Prologue

Titre
Niccolo Macchiavelli al Magnifico Lorenzo di Piero di Medici.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
NICOLAS MACCHIAVEL AU MAGNIFICQUE SEIGNEUR LAURENS FILZ DE PIERRE DE MEDICIS SALUT LE PRINCE DE NICOLAS MACHIAVELLE AU MAGNIFIQUE SEIGNEUR LAURENT DE MEDICIS. NICOLAS MACCHIAVELLI, au magnifique Laurens filz de Pierre de Medicis, Salut. le prince de nicolas Machiavel Au Magnifique Laurens Filz de Pierre de Medicis.



Segment 1
Sogliono il più de le volte coloro che desiderano acquistare gratia a presso un' Principe farseli innanzi con quelle cose che in tra le loro habbino più care, o de le quali vegghino lui più delettarsi; donde si vede molte volte esser' loro presentati cavagli, arme, drappi d'oro, pietre pretiose et simili ornamenti, degni de la grandeza di quelli.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Oyant, magnificque seigneur, que la plus part de ceulx qui veulent gaigner la grâce des princes communément se présentent à eulx avec quelque don des plus précieuses choses qu'ilz ayent, et principalement de celles qui luy sont plus aggréables et chères, dont le plus souvent leur donnent quelques braves chevaulx, belles armes, draps d'or, pierres précieuses, et aultres telz aornemens exquis et convénables à leur puissance. Ceux qui desirent entrer en grace de quelque Prince, ont coustume de luy presenter souventesfois les choses qu'il a plus a gre : ausquelles il voyent qu'il prent voluntiers plaisir. D'ou vient que bien souvent on luy fait presens de chevaux, armures, draps d'or, pierres precieuses, et de semblables ioyaux dignes de sa maieste. Ceux qui desirent acquerir faveur a l'endroit d'un Prince, ont volontiers de coustume faire leur entrée par presens de choses qu'ilz ont pour les plus cheres ; ou esquelles ilz le cognoissent prendre communement plus de plaisir. Au moyen de quoy lon voit maintesfois leur estre presentez chevaux, harnois d'armes, draps de soye, pierres precieuses, et semblables ornemens dignes de leur grandeur et magnificence. Ceux qui desirent acquerir la grace de quelque Prince, se presentent volontiers à luy avec les choses qu'ils tiennent plus cheres : ou ausquelles il voyent qu'il prend le plus de plaisir. D'où vient que bien souvent on leur void estre faits presens de chevaux, armes, draps d'or, pierres precieuses, & de semblables ornemens dignes de leur grandeur.



Segment 2
Desiderando io adunque offerirmi a la vostra Magnificentia con qualche testimone della servitù mia verso di quella, non ho trovato, intra la mia supellettile, cosa quale io habbi più cara o tanto stimi quanto la cognitione delle attioni delli huomini grandi, imparata da me con una lunga esperientia delle cose moderne, e una continua lettione delle antiche, la quale havendo io con gran diligentia lungamente escogitata et esaminata, et hora in uno piccolo volume ridotta, mando a la Magnificentia vostra.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
J'ay désiré pour ensuivre celle coustume me présenter à vostre magnificence avec quelque tesmoignage de mon debvoir. Et pource faire n'ay trouvé dans le cabinet de mes trésors chose de si hault pris, ne que j'estime tant, que la congnoissance des faictz des grands hommes, que j'ay apprise par une longue expérience des choses modernes, et par continuelle lecture des antiques. Laquelle par moy longuement pourpensée, et par le menu examinée à grande diligence finablement a esté réduicte en ung petit volume, lequel je me suis enhardy de vous présenter. Doncques ayant envie de vous faire la reverence avec quelque tesmoignage de mon affection, ie n'ay rien trouve parmy toutes mes hardes, que i'estime tant, comme la cognoissance des affaires des grands personnages, que i'ay apprise par une longue pratique des menees de nostre temps : et en lisant continuellement les histoires du passe. Laquelle congnoissance ayant d'une grande diligence trouvee, discourüe, et maintenant assemblee en ung petit livret, ie l'envoye a vostre magnificence. Moy doncq desirant m'offrir a vostre maiesté, avec quelque tesmoignage de mon obeissance envers icelle, ie n'ay trouvé entre toutes mes richesses, et besongnes chose que i'aye plus chere, ne que i'estime tant, que la cognoissance des affaires de grandz personnages, par moy apprise, moyennant une bien longue experience des choses modernes, et une continuelle leçon des antiques. Laquelle apres l'avoir par un long temps, et grande diligence examinée, et maintenant reduitte en un petit volume, i'ay bien voulu presenter a vostre maiesté. Desirant donques m'offrir à vostre Magnificence, avec quelque tesmoignage de ma servitude, ie n'ay rien trouvé parmy toutes mes hardes, que i'estime tant, que la connoissance des actions des grands personnages, laquelle i'ay aprise par longue experience des choses modernes & lecture continuelle des antiques, laquelle ayant par grande diligence pourpensée, examinée & ore reduitte en un petit volume, ie l'envoye à V. M.



Segment 3
Et benche io giudichi questa opera indegna della presenza di quella, nondimeno confido assai che per sua humanità gli debba essere accetta, considerato che da me non li possa essere fatto maggior' dono che darle facultà a potere, in brevissimo tempo, intendere tutto quello, che io in tanti anni, et con tanti mia disagi, et pericoli ho conosciuto, et inteso.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et combien que j'estime ceste oeuvre estre indigne de vous estre présentée, touteffoys j'ay seure espérance quelle vous sera aggréable, veu qu'à la vérité je ne vous puys faire plus grand don, que vous donner faculté de veoir en peu de temps toutes les notables choses, qu'en plusieurs années et avec grandz périlz, et continuelz travaux j'ay apprises et entendues. Et bien que ie pense ceste œuvre ne meriter pas de vous estre offert, toutesfois ie me confie que vostre humanite le doive trouver agreable, veu que ie ne sçaurois faire ung plus beau present, que donner le moyen de pouvoir en peu de temps sçavoir tout ce que i'ay en tant d'annees, et par tant de fascheries et dangiers entendu ou congneu. Et encores que l'oeuvre me semble bien indigne de comparoistre devant les yeus d'icelle, i'espere toutesfois, que vostre humaine bonté la vous rendra plus recevable ; consideré qu'il ne vous peut estre fait un plus precieux don de ma part, que vous fournir du moyen, par lequel en peu de temps vous pourrez entendre tout ce, que par l'espace de si longues années, avecque infinis malaises, et dangers ie me suis efforcé d'aprendre, et parfaittement cognoistre. Et combien que ie juge cette euvre indigne de luy estre presentée, si est-ce que ie n'assure sur son humanité qu'elle sera receuë d'elle en bonne part : Consideré que de mes mains ne luy peult sortir plus grand don que de luy bailler le moyen de pouoir entendre en bref temps ce que i'ay comprins par tant d'années avec grand travail & danger de ma personne.



Segment 4
La quale opera io non ho ornata ne ripiena di clausole ampie o di parole ampullose o magnifiche o di qualunche altro lenocinio o ornamento estrinseco, con li quali molti sogliono le lor' cose descrivere et ornare, perche io ho voluto o che veruna cosa la honori o che solamente la verità de la materia et la gravità del' sogetto la faccia grata.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Lequel traicté je n'ay point voulu parer de parolles braves et magnificques, ny d'aultre allichement ou aornement extérieur, dont plusieurs ont accoustumé de farder et gorgiaser leurs oeuvres, à celle fin qu'il n'y eut en icelluy chose qui le rendit honnoré et aggréable, sinon la gravité du subject et la vérité de la matière. Lequel œuvre ie n'ay point embelly ne rempli de grandes clauses, n'y de parolles enflees et magnifiques, ni de quelque autre apast, ou braveries non a propoz, desquelles plusieurs ont accoustume d'enrichir leurs façons : car i'ay voulu ou que rien que ce soit ou que la verite seule du subiect, et la gravite de la matiere le rendist aggreable. Ce que toutesfois ie n'ay point voulu orner, ne remplir de clauses amples, ou paroles enflées, et factueuses, ne l'enrichir d'autre parement exterieur, dont, plusieurs ont de coustume d'escrire, et embellir leurs oeuvres. Il me suffira seulement ou que mon livre n'ait rien du tout qui le recommande, ou que la seulle verité de la matiere, et gravité du subiet le face trouver bon. Or n'ay ie point enrichy ce livre, ne farcy de longues periodes, ne de mots sonnans & ampoulleus ou de quelque autre fard ou embellissement exterieur (dont plusieurs accoustrent leurs euvres) Car mon intention est ou que rien ne luy porte loz & honneur ou que seulement la verité de la matiere & gravité la rende recommandable.



Segment 5
Ne voglio sia riputata presuntione se uno huomo de basso et infimo stato ardisce discorrere et regolare e Governi de Principi; perche così come coloro che disegnano e paesi si pongano bassi nel' piano a considerare la natura de' monti, et de' luoghi alti, e per considerare quella de' bassi, si pongono alti sopra e monti, similmente a conoscer' bene la natura de Popoli bisogna esser' Principe et, a conoscer' bene quella de Principi, conviene esser' Popolare.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Pareillement je ne veulx que vous réputiez en moy aucune présumption et oultrecuydance, si je, qui suis home de petite estoffe et bas estat, entreprendz de discourir et donner reigle aux gouvernemens des princes. Car comme ceulx qui pourtrayent les paysages, se mectent bas à la pleine pour considérer la nature des haultz lieux montueux, et pour congnoistre celle des lieux bas ilz se mectent hault sur les montaignes, par mesme raison pour juger de la nature des peuples, il faut estre prince, et pour sçavoir quelle est celle des princes, il convient estre homme privé et populaire. Ie vouldrois bien aussi qu'on n'estimast point oultrecuidance si un homme de basse condition prent la hardiesse de reigler les gouvernemens des Princes : d'autant que tout ainsi comme ceulx qui veulent pourtraire ung paisage se mettent bas en la plaine pour considerer l'assiette des montaignes, et nature des lieux haults : et pour contempler le parterre des vallees et campaignes, ilz se mettent aux dessus des montaignes. Pareillement a congnoistre bien l'estat de la commune, il fault estre Prince : et pour mieux entendre la condition d'un Prince il fault estre du populaire. Et ne faut point que lon m'impute a presumption, si un homme de basse condition et qualité entreprend de discourir sur le reglement du fait des Princes : Car tout ainsi que ceux, qui iugent l'assiette d'un païs, descendent volontiers es plaines et bas lieux, pour considerer la nature des montaignes, et places eslevées : et pour contempler celles des bas endroitz, montent sur le haut des montaignes : Semblablement pour bien congnoistre le naturel des peuples, il faut estre Prince : et pour entendre celuy des Princes, il est necessaire d'estre du ranc du peuple. Aussi ne voudrois-ie pas qu'on m'imputast à presumption de ce qu'estant de petit & bas estat, i'ose bien discourir & reigler les gouvernemens des Princes. Car comme ceux qui pourtrayent un paysage se tiennent bas en la plaine pour contempler la nature des montaignes & lieux hauts, & montent sur icelles pour mieux considerer les lieux bas : semblablement pour bien connoistre la nature des peuples, convient estre Prince, & pour celle de Princes, estre du populaire.



Segment 6
Pigli adunque vostra Magnificentia questo piccolo dono, con quello animo che io lo mando; il quale se da quella fia diligentemente considerato et letto, vi conoscerà drento uno estremo mio desiderio che lei pervengha a quella grandeza che la Fortuna et le altre sua qualità gli prometteno.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Prenez donc en gré, monseigneur, ce petit don, et de tel couraige comme je le vous offre, lequel si vous lisez et considérez diligemment, vous congnoistrez en icelluy, ung mien ardent désir que vous parveniez à celle puissance que la fortune et voz aultres excellentes qualitez vous promectent. Doncques vostre magnifique Seigneurie reçoyve ce petit present de la mesme affection que ie luy congnoistrez une singuliere devotion que i'ay de vous veoir parvenu a ceste grandeur, que la fortune, voz bonnes qualitez et perfections vous promettent. Vostre Maiesté recevra doncq ce petit livret d'aussi bon cueur, que ie luy presente : lequel s'il est d'elle soingneusement leu et considere, facilement elle apparcevra dans iceluy un extreme mien desir, que i'ay de la voir quelque iour parvenir a celle grandeur, que la fortune et ses autres vertueuses qualitez luy promettent. Reçoive donc V. M. ce petit don de tel cueur que ie luy presente, lequel lisant & considerant diligemment, y appercevra dedans l'extreme desir que i'ay qu'elle parvienne à la grandeur que la fortune & ses autres qualitez luy promettent :



Segment 7
e se uostra Magnificientia dallo apice della sua alteza qualche uolta uolgerà gli occhi in questi luoghi bassi conoscerà quanto indegnamente io sopporti una grande, e continua malignità di Fortuna.
Jacques de Vintimille Guillaume Cappel Gaspard d'Auvergne Jacques Gohory
Et si quelque foys du hault de vostre grandeur, vous tournez voz pitoyables yeulx sur ces bas lieux de nostre pauvreté, par évidence vous congnoistrez combien indignement je supporte ceste perverse et continuelle malignité de fortune. Et si du sommet de vostre grandesse vous tournez quelquesfois les yeux icy bas vers moy, vous voirez que sans occasion ie supporte une grande et continuelle adversite de fortune. Et si du sommet de sa hauteur quelquefois elle tourne sa face vers ces bas lieux, elle congnoistra clairement, combien sans mon merite ie souffre de longue main un grand, et continuel maltraittement de fortune. & si Vostre Magnificence du comble de sa haultesse tourne quelquefois les yeux vers ces lieux bas icy elle coignoistra combien indignement je supporte une grande & continuelle malignité de fortune.