les païs lesquelz comme freschement gagnez s'adioingnent a un estat ancien sont ou d'une mesme province et langue avecques les terres patrimonialles de l'aquereur ou non. Donques ie pense que ces estats & provinces, lesquelles estant conquises, s'incorporent avecques une Seigneurie plus ancienne que la conquise, ou sont de la mesme nation & langue, ou elles n'en sont pas :



Segment 9
Quando siano, è facilità grande a tenerli, massimamente quando non siano usi a viver' liberi; et a possederli securamente basta haver' spenta la linea del' Principe che li dominava, perche, ne l'altre cose mantenendosi loro le conditioni vecchie et non vi essendo disformità di costumi, li huomini si vivono quietamente, come s' è visto che ha fatto la Borgogna, la Brettagna, la Guascogna et la Normandia che tanto tempo sono state con Francia: benche vi sia qualche disformità di lingua, nondimeno i costumi sono simili et possonsi tra loro facilmente comportare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
S'ilz sont d'une mesme sorte, il y a grande facilté à les retenir, et principallement s'ilz n'ont point acoustume de vivre en liberté. Et pour bien posséder la seigneurie de telles gens en seureté, il suffist de totallement estaindre la lignée de celluy qui au paravant en estoit seigneur. Pource que es autres choses les hommes vivent en repos, pourveu qu'on les tienne en saulvegarde avec leurs anciens droictz, et conditions, et qu'il n'y ayt difformité de coustumes et langaige. Comme l'on a veu que la Bourgoigne, la Bretaigne, Gascongne et Normandie ont faict, lesquelles de long temps ont esté et sont conjoinctes à la France. Et combien qu'il y ait quelque difformité de langues, touteffois pour la conformité des coustumes de vivre, elles se supportent facilement l'une l'autre. s'elles en sont, c'est une chose bien aysee de les retenir, mesmement s'elles ne sont accoustumees de vivre en liberte, desquelles pour seurement iouir il suffist d'avoir aboli la lignee du Seigneur qui les gouvernoit : Car au reste, si vous gardez leurs anciens privileges entretenant leurs coustumes, les subiectz vivront paisiblement, comme on a veu de la Bourgongne, Bretaigne, Gascongne et Normandie, lesquelles ont si longtemps este subiectes a la couronne de France. Car encores qu'il y ait quelque diversite de langage, toutesfois leurs coustumes sont pareïlles, et se peuvent facilement comporter l'une avecques l'autre. S'ilz en sont il n'a rien si facile que de les garder, mesmement quand c'est peuple non accoustumé de vivre en liberté. Et suffist pour seurement les posseder d'extirper et esteindre du tout la race du Prince, qui les seigneurioit au paravant : parce qu'en leur conservant en autres choses leurs anciennes loix et franchises, et ne deguisant poinct les vieilles coustumes, le peuple se repose facilement du parsus : Comme lon a veu par experience en la Bourgoigne, la Bretaigne, la Gascongne, et la Normandie, qui ont vescu si longuement en paix soubz la couronne de France. Et encores que il y aye quelque difference de langage, toutesfois leurs modes de vivre sont presque semblables, et se peuvent entre eux aisément compatir. si elles en sont, c'est chose facile de les retenir, mesmement s'elles ne sont accoustumees de vivre en liberté, desquelles pour seurement ioüir, il suffit d'avoir aboly la lignee du Seigneur qui leur commandoit : Car au reste, si vous gardez leurs anciens privileges entretenant leurs coustumes, les suiets vivront paisiblement, comme on a veu de la Bourgongne, Bretaigne, Gascoigne & Normandie : lesquelles sont de si long temps suiettes à la couronne de France. Car encores qu'il y ait quelque diversité de langage, toutefois leurs coustumes sont pareilles, & se peuvent facilement comporter l'une avec l'autre.



Segment 10
Et a chi le acquista, volendole tenere, bisogna haver' doi rispetti: l'uno che il sangue del'lor' Principe antico si spenga, l'altro di non alterare ne loro leggi, ne loro daci; talmente che in brevissimo tempo diventa con il lor' principato antico tutto un' corpo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy il convient que celuy qui conqueste telz estatz et les veult retenir soubz son obéissance, aye considération à deux choses principalles. La première est, que la lignée du prince ancien et héréditaire soit du tout anéantie. L'autre est qu'il ne face aux peuples aucun changement ny altération de leur loix, péages, ny tributz, et par ainsy en brief temps ilz viendront à faire peslemesle, et se rédiger en ung corps avec le vieil estat du conquérant. Or celuy qui conqueste, s'il veult demeurer en possession, il doit prendre esgard a deux choses : l'une que l'ancienne race de leur Prince soit totalement aneantie, l'autre d'entretenir les loix, et ne changer point leurs impositions ou tailles, tellement que bien tost ilz deviennent les mesmes que ceulx de l'ancien domaine. Qui veut doncques les maintenir siens apres les avoir acquis, faut necessairement qu'il face deux choses comme i'ay dict. L'une d'abolir entierement le sang, et la memoire de leur precedant seigneur : L'autre de ne immuer leurs premieres loix et impositions de tailles : a fin que par ce moyen le nouveau païs soit en peu de temps rendu un mesme corps avecques l'ancien. Or celuy qui acquiert, s'il veult demeurer en possession, il doit prendre garde à deux choses : l'une que l'ancienne race de leur Prince soit totalement aneantie, l'autre de n'innover rien en leurs loix & tailles : tellement que en peu de temps le conquis devient tout un corps avec la seigneurie ancienne.



Segment 11
Ma quando si acquistano stati in una provincia disforme di lingua, di costumi, et d'ordini, qui sono le difficultà et qui bisogna haver' gran' Fortuna et grande industria a tenerli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais quand l'on acquiert en une province totallement aliéné et difformé de langue, costumes et ordres, quelques estatz nouveaux, ycy sont les grandes difficultez, et en cela fault avoir grande fortune et industrie à les retenir. Mais quand on gaigne quelques estatz sur une nation differente de langage, de coustumes et de gouvernemens : il y a la de l'affaire, car il fault avoir grand heur de fortune, et grand soing a les tenir : Mais quand tu viens a conquerir seigneurie sur quelque nation d'autre langue, de diverses coustumes, et manieres de vivre, que la tienne, alors naissent les grandes et penibles difficultez. Et est besoing en telz affaires estre pourveu d'un heur extraordinaire, et merveilleuse conduicte, pour les retenir longuement en ta subiection. Mais quand on gaigne quelques estats sur une nation differente de langage, de coustumes & de gouvernemens : il y a là de l'affaire, car il fault avoir grand heur de fortune, & grand soing à les contenir :



Segment 12
Et uno de magiori remedii et più vivi sarebbe che la persona di chi li acquista, v'andasse ad habitare. Questo farebbe più secura, et più durabile quella possessione, come ha fatto il Turco, di Grecia, il quale con tutti li altri ordini osservati da lui per tenere quello stato, se non vi fosse ito ad habitare, non era possibile che lo tenesse.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Certainement l'ung des plus grandz et plus vigoureux remèdes pour y bien tenir la bride, seroit que le conquérant y vint habiter en personne. Laquelle chose seroit de telle efficace, que sans aucun péril la possession dudict estat en seroit plus asseurée et durable. Comme le grand Turc a faict de la Grèce, lequel, oultres les autres ordres par luy usez pour retenir la possession dudict empire, s'il ny fust venu habiter en personne il n'estoit possible de garder. lors ung des plus apparens remedes, et le plus prompt, c'est que le victorieux voise demourer en personne sur les lieux. De la vient une plus seure et plus durable ioissance. Le grand seigneur en a faict ainsi, lequel avec toute la conduite qu'il employa pour contregarder la Grece, il n'eut iamais peu la maintenir, s'il n'y eust choisi le siege de sa court et demeurance. Tellement que le plus grand et efficace remede, que i'y voye, est d'aller demourer sur les lieux en sa propre personne. Car c'est le seul moyen, qui peut rendre la possession de telz païs plus asseurée et durable : comme le grand Turc a faict de la Grece : lequel oultre les bonnes ordonnances par luy introduites afin de la retention de cest estat, s'il n'y eust d'abondant transporté son siege, il eust esté impossible, qu'il luy fust demouré : lors un des plus apparens remedes, & le plus prompt, c'est que le victorieux aille demourer en personne sur le lieu : de là vient une plus seure & plus durable ioüissance. Le Turc en a fait ainsi, lequel avec toute la conduite qu'il employa pour contregarder la Grece, n'eut iamais peu la maintenir, s'il n'y eust prins habitation.



Segment 13
Perche standovi si veggono nascere disordini et presto vi si può rimediare; non vi stando, s'intendono quando sono grandi et non vi è più rimedio. Non è oltre a questo la provincia spogliata da tuoi officiali; satisfannosi e sudditi del' ricorso propinco al Principe, donde hanno più cagione di amarlo, volendo essere buoni, et volendo essere altrimenti, di temerlo; chi delli esterni volessi assaltar' quello stato, vi ha più rispetto: tanto che habitandovi, lo può con grandissima difficultà perdere.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car en y demourant l'on veoit naistre les inconvenientz et conjurations, que communément l'on faict contre les nouveaux seigneurs, tellement que l'on est près pour y remédier. Mais au contraire n'y demourant point, l'on ne veoit naistre semblables désordres, et l'on ne s'en apperçoit jamais sinon quand ilz sont si grandz et si bien fondez et menez que tout remède y est inutile. Davantage ce pendant la province n'est pillée par ses officiers, les subjectz se contentent, voyant qu'ilz ont en leurs querelles prochain recours à la justice du prince. Parquoy ilz ont plus grande raison de l'aymer, s'ilz sont bons, ou de le craindre, s'ilz sont mauvais. Et si quelque estrangier luy vouloit rompre la guerre, le voyant estre ainsy sur ses gardes il y penseroit deux fois et ne se hazarderoit si follement, sachant que ceulx qui habitent es provinces conquestées ne les peuvent perdre sinon avec grande difficulté. Pource qu'en y habitant on voit naistre les desordres, ausquelz on peut incontinent remedier : mais n'estant point sur les lieus, on ne les entend que iusques alors qu'ilz sont si grans qu'il n'y a plus de remede. D'avantage le païs, n'est point tant pille des officiers : car les subiectz s'asseurent a pouvoir recourir au Prince, qui n'est pas loing. Et par mesme moyen ilz ont plus d'occasion de l'aimer s'il se veut bien gouverner, si non de le craindre, tellement que si les estrangers vouloyent envahir ce païs, ilz le feroyent avec plus grand respect, d'autant qu'il est plus difficile de le faire perdre au Prince, quant il y habite, que lors qu'il en est loing. par ce qu'estant present sur le lieu lon pourvoit promptement aux abus, et secrettes machinations qui y peuvent naistre. N'y estant point, lon n'en sçait nouvelles, sinon quand elles sont si grandes, que lon n'y peut plus remedier. Davantage la province n'est point si subiecte a estre pillée des officiers que tu y a mis, pour le prochain recours qu'a le peuple a son Prince, lequel en est a ceste cause mieux aimé des ses bons subiectz, et beaucoup plus crainct des mauvais. Et quiconque des voisins voudroit entreprendre d'assaillir telle seigneurie, auroit un peu besoing d'y penser autant que s'y mettre, parce qu'il est fort malaisé de luy oster ce païs tant qu'il s'y tiendra. Pource qu'en y demeurant, on void naistre les desordres, ausquels on peult incontinant remedier : mais n'estant point sur les lieux, on ne les entend que iusques à ce qu'ils sont si grands, qu'il n'y a plus de remede. D'avantage le païs n'est point tant pillé des officiers : car les suiets s'asseurent sur leur prochain recours au Prince. Et par mesme moyen ils ont plus d'occasion de l'aimer s'il veult estre bon, sinon de le craindre, tellement que si les estrangiers vouloient envahir ce païs, ils le feroient avec plus grand respect, d'autant qu'il est plus difficile de le faire perdre au Prince, quand il y seiourné, que quand il en est loing.



Segment 14
L'altro miglior' remedio è mandare colonie in uno o in doi luochi che siano quasi le chiavi di quello stato, perche è necessario o far' questo o tenervi assai Gente d'arme et fanterie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'autre remède certainement meilleur est y envoyer des colonies, c'est à dire y faire aller des nouveaux habitans, prins de ton pays, pour demourer en ung ou deux lieux, qui fussent les principaulx et quasi les clefz d'iceluy estat. Car pour le retenir il est besoing de faire ce que dessus, ou d'y tenir grand nombre de gens d'armes tant à pied, qu'à cheval pour les garnisons du pays. L'autre meilleur remede, est d'envoyer des Colonies ou peuplades, c'est a dire gens de nostre païs avec toute leur maison, pour peupler en ung lieu, ou en deux qui soyent les clefz de telle conqueste. Car il est necessaire ou de faire cela, ou d'y tenir force hommes d'armes et gens de pied. Il y a encores un autre meilleur remede, qui est d'eriger Colonies, et envoyer certain nombre de ton peuple naturel en un, ou deux endroitz de ces terres nouvellement acquises, pour y habiter et servir comme de clefz a cest estat, d'autant qu'il est necessaire ou d'en user ainsi, ou y entretenir quantité de gens de cheval, et de pié. L'autre meilleur remede, est d'envoyer des Colonies ou peuplees en une place ou deux qui soient les clefs de la province. Car il est necessaire ou de faire cela, ou d'y tenir force hommes d'armes & gens de pied.



Segment 15
Nelle colonie non spende molto il Principe et senza sua spesa, o poca, ve le manda et tiene, et solamente offende coloro a chi toglie li campi et le case per dar'le a nuovi habitatori, che sono una minima parte di quello stato;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
À y envoyer des colonies le prince ne despend pas beaucoup et facilement sans aucune ou bien peu de despence les y envoye et par iceulx retient la seigneurie du pays. En ce faisant il offense et nuyt seulement à ceulx qu'il désempare, lequelz il prive de terres et possessions pour les donner aux nouveaux habitans, qui sont une petite partie de tout l'estat, Quant aux peuplades le Prince ni depend pas beaucoup, et avec point ou peu de frais, il les envoye et les tient, seulement il nuist a ceulx ausquelz il oste les terres, et les maisons, pour les donner aux nouveaux habitans, lesquelz despouillez, sont la moindre partie du païs. Au regard des Colonies, elles ne sont pas de grand despense, et peut lon les y envoier et tenir sans aucuns ou bien petitz frais, faisant seullement tort a ceux qu'on deschasse des lieux, pour faire place aux nouveaux habitans. Et quant aux dechassez, ce n'est qu'une bien petite partie de la province, Quant aux peuplees le Prince n'y despend pas beaucoup, & avec point ou peu de frais, il les envoye & les tient, seulement il nuist à ceux ausquels il oste les terres, & les maisons, pour les donner aux nouveaux habitans : lesquels despoüillez, sont la moindre partie du païs.



Segment 16
et quelli che gli offende, rimanendo dispersi et poveri, non gli possono mai nocere; et tutti li altri rimangono da una parte non offesi, et per questo si quietano facilmente, da l'altra, paurosi di non errare, per che non intervenisse loro come a quelli che sono stati spogliati.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dont ceulx qui sont déchassez demourent dispers et pauvres, et à ceste cause ne luy peuvent nuyre, et tous les autres sont aisez à rapaiser, pour autant qu'ilz n'ont aucunement esté grevez, et d'autre part ilz ont crainte de faillir affin qu'ilz ne soient punyz, comme les autres qui ont esté privez de leurs biens. Outre ce que demourans separez et pauvres, ilz ne luy peuvent faire facherie. Quant aux autres on n'y touche point, et demeurent comme devant : Et parce ilz se tiendront facilement sans dire mot, craignans de ne faillir d'un autre coste, de peur qu'il ne leur advienne comme aux premiers, qui ont eu le coup de baston. lesquelz pour demourer pauvres et exillez, sont de là en avant hors le pouvoir de nuyre. Les autres que lon a laissez, paisibles en leur premier estat, il est vray semblable qu'ilz n'entreprendront rien, craignans que pour leur rebellion il ne leur advint de mesme Outre ce qu'estans dispersez & pauvres, ils ne luy peuvent aucunement porter nuisance : les autres d'une part n'estans point offensez demeurent quois & paisibles : d'autrepart craignent de paour qu'il ne leur avienne comme aux autres, qui ont esté pillez.



Segment 17
Conchiudo che queste Colonie non costano, sono più fedeli, offendono meno, et li offesi, essendo poveri et dispersi, non possono nuocere, come ho ditto.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Dont je concludz que ces colonies qui ne coustent rien, sont plus fidelles et ne peuvent porter dommaige, et les habitans comme dict est ne peuvent nuyre, pour autant qu'ilz sont pauvres et dispers. Conclusion que ces peuplades la qui ne coustent gueres, sont plus fideles, et ne nuisent point tant aux subiectz : et ceulx qui sont offensez estans desheritez, ne peuvent rien faire, comme i'ay desia dict. Ie concluz donq que ces Colonies n'estans point de grand despense, sont beaucoup plus seures et moins dommageables, et ceux qui en sentent la perte demourans pauvres et esperduz, ne peuvent faire grande nuysance (comme i'ay desia dit.) Conclusion que ces peuplees qui ne coustent gueres, sont plus fideles, & ne nuisent point tant aux suiets : & ceux qui sont offensez estans pauvres & espars, ne peuvent nuire, comme i'ay deja dit.



Segment 18
Perche si ha a notar' che li huomini si debbono o vezeggiare o spegnere, perche si vendicano de le leggieri offese, de le gravi non possono: sì che l'offesa che si fa a l'huomo deve essere in modo che la non tema la vendetta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car c'est une reigle génerale et notable, et à quoy ung prince doibt estre bien advisé, que l'on doibt sans tenir le millieu, ou chérir ou destruire les hommes, pource que communément des legières offenses ung chascun se peult venger, des grandes non. Et par aynsi l'outraige et nuisance qu'on faict à ung homme, doibt estre bastie de telle sorte, qu'elle ne puisse avoir crainte de la vengeance. Sur ce il fault noter que les hommes se doivent ou bien recompenser, ou ruiner et chastier du tout : a raison qu'ilz se vengent des legiers tors : des gros, ilz ne peuvent tellement, que l'offense, qui se faict a l'homme, doit estre de sorte qu'on n'en craingne point la vengeance. Dequoy il faut noter que lon doit apprivoiser les hommes par une certaine doulceur, ou bien les destruire, et apauvrir du tout, par ce que volontiers ilz se vengent des legeres offenses, demeurans en leur entier : et des griefves ilz ne peuvent, leur en ayant osté le moyen. Tellement que les iniures faites a lhomme doivent estre en sorte, qu'elles ne soient subiectes a craincte de la vengeance. Surquoy fault noter que les hommes se doivent ou caresser, ou ruiner du tout : à raison qu'ils se vengent des legeres iniures, des grieves ils ne peuvent : tellement que l'offense qui se fait à l'homme doit estre faite en sorte qu'on n'en craigne point la vengence.



Segment 19
Ma tenendovi, in cambio di colonie, Gente d'arme, si spende più assai, havendo a consumare nella guardia tutte l'entrate di quello stato, in modo che l'acquistato gli torna in perdita et offende molto più, perche nuoce a tutto quello stato, tramutando con gli alloggiamenti il suo esercito; del qual' disagio ogniuno ne sente et ciascuno li diventa inimico: et sono inimici che gli posson' nuocere, rimanendo battuti in casa loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais si l'on tient en ces pays ainsi occupez garnisons et gensdarmes, en lieu d'y envoyer une colonie, l'on despend ung argent infiny, à cause que ordinairement pour l'entretenement d'iceulx fault consumer tout le revenu de l'estat, tellement que l'acquest luy revient à perte, et nuyt beaucoup plus que l'on ne penseroit. Car il offense tout l'estat en trasmuant les logis des compaignies par toutes les villes et bourgades, duquel foulement chascun se sent estre grevé et endommaigé, et à ceste cause luy devient ennemy. Lesquelz ennemyz sont de telle sorte, qu'ilz peuvent donner beaucoup de nuysance, pource qu'ilz se veoient battuz en leur maison. Mais si au lieu de peuplades il tient des gendarmes, il coutera beaucoup plus : car il dependra pour ces garnisons tout le revenu du païs, si bien que le gain luy tournera en perte, et si foule beaucoup davantage, pource qu'il greve tout le païs, changeant les etapes et logis du camp : et de ce trouble un chascun se resentant, un chascun luy devient ennemi, et si sont telz ennemis qui luy peuvent nuire ayans este batuz en leur maison. Mais au lieu de Colonies voulant y tenir ordonnances de gens de guerre, il s'y despend infiniment davantage, y ayant a consumer pour l'entretien des soudars tout le revenu, qui eu peut provenir, de maniere que l'acquest revient a perte, et si blesse plus sans comparaison le peuple, a l'occasion de ce, que tout l'estat est foullé pour l'armée ordinairement tenant les champs. Qui est un malayse, dont un chacun se sent, et par consequent un chacun devient ton ennemy. Et sont lors proprement ces ennemis qui te peuvent nuyre, lesquelz demeurent avecques leurs biens outragez et maltraitez de toy. Mais si au lieu de peuplees il tient des gens de guerre, il coutera beaucoup plus : car il despendra pour ces garnisons tout le revenu du païs, si bien que le gain luy tournera en perte, & si foule beaucoup davantage, pource qu'il greve tout le peuple changeant les etapes & logis du camp : & de ce trouble chacun se resentant chacun luy devient ennemy, & si sont ennemis qui luy peuvent nuire, demeurans les batuz en leurs maisons.



Segment 20
Da ogni parte dunque questa guardia è inutile, come quella delle colonie è utile.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Parquoy je concludz qu'en toutes sortes ceste manière de retenir ung pays par gendarmes est inutile, comme celle des colonies est utile. En toutes sortes donc ceste garde est mauvaise, autant que celle des peuplades est bonne. Dont clairement appert, que ceste force de garde est bien peu profitable comme tout au contraire celle des Colonies est grandement utile. En toutes sortes donc ceste garde est mauvaise, autant que celle des peuplees est bonne.



Segment 21
Debbe ancora chi è in una provincia disforme, come è detto, farsi capo et difensore de vicini minori potenti, et ingegnarsi di indebolire e più potenti di quella, et guardare che per accidente alcuno non vi entri uno forestiere non meno potente di lui, et sempre interverrà che vi sarà messo da coloro che saranno in quella mal'contenti, o per troppa ambitione o per paura, come si vidde gia che li Etholi missero li Romani in Grecia, et in ogni altra provincia che lor' entrorno, vi furno messi da' provinciali.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Outre plus le conquérant en pays difforme de langue et de coustumes se doibt faire chef de partie, et protecteur des moindres seigneurs qui sont ses voisins, et tascher d'affoiblir les plus puissants d'iceluy, et empescher qu'en aucune manière ny par aucun accident, ung estrangier plus puissant, ou moins foible que luy n'y mette le pied. Car il advient tousjours qu'il est introduict par une des partz de ladicte province, de ceulx qui se tiennent mal contentz, ou par ambition, ou par crainte. Comme l'on a veu jadis que les Ætoles feirent venir les Romains en Grèce, ainsy comme en toutes provinces qu'ilz ont occupées ilz y ont esté mys par ceulx de la province mesme. Encores doit il, si la nation est de diverses manieres de gens (comme i'ay desia dict) se faire chef et protecteur des voisins petiz et pauvres, et mettre son esprit s'essayer d'affoiblir ceulx qui sont les plus grands, et se garder bien que par aucun accident, il n'y entre point un estranger plus puissant que luy. Ce qui adviendra tousiours qu'il y soit mis dedans, ou par mescontentement, ou par trop grande convoitise, ou par pauvrete d'aucuns. Comme on a veu autrefois, que les Etoles firent entrer les Romains en la Grece. Pareillement en toute autre province ou ilz ayent eu le pied, ilz y furent mis par ceulx du païs mesme. D'avantage celuy qui se voit nouveau seigneur de province dissemblable de son ancien dommaine, selon la forme que i'ay cy dessus relatée doit pretendre a se faire chef, et protecteur de ses voysins, qu'il congnoistra moindres que luy, et pourchasser l'affoiblissement des plus puissans. Sur tout se donnant garde de n'y permettre aucunement l'entrée a estranger, de qui les forces soient aussi grandes que les siennes. Chose qui le plus souvent adviendra, y estant l'estranger appellé de ceux, qui ne seront poïnt contans de ce nouveau regne, ou pour leur excessive ambition, ou pour une grande crainte de la puissance de ce nouveau leur usurpateur voisin. Comme nous lisons des Etholiens, qui feirent descendre les Romains en la Grece. Et de faict les bons seigneurs ne mirent oncques le pié en contrée du monde, qu'ilz n'y fussent premierement conviez, et introduictz par ceux de la province. Encores doibt il, si la nation est de diverses manieres de gens (comme i'ay deja dit) se faire chef & protecteur des voisins petits & pauvres, & mettre son esperit à s'essayer d'affoiblir ceux qui sont les plus grands, & se garder bien que par aucun accident, il n'y entre point un estranger plus puissant que luy. Ce qui aviendra tousiours qu'il y soit mis dedans, ou par mescontentement ou par trop grande convoitise, ou par la pauvreté d'aucuns. Comme on a veu autrefois, que les Etoles firent entrer les Romains en la Grece. Pareillement en toute autre province où ils ayent eu le pied, ils y furent mis par ceux du païs mesme.



Segment 22
Et l'ordine della cosa è che, subito che un' forestiere potente entra in una provincia, tutti quelli che sono in essa men' potenti li adheriscono, mossi da una invidia che hanno contro a chi è stato potente sopra di loro, tanto che, rispetto a questi minori potenti, ègli non ha a durare fatica alcuna a guadagnargli, perche subito tutti insieme volentieri fanno massa con lo stato che gli vi ha acquistato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
L'ordre de cest affaire procède communément ainsy, que si tost ung estranger puissant entre en une région, tous les moindres seigneurs d'icelle s'adjoignent à luy, esmeuz d'une certaine envye qu'ilz portent à celuy qui les domine, tellement qu'au regard de ces petitz seigneurs il n'aura difficulté aucune à les gaigner, s'il veult prendre leur protection, et voluntiers ilz s'incorporeront à l'estat qu'il aura conquis. Doncques la chose se porte ainsi que aussi tost qu'un estranger riche entre en un païs, tous ceulx lesquelz y sont foibles se ioignent avec luy, esmeuz d'une envie qu'ilz ont contre celuy qui a este leur maistre, si bien qu'au regard de ces petisz il n'a point de peine de les gaigner par conqueste, car aussi tost tous ensemble se bandent, et amassent pour l'estat qu'il a conquis. Or la raison du faict est, qu'incontinent qu'un puissant estranger entre dans un païs, tous les plus foibles d'iceluy accourent a son party, incitez d'une envie, qu'ilz portent a leurs voysins plus fors qu'eux. De maniere, que pour le regard de ces petitz seigneurs, il les pourra facilement attirer a soy, et incorporer avec ce qu'il aura gaigné sur leur voisin. Donques il en va ainsi que aussi tost qu'un estranger riche entre en une province, tous ceux lesquels y sont foibles se ioignent avec luy, emeuz de l'envie qu'ils ont contre celuy qui a esté leur Seigneur, si bien qu'au regard des petits il n'a point de peine à les gaigner par conqueste, car aussi tost tous ensemble se bandent & font une masse à l'estat qu'il a conquis.



Segment 23
Ha solamente a pensare che non piglino troppe forze et troppa auttorità, et facilmente può con le forze sue et col favor' loro abbassare quelli che sono potenti per rimanere in tutto arbitro di quella provincia, et chi non governarà bene questa parte, perderà presto quello che harà acquistato et, mentre che lo terrà, vi harà drento infinite difficultà et fastidij.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Seulement à ung petit point il doibt prendre garde, qu'ilz ne croissent en force et en authorité, et facilement il pourra avec ses forces propres et la faveur d'iceulx rabaisser l'orgueil et l'obstacle des puissantz seigneurs, affin qu'il demeure comme arbitre et juge de toute la province. Et fault entendre que qui en cest endroict ne se gouvernera bien sagement, il perdra en ung jour tout ce qu'en long temps il aura acquis, et pendant mesme qu'il le tiendra il aura en icelluy innumérables difficultez et fascheries à se maintenir. Il reste une chose a penser, c'est que n'y entrant un estranger, il ne s'aquiere point grand' puissance et autorite, pouvant facilement tant a cause de leur force, que de leur faveur, abbaisser ceulx qui sont puissans pour demourer en tout Seigneur de ce païs. Doncques qui ne gardera bien cest endroit, il perdra aussi tost qu'il aura gaigne. Ou ce pendant qu'il le tiendra il y aura mille difficultez et facheries. Seulement aura a empescher l'accroissement de leurs forces. Cela remedié, il peut aysément avec sa puissance, et le secours de leur faveur, abbaisser la grandeur des autres, pour entierement soubzmettre la province a sa discretion. Quiconques doncq n'aura diligentement loeil en cest endroit, ne gardera iamais gueres ce qu'il aura conquis. Et encores ce peu qu'il tiendra, il sera asseuré d'y recevoir une infinité de malaises et difficultez. Il a seulement à penser, qu'ils ne s'acquierent trop grand'puissance & auctorité, & peult facilement tant par ses forces que par leur faveur, abbaisser ceux qui sont plus puissans pour demourer libre Seigneur de la province. Qui ne gardera bien ce point, il perdra aussi tost qu'il aura gaigné. Ou ce pendant qu'il le tiendra, il y aura mille difficultez & peines.



Segment 24
I Romani nelle provincie che pigliorno osservaron' bene queste parti et mandoron' le Colonie, intratenerno i men potenti, senza crescer' lor' potentia, abbassorno li potenti et non vi lascioron' prender' reputatione a' potenti forestieri.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Les Romains anciennement pour tenir les provinces, dont ilz s'estoient saisiz par force d'armes, ont diligemment observé ces reigles. Car ilz y mandoyent des colonies, ilz entretenoient soubz leur protection les petitz seigneurs, sans touteffoys les laisser croistre en puissance, ilz rabaissoient les grandz potentaz, et ne laissoient aux estrangiers prendre pied ny réputation en icelles provinces. Les Romains ont bien monstre qu'ilz entendoyent toutes ces matieres : car ilz envoyoient des Peuplades, et entretenoyent les plus foibles, ne laissans point prendre reputation aux puissans estrangiers. Les Romains sceurent fort bien observer ceste maxime en toutes les nations qu'ilz vainquirent, y envoyans Colonies pour habiter, entretenans les plus foibles sans leur permettre de se renfoncer, et affoiblissans le pouvoir des grans. Et ne permirent oncques a armée estrangere y acquerir authorité ne reputation. Les Romains ont bien monstré qu'ils entendoient toutes ces matieres : car ils envoyoient des Peuples, & entretenoient les plus foibles, n'y laissans point prendre pied aux puissans estrangers.



Segment 25
Et voglio mi basti solo la provincia di Grecia per essempio: furono intrattenuti da loro li Achei et li Etholi, fù abbassato el Regno de Macedoni, funne cacciato Antioco; ne mai li meriti delli Achei o delli Etholi feceno che permettessero loro accrescere alcuno stato, ne le persuasioni di Philippo gl'indussero mai ad esser'li amici senza sbassarlo, ne la potentia di Antioco potè fare li consentissero che tenesse in quella provincia alcuno stato.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et sur ce me suffist prendre le pays de Grèce pour exemple. Les Romains en icelle y ont entretenu les républicques des Achées et des Ætoles, ilz rabaissèrent de tout leur pouvoir le royaume de Macédoine, ilz en chassèrent Antiochus, et touttefois pour les mérites des Achées et des Ætoles, combien quilz fussent grandz, ilz ne voulurent permectre, qu'ilz augmentassent leur puissance de quelque estat, et jamais ne furent amys de Philippe, sinon quand il fut rabaissé, quelque persuasion qu'il leur sçeut faire ; ne la puissance d'Antiochus les sçeut jamais induyre, qu'ilz luy laissassent en Grèce tenir aucun estat. Ie ne veulx prendre pour exemple que la nation de Grece, Les Romains entretindrent les Etoles et les Achees, ilz affoiblirent le Royaume des Macedons, ilz chasserent Antioque : ny iamais le merite des Achees, ny des Etoles peurent faire, qu'ilz leurs permissent augmenter aucuns de leurs estatz, ny les persuasions de Philippe, eurent pouvoir de les induire d'estre ses amis sans l'abbaisser : ny la grande richesse d'Antioque, les peut faire consentir, qu'il retint quelque chose en ceste province. Dequoy ie veus seullement amener la Grece pour exemple. Les Achées, et Etholiens furent entretenuz d'eux, et le Royaume de Macedoine abbaissé. Ilz en chasserent le Roy Antochius, ny ne souffrirent oncques que les Achées, et Etholiens, pour quelque chose qu'ilz eussent meritée d'eux, accreussent aucunement leur estat. Ne les remonstrances, et ambassades de Philippe peurent iamais les induire à son amité, tant qu'il fust du tout adnichillé : ny ne consentirent oncques pour puissant que fust Antiochus, qu'il luy demeurast une seulle poulcée de terre dans la Grece. Ie ne veux prendre pour exemple que la nation de Grece. Les Romains entretindrent les Etoles & les Achées, ils affoiblirent le royaume des Macedoniens, ils chasserent Antiochus : ny iamais le merite des Achées, ny des Etoles peult faire, qu'ils leurs permissent d'augmenter aucuns de leurs estats, ne les persuasions de Philippe, eurent pouvoir de les induire à estre ses amis sans l'abbaisser, ne la grande richesse d'Antiochus, les peut faire consentir qu'il retint quelque chose en icelle province.



Segment 26
Perche i Romani ferono in questi casi quello che tutti i Principi savi debbon' fare, li quali non solamente hanno haver' riguardo a li scandoli presenti, ma alli futuri, et a quelli con ogni industria riparare perche, prevedendosi discosto, facilmente vi si può rimediare, ma aspettando che ti s'appressino, la medicina non è più a tempo, perche la malatia è divenuta incurabile;
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et à la vérité ilz ont faictz en cest endroict, ce que tous les saiges princes debvroient faire. C'est qu'ilz doibvent avoir esgard non seulement aux présentz dangiers et encombres, mais à ceulx qui sont à venir, et par tous moyens leur obvier. Car quand on les prenoit de loing, facilement on y peut remédier, mais si tu attendz que les inconvenientz te viennent suprendre, la médecine n'y est plus à heure, pource que la maladie est devenue incurable. Aussi firent en ce cas la ce que les Princes sages doivent faire, lesquelz ne doivent pas seulement avoir esgard aux scandales qui sont presens, mais a ceulx qui adviendront, y donnant ordre en toute diligence, d'autant que les voyant de loing, on y peut facilment remedier. Mais si on attend qu'ilz s'aprochent, la medecine n'a plus de lieu, a raison que la maladie est devenue incurable. Et en ce cas ilz feirent tout ce que sages princes doivent faire, lequelz n'ont seullement a regarder sur les affaires du present, mais aussi aux futurs, et a iceux par une bonne et prudente conduicte pourvoir et donner ordre de bonne heure : parautant qu'il est aisé remedier aux dangers que lon voit venir de loing. Mais ayant attendu leur approche de si pres, la medecine n'est plus de saison, parce que la maladie est devenue incurable. Aussi firent en ce cas ce que les Princes sages doivent faire, lesquels ne doivent pas seulement avoir egard aux esclandres presens, mais à ceux qui adviendront, y donnant ordre en toute diligence, d'autant que les prevoyant de loing, on y peult facilement remedier. Mais si on attend qu'ils s'approchent, la medecine n'a plus de lieu, à raison que la maladie est devenuë incurable.



Segment 27
et interviene di questa, come dicono i medici della Ettica, che nel' principio suo è facile a curare, et difficile a conoscere, ma nel' corso del' tempo non l'havendo nel' principio conosciuta, ne medicata, diventa facile a conoscere, et difficile a curare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et certes il advient de cet inconvenient comme disent les médecins qu'il advient à ung patient languissant d'une maladie appellée éthicque. Car ilz disent que ladicte maladie sur son commencement est facile à guérir, et difficile à congnoistre, mais au cours du temps, ne l'ayant point au commencement congnue ny medicinée elle devient facile à congnoistre et difficile à guérir. Et survient en ce cas ce que les Medecins disent de ceulx qui sont Etiques, lesquelz au commencement sont aisez a guerir, mais est difficile de congnoistre s'ilz sont malades : laissant courir le temps sans les avoir des le commencement ne congneus ne gueriz, la maladie devient facile a congnoistre et difficile a guerir. Et advient de cecy tout conformement a ce que disent les medecins, de la fievre Ethique, laquelle a son premier advenement est facile a guerir, et difficile a congnoistre, mais par laps de temps ne l'ayant au commancement congneue, ne medecinée, elle devient de facile congnoissance, et d'impossible guerison. Et avient en ce cas, ce que les Medecins dient de ceux qui sont Etiques, lesquels au commencement sont aisez à guerir, mais est difficile de cognoistre s'ils sont malades : laissant courir le temps sans les avoir du commencement ne conneuz ne gueris, la maladie devient facile à connoistre, & difficile à curer.



Segment 28
Così interviene nelle cose del' stato perche, conoscendo discosto (il che non, è dato se non a un' Prudente) i mali che nascono in quello, si guariscon' presto. Ma quando, per non li haver' conosciuti, si lascino crescere in modo che ognuno li conosce, non vi è più rimedio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Tout ainsy advient il aux affaires d'ung estat. Car en congnoissant de loing, ce qui n'est touttefoys donné sinon à ung homme prudent, les inconvenientz qui peuvent naistre en icelluy, aiseement et sur le champ on y peult remédier. Mais quand par faulte de les avoir congnuez on les laisse tant croistre, que le bruyt s'en estend par tout le monde, il n'y a plus de remède. Tout ainsi est il au maniment d'affaires, car congnoissant de loing les maulx qui naissent (ce qu'ung chacun ne peult pas s'il n'est sage) on y pourvoit vistement. Mais quant pour ne les avoir pas congneuz on les laisse croistre tant qu'un chascun les congnoisse, le remede est hors de saison. Ainsi en va il des principautez, car se prevoians de loing (ce qui n'est parmis qu'a un bien prudent Prince) les maux et inconveniens qui naissent de iour a autre, promptement lon y peut remedier : mais quand pour ne les avoir congneus assez tost, lon les a laissez croistre en sorte, qu'un chacun les voit a l'oeil, lors toute espece de remede y est desesperée. Tout ainsi est il au maniment d'affaires, car prevoyant de loing les maux qui naissent (ce qu'un chacun ne peult pas s'il n'est sage) on y pourvoit vistement. Mais quand pour ne les avoir pas conneuz, on les laisse croistre tant qu'un chacun les connoisse, le remede est hors de saison.



Segment 29
Pero i Romani, vedendo discosto l'inconvenienti, li rimediorno sempre et non li lasciorno mai seguire per fuggire una guerra, perche sapevano che la guerra non si lieva, ma si differisce con vantaggiò d'altri. Però volsero fare con Philippo, et Antioco guerra in Grecia per non l'hauer' a fare con loro in Italia; et potevano per alhora fuggire et l'una et l'altra: il che non volsero.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et pour ceste cause les Romains voyant venir de loing les inconvenientz, tout incontinent ilz y donnoient remède, et jamais ne laissoient venir ung inconvenient sur eulx pour fuyr une guerre, ny pour garder qu'on ne les vint assaillir. Pource qu'ilz sçavoient bien qu'en dilayant à pourveoir à ce dangier ou inconvenient survenu, il n'eussent pas housté l'occasion aux ennemys de faire la guerre, mais que seulement elle eust esté différée en autre temps avec advantaige de l'ennemy. Et pour ceste mesme raison, ilz aymèrent mieulx faire guerre avec Philippus et Antiochus en Grèce, si tost qu'ilz les y veirent mectre le pied, qu'en différant la debvoir soustenir en Italie. Car combien qu'ilz eussent bien eu le moyen de ne se charger de guerre, et ne l'avoir ny en Grèce ny en Italie, touttefois ilz ne voulurent dilayer à la faire si tost qu'ilz en eurent l'occasion. Ainsi les Romains voyans les inconveniens, y ont tousiours remedie, et iamais ne les laisserent suyvre pour fuir une guerre, sçachans qu'une guerre ne se peult achever, mais bien attendre pour le grand advantage de l'autre. Pource voulurent ilz faire guerre avec Antioque et Philippe en Grece pour ne la faire point avec eulx en Italie, encores qu'ilz eussent peu pour lors echapper et lune et l'autre, Pourtant les Romains ont tousiours a temps donné ordre aux dangers, qu'ilz ont preveuz de bien loing, et ne les souffrirent iamais advenir pour craincte d'y pourvoir par l'entreprise d'une guerre, l'occasion de laquelle ilz sçavoient bien ne se tollir du tout par telle tolerance, mais se differer seulement a l'advantage d'aultruy. A ceste cause, ilz la voulurent bien commencer en Grece contre les Roys Philippe, et Antiochus, craignans de ne l'avoir une autrefois a faire avecques eux dans l'Italie mesmes. Et pouvoient bien à l'heure, s'ilz eussent voulu, s'abstenir de l'une et de l'autre entreprise. Ainsi les Romains prevoyans les inconveniens, y ont tousiours remedié, & iamais ne les laisserent suyvre pour fuir une guerre, sachans qu'une guerre ne se peult achever, mais bien attendre pour le grand avantage de l'autre. Pource voulurent ils faire guerre avec Antiochus & Philippe en Grece pour ne la faire point avec eux en Italie, encores qu'ils eussent peu pour lors eviter & l'une & l'autre, ce qu'ils ne voulurent.



Segment 30
Ne piacque mai loro quello che tutto dì è in bocca de savi de nostri tempi, godere li beneficij del' tempo, ma bene quello de la virtù et prudentia loro: perche il tempo si caccia innanzi ogni cosa et può condurre seco bene come male, male come bene.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ne leur pleut jamais ce dicton que tous les jours est la bouche des saiges de nostre temps : qu'il fault faire son prouffict du temps, signifians par cela qu'il fault jouyr de la tranquilité et des biens que l'on peult avoir selon ce que la commodité se présente. Mais ilz aymèrent beaucoup mieulx faire leur prouffit, et jouyr des biens de leur prudence et vertu. Car ilz scavoient bien que les dilayer n'est pas tousjours bon, et que le temps chasse avant soy toutes choses, et peult avec soy amener le bien comme le mal et le mal comme le bien. ce qu'ilz ne voulurent, et ne leur pleut iamais ce que bien souvent les sages de nostre temps ont en la bouche, Iouir de l'incommodite du temps : mais bien plus tost celuy la, Iouir de sa vertu et sagesse. Car le temps chasse tout devant soy, et peult apporter quantetquant aussi tost mal que bien. Ce que toutesfois ilz ne choisirent pour le meilleur advis, et iamais ne leur pleut le proverbe, qui est tous les iours en la bouche des sages d'auiourd'huy, cest asçavoir Qu'il faut iouir de la commodité du temps, comme il vient : Ains au contraire suyvoient une sentence digne de leur prudence et vertu. Que le temps emporte avecques luy toutes choses, et peut amener aussi tost le bien que le mal, et le mal que le bien. Et ne leur pleut iamais ce que bien souvent les sages de nostre temps ont en la bouche, Iouïr de l'incommodité du temps : mais bien plustost l'autre proverbe Iouïr de sa vertu & sa prudence. Car le temps chasse tout devant soy, & peult apporter aussi tost tant mal que bien.



Segment 31
Ma torniamo a Francia, et esaminiamo se de le cose dette ne ha fatto alcuna, et parlerò di Luigi, et non di Carlo, come di colui del' quale per haver' tenuto più lunga possessione in Italia si sono meglio visti li suoi andamenti: et vedrete come egli ha fatto il contrario di quelle cose che si debbano fare per tenere uno stato disforme.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or retournons à parler des roys de France, et discourons de leurs affaires, à sçavoir si des reigles dessus dictes ilz en ont observé aucune. Et pour ce faire je mettray en avant les gestes, non pas du roy Charles, mais du roy Louys, comme de celuy, du quel on a mieulx congneu les progressions et menées, pour avoir eu plus longue possession en Italie : dont vous congnoistrez comme il a faict tout le contraire de ce qu'il se doibt faire pour tenir ung estat estrangé. Mais retournons en France, et regardons de pres les choses susdictes. Ie ne parleray point du roy Charles, mais seulement du roy Loüys : comme de celuy duquel on a mieulx apperceu les menees, pour avoir plus longtemps seigneurie sur l'Italie. Et vous verrez comme il a faict le contraire des choses qui sont a faire pour tenir une seigneurie de diverses manieres. Or retournons a parler de la France, et considerons par le menu si elle a rien suyvi des choses susdictes. Et pour ce faire ie me tairay du Roy Charles huictiesme, et parleray de Loys douziesme, comme celuy duquel la façon de faire a esté mieux notée, et plus clairement congneue, pour la longue possession qu'il a retenue en l'Italie. Et trouverez qu'il s'y est gouverné tout a l'opposite de ce, qui se devoit faire, pour conserver un estat estranger. Mais retournons en France, & regardons de pres les choses susdites. Ie ne parleray point du Roy Charles, mais seulement du Roy Loüis : comme de celuy duquel on a mieux apperceu les menées, pour avoir plus long temps seigneurié sur l'Italie. Et vous verrez comme il a fait le contraire des choses qui sont à faire pour tenir une Seigneurie meslée.



Segment 32
Il Re Luigi fù messo in Italia da l'ambitione de Vinitiani che volsero guadagnarsi mezo lo stato di Lombardia per quella venuta.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le Roy Louys fut mys en Italie par l'ambition et convoitise des Vénitiens, lesquelz par sa venue voulaient gagnier la moictié de la Lombardie. Le roy Loüys fut mis en Italie par l'ambition des Venitiens, qui voulurent gaigner la moitie de la Lombardie par le moien de sa venue. Le Roy Loys fut mis et introduict en Italie par l'ambition des Venitiens, qui pretendoient par le moyen de sa venue gaigner la moitié de la Lombardie. Le Roy Loüis fut mis en Italie par l'ambition des Venitiens, qui voulurent gaigner la moitié de la Lombardie par le moyen de sa venuë.



Segment 33
Io non voglio biasimare questa venuta, o partito, preso dal' Re perche, volendo cominciare a mettere un' piede in Italia et non havendo in questa provincia amici, anzi esssendoli per li portamenti del Re Carlo serrate tutte le porte, fù forzato prendere quelle amicitie che poteva et sarebbeli riuscito il pensiero ben' preso quando, ne li altri maneggi, non havesse fatto errore alcuno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veult pas blasmer ceste manière et couleur d'entrer en ung pays ny le parti pris par le roy. Pource que voulant mettre un pied en Italie, et n'ayant en icelle province aucuns amys, ains plutost luy estant les entrées dudict estat toutes bouchées, pour les maulvais portementz du roy Charles, il fut contrainct de prendre les amitiez telles quelles fussent et qu'il pouvoit avoir. Et en verité il fust venu au dessus de son entreprise, si es autres maniemens il n'eust commis aucun erreur. Ie ne le veux point blasmer d'avoir entrepris le voyage, ou d'avoir pris ce parti la : pource que voulant commencer a mettre le pied en Italie, et ni ayant point d'amis : mais au contraire luy estans toutes les portes fermees, pour la memoire du Roy Charles, il fut contraint de chercher toutes telles amitiez qu'il pouvoit. Et ses desseins bien avisez eussent sorti leur effect, si au reste il n'eust commis aucune faulte. Ie ne treuve que bonne l'entreprise du Roy, lequel voulant commencer à mettre un pied de la les montz, et n'y ayant aucuns amis, ains au contraire luy estans closes toutes les portes de l'Italie (pour la fraische memoire des bons traictements que son predecesseur leur avoit faitz) fut contrainct s'ayder des alliances qui s'offroient pour l'heure : et fust bien parvenu a ses fins, quand il n'eust poinct failly es autres endroictz de sa conduite. Ie ne le veux point blasmer d'avoir entreprins le voyage, ou d'avoir prins ce party : pource que voulant commencer à mettre le pied en Italie, & n'y ayant point d'amis, mais au contraire luy, estans toutes les portes fermées, pour la memoire du roy Charles fut contraint de cercher toutes telles amitiez qu'il pouoit. Et ses desseins bien avisez eussent sorty leur effect, si au reste il n'eust commis aucune faute.



Segment 34
Acquistata adunque il Re la Lombardia, si riguadagnò subito quella reputatione che li haveva tolta Carlo: Genova cedette; i Fiorentini gli diventorno amici; Marchese di Mantua, Duca di Ferrara, Bentivogli, Madonna di Furlì, Signore di Faenza, di Pesaro, di Rimino, di Camerino, di Piombino, Lucchesi, Pisani, Sanesi, ognuno se li fece incontro per esser' suo amico.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pour suyvre donc son entreprinse si tost qu'il eust conquesté la Lombardie, en ung instant il regaigna la réputation que Charles luy avoit houstée : Gennes se rendit ; les Florentins luy devindrent amyz et confédérez, le marquis de Mantoue, Duc de Ferrare, les Bentivoles, madame de Furly, les seigneurs de Faënce, de Pesaro, de Rimin y, de Camerin, de Plombin, les Lucquoys, Pisans, Senoys, et tous autres potentaz, luy vindrent au devant pour requérir son amitié et confédération. Le roy doncques ayant surmonte la Lombardie regaingna bien tost la reputation que luy pouvoit oster le roy Charles. Genes se rendit, les Florentins luy devindrent amis. Le Marquis de Mantoue, le duc de Ferrare, les Bentignoles, Madame de Furli, les seigneurs de Faenze, de Pesare, de Rimin, de Camerin, et de Plombin, les Luquois, Pisans, Sienois, un chacun vint au devant de luy, pour estre a sa devotion. Or ayant doncq subiugué la Lombardie, il recouvra en un instant toute la reputation que le Roy Charles y avoit au paravant perdue. Gennes se rendit incontinent, les Florentins devindrent ses amis, ensemble le Marquis de Mantoue, le Duc de Ferrare, les Bentivolles de Bouloigne, la contesse de Furly, le Seigneur de Faenze, de Pesare, de Arimin, de Caremin, de Plombin, les Lucois, les Sienois, et ceux de Pise. Ung chascun d'eux se vint offrir a luy pour pratiquer sa benevolence et amitié. Le Roy donc ayant conquis la Lombardie, regaigna bien tost la reputation que luy pouoit oster le roy Charles. Gennes se rendit, les Florentins luy devindrent amis. Le Marquis de Mantouë, le duc de Ferrare, les Bentigvoles, Madame de Furli, les seigneurs de Favance, de Pesare, de Rimin, de Camerin, & de Plombin, les Luquois, Pisans, Sienois, chacun vint au devant de luy, pour estre à sa devotion.



Segment 35
Et allhora posserno considerare li Vinitiani la temerità del' partito preso da loro, i quali, per acquistar due terre in Lombardia, fecero Signore il Re di doi terzi d' Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lors les Vénitiens peurent bien congnoistre la temerité du party qu'ilz avoient pris. Car pour gaigner et adjouxcter à leur estat deux villes de Lombardie, ilz furent cause que le roy fut incontinent seigneur des deux tiers d'Italie. Alors les Venitiens pouvoient bien considerer leur folle entreprise, quant pour avoir deux villes en Lombardie, ilz feirent le roy Seigneur des deux tiers de l'Italie. Adoncq peurent recongnoistre les Venitiens la faute et temerité de leur conseil, lesquelz pour gaigner deux villes de la Lombardie, rendirent en un instant le Roy seigneur des deux tiers de l'Italie. Alors les Venitiens pouvoient bien considerer leur folle entreprise, quand pour avoir deux villes en Lombardie, ils feirent ce Roy Seigneur des deux tiers de l'Italie.



Segment 36
Consideri hora uno con quanta poca difficultà posseva il Re tenere in Italia la sua reputatione, se egli hauessi osservate le regole sopradette et tenuti securi et difesi tutti quelli amici suoi. Li quali, per esser gran' numero et deboli et paurosi chi de la Chiesa chi de Vinitiani, erano sempre necessitati a star seco; et per il mezo loro posseva facilmente assicurarsi di chi ci restava grande.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or je vous suppluy considérez à combien peu de difficulté, le roy eust peu retenir en Italie sa première réputation, s'il eust observé les reigles cy dessu données et s'il eust deffendu et tenu comme protecteur en sa saulvegarde tous ceulx qui estoient devenuz ses amys. Lesquelz pour estre en grand nombre, et tous petits seigneurs ayantz pæur l'un de l'Église l'autre des Vénitiens furent tous contrainctz de s'assubjectir à luy. Car par le moyen d'iceulx il se pouvoit facillement saisir du bien de ceulx qui estoient ancor en quelque puissance. Qu'un chacun donc considere combien il estoit facile au roy de retenir sa puissance, et garder son authorite sur Italie, s'il eust observe les reigles, que nous avons donnees cy dessus, et s'il eust defendu et tenu en seurete tous ces amis, lesquelz pour estre en grand nombre, foibles, et craignans les ungs le Pape, les autres les Venitiens, ilz estoyent tousiours contrains de demourer avec luy : tellement que par leur moyen, il se pouvoit asseurer du demourant, fust il encores fort grand : Il se peut voir par là maintenant a combien peu de peine le Roy Loys pouvoir maintenir sa grandeur en ceste Province, s'il eust soigneusement gardé les reigles, que nous avons cy devant prescriptes, et mis en sa protection tous ses amis cy dessus racomptez : lesquelz se voyans en un bien grand nombre foibles, et craintifz, les uns de la puissance de l'Eglise, les autres de celle des Venitiens, estoient contrainctz tenir perpetuellement sa ligue, et par le moyen et secours d'eux il pouvoit facillement venir au dessus des plus grandz, la force desquelz luy estoit suspecte. Que chacun donc considere combien il estoit facile au roy de retenir sa puissance, & garder son authorité sur Italie, s'il eust observé les reigles, que nous avons données cy dessus, & s'il eust defendu & tenu en seureté tous ces amis, lesquels pour estre en grand nombre, foibles, & craignans les uns le Pape, les autres les Venitiens, ils estoient tousiours contrains de demourer avec luy : tellement que par leur moyen, il se pouvoit asseurer du surplus fust il encores fort grand.



Segment 37
Ma egli non prima fù in Milano che fece il contrario, dando aiuto a Papa Alessandro perche egli occupasse la Romagna, ne si accorse, con questa deliberatione, che faceva se debole, togliendosi li amici et quelli che se li erano gittati in grembo, et la Chiesa grande, aggiungendo allo Spirituale (che li da tanta autorità) tanto Temporale.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Mais le bon seigneur ne fut pas si tost à Milan, qu'il se meist à faire tout le contraire. Car il donna bien tost après secours au pape Alexandre VI, affin qu'il conquist la Romaigne, et désemparast tous ces petitz seigneurs qui s'estoient donnez à luy. Et ne s'apperceut pas qu'en ce faisant il affoiblissoit soy mesme perdant ses amys, qui estoient ceulx qui s'estoient dès le commencement renduz à luy, et qu'il augumentoit le bien de l'Église temporel, qui est ce qui luy donné tant d'authorité. Mais il n'eut pas plus tost le pied dedans Milan, qu'il feit tout le contraire, donnant secours au Pape Alexandre, afin qu'il occupast la Romagne, et n'advisoit pas en prenant ce conseil, qu'il s'affoiblissoit, s'ostant pour amis ceux qui s'estoyent gectez entre ses bras, rendant l'Eglise trop puissante, adioutant au Spirituel, qui luy donne tant d'authorite si riche Temporel. Mais il ne fut point si tost a Milan, qu'il commença à se dementir, envoyant secours au Pape Alexandre pour occuper la Romaigne. Et ne s'avisa pas le bon Roy qu'il s'afoiblissoit grandement par l'execution de cest advis, perdant ce faisant ses amis et confederez, mesmement ceux, qui s'estoient gettez, comme en lieu de seureté, soubz lombre de ses ailes, et qu'il rendoit l'Eglise trop puissante, en adioignant au spirituel d'icelle (dont elle se autorise tant) une telle richesse de temporel. Mais il n'eut pas plus tost le pied dedans Milan, qu'il feit tout le contraire, donnant secours au Pape Alexandre, afin qu'il occupast la Romagne, & n'avisoit pas en prenant ce conseil, qu'il s'affoiblissoit, s'ostant pour amis ceux qui s'estoient iettez entre ses bras, rendant l'Eglise trop puissante, adioutant au spirituel (qui luy donne tant d'authorité) si riche temporel.



Segment 38
Et fatto un' primo errore fù constretto a seguitare, in tanto che, per por' fine a l'ambitione di Alessandro et per che non divenisse Signor di Toscana, gli fù forza venire in Italia.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or quand il eust faict un erreur il fut contrainct de suyvre, tellement que pour réprimer et mettre fin à l'ambition d'Alexandre, affin quil ne se feist seigneur de la Toscane, il fut contrainct de revenir en Italie. Et la premiere faute faicte, il fut contraint d'en faire d'autres : en sorte que pour arrester un peu l'ambition d'Alexandre, et de peur qu'il ne devint Seigneur de la Tuscane, le roy fut contraint de retourner en Italie : Si bien, qu'ayant d'entrée fait une bien lourde faute, il luy fut necessité de suyvre le reste : tellement que pour refrener l'insatiable cupidité de Pape Alexandre, et l'empescher qu'il ne subiugast entierement la Toscane, il falut qu'il retournast en l'Italie. Et la premiere faute faite, il fut contraint d'en faire d'autres : en sorte que pour arrester un peu l'ambition de Alexandre, & de peur qu'il ne devint Seigneur de la Tuscane, le Roy fut contraint de retourner en Italie :



Segment 39
Et non li bastò haver fatto grande la Chiesa et toltisi li amici che, per volere il Regno di Napoli, lo divise con il Re di Spagna et, dove lui era prima arbitro d' Italia, vi misse un' compagno, accioche li ambitiosi di quella provincia et mal'contenti di lui havessero dove ricorrere; et dove poteva lassare in quello Regno uno Re suo pensionario, ègli ne lo trasse per mettervi uno che potesse cacciare lui.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et ne luy suffist pas d'avoir aggrandy l'Église et perdu ses amyz qui tenoient son party, mais pour convoitise de gaigner le royaume de Naples il feit à moytié et le départit avec le roy d'Hespaigne. Et où premièrement il estoit comme juge de toute l'Italie, il y laissa entrer un compaignon, affin que ceulx qui seroient ambitieux et convoiteux de nouveautés en icelle province, si tost qu'ilz se malcontenteroient de luy, eussent à qui recourir. Et d'où il pouvoit tirer du prouffit en y laissant ung roy son tributaire, il osta celluy qui y estoit pour y en mettre ung autre, qui fut assez puissant pour l'en chasser. et ne fut pas content d'avoir faict l'Eglise puissante, et chasse ses amis : mais pour avoir le royaume de Naples il le partit avec le roy d'Espagne. Et la ou premierement il rengeoit l'Italie, a sa discretion, il y mit un compagnon, afin que les gens ambitieux du païs, et malcontens de luy eussent lieu pour recourir. Et la ou il pouvoit laisser en ce royaume un roy, qui fut son tributaire, il l'en tira pour en mettre un autre qui l'en peut chasser luy mesme. Et ne luy suffisant d'avoir ainsi agrandi l'Eglise, et parce moyen destruict et abandonné ses amis, pour le desir qu'il portoit au Royaume de Naples, il associa a la conqueste d'iceluy le Roy d'Espagne, en maniere qu'au lieu que il estoit auparavant le premier Seigneur de l'Italie, il prit pour adioint un compagnon, a celle fin que les amateurs de nouveautez de celuy païs et ceux qui n'aimoient point son party, eussent a qui avoir recours a l'encontre de luy. Et ou il pouvoit laisser un Viceroy en ce Royaume, qui luy en eust fait pension il l'en osta, pour y en remettre un en sa place, qui eust le pouvoir de l'en chasser. & ne fut pas content d'avoir faict l'Eglise puissante, & chassé ses amis : mais pour avoir le royaume de Naples, il le partit avec le Roy d'Espagne. Et là où premierement il rengeoit l'Italie à sa discretion, il y mit un compagnon, afin que les gens ambitieux du païs, & mal contens de luy, eussent lieu de recours. Et là où il pouoit laisser en ce royaume un Roy, qui fust son tributaire, il l'en tira pour en mettre un autre qui l'en peut dechasser luymesme.



Segment 40
È cosa veramente molto naturale et ordinaria desiderare di acquistare et sempre, quando li huomini lo fanno, che possino, ne saranno laudati o non biasimati; ma quando non possono et vogliono farlo in ogni modo, qui è il biasimo et l'errore.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Je ne veut pas nyer que ce soit une convoitise loysible et naturelle que d'acquester : et certainement quand les hommes s'y mectent à vouloir conquester, quand ilz se sentent assez puissantz pour ce faire, ilz en sont louez, ou pour le moins non blasmez. Mais quand ilz n'ont puissance de le faire et néantmoins ilz s'entresmelent de vouloir faire ung grand acquest, icy est la grande faulte pleine de diffame. C'est une chose certes fort ordinaire et selon nature que le desir de conquerir, et toutes et quantes fois que les hommes le feront, ilz en seront louez, ou pour le moins ilz n'en seront blasmez. Mais quant ilz ne peuvent, et qu'ilz le veulent faire a toute force, la est la faute et le blasme. Veritablement c'est chose fort naturelle et ordinaire, que desirer d'estendre et amplifier ses limites : et quand les hommes le peuvent, et l'entreprennent, ilz en sont grandement louables, ou pour le moins non repris : mais s'ilz ne le peuvent, et neantmoins l'entreprennent a toutes heures, là est l'erreur, et le blasme de la temerité. C'est chose certes fort ordinaire & selon nature que le desir de conquerir : & toutes & quantesfois les hommes le feront, ils en seront louez, ou pour le moins ils n'en seront pas blasmez. Mais quand ils ne peuvent, & qu'ils le veulent faire à toute force, là est la faute & le blasme.



Segment 41
Se Francia adunque con le sue forze poteva assaltare Napoli, doveva farlo; se non poteva, non doveva dividerlo; et se la divisione fece con Vinitiani di Lombardia meritò scusa per haver con quella messo el pie in Italia, questa merita biasimo per non essere scusato da quella necessità.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Puis donc que le roy de France pouvoit assaillir Naples, il le debvoit faire tout seul, mais s'il ne se sentoit suffisant pour le pouvoir emporter, il ne le debvoit départir avec le roy d'Hespaigne. Et ne fault pourtant alléguer, que cela ait esté faict pour y mieux entrer comme luy mesme avoit faict en entrant en Italie, divisant les villes de Lombardie avec les Vénitiens : car combien que celle première division faicte par ledict roy Louys fust excusable, pource que par le moyen d'icelle il meit ung pied en Italie, touttefois ceste ci mérite blasme pour n'estre excusable d'une mesme nécessité. Si doncques les François avec leurs forces pouvoyent assaillir Naples, ilz le devoyent faire, s'ilz ne pouvoyent, ilz ne le devoient point diviser. Et si le partage qu'il feit de la Lombardie contre les Venitiens merite pardon pour avoir par ce moyen mis le pied en Italie, cestuy est digne d'estre accuse, pource que on ne le peut excuser de ceste necessite. Si France pouvoit donq avec ses propres forces assaillir Naples, elle le devoit faire : ne le pouvant de soy, elle n'y devoit point appeller le secours d'autruy. Or quand a la ligue qu'elle feit avec les Venitiens pour la conqueste de la Lombardie, cela merite excuse, pour avoir soubz ceste couleur gentiment sceu mettre le pié en l'Italie. Mais quand a celle du Roy d'Espagne pour subiuguer Naples, elle est merveilleusement a blasmer, n'estant point excusée de la necessité susdite. Si donc les François avec leurs forces pouoient envahir Naples, ils le devoient faire, s'ils ne pouvoient, ils ne le devoient point diviser. Et si le partage qu'il feit de la Lombardie avec les Venitiens merite excuse pour avoir par ce moyen mis le pied en Italie, cestuy est digne d'estre accusé, par ce qu'on ne le peult excuser de ceste necessité.



Segment 42
Haveva adunque Luigi fatto questi cinque errori: spenti e minor' potenti; accresciuto in Italia potentia a un' potente; messo in quella un' forestier' potentissimo ; non venuto ad habitarvi ; non vi messo Colonie.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Le roy Louys doncques avait faict cinq erreurs bien grandz, il avoit destruict les moindres potentatz qui s'estoient recommandez à sa protection, accreu la puissance d'un grand seigneur, qui estoit l'Eglise, mis en icelle un estrangier très puissant, qui estoit le roy d'Hespaigne, il n'y vint point habiter en personne, et n'y envoya point de colonies. Le roy Loüys donc feit cinq faultes, ruiner les plus petis, acroistre la grandeur a ceux qui l'avoyent en Italie, avoir faict entrer dedans un estranger trespuissant, ni avoir point envoye de peuplades, et ni estre point venu demourer. Le Roy Loys avoit doncq faict, et commis ces cinq grandes fautes. C'est à sçavoir adnichillé les petitz seigneurs, augmenté en Italie la puissance a un puissant, receu et appellé en icelle un trespuissant estranger, ny estant point venu pour y demeurer longuement, et n'y ayant point envoyé de Colonies pour habiter. Le Roy Loüis donc feit cinq fautes, ruiner les plus petits, accroistre la grandeur à ceux qui l'avoient en Italie, avoir fait entrer dedans un estranger trespuissant, n'y avoir point envoyé de colonies, & n'y estre point venu demourer.



Segment 43
Li quali errori ancor, vivendo lui, potevano non l'offendere, se non havesse fatto il sesto, di torre lo stato a Vinitiani.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lesquelles cinq faultes pouvoient durant sa vie ne luy redonder à dommaige, pour la grande puissance et réputation qu'il avoit, s'il n'y eust adjouxté la sixiesme qui fut quand il se rua sur les Vénitiens pour les priver de leur estat. Lesquelles faultes ne luy eussent peu nuire tant qu'il eust vescu, s'il n'eust faict la sixiesme, d'oster la seigneurie aux Venitiens : Lesquelles ne luy pouvoient encores, sa vie durant, faire grande nuisance, s'il n'eust point touché a la sixiesme, despouillant les Venitiens de leur estat. Lesquelles fautes ne luy eussent peu nuire tant qu'il eust vescu, s'il n'eust fait la sixieme, d'oster la seigneurie aux Venitiens :



Segment 44
Perche, quando non havesse fatto grande la Chiesa, ne messo in Italia Spagna, era ben' ragionevole et necessario abassarli; ma havendo presi quelli primi partiti, non doveva mai consentire alla rovina loro. Perche, essendo quelli potenti, harebbeno sempre tenuti li altri discosto da la impresa di Lombardia, sì perche i Vinitiani non vi harebbeno consentito senza diventarne Signori loro, sì perche li altri non harebbono voluto torla a Francia per darla a loro; et andarli ad urtare ambedui non harebbono havuto animo.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pource que s'il n'eust aggrandy l'Église, et mys le roy d'Hespaigne en Italie, ce eust esté sagemment et raisonnablement pensé, de rabaisser l'orgueil des Vénitiens. Mais puis qu'il avoit faict ces premières faultes, et choisy les aultres partys, il ne debvoit jamais consentir à la ruine d'iceulx ; pource que s'ilz fussent demourez en puissance ilz eussent empesché les aultres de coquester la Lombardie, non seulement pource qu'ilz n'en eussent laissé devenir seigneur aultre que eulx mesmes, mais aussy pource que les aultres n'eussent jamais consenty que la Lombardie fust ostée aux Françoys, pour la laisser en proye aux Vénitiens, et d'advantaige ilz n'eussent eu l'hardiesse de les vouloir heurter tous deux. pource que s'il n'eust point faict le Pape si puissant, ni mis les Espagnolz en Italie, il estoit bien raisonnable, mesmes necessaire de les abaisser : mais auant pris ces premiers partis, il ne devoit iamais consentir a leur ruine. Car au moyen de leurs forces, ilz eussent tousiours engarde les autres de venir a l'entreprise de Lombardie, tant a cause que les Venitiens n'y eussent iamais consenti, s'il ne l'eussent voulu avoir eux mesmes, tant aussi que les assaillans ne l'eussent pas voulu oster aux François, pour la donner aux Venitiens : et de s'atacher a tous deux, ilz ne s'y fussent pas frottez. Bien est vray que quand il n'eust point si fort advantagé l'Eglise, ny introduit les Espagnolz en Italie, ce n'estoit point sans raison qu'il abbaissast un peu les cornes a Venise. Mais s'estant du commancement confederé avecques elle, il ne devoit iamais permettre, que on luy courust sus. Car les Venitiens demeurans en leur entiere force, ilz eussent tousiours empesché les autres de venir en Lombardie, tant parce qu'ilz ne l'eussent oncques consenty sinon avecques la condition de s'en faire eux memes seigneurs, que d'autant que les autres n'en eussent vray semblablement voulu chasser les Françoys pour la mettre entre les mains des Venitiens, et la hardiesse n'eust pas suffy a tout le monde de les assaillir tous deux iointz ensemble. pource que s'il n'eust point fait le Pape si puissant, ne mis les Espagnols en Italie, il estoit bien raisonnable, mesmes necessaire de les abbaisser : mais ayant prins ces premiers partis, il ne devoit iamais consentir à leur ruine. Car au moyen de leurs forces, ils eussent tousiours empesché les autres de venir à l'entreprinse de Lombardie, tant à cause que les Venitiens n'y eussent iamais consenty, s'ils ne l'eussent voulu avoir euxmesmes, tant aussi que les assaillans ne l'eussent pas voulu oster aux François, pour la donner aux Venitiens : & de s'attacher à tous deux, ils ne s'y fussent pas frottez :



Segment 45
Et se alcun' dicesse il Re Luigi cedè ad Alessandro la Romagna e a Spagna il Regno per fuggire una guerra, rispondo con le ragioni dette di sopra, che non si debba mai lasciar seguire un' disordine per fuggire una guerra, perche ella non si fugge, ma si differisce a tuo disavantagio.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Or si quelcun me vouloit contrarier en alléguant que le roy fut contrainct de permectre que le pape Alexandre se saisist de la Romaigne, et pareillement le roy d'Hespaigne de Naples, pour n'entrer en guerre contre eulx, je respondroys par les raisons que cy dessus ont este dictes, que l'on ne doibt jamais se laisser suprendre d'un inconvenient soubz umbre de vouloir éviter une guerre. Car pour cela l'adversaire ne laisse pas couler l'occasion d'entreprendre la guerre contre toy, mais il la dilaye seulement quelque temps avec ton désadvantaige. Mais si on vouloit dire que le roy Loüys quicta la Romagne au Pape, et Naples aux Espagnolz pour eviter une guerre : Ie responds avec les raisons que dessus, qu'on ne doit point laisser avenir un mauvais desordre pour fouir une guerre : car elle ne se peult echapper, mais bien differer a nostre desavantage. Or si aucun vouloit dire que le Roy Loys eust cedé la Romaigne a Pape Alexandre et le Royaume de Naples aux Espagnolz pour eviter une guerre. Ie respondray avec les raisons cy devant discourues, que lon ne doit point donner lieu a un inconvenient, pour fuir l'occasion d'une guerre, laquelle ne s'evite point totallement par ce moyen, mais si differe seulement a ton plus grande desavantage. Mais si on vouloit dire que le Roy Loüis quitta la Romagne au Pape, & Naples aux Espagnols pour eviter une guerre : Ie responds avec les raisons precedentes qu'on ne doit point laisser avenir un mauvais desordre pour fuir une guerre : car elle ne se peult eviter, mais bien differer à nostre desvavantage.



Segment 46
Et se alcun' altri allegasseno la fede che il Re haveva data al Papa, di far' per lui quella impresa, per la resolutione del' suo matrimonio et per il Capello di Roano, rispondo con quello che per me di sotto si dirà circa la fede de' Principi, et come si debba osservare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Item si quelque aultre m'alléguoit, que le roy ne pouvoit autrement faire pour la promesse et la foy qu'il avoit donnée au pape de faire celle entreprinse en son nom, pour aussy avoir la résolution de son mariage, et pour faire donner le chappeau de Cardinal à monsieur de Rouan : je respondroys par les raisons qui seront cy après déduictes quand nous traicterons de la foy des princes, et quand et comment ilz la doibvent garder. Et si quelcun vouloit alleguer la foy que le roy avoit donne au Pape de faire ceste entreprise a sa requeste, pour la resolution de son mariage, et pour faire donner un chappeau a monsieur de Rouen, ie luy respondray cy apres, quand ie parleray de la foy des princes, et comme ilz la doyvent garder. Et si lon me venoit d'ailleurs alleguer la foy, que le Roy avoit donnée au Pape Alexandre de luy prester secours a l'entreprise de la Romaigne, pour en recompense estre dispensé de la resolution de son mariage, et obtenir le chappeau rouge du Legat d'Amboise : Ie les renvoiray pour leur responce a ce, qui sera cy apres traitté sur la foy des Princes, et comme elle se doit garder. Et si quelqu'un vouloit alleguer la foy que le Roy avoit donnée au Pape de faire ceste entreprinse à sa requeste, pour la resolution de son mariage, & pour faire donner un chappeau à l'Archevesque de Roüen, ie luy respondray cy apres, quand ie parleray de la foy des princes, & comme ils la doivent garder.



Segment 47
Ha perduto adunque il Re Luigi la Lombardia per non havere osservato alcun' di quelli termini osservati da altri che hanno preso provincie et volutele tenere. Ne è miracolo alcuno questo, ma molto ragionevole et ordinario.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Doncques il est évident que le roy Louis a perdu la Lombardie pour n'avoir gardé aucune reigle de celles qui ont accoustumé d'observer ceulx qui conquestent nouvelles provinces et en veulent demourer paisibles possesseurs. Et si n'est pas si grand cas que l'on penseroit bien, ne si grand miracle de les observer, ains est une chose bien raisonnable et assez usitée. Le roy Loüys a donc perdu la Lombardie pour n'avoir maintenu nul des enseignemens gardez par les autres qui ont conqueste des païs, et qui les ont voulu tenir : mais en cela il n'y a point de merveille, la chose est raisonnable et ordinaire. Par ainsi nous voions que le Roy Loys perdit la Lombardie, pour n'avoir en façon que soit observé les termes, et maximes, qu'autres ont tresbien sceu suyvre en la conqueste des Provinces, dont ilz ont voulu longuement retenir la possession. Et n'est poinct chose estrange, ains fort raisonnable, et qui advient ordinairement : Le Roy Loüis a donc perdu la Lombardie pour n'avoir maintenu nul des enseignemens gardez par les autres qui ont conquesté des païs, & qui les ont voulu tenir : mais en cela il n'y a point de merveille, la chose est raisonnable & ordinaire.



Segment 48
Et di questa materia parlai a Nantes con Roano, quando il Valentino (che così vulgarmente era chiamato Cesare Borgia figlio di Papa Alessandro) occupava la Romagna; perche, dicendomi il Cardinale Roano che li Italiani non si intendevano della guerra, io risposi che i Francesi non s'intendevano del' stato, perche, intendendosene, non lascerebbeno venire la Chiesa in tanta grandeza.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Comme bien au long j'en devisay ung jour avec monsieur le Cardinal de Rouan à Nantes sur le temps que Cesar Borgia filz de pape Alexandre, qui communément s'appeloit le Duc Valentin, combattoit les seigneurs de Romaigne. Car quand ledict Cardinale m'eust mis en avant que les Italiens ne s'entendoient rien en faict de guerre, je luy respondiz, que les Françoys ne sçavoient que c'estoit de gouverner ung estat. Pource que s'ilz eussent bien entendu les affaires des estatz, ilz n'eussent jamais laisse croistre l'Église à si grande authorité et puissance. Or parlay ie de ceste matiere a Nantes avec monsieur de Rouen, quand le Valentin (Car ainsi communement appelloit on Cesar Borge, filz du pape Alexandre) s'emparoit de la Romagne. Car ainsi que le cardinal de Rouen me disoit, que les Italiens n'entendoyent rien a faire la guerre, ie respondis que les François ne congnoissoyent rien au maniment d'affaires : car s'ilz l'eussent entendu, ilz n'eussent pas laisse monter l'Eglise en telle grandesse. dequoy il me souvient que ie parlay quelquefoys à Nantes avec Monsieur le Cardinal d'Amboise, en la saison que la Romaigne estoit occupée par le Duc de Valentinois (car lon appelloit alors ainsi Cesar Borgia filz du Pape Alexandre). Tant que me disant ce Cardinal sur ce propos, que les Italiens n'entendoient rien au fait de la guerre : Ie luy fy responce au contraire, que les Françoys ne se congnoissent aucunement en affaires d'estat, parce que quand ilz s'y fussent entenduz, iamais n'eussent souffert, que l'Eglise fust parvenue a telle grandeur. Or parlay-ie de ceste matiere à Nantes avec monsieur de Roüen, quand le Valentin (car ainsi communement appelloit on Cesar Borge, fils du Pape Alexandre) s'emparoit de la Romagne. Car ainsi que le Cardinal de Roüen me disoit, que les Italiens n'entendoient rien à faire la guerre : ie respondy que les François ne connoissoient rien au maniment d'affaires : car s'ils l'eussent entendu, ils n'eussent pas laissé monter l'Eglise en telle grandeur.



Segment 49
Et per esperientia s'è visto che la grandeza in Italia di quella et di Spagna è stata causata da Francia, et la rovina sua è proceduta da loro.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Car l'on a veu par expérience que les Françoys ont esté cause que l'Église et le roy d'Hespaigne sont devenuz si grandz en Italie, et par iceulx mesmes ilz en ont esté chassez bien peu après, Ce qu'on a veu par experience, que de la puissance du Pape, et de celle d'Espagne les François en sont cause, et la ruine des François est venue de la. Et de fait il s'est veu par experience, que la puissance, qu'elle et les Espagnolz ont obtenue en Italie, a esté causée de la France : et depuis en recompense ilz ont esté occasion de la ruyne, et expulsion des Françoys. Ce qu'on a veu par experience, que de la puissance du Pape, & de celle d'Espagne les François en sont cause, & la ruine des François est venuë de là.



Segment 50
Di che si cava una regola generale, quale non mai o raro falla, che chi è cagione che uno diventi potente, rovina, perche quella potentia è causata da colui o con industria o con forza, et l'una et l'altra di queste due è sospetta a chi è divenuto potente.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
dont l'on peult tirer une reigle généralle qui ne fault jamais ou bien peu : c'est que celluy qui aggrandit ung aultre se destruict soy mesme. Pour ce que celluy qui donne secours à quelcun le faict ou pour tromper autruy, ou par contraincte, se voyant contrainct de ce faire pour parvenir à quelque sienne entreprinse. Lesquelz deux poinctz sont suspectz et mectent en craincte celluy qui par ces moyens est devenu puissant, dont il advient que par après il se mect en effort de le ruyner et de s'asseurer de luy. D'ou se peult tirer une reigle generale, qui ne faut iamais ou bien peu, cest que celuy, qui est cause qu'un autre devienne puissant, il se ruine luymesme, pource que ceste puissance est suscitee de luy, ou par esprit ou par force, et l'une et l'autre de ces deux est merveilleusement a doubter pour celuy qui est devenu puissant. De toutes ces choses lon peut tirer une regle generalle, qui ne reçoit iamais ou bien peu d'exception. C'est à sçavoir que si tu moyennes la puissance d'autruy, tu adnichilles le plus souvent la tienne : parautant que ceste grandeur s'acquiert par l'ayde de ton industrie, ou de ta force : lesquelles sont la parfin toutes deux suspectes a celuy, que tu as ainsi rendu puissant. D'où se peut tirer une reigle generale, qui ne faut iamais ou peu souvent, c'est que celuy qui est cause qu'un autre devienne puissant, il se ruine luymesme, pource que ceste puissance est suscitée de luy, ou par esperit ou par force & l'une & l'autre de ces deux est merveilleusement à redouter à celuy qui est devenu puissant.